Ce post prolonge le précédent dont nombre des chapitres continuent à vivre dans les rubriques « à chaud », « à fond » et « à froid » qui tournent à la une de cette nouvelle formule de mon blog. Certains passages ont été publiés sur ma page Facebook, au fil de l’actualité. Cette interaction des instruments de réseaux sociaux est l’un des objectifs du renouvellement de mes outils de prise de parole.
Ici je raconte mon passage au « Grand Jury » RTL/LCI/Le Figaro. Et je montre comment l’information sociale passe sous les radars médiatiques dans notre pays. Puis j’évoque la fameuse campagne d’intox selon laquelle « la situation s’améliore » en France.
Ensuite je traite des étranges tendresses dont bénéficie madame Le Pen devant certains tribunaux. Si ces jugements font jurisprudence, vous pouvez dorénavant insulter sans retenue tous ceux qui prient dans la rue, quelle que soit leur religion, et les comparer à des occupants nazis, mais aussi éditer de faux tracts avec le logo de vos adversaires. Comment en est-on arrivé là ? Etrange silence du garde des Sceaux. Tout cela au moment où deux sénateurs FN proposent d’interdire aux juges le droit de se syndiquer.
Pour finir j’analyse sur la politique française en Syrie et en Turquie.
La vérité c’est que j’aime bien aller au « Grand Jury », l’émission de RTL avec le Figaro et LCI. En effet, sa rivale avec Europe 1, Le Monde et I-Télé est un traquenard connu de tous, comme a pu le constater Cécile Duflot quand elle a accepté d’y aller. Il faut supporter d’y être interrompu environ toutes les dix ou vingt secondes par Jean-Pierre Elkabbach et d’une façon pas toujours très respectueuse. Cette fois-ci, il y a eu aussi un peu de confusion pour ce « Grand Jury ». D’expérience, j’attribue la responsabilité de la situation aux deux messieurs de la presse car ils ne respectaient pas les invités et le pilotage de l’organisatrice du débat, ce qui contribua à désarticuler la séquence.
Machisme ou perte de sang froid ? Pris dans l’excitation du débat, ils se mirent aussi à m’interrompre en rafale, explosant le temps prévu pour chaque séquence jusqu’au point où toute la séquence internationale prévue a tout simplement disparu. De son, côté madame Martichoux, de RTL, participait volontiers au jeu de massacre en me posant des questions psychologisantes dont le moindre connaisseur sait qu’elles ne peuvent avoir de réponse sensée : « n’êtes-vous pas dans le déni de réalité ? », comme c’est devenu la mode de le demander dans ce français approximatif qui donne un parfum de sciences psy à ce qui n’est qu’un barbarisme maniéré. Rions un peu. Supposons que je dise « oui, je suis dans le déni », cela montrerait du seul fait que je le dise que je n’y suis plus… Supposons que je dise « non », pourquoi me poser la question ? Pourquoi ? Parce que ce n’est pas une question ! C’est juste une appréciation politique emballée dans un papier cadeau interrogatif.
L’émission fut riche de ce genre de situations. C’est ainsi qu’un type aussi intelligent que Jakubyszyn, de TF1, a pu s’abaisser à me comparer à Mao Zedong et me dire que créer un million d’emplois de paysans c’est vouloir « déporter la population des villes vers les champs ». Et Guillaume Roquette, du Figaro Magazine, qui n’est quand même pas un simple d’esprit, se risque à décrire ma politique de l’échelle de salaires de un à vingt ou ma proposition de « paiement de l’impôt par tous les Français où qu’ils soient dans le monde » d’invention d’une « société de contraintes et d’interdictions ». Sur le moment, ça m’amuse beaucoup, je dois le dire. Car si l’auditeur moyen ne supporte pas le brouhaha des interruptions, ceux qui y survivent écoutent par intérêt et exigence intellectuelle. Ce public informé ne donne pas l’avantage à ceux qui se livrent à des caricatures aussi malveillantes de leur invité. Ce qui est perdu en temps informatif est donc gagné en mépris pour les médias officiels et c’est toujours bon à prendre puisque c’est aussi un c’est un des objectifs permanent du combat.
