Vu sur le blog d’Alexis Corbière
Depuis dimanche, les paroles du dirigeant du PS Julien Dray, Secrétaire national à « l ‘Alliance populaire » (quésaco ?), rapportées sur ce blog ont produit un certain effet dans le landernau. Ce nouveau billet de blog sur le même sujet, est là pour préciser les détails de certaines choses.
Pourquoi tant de haine contre le PG ?
D’abord, ni moi, ni mes amis, n’ont rien de personnel contre Julien Dray. Sortons de ces commentaires faciles que j’ai pu lire ici ou là. Je ne règle aucun compte. Je n’ai jamais été son intime et il le sait. Je ne déterre donc aucun « vieux dossier » à des fins personnelles et mesquines. Mon désaccord avec lui, brûlant d’actualité, est politique, 100 % politique. Rien d’autre. Les mises au point que je juge utiles de faire ici s’inscrivent dans une volonté d’apporter des réponses au nouveau secrétaire national du PS, conformément aux moyens qu’il s’est donnés et aux buts qu’il veut atteindre. En un mot, je mets en relief sa posture. J’observe à grand regret, que depuis quelques mois, et particulièrement depuis qu’il a hérité de ce drôle de titre à « l’Alliance populaire » lors du récent congrès du PS, Julien Dray est devenu particulièrement agressif contre le Parti de Gauche et Jean Luc Mélenchon tout précisément. D’abord, comme pour d’autres de mes camarades, cela m’a surpris. Cela débute au cœur de l’été dans le Figaro du 16 juillet dernier. Il y déclare alors avec une certaine fougue : «Mélenchon est un obstacle au rassemblement politique de la gauche, il doit donc être traité comme un obstacle». Bigre. Menaçant, il ajoute en faisant référence à son livre précédent «La faute politique de Jean Luc Mélenchon » (pour relire ce qu’en pensais, cliquer ici) : «Au moment d’écrire mon bouquin, j’ai retenu mes coups. Cette fois, c’est terminé!». Nous étions donc prévenus. Manifestement, nous gênons le PS dans son opération de rassemblement autour du seul candidat Hollande en 2017. Le message est passé. Dont acte.
Le nouveau « point godwin » de Dray : syndicaliste en colère = terroriste
Depuis, chaud comme la braise, et tout à sa tâche, Julien Dray ne cesse de répéter pis que pendre contre Jean-Luc Mélenchondevant divers interlocuteurs. C’est lui le meilleur diplômé en « démélenchonisation ». Certains journalistes rapportent parfois bien des propos peu plaisants. Dimanche, invité du Supplément de Canal +, il était là uniquement pour apporter la « riposte » à la prise de position remarquée de Jean-Luc (au micro de RMC chez Jean-Jacques Bourdin) en soutien aux salariés d’Air France. Dès lors, sourcils froncés, dos vouté, sans nuance, sur le plateau de Canal, Dray attaque : «Quand on commence à arracher la chemise, après on va casser la gueule. Après qu’on a cassé la gueule, on enlève ou on exécute. Ça s’est déjà passé dans l’histoire. Pour toutes les générations qui sont là et qui applaudissent: en 1970-71, l’extrême gauche s’est posée la question de la violence. Et l’Italie, par exemple, a basculé dans le terrorisme».
