Mercredi 17 juin 2015 se tenait à Amiens le procès en appel de 9 opposants au projet de la « ferme des 1 000 vaches » en Picardie. Ils avaient été condamnés pour refus de tests ADN et vol de pièces du chantier de la laiterie qu’ils avaient amené à Le Foll. Le procureur a requis les mêmes peines et le tribunal rendra sa décision en septembre. L’occasion de revenir sur cette histoire : un projet aberrant d’un point de vue agricole et écologique. Et un projet spéculatif porté par un oligarque proche du PS.
Un projet aberrant sur le plan agricole et écologique
- Entassement d’un millier de vaches avec 1,5 m d’espace par animal
-> violation de la loi (article L214 code rural : « tout animal doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce »
- Bombe sanitaire créée par l’élevage intensif faisant proliférer les maladies, d’où des surtraitements pharmaceutiques (antibiotiquess systématiques…) se retrouvant dans le lait
- Dumping laitier : la ferme produira à terme 8 millions de litre de lait au prix cassé de 270 euros la tonne, alors que le cours actuel est à 350 euros la tonne.
-> cela va aggraver la crise du secteur laitier en faisant une concurrence déloyale aux plus petites exploitations et au lait de meilleure qualité. Or ceux-ci sont déjà fragilisés par la suppression des quotas laitiers depuis cette année suite à une décision de l’Union européenne validée par François Hollande.
- Gachis foncier : 3 000 hectares neutralisés pour permettre l’épandage de 40 000 tonnes de « digestat » issus de la méthanisation du fumier.
-> cela va entrainer une pollution massive aux nitrates avec un impact probable sur la baie de Somme
-> c’est aussi une perte de terres agricoles productives durables
Un projet spéculatif sans lien avec l’agriculture
- Le projet d’un oligarque du BTP ami du PS du Nord-Pas-de-Calais : Michel Ramery, 287eme fortune de France (120 millions d’euros). Il contrôle plus de marchés publics de la région que Vinci et Bouygues réunis.
- Un projet méthanier avant tout : la seule motivation financière est la méthanisation du fumier dans 2 cuves pour vendre le méthane à EDF de manière subventionnée
- Un projet pauvre en emplois : seulement 10 salariés pour 500 vaches officiellement, alors qu’avec le ratio de la moyenne des exploitations françaises (50 vaches) on serait à 35 emplois.
Un projet voyou
- Le site d’information écologique Reporterre a récemment révélé que la ferme-usine accueille 800 vaches alors qu’elle n’a obtenu l’autorisation d’en accueillir seulement 500 ! Le ministère de l’agriculture a été contraint d’ouvrir une enquête mais aucune sanction n’a encore été prise
- Déjà une condamnation pour construction illégale sur une réserve archéologique
Une mobilisation républicaine réprimée par le gouvernement
Face à ce projet dangereux et aux arrangements du responsable du projet avec la réglementation, les militants de la Confédération paysanne ont agi en lanceurs d’alerte. Ils ne doivent pas être condamnés en appel.
- Des actes de désobéissance civique pour défendre l’intérêt général :
– manifestation et occupation du site en 2013 et 2014 et démontage d’une partie du chantier
– un mouvement de boycott des marques achetant le lait des 1 000 vaches (Senoble a été contraint de renoncer à cette filière d’approvisionnement)
– une lutte voyant converger paysans, syndicalistes, riverains, consommateurs - Surenchère répressive contre les opposants :
– plusieurs gardes de vue de 48h pour le porte-parole de la Confédération Paysanne, Laurent Pinatel et les leaders des associations d’opposants
– des peines de prison avec sursis prononcées en première instance pour un vol symbolique de pièces - La ferme usine est soutenue par le ministre PS Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement et très proche de François Hollande ainsi que par la FNSEA. Et qu’en pense la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal ? En juillet 2014, elle critiquait le projet en ces termes : « les 1 000 vaches ce n’est pas notre modèle. Ce n’est pas notre modèle économique, ni notre modèle écologique. » Mais depuis, elle se tait ! Seuls les militants poursuivis et leur soutien défendent un modèle écologique et social pour une agriculture paysanne.
Pour aller plus loin
En librairie :
- Retrouvez la critique des fermes-usines venues d’Allemagne, aux pages 44-46 du dernier livre de Jean-Luc Mélenchon Le Hareng de Bismarck.
- Découvrez les propositions du Parti de Gauche pour l’agriculture dans le livre de Laurent Levard Pour une nouvelle révolution agricole, aux éditions Bruno Leprince.
Retrouvez les vidéos des Assises écosocialistes de l’agriculture organisée par le Parti de Gauche le 23 mai dernier à Paris, avec notamment la conclusion de Jean-Luc Mélenchon.