Une fois posé ce coup d’œil goguenard, pour le reste, l’émission m’a permis de développer mes idées et c’est bien pourquoi j’ai accepté l’invitation. Les sujets sensibles étaient heureusement à l’ordre du jour. Elisabeth Martichoux avait rompu avec la mode en plaçant en tête d’émission les questions sociales, ce qui est assez rare pour être salué comme une marque de respect pour les auditeurs. La dose de « lepenerie » a été, elle aussi supportable, en ne recueillant que deux questions politiciennes sur trois. Un score très honorable par les temps qui courent. Le traitement médiatique des reprises se concentra sur mon appréciation à propos de notre système fiscal. Pourquoi pas.
Mon regret est qu’à cette heure-là ma dénonciation du racket des personnes en situation de handicap n’ait pas eu l’écho rencontré par celle des veuves et des bénéficiaires de la demi-part d’impôt supprimée par Sarkozy. Sur le plateau, personne ne réagit non plus. Le sujet c’était les impôts locaux et l’affaire des demi-parts. J’introduis quand même, presque en contrebande, le sujet de « l’Allocation pour les adultes handicapés ». On m’écoute. Il ne se passe rien. Pas de relance, pas de reprise. Ce n’est pas le sujet du jour pour l’appétit médiatique. La « gôche » en train de faire les poches des personnes en situation de handicap, c’est tout de même la touche finale de ce qu’est cette mandature glauque ! Il ne manque plus que des actions contre les orphelins et les mutilés pour finir le portrait moral de ce gouvernement. J’ai donc repris l’affaire en faisant tourner un extrait de mon intervention sur ce thème. Depuis, le gouvernement a cédé. La presse est là, le sujet tourne. Il est vrai que l’action des associations et la pétition lancée ont été décisives.
Économies sur les allocations aux handicapés : « Une mesure cr…
Économies sur les allocations aux handicapés : « Une mesure cruelle et stupide ! »Le gouvernement a décidé de diminuer l'aide aux personnes en situation de handicap tirant des intérêts de leur livret d'épargne. Une situation dénoncée par Jean-Luc Mélenchon au cours d'une émission sur RTL. Partagez cette vidéo pour faire connaître cette mesure invraisemblable et signez la pétition de l' Association des Paralysés de France pour demander son retrait : chn.ge/1l6iVbc
Posté par Jean-Luc Mélenchon sur mardi 3 novembre 2015
Mais tout cela est tellement significatif. Souvenons-nous de la froide indifférence de toute la sphère médiatique à la manifestation des retraités du 1er octobre. L’action culminait après des semaines d’alerte donnée par tous les syndicats sans exception sur ce qui se passait comme grignotage et effet de bascule pour les petites pensions. Rien. Il ne s’est rien passé. Comment est-ce possible ? La plupart des médias n’ont plus de rubrique sociale et s’ils en ont une, elle est confiée à des catéchistes libéraux qui ne connaissent que les « charges sociales » le « coût du travail », le « conservatisme syndical » et ainsi de suite. Pour eux, les alertes syndicales n’en sont pas. Elles ne peuvent être que des partis pris sans contenu informatif puisque c’est ainsi qu’eux-mêmes pratiquent. Ils se coupent d’une source d’information essentielle, légitime et souvent très documentée. Dès lors, du fait de leur parti pris idéologique, tous les trains sans exceptions leur passent sous le nez. Ils ne peuvent donc rien voir venir. Ce n’est pas leur sujet d’ailleurs. Leur travail n’est pas du journalisme d’information mais du journalisme d’opinion.
