La Commission européenne continue de préparer le futur grand marché avec les États-Unis d’Amérique. Les discussions sur le futur Traité transatlantique se poursuivent. Comme elle l’avait déjà évoqué, la Commission européenne a confirmé ces jours-ci sa volonté de se passer d’une ratification par les Parlements nationaux. Plus que jamais, son intention est d’imposer ce traité au mépris de toute procédure démocratique.
La Commission européenne veut donc imposer ce traité sans vote des Parlements nationaux de chaque pays de l’Union européenne. Selon le traité de Lisbonne, la politique commerciale est une « compétence exclusive » de l’Union européenne. Les États donnent les orientations puis la Commission négocie les accords. En fin de parcours, le Parlement européen se prononce ainsi que les gouvernements des 28 pays, à la majorité. C’est la procédure dont la Commission rêve pour le Traité transatlantique. Mais entre ses rêves et la réalité, il y a un grand chemin.
Car le Traité transatlantique en préparation couvre un champ très large. L’objectif est de supprimer les droits de douane et d’harmoniser les réglementations entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne. Mais aussi de prévoir un mécanisme protégeant les intérêts des firmes transnationales en créant des tribunaux privés spécialement pour elles, appelés tribunaux d’arbitrage. On connait les grandes figures des dangers multiples de ce projet : arrivage de poulet au chlore, de bœuf aux hormones, porte ouverte aux OGM et course au moins disant social et écologique… J’ai déjà eu l’occasion de les pointer à de nombreuses reprises depuis 2009, époque où j’étais seul à parler de ce projet.
Il est ainsi probable que le Traité transatlantique ne relève pas seulement de la « compétence exclusive » de l’UE mais qu’il concerne aussi nombre de compétences toujours exercées par les États ou exercées en commun entre l’UE et les États. Dans ce cas, on parle d’un « accord mixte ». Or, les « accords mixtes » doivent non seulement être ratifiés par le Parlement européen et le conseil des gouvernements. Mais aussi par chacun des États-membres selon ses propres procédures. En France, un traité peut être ratifié par une simple loi votée au Parlement, mais aussi par référendum si le président de la République le décide ! Sans même penser à une telle procédure démocratique, la Commission européenne n’a aucune envie de jouer le Traité transatlantique à la roulette d’une ratification dans chacun des 28 pays. Car un seul vote « non », et tout serait bloqué !
Il y a donc une possibilité réelle pour bloquer ce traité. D’autant que sous la pression des opposants, le gouvernement français semble enfin se réveiller. Le secrétaire d’État au Commerce extérieur Mathias Fekl fait ainsi les gros yeux dans le Sud-Ouest de ce lundi 28 septembre. Ses moulinets sont probablement uniquement destinés à faire monter les enchères avant le prochain round de négociation. Mais ce que dit le ministre légitime nos critiques ! Sur la méthode d’abord. Il dénonce « un manque total de transparence et une grande opacité » dans les négociations. Il ajoute que cela « pose un problème démocratique » ! Il réclame que « les parlementaires (européens) [aient] accès aux documents, et ce ailleurs que dans des salles sécurisées de l’ambassade américaine comme c’est le cas jusqu’à présent » et regrette que « les parlementaires américains aient accès à un nombre de documents beaucoup plus important que les parlementaires européens ». Il aurait pu ajouter que les parlementaires nationaux sont, eux, totalement écartés.
Sur le contenu des négociations ensuite, le ministre français se plaint d’un manque de « réciprocité » de la part des États-Unis d’Amérique : « il y a trop d’asymétries, l’Europe a multiplié les offres, sur tous les sujets, et n’a reçu en contrepartie aucune offre sérieuse des Américains, ni pour l’accès à leurs marchés publics, ni pour l’accès aux marchés agricoles et agroalimentaires qui restent fermés ». Il ajoute : « nous ne sentons pas côté américain une prise en compte de nos souhaits sur les services, ni sur le problème que pose l’arbitrage par des tribunaux privés. La négociation doit absolument permettre à nos PME et à nos agriculteurs d’avoir accès au marché américain ». Il se fait même menaçant : « si rien ne change, cela montrera qu’il n’y a pas la volonté d’aboutir à des négociations mutuellement bénéfiques… La France envisage toutes les options, y compris l’arrêt pur et simple des négociations » !
Bigre, « l’arrêt pur et simple des négociations » ! Cela tombe bien, c’est exactement que nous réclamons. Depuis des années, le PS et la droite font avancer ce projet main dans la main dans les institutions européennes. En juin 2013, François Hollande a autorisé l’ouverture des négociations. Il a même donné son accord pour la négociation d’un mécanisme spécial pour protéger les intérêts des multinationales malgré un vote contraire du Parlement français. Depuis, le PS se cache derrière des formules creuses pour cacher son ralliement à ce système. Il fait de la « réciprocité » son seul argument contre le dumping social, écologique ou réglementaire. Et il s’abstient évidemment de critiquer la logique même du libre-échange comme nous le faisons en réclamant un protectionnisme solidaire. Cette comédie a assez duré. Les négociations doivent être interrompues au plus vite. C’est ce que nous réclamerons encore lors de la semaine d’action contre ce traité. Plusieurs marches anti-TTIP vont converger les 16 et 17 octobre à Bruxelles.