Ceux qui ne représentent qu’eux-mêmes, c’est le MEDEF ! J’ai traité le thème dans ma campagne présidentielle de 2012. On avait bien préparé l’argumentaire et j’ai déroulé mon raisonnement avec gourmandise, ce soir-là, à la tribune de Montluçon. La bande des « journalistes » qui me suivaient avec le seul but de me nuire en fabricant des buzz de circonstances aurait pu faire son numéro habituel « Melenchon éructe ses insultes contre le patronat et invective les entreprises ». Rien. Le sujet est tabou. Vous ne trouverez jamais nulle part une ligne sur le sujet, un documentaire, une « enquête de terrain », ni aucun des Bla Bla qui servent d’habitude pour « enquêter », « révéler », comme sur des sujets aussi importants que « islam et banlieue », « peut-on porter une kippa dans la rue ? », « doit on servir de la viande halal à la cantine ? », « islam et République» et autres grands thèmes des médias français.
Le Medef est une organisation dont l’existence même devrait être interpellée. Car qu’est-ce que le « patronat » français ? Est-on sûr qu’existe bien une catégorie sociale qui commence avec des auto-entrepreneurs à 1 000 euros par mois et comporte des salaires comme celui de Carlos Gonsh ? La preuve que rien n’est moins certain, c’est qu’il n’y a aucune élection organisée en France pour juger la représentativité des différentes organisations patronales ! Les syndicats de salariés sont, eux, soumis à des élections professionnelles tous les quatre ans. Un syndicat doit obtenir au moins 10% des voix dans l’entreprise et 8% au niveau de la branche ou au niveau national pour pouvoir négocier et signer des accords. Car il y en a plusieurs ! Le patronat a été exempté par l’UMP de la réforme de la représentativité des syndicats de 2008. Nous vivons désormais sous le régime d’un patronat de droit divin, qui n’a jamais à faire la preuve de sa représentativité. La question de la représentativité patronale est une zone de non droit. L’État reconnaît arbitrairement trois organisations « représentatives » (MEDEF, CGPME, UPA) sans aucun vote d’aucune sorte. Ces 3 organisations se partagent ainsi 700 000 mandats dans les organismes sociaux, sans aucune élection.
Pourtant, à peine 8% des entreprises sont membres d’une des trois organisations patronales reconnues (MEDEF, CGPME, UPA) selon une étude de la libérale Fondation Concorde de 2011. Et parmi ces trois organisations reconnues comme représentative, les gouvernements ont systématiquement tendance à donner une place prépondérante au MEDEF au détriment des patrons de petites entreprises de la CGPME et encore plus au détriment des artisans de l’UPA. Je ne dis pas qu’il est plus facile de négocier avec ces deux organisations qu’avec le MEDEF. Mais au moins représentent-elles des chefs d’entreprises qui travaillent réellement et ne se contentent pas de défendre les intérêts des actionnaires du CAC40 comme le MEDEF.
Le MEDEF est une coquille vide. Il prétend avoir 750 000 adhérents sur plus de 3 millions d’entreprises recensées par l’INSEE. Mais ce chiffre est très largement surévalué. Michel Offerlé, politiste à l’Ecole normale supérieure, a croisé les annuaires du MEDEF et les données de l’INSEE. Selon ses calculs, le MEDEF représente à peine entre 3% et 10% des employeurs du pays. Il compterait entre 111 000 et 334 000 adhérents.
Des pans entiers de l’économie ne sont pas représentés par le MEDEF ni par les deux autres organisations patronales prétendument représentatives. C’est par exemple le cas des professions libérales (avocats, médecins…). Elles représentent pourtant près d’une « entreprise » sur quatre en France et embauchent de nombreux collaborateurs, secrétaires etc. Il en va de même des entreprises de l’économie sociale : ces 800 000 entreprises coopératives, mutuelles ou associations emploient 2 millions de salariés. Mais ces deux secteurs sont exclus de la représentativité patronale et ne peuvent participer aux négociations interprofessionnelles. Ceux qui veulent débattre de la représentativité des syndicats feraient mieux d’y réfléchir à deux fois. Nous y sommes prêts. Mais ce ne sont pas les syndicats de salariés qui ont le plus de souci à se faire !
D’ailleurs nous n’avons peur de personne. Et certainement pas de ceux qui veulent nous faire taire. Il paraît qu’un syndicat patronal a décidé de porter plainte contre moi. Il me reproche des « incitations à l’agression et un discours de haine, systématiquement dirigé contre les chefs d’entreprises » et considère que mes propos « nuisent à la sécurité des chefs d’entreprises ». Je ne crois pas que ces gens représentent grand monde. Les véritables chefs d’entreprises comprennent les salariés qui défendent becs et ongles leurs emplois. Ils savent y lire l’amour du travail bien fait et de l’entreprise comme collectif de travail. Ce syndicat essaye juste de faire sa publicité sur mon dos. Je le comprends. Comme le système de la représentativité des organisations patronales est totalement opaque et oligarchique, les petites organisations doivent redoubler d’effort pour exister. Mais cela n’excuse pas tout.
Cette organisation prétend représenter les patrons de très petites entreprises. Ils feraient mieux de réfléchir à mes propositions plutôt que de hurler avec les meutes des bien-pensants amis du CAC40. Combien de TPE du commerce ou du BTP se porteraient mieux avec la politique de relance de l’activité par la consommation populaire et l’investissement public que je propose ? Combien de TPE meurent étouffées par les banques et seraient bien contentes d’accéder à des crédits moins chers et plus faciles à obtenir auprès du pôle public bancaire que je propose de créer ? Combien de TPE se réjouiraient de bénéficier d’un escompte à 0% comme je l’ai proposé dans la campagne de 2012 ? Combien de TPE souffrent de la concurrence déloyale du système de travailleurs détachés contre lequel j’ai été le seul à voter au Parlement européen en 2014 ? Sur ces sujets, le patronat officiel est bien silencieux… Jusqu’à ce qu’un petit patron aille arracher sa chemise à son banquier ou au ministre de l’Économie ?