C’est ce que vient d’illustrer la situation sur ces deux affaires récentes ! Ici, le fait politique aura été « souterrain » de bout en bout. Tout s’est joué sur les réseaux sociaux, continent informatif « immergé ». Pétition et explications ont été relayées par les uns et les autres des dizaines de fois sur la toile. Elles ont fini par percer le mur des permanences des députés. Mais pas ceux des médias. Puis ils s’y sont mis à leur tour, après tout le monde. Encore faut-il dire qu’il ne s’agissait pas d’une prise de conscience d’un fait social mais d’un appétit morbide pour une nouvelle embrouille arrivant au gouvernement (« le retour de couacs » ?) et au PS ! Les médias « émergés » n’ont donc joué aucun rôle. Et quand l’info est passée sous la lumière, ceux qui regardaient n’ont pourtant rien vu. Une leçon importante pour la suite dans la bataille de l’arène médiatique. On peut en tirer des idées. En politique, « les émergés » jouent le tripartisme. On peut les contourner et les laisser jouer entre eux. Nous verrons bientôt comment.
Amusant. La preuve que la politique économique de Hollande ne marche pas nous est donnée par l’analyse du contenu des « bons résultats » économiques (quand on nous dit qu’il y en a). Voyons cela. Supposons que nous croyons sans discussion à ce qui nous est dit. Tout le monde a déjà entendu parler des « signes de la reprises » que donnerait l’activité économique de notre pays. Bien sûr, celle-ci est confondue avec l’évolution des indicateurs de croissance, indicateurs absurdes et anti-écologiques s’il en est.
Faisons pourtant semblant de croire que ce serait pertinent. Que voit-on en analysant les chiffres qui nous sont communiqués ? Que si la croissance s’améliore c’est parce que la consommation des ménages s’améliore. Certes, c’est une progression extrêmement faible. Mais peu importe. Mais pourquoi la consommation des ménages s’améliore-t-elle ? Parce que, nous disent les commentateurs, « il y a une progression du pouvoir d’achat ». Génial ! Donc quand ça s’arrange c’est parce que les gens peuvent dépenser ! Le contraire de la politique d’austérité et de baisse des salaires prônée par Bercy et le MEDEF ! Autrement dit, quand on pratique notre modèle économique, même un tout petit peu, ça va aussitôt mieux !
« Attention, nous dit-on, c’est une croissance trop faible ». C’est évident. Pourquoi si faible ? Voyons de près. Selon les mêmes analystes, il en est ainsi parce que l’investissement est très faible. Pourquoi ? Parce que l’État et des collectivités font des coupes claires dans leurs budgets. Or, ce sont l’État et les collectivités locales qui ont toujours été les premiers investisseurs du pays et non le capital privé des mendiants de subventions publiques du type Gattaz et CAC 40 ! Deuxième moteur essoufflé : l’investissement des ménages, c’est-à-dire essentiellement celui pour le logement. Et cela alors même que les taux sont très bas et que la Banque centrale européenne fait couler un maximum d’argent dans le système sanguin bancaire.
Sur le terrain on voit ça de près quand il s’agit d’obtenir un emprunt pour acheter son logement : les banques sont plus fermées que des huîtres à marée basse ! Pourquoi ? Parce qu’elles exigent un niveau et une stabilité de revenus de leurs clients absolument incompatibles avec la politique de baisse des salaires et de contrat à durée déterminée qui prévaut actuellement avec la politique de Hollande. Précisons : une politique dont elles sont par ailleurs de chaudes partisanes au nom de l’exigence de profitabilité du capital…
Ce n’est pas tout. Tout l’argent que les banques peuvent prendre auprès de la Banque centrale européenne, elles préfèrent l’investir dans la sphère financière que dans la production ou la construction. Au point qu’il aura fallu des taux zéro ou presque de la Banque centrale pour que les banques cessent de replacer chez elle l’argent des prêts qu’elles réalisaient auprès d’elle, sommet du ridicule et de l’aberration du système de la financiarisation de l’économie capitaliste de notre temps !