Beurk ! Le procédé intellectuel est ici indécent. Quoi que l’on pense de la façon dont les salariés d’Air France ont exprimé leur colère ce jour là, le raisonnement « marabout- bout de ficelle » utilisé par Dray est un adieu à tout réflexe de gauche. Le nouveau « point godwin » du débat politique solférinien. Dray ose comparer des salariés en colère avec des terroristes, ou même avec des potentiels staliniens ou des nazis qui seraient prêts demain à exécuter leurs opposants. J’en suis sidéré. Selon lui, si vous explosez de colère quand un patron ou un DRH annonce une nouvelle charrette de 2 900 suppressions de postes (qui fait suite 4 ans avant à 8 000 suppressions) c’est que vous êtes un proto-fasciste. Une brute et un tueur sommeillent en vous. On croyait ce genre d’injures réservées au pire réactionnaire, au plus obtus, au plus caricatural des représentants du Medef. Et puis, sur la violence de l’extrême gauche des années 70, que Dray fasse sa propre psychanalyse d’ex-militant de la LCR ces années-là. Je ne me sens pas concerné. Comme je l’évoquais dans un précédent billet, même lors des pires violences du 21 juin 1973, François Mitterrand rencontrait Alain Krivine (le dirigeant de la Ligue Communiste à l’époque) quelques minutes avant son arrestation. Il ne le traitait pas de « voyou ». A bon entendeur…
Des menaces inquiétantes contre le salariat en lutte
Mais, selon moi, le pire vient après. Entrainé dans sa fougue, Julien Dray ajoute sur Canal + avec son style inimitable : « Quand un dirigeant politique de la qualité de Jean-Luc Mélenchon dit aux gens continuez, refaites cela, en face, on s’armera aussi, on durcira les lois, on enverra en prison ». Quand je l’ai entendu la première fois, j’ai été estomaqué. Mais qui est ce « on », qui sonne comme un « on » inclusif dans lequel il faudrait compter Dray lui même et ses camarades de parti ? Le Secrétaire national du PS ne dit pas « en face, ils s’armeront aussi, ils durciront les lois, ils enverront en prison ». Non. Il dit « on ». C’est menaçant et terrifiant. Dray se souvient-il que ceux qui sont majoritaires à l’Assemblée nationale et en capacité de durcir les lois, ce sont ses amis du PS et personne d’autre ? Alors pourquoi cette menace ?
En 2009, Julien Dray était bien sûr au courant qu’il était enregistré, rien n’a été volé et le bloggeur Politeeks l’avait déjà mis en ligne
Mais il est désormais temps de revenir à cet enregistrement des paroles de Julien Dray dans lequel il considère notamment de MM. Bartolone et Cambadélis sont des « fainéants » et des « manipulateurs », et qui a tant fait parler de lui. Entendu que désormais tous les acteurs ont dit les choses publiquement, je peux revenir sur cet épisode. Contrairement, à certaines bêtises qui ont été dite, au premier rang desquelles je range celle de M. Jean-Michel Apathie, célèbre journaliste multifonctions désormais à Europe 1, qui sans aucune vérification, ni même goût pour le détail, s’est permis de dire sur tweeter que nous faisions le caniveau et que nous avions volé un enregistrement. Non, monsieur Apathie. Encore raté. Dans cette affaire rien n’a été volé.
Il est temps de rendre à César ce qui est à César, et au bloggeur politeeks ce qui est à lui. Depuis hier, il raconte avec précision les faits. C’est lui qui a réalisé ce document. Vous pouvez l’écouter en cliquant là. Cet enregistrement a été effectué le 25 juillet 2009, lors d’une réunion réunissant plusieurs des meilleurs blogueurs réputés et respectables (le pertinent Vogelsong, l’excellent SarkoFrance, etc…) qui s’étaient pour certains engagés dans la campagne de Ségolène Royal de 2007 (mais pas tous) et des journalistes/bloggeur comme Guy Birenbaum. Julien Dray ne peut ignorer que ses propos sont enregistrés et qu’ils vont même être rapportés. C’est même le but implicite de cette rencontre. Le plus drôle est donc qu’il n’y avait pas de vrai scoop dans mon billet précédent. Plusieurs bloggeurs rendront compte de cette longue conversation. L’enregistrement intégral a même je crois été mis en ligne à l’époque (en 2010) sans que curieusement cela ne soit trop remarqué. Mais, il faut dire qu’à l’époque, Julien Dray est un peu « tricard » au PS après les différents épisodes délicats qu’il avait traversés. Ses camarades préféraient banaliser ses paroles. Ses déclarations intéressaient peu de monde et, de plus, l’univers du blog est trop souvent méprisé, à tort. Mais j’insiste sur un point : aucun propos n’a été volé de ma part et je répète avec force insistance que c’est le bloggeur politeeks qui fut le maitre d’œuvre de tout cela à l’époque et je l’en remercie (même si je ne connais pas ce monsieur et ses opinions politiques, je respecte seulement son travail). Il ne s’agissait donc pas de « off » qui devait rester secret. Dès le début de l’enregistrement, à la 46e seconde, l’auteur de l’enregistrement fait un test de micro en interrogeant très distinctement sa machine : « Là ça marche ? ça enregistre ou pas ? ». Tu parles donc d’un « voleur »… Pas très discret le type. Puis, une fois ces vérifications terminées, il pose manifestement son appareil enregistreur à proximité de Dray qui n’y voit rien à redire. Est-ce clair ?
