La vérité c’est que j’aime bien aller au « Grand Jury », l’émission de RTL avec le Figaro et LCI. En effet, sa rivale avec Europe 1, Le Monde et I-Télé est un traquenard connu de tous, comme a pu le constater Cécile Duflot quand elle a accepté d’y aller. Il faut supporter d’y être interrompu environ toutes les dix ou vingt secondes par Jean-Pierre Elkabbach et d’une façon pas toujours très respectueuse. Cette fois-ci, il y a eu aussi un peu de confusion pour ce « Grand Jury ». D’expérience, j’attribue la responsabilité de la situation aux deux messieurs de la presse car ils ne respectaient pas les invités et le pilotage de l’organisatrice du débat, ce qui contribua à désarticuler la séquence.
Machisme ou perte de sang froid ? Pris dans l’excitation du débat, ils se mirent aussi à m’interrompre en rafale, explosant le temps prévu pour chaque séquence jusqu’au point où toute la séquence internationale prévue a tout simplement disparu. De son, côté madame Martichoux, de RTL, participait volontiers au jeu de massacre en me posant des questions psychologisantes dont le moindre connaisseur sait qu’elles ne peuvent avoir de réponse sensée : « n’êtes-vous pas dans le déni de réalité ? », comme c’est devenu la mode de le demander dans ce français approximatif qui donne un parfum de sciences psy à ce qui n’est qu’un barbarisme maniéré. Rions un peu. Supposons que je dise « oui, je suis dans le déni », cela montrerait du seul fait que je le dise que je n’y suis plus… Supposons que je dise « non », pourquoi me poser la question ? Pourquoi ? Parce que ce n’est pas une question ! C’est juste une appréciation politique emballée dans un papier cadeau interrogatif.
L’émission fut riche de ce genre de situations. C’est ainsi qu’un type aussi intelligent que Jakubyszyn, de TF1, a pu s’abaisser à me comparer à Mao Zedong et me dire que créer un million d’emplois de paysans c’est vouloir « déporter la population des villes vers les champs ». Et Guillaume Roquette, du Figaro Magazine, qui n’est quand même pas un simple d’esprit, se risque à décrire ma politique de l’échelle de salaires de un à vingt ou ma proposition de « paiement de l’impôt par tous les Français où qu’ils soient dans le monde » d’invention d’une « société de contraintes et d’interdictions ». Sur le moment, ça m’amuse beaucoup, je dois le dire. Car si l’auditeur moyen ne supporte pas le brouhaha des interruptions, ceux qui y survivent écoutent par intérêt et exigence intellectuelle. Ce public informé ne donne pas l’avantage à ceux qui se livrent à des caricatures aussi malveillantes de leur invité. Ce qui est perdu en temps informatif est donc gagné en mépris pour les médias officiels et c’est toujours bon à prendre puisque c’est aussi un c’est un des objectifs permanent du combat.
Une fois posé ce coup d’œil goguenard, pour le reste, l’émission m’a permis de développer mes idées et c’est bien pourquoi j’ai accepté l’invitation. Les sujets sensibles étaient heureusement à l’ordre du jour. Elisabeth Martichoux avait rompu avec la mode en plaçant en tête d’émission les questions sociales, ce qui est assez rare pour être salué comme une marque de respect pour les auditeurs. La dose de « lepenerie » a été, elle aussi supportable, en ne recueillant que deux questions politiciennes sur trois. Un score très honorable par les temps qui courent. Le traitement médiatique des reprises se concentra sur mon appréciation à propos de notre système fiscal. Pourquoi pas.
Mon regret est qu’à cette heure-là ma dénonciation du racket des personnes en situation de handicap n’ait pas eu l’écho rencontré par celle des veuves et des bénéficiaires de la demi-part d’impôt supprimée par Sarkozy. Sur le plateau, personne ne réagit non plus. Le sujet c’était les impôts locaux et l’affaire des demi-parts. J’introduis quand même, presque en contrebande, le sujet de « l’Allocation pour les adultes handicapés ». On m’écoute. Il ne se passe rien. Pas de relance, pas de reprise. Ce n’est pas le sujet du jour pour l’appétit médiatique. La « gôche » en train de faire les poches des personnes en situation de handicap, c’est tout de même la touche finale de ce qu’est cette mandature glauque ! Il ne manque plus que des actions contre les orphelins et les mutilés pour finir le portrait moral de ce gouvernement. J’ai donc repris l’affaire en faisant tourner un extrait de mon intervention sur ce thème. Depuis, le gouvernement a cédé. La presse est là, le sujet tourne. Il est vrai que l’action des associations et la pétition lancée ont été décisives.
Économies sur les allocations aux handicapés : « Une mesure cr…
Économies sur les allocations aux handicapés : « Une mesure cruelle et stupide ! »Le gouvernement a décidé de diminuer l'aide aux personnes en situation de handicap tirant des intérêts de leur livret d'épargne. Une situation dénoncée par Jean-Luc Mélenchon au cours d'une émission sur RTL. Partagez cette vidéo pour faire connaître cette mesure invraisemblable et signez la pétition de l' Association des Paralysés de France pour demander son retrait : chn.ge/1l6iVbc
Posté par Jean-Luc Mélenchon sur mardi 3 novembre 2015
Mais tout cela est tellement significatif. Souvenons-nous de la froide indifférence de toute la sphère médiatique à la manifestation des retraités du 1er octobre. L’action culminait après des semaines d’alerte donnée par tous les syndicats sans exception sur ce qui se passait comme grignotage et effet de bascule pour les petites pensions. Rien. Il ne s’est rien passé. Comment est-ce possible ? La plupart des médias n’ont plus de rubrique sociale et s’ils en ont une, elle est confiée à des catéchistes libéraux qui ne connaissent que les « charges sociales » le « coût du travail », le « conservatisme syndical » et ainsi de suite. Pour eux, les alertes syndicales n’en sont pas. Elles ne peuvent être que des partis pris sans contenu informatif puisque c’est ainsi qu’eux-mêmes pratiquent. Ils se coupent d’une source d’information essentielle, légitime et souvent très documentée. Dès lors, du fait de leur parti pris idéologique, tous les trains sans exceptions leur passent sous le nez. Ils ne peuvent donc rien voir venir. Ce n’est pas leur sujet d’ailleurs. Leur travail n’est pas du journalisme d’information mais du journalisme d’opinion.
C’est ce que vient d’illustrer la situation sur ces deux affaires récentes ! Ici, le fait politique aura été « souterrain » de bout en bout. Tout s’est joué sur les réseaux sociaux, continent informatif « immergé ». Pétition et explications ont été relayées par les uns et les autres des dizaines de fois sur la toile. Elles ont fini par percer le mur des permanences des députés. Mais pas ceux des médias. Puis ils s’y sont mis à leur tour, après tout le monde. Encore faut-il dire qu’il ne s’agissait pas d’une prise de conscience d’un fait social mais d’un appétit morbide pour une nouvelle embrouille arrivant au gouvernement (« le retour de couacs » ?) et au PS ! Les médias « émergés » n’ont donc joué aucun rôle. Et quand l’info est passée sous la lumière, ceux qui regardaient n’ont pourtant rien vu. Une leçon importante pour la suite dans la bataille de l’arène médiatique. On peut en tirer des idées. En politique, « les émergés » jouent le tripartisme. On peut les contourner et les laisser jouer entre eux. Nous verrons bientôt comment.