Résumé : ça va mieux quand les gens peuvent consommer et ça irait encore mieux si l’investissement redémarrait. Moralité : si au lieu d’aller aux dividendes des actionnaires la richesse produite par le travail des salariés allait aux salaires et aux investissements, et si l’impôt allait à l’investissement public plutôt qu’en subvention au capital du type du « Crédit d’impôt compétitivité » à la Hollande, tout irait mieux. Bref si on appliquait une politique de gauche au lieu d’une politique de droite, l’économie irait mieux. Si nous gouvernions au lieu de Hollande et Valls/Macron, tout irait mieux pour la vie des gens. Mais bien sûr, la finance ne serait pas contente.
Que se passe-t-il avec madame Le Pen dans les tribunaux ? Cette semaine, deux sénateurs frontistes sont passés à l’attaque contre le droit de se syndiquer dont bénéficient les juges. Mesure absurde destinée à réjouir la trogne des beaufs qui discutent en fin de banquet. On suppose qu’à la veille de ce qu’elle croit être sa prise du pouvoir, l’extrême droite veut créer une ambiance de peur. D’autant que les magistrats qui s’occupent des affaires de financements du FN sont sans doute très redoutés dans la petite camarilla familiale des Le Pen. On peut pourtant se demander si l’intimidation ne fonctionne pas déjà. Car madame Le Pen ne bénéficie-t-elle pas plutôt déjà d’une sorte d’impunité ? Deux informations récentes y font penser. Il semble devenu difficile de faire rendre gorge à Madame Le Pen pour ses atteintes aux règles de fonctionnement de la démocratie ou pour ce que nous considérons comme des incitations à la haine raciale ! Voyons cela.
On se souvient de l’affaire des prières de rue comparée par madame Le Pen à l’« occupation » nazie. Poursuivie pour incitation à la haine raciale, elle a bénéficié contre toute attente d’une demande de relaxe de la part du procureur de Lyon, Bernard Reynaud. Il a repris étrangement l’argumentaire de l’avocat de Marine Le Pen. Il a considéré qu’elle ne visait pas les musulmans ou l’Islam en général et n’avait donc « fait qu’exercer sa liberté d’expression ». Si condamnable que soit la pratique d’un culte sur la voie publique, comparer des compatriotes pratiquants avec les occupants pillards et violents de la seconde Guerre mondiale ne serait donc pas stigmatisant ? Comment une telle complaisance pour le discours de haine du FN est-elle devenue possible en République ?
Ce n’est pas la première fois que certains représentants de la justice se rangent de manière sidérante derrière les arguments fallacieux de Le Pen et de ses avocats. Déjà en mai dernier, j’avais dénoncé le fait que la Cour d’appel de Douai ait relaxé Marine Le Pen pour son faux tract xénophobe contre moi. Car sa culpabilité était indiscutable, puisqu’elle avait elle-même avoué à la télévision avoir fait faire et fait diffuser ce tract. A l’époque, j’avais alerté la Garde des Sceaux par courrier. J’avais décrit soigneusement les nombreux dysfonctionnements de la police judiciaire, du parquet et finalement de la justice dans cette affaire.
Cette fameuse cour d’appel de Douai vient justement de refaire parler d’elle. Le Canard enchaîné du 21 octobre nous apprend ainsi qu’un escroc en bande organisée avait dû être libéré après qu’un tiers du dossier d’accusation a disparu. C’est le même sort qui était justement arrivé à l’enquête de police judiciaire concernant le faux tract de Le Pen que je poursuivais. Dans la même région. Et c’est justement celle où Le Pen brigue la présidence et où elle est donnée gagnante. D’aucun anticiperaient-ils localement ?
En tout cas, j’attends toujours la réponse de la ministre. Je lui ai pourtant bien rappelé les manquements incroyables qui ont conduit pour finir à l’impunité de Le Pen dans ce dossier. Premièrement : alors que des plaintes ont été déposées au moment des faits en 2012, aucune suite ne leur a été donnée, ni de la part des services de police, ni de la part du parquet. Cela m’a contraint à devoir poursuivre moi-même Mme Le Pen par citation directe.