Cette interview a longtemps été publique, utilisée dans différents articles. Mais, elle est tombée dans l’oubli. Mon rôle, à travers le seul média que je contrôle c’est à dire mon blog personnel, fut de la remettre depuis dimanche à la lumière médiatique comme n’importe quel autre journaliste peut le faire. Tout cela, Julien Dray le sait et c’est la raison pour laquelle il n’a pas réagi publiquement à mon billet de blog en criant au vol ou je ne sais quel prétexte. Il a seulement « oublié » qu’en 2009 il ne disait pas publiquement la même chose sur ceux pour lesquels désormais il entend faire profession de « cogneur anti-PG ». C’est ballot.
Un extrait d’une longue interview de près de deux heures
Le document que l’on peut désormais écouter en toute tranquillité sur le blog de Politeeks en intégralité est assez exceptionnel. Il nécessite néanmoins du temps pour s’en imprégner. Il dure précisément 1 heure et 52 minutes durant lesquelles Julien Dray s’exprime avec verve et souvent avec intelligence et humour sur beaucoup de sujets : le PS, la Ve République, ses affaires judiciaires, l’alliance avec François Bayrou, l’ouverture faite par Sarko, ses relations avec Mitterrand, son jugement de Ségolène Royal, la gauche, etc…
La direction du PS de 2009 : « une bande d’hypocrites », « une caste », « une génération gâtée », « épuisée »
J’ai donc extrait, en les recopiant, quelques bons passages dans cette interview fleuve et j’invite chacun à aller vérifier si ma retranscription est la bonne ou si elle manque de précision. Commençons par le début. A propos de la direction du PS du moment (à l’époque essentiellement Aubry, Bartolone, Cambadélis et Hamon..), il déclare qu’ils sont : « une bonne bande d’hypocrites » (6 mn 7 sec.). Il précise « Eux, c’est une caste, c’est ce que j’appelle la génération gâtée des enfants du mitterrandisme »« Ils n’ont jamais rien eu qui ne leur a été donné » ou encore : « Ils n’ont aucune connaissance du mouvement ouvrier. C’est pour cela qu’ils se comportent comme ils se comportent aujourd’hui, tous, Martine Aubry, Ségolène Royal, Laurent Fabius.. .» (6 mn 41 sec.). « Ils n’ont rien à dire » (13 mn 55 sec). Pour lui, parlant encore du PS, il en est sûr : « ce qui est mort, c’est un parti » (14 mn 40 secondes)
Toujours très remonté contre la direction de son parti, Dray affirme « Cette génération est épuisée, elle doit partir, on pousse, on les harcèle… » (17e mn). Un des blogueurs l’interroge si il dit la même chose lors de ses campagnes électorales. Oui, assure Julien : « Aux électeurs, je leur ai dit : si vous continuez avec ces gens là, vous irez de défaite en défaite… », « Pour faire du neuf, il faut en finir avec le vieux ». « Il faut une refondation, un nouveau parti » (21e mn).