Deuxièmement : lors de l’audience en première instance devant le tribunal correctionnel de Béthune, le procureur de la République adjoint, M. Jean Pierre Roy, a fait part de son embarras de ne pouvoir disposer d’éléments d’enquête, en précisant bien que les services de police lui avaient indiqué avoir égaré toute trace de l’enquête… Pas un mot, pas une enquête interne, pas une sanction : rien. Et un procureur qui du coup ne donne aucun avis et laisse dire et faire sans réagir. N’empêche que par ses conclusions, le procureur révélait ainsi l’existence d’une enquête dont la justice n’a cependant pas pu être saisie. Toujours dans ces mêmes conclusions, le Procureur s’est abstenu de requérir des poursuites contre Le Pen. Et cela alors même qu’avait une nouvelle fois été établie à l’audience la responsabilité de Le Pen personnellement dans la rédaction et la diffusion du faux tract contre moi. Des faits d’ailleurs tellement évidents que le tribunal correctionnel de Béthune a condamné Mme Le Pen pour manœuvre électorale frauduleuse. Et lui a infligé la peine maximum prévue. C’est-à-dire une amende maximum.
Elle aurait pu être déclarée inéligible aussi. La loi le prévoit. Mais pour cela il aurait fallu que des instructions générales aient été données depuis le bureau du garde des Sceaux. Entendons-nous bien : pas des instructions particulières liées à cette procédure-là. Mais des instructions générales concernant la répression de la fraude électorale pour demander une sévérité maximale contre ceux qui s’en rendent coupables. Après tout, le nombre des fausses signatures d’électeurs dans la circonscription d’Hénin-Beaumont découvertes par le Conseil constitutionnel aurait justifié une vigilance. Et le cas du faux tract contre lequel j’agissais en justice était bien du même tonneau ! Je suppose que si madame Le Pen avait été reconnue inéligible, comme on pouvait le penser après qu’elle eut contesté le verdict de Béthune devant la cour de Douai, je crois bien que toute la situation politique serait différente. Et dans la région Nord-Pas-de-Calais aussi bien sûr.
Pourtant ce n’est pas ce qui s’est passé. Lors de l’audience à Douai, l’avocate générale, Mme Chantal Berger, s’est à nouveau abstenue de requérir des poursuites. Là encore alors même que les faits délictueux ont été clairement établis à l’audience, à commencer par la déclaration audiovisuelle de Mme Le Pen affirmant avoir fait et fait diffuser le faux tract incriminé. Contre toute attente et en méconnaissance manifeste des faits qu’elle avait pourtant établis, la Cour d’appel a ensuite relaxé Mme Le Pen. Aucune réaction nulle part à cette étrange situation.
Il y a au moins une conclusion à tirer de ces jugements. Alors même qu’elle a reconnu être l’auteur du tract et de sa diffusion, madame Le Pen n’a pas été condamnée. J’en déduis qu’il est dorénavant possible de faire des faux tracts. C’est-à-dire des tracts au nom de ses adversaires politiques dans une élection. Mais peut-être n’est-ce autorisé qu’à madame Le Pen. Et peut-être seulement dans le Nord et le Pas-de-Calais. Mais la justice ne pourrait tenir rigueur à ceux qui s’inspireraient de ses conclusions à Douai. Il me semble que cela fait jurisprudence.
En attendant de voir, pour ma part, j’attends toujours que la ministre de la Justice me réponde. Et qu’elle demande une enquête de l’inspection de services. Mais je ne rêve pas. Le garde des sceaux pourrait se dire que « la justice pour tous » aussi, c’est très bien. Mais la grève des avocats nous a aussi montré que ce n’était vraiment pas le chemin qui se prend.
La diplomatie française s’est lourdement marginalisée au Moyen Orient. L’alignement de la France sur les monarchies du Golfe coûte cher à notre pays, même s’il rapporte gros en contrats. Depuis le début de la crise, d’un excès à l’autre, la diplomatie française s’est inutilement identifiée au camp des faucons nord-Américains. Hollande et son ministre Fabius ont d’abord appelé il y a deux ans à bombarder Damas et à éliminer le chef d’État syrien, en dehors de toute légalité internationale. Puis ils ont essayé cet été d’empêcher un accord de paix sur le désarmement nucléaire iranien. Une position totalement isolée partagée par un seul gouvernement au monde : Israël.
C’est avec ce passif que le gouvernement a essayé depuis deux semaines de reprendre pied dans le dossier syrien. La marginalisation diplomatique de la France est en effet sans précédent historique dans cette région. Les négociateurs, notamment états-uniens et russes, considèrent que mettre le départ du chef d’État syrien comme préalable à tout échange diplomatique, comme le demande le gouvernement français, empêche toute discussion. Et donc par là même éloigne tout espoir de transition pacifique en Syrie ! Du coup, la France n’a pas été invitée le 23 octobre à la première réunion internationale des pourparlers de paix à Vienne. Avant d’être finalement raccrochée à la suite des négociations. Cette faveur est le résultat d’une pression très discutable organisée par Paris. Fabius a en effet pris l’initiative de réunir ce que les médias ont appelé les « partenaires » et « alliés » de la France sur le dossier syrien. C’est une très étrange liste d’amis que celle-ci : Arabie Saoudite, Qatar, Émirats Arabes Unis, Turquie et Jordanie pour le Moyen-Orient. C’est à dire exclusivement des pays alliés aux États-Unis. Auxquels se sont ajoutés Grande-Bretagne et Allemagne. Le tout sous l’œil du secrétaire d’État adjoint des États-Unis.
Selon le journal Le Monde qui a rendu compte en détails de cette étrange rencontre, ces « pays alliés » apportent « un soutien accru en armes » à la « rébellion syrienne ». Le Monde ajoute que, le même jour, « le président américain, Barack Obama, et le roi Salman d’Arabie saoudite se sont mis d’accord pour accroître cette aide ». Ces rebelles ont une drôle de mine. Concrètement, l’expression désigne les sept principaux groupes djihadistes qui se disent distincts de Daech. Depuis mars 2015 ils se sont regroupés sous le nom de « l’Armée de la Conquête » financée par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Ce regroupement est principalement constitué d’Al-Nosra, branche syrienne d’Al Qaïda, qui compterait 20 000 combattants. L’autre principale composante est Ahrar Al-Sham, salafistes combattants soutenus prioritairement par la Turquie et le Qatar.
Les pays « alliés » choisis par le gouvernement sur le dossier syrien sont donc directement parties prenantes de la guerre. Ils ne sont nullement des forces de paix, de liberté ou d’une quelconque stabilité pour la Syrie et la région. On peine à discerner quel peut être l’intérêt, ne serait-ce que sécuritaire, de la France à avoir de tels alliés financeurs d’Al Quaïda. C’est pourtant ce qui se passe. Le reste des surenchères françaises ne valent pas mieux. Ainsi, il n’y a plus de représentation diplomatique française à Damas. Comment envisager une discussion sur la paix et même une transition démocratique en Syrie en maintenant la rupture de toute relation diplomatique avec l’État syrien ? Ce choix n’est pas celui de tous les pays européens. Sept pays de l’UE conservent des relations diplomatiques avec la Syrie, dont la Grèce et l’Espagne. La rupture de toute relation est d’autant plus discutable que notre pays compte encore 1 200 ressortissants à Damas. Et c’est aux Syriens, ceux du gouvernement de Damas, que l’on doit au lycée Charles de Gaulle de Damas d’être encore ouvert et de délivrer son enseignement en français!
Le général Jean-Bernard Pinatel, expert en géostratégie a donné un diagnostic sévère : « dès le début de l’affaire syrienne, François Hollande s’est trompé sur plusieurs points. Premièrement, il a cru à un printemps arabe en Syrie, alors qu’on assistait aux prémices d’une guerre civile confessionnelle financée par l’Arabie Saoudite, le Qatar et aidée par la Turquie. Il s’est trompé aussi sur la capacité de résistance interne du régime d’Assad aidé par l’Iran, le Hezbollah libanais et la Russie. Il s’est trompé encore, comme d’ailleurs Barack Obama, sur la capacité de résistance de Daech aux frappes aériennes américaines. Malgré plus de 3000 sorties, Daech, vaincu par les Kurdes à Kobané et par les milices chiites irakiennes et iraniennes à Tikrit a poursuivi son offensive vers le Sud ». J’adhère au diagnostic mais je ne suis pas certain qu’il s’agisse « d’erreurs ». Je crois que les choix de Hollande ne sont rien d’autres que la reprise des attentes et demandes des monarchies du Golfe.
Dans ce contexte, le gouvernement a aggravé sa situation en se liant sans réserve au gouvernement turc actuel. Cette « amitié » de Hollande est particulièrement dangereuse dans la période et dans la région. On se souvient comment, de manière aussi étrange qu’inattendue, Hollande a tenu cet été à « remercier pour son action vigoureuse » le gouvernement de « l’islamiste modéré » Erdogan. Pourtant, celui-ci venait de mener une offensive militaire, le 21 juillet, à la frontière avec la Syrie. En réalité, cette opération militaire, si elle était officiellement dirigée contre Daech, n’a fait que relancer une guerre d’élimination contre les Kurdes. Hollande a ainsi endossé le rôle de l’allié qui couvre la reprise de la répression contre les Kurdes. Ceux-ci sont pourtant les seuls à avoir clairement combattu Daech depuis des mois sur le sol turc. À l’inverse, Erdogan laissait « l’État islamique » se servir de la Turquie comme base arrière. Il laisse passer les combattants étrangers venus le renforcer, au point que la presse turque a parlé d’une véritable « autoroute djihadiste ».
Quel peut être le sens de ce soutien de la France au gouvernement islamiste Turc ? Dans le contexte, c’est calamiteux. On a vu en effet ce qu’ont été les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’élection législative du 1er novembre dernier. Erdogan a gouverné quatre mois sans légitimité démocratique depuis les précédentes élections du 7 juin dont il n’a jamais accepté le verdict. Ce furent quatre mois de provocations, de tensions, arrestations et meurtres d’opposants dans une ambiance de guerre civile naissante. 1 900 personnes ont ainsi été tuées dans le pays depuis le 7 juin ! Sur ces bases, Erdogan a retrouvé une majorité parlementaire en récupérant les pires thèmes de l’extrême droite turque. Des conditions impensables pour organiser des élections libres. Le gouvernement islamiste d’Erdogan accorde notamment une large impunité aux terroristes actifs sur le territoire turc et dont les premières victimes sont l’opposition démocratique, à commencer par le HDP qui incarne la Turquie la plus progressiste et émancipatrice.
Cela n’est pas sans rappeler le sort que subissaient les forces progressistes en Tunisie quand les islamistes étaient au gouvernement. Les soi-disant islamistes modérés d’Ennahda avaient d’ailleurs pris pour modèle l’AKP d’Erdogan. Et le gouvernement français les soutenait eux aussi. Dans les deux pays, la brutalisation de la société jusque dans l’intime a dissipé l’illusion médiatique d’un « islamisme modéré ». Erdogan explique par exemple qu’« il est contre nature de mettre les femmes et les hommes sur un pied d’égalité ». Le modèle qu’il impose de force à la société turque est totalement étranger au meilleur de l’histoire de cette République. Celle qui fut parmi les premières au monde à donner le droit de vote aux femmes et à interdire le voile à l’école dès les années 1930.
La voix présidentielle de la France s’égarant actuellement dans le soutien aveugle aux islamistes turcs, c’est à nous d’incarner la France qui ne se trompe pas d’amis en Turquie. Nous l’avons fait concrètement en accueillant des parlementaires et dirigeants du HDP à nos universités d’été et sur notre stand à la fête de l’Humanité. Mes camarades ont continué ce travail en participant à des opérations d’observation électorale en Turquie lors des élections du dimanche 1er novembre. Une délégation de 6 militant du PG, soit 10 % des observateurs français se trouvait sur place et jusqu’en zone kurde. Le secrétaire national du PG aux relations internationales, Djordje Kuzmanovic, et le responsable Turquie du PG, Jean-Christophe Sellin, menaient notre délégation. Il s’agissait bien sûr d’exprimer notre solidarité avec le peuple turc en lutte pour sauver sa République. Mais surtout de rendre à nouveau possible notre avenir commun méditerranéen que les religieux veulent empêcher par tous les moyens. Car si les deux rives de la Méditerranée coopèrent, c’en est fini des délires ethnicistes et religieux qui prétendent la jonction impossible et dangereuse. Le point de vue islamiste et le point de vue FN sont ici directement complémentaires. Briser ce point d’appui, c’est commencer non seulement à changer l’ordre international mais surtout l’absurde partition religieuse de nos pays qui est le but des ethnicistes des deux rives.
40 commentaires
Philippe
Oh ! l’adresse du blog a changé. C’est pour ça qu’il n’y plus rien de nouveau dans le flux RSS depuis 3 semaines. Je pensais que ce partageux de Jean-Luc était encore en vacances alors que l’actualité était plutôt chargée.
Au webmaster: pensez aux misanthropes comme moi qui ne fréquentons pas les réseaux sociaux. Laissez une dernière petite nouvelle dans l’ancien flux indiquant la nouvelle adresse.
marine baro
Heureusement que le gouvernement ne fait rien « contre » (!) les personnes handicapées.
Lagrange
Bonjour Jean Luc,
Chapeau pour votre prestation, Martchoux, était minable, lamentable, elle a vraiment « ramé » pour vous coincer, et échoué au final. Car face a ses questions haineuses, vous êtes resté calme, et l’avait respecté, alors qu’elle meritait d’être humiliée. Les autres journalistes face à vous, n’ont pu caché leurs ignorances, et leur parti pris, comme vous le dite, ces émissions sont positives, et vous semblez désormais, savoir comment mener le débat où vous voulez.
Bravo, nous comptons sur vous, pour l’avenir.
Fabien
Eh bien oui, après toutes les mesures de ce gouvernement contre les syndicalistes, les lanceurs d’alertes, les travailleurs, les chômeurs (ouh les fainéants), les retraités (ouh, les parasites), les roms, les sans-papiers, quel laxisme en effet, il est temps qu’il s’occupe maintenant des handicapés, des orphelins, des mutilés (ouh, ouh, les assistés). Merci pour l’humour de ce « pour », qui nous fait froid dans le dos, n’hésitons pas à en rajouter pour mettre la honte à ces indignes du gouvernement !
Ant
Bonjour Monsieur Mélenchon,
Je partage votre analyse de la politique économique de Hollande. Néanmoins je m’interroge sur la possibilité d’une politique de relance Keynésienne dans le cadre de l’UE. Il serait intéressant de nous expliquer pourquoi vous pensez que cela ne produirait pas le même résultat qu’en 1983. Au lieu de parler d’une politique de l’offre ou de la demande, je pense qu’il vaut mieux réfléchir en termes de meilleure répartition de la fiscalité pour les entreprises comme pour les ménages. Dans mon secteur (architecture), constitué principalement de TPE, il n’est pas rare de voir des patrons se payer moins que leurs salariés. On peut être de gauche et s’interroger sur une fiscalité plus équitable entre les TPE et les entreprises du CAC 40. Je pense que si vous ne parvenez pas pour l’instant à convaincre une majorité de Français, c’est en partie à cause du rouleau compresseur médiatique qui converti les esprits au TINA : il faut « faire les réformes ». Je m’en rends compte en discutant avec les gens autour de moi. D’ autre part, votre manque de clarté sur l’Europe et sur la façon de résoudre la crise de la dette peut nous faire craindre un scénario à La Tsipras. Une autre politique me parait impossible dans le cadre des traités et sans modification du statut de la BCE qui le pouvoir et pour objectif de bloquer une politique alternative. Si vous êtes élu président, je ne pense pas que vous puissiez faire changer de dogme le gouvernement Allemand. Dans…
HYBRIS
« je ne pense pas que vous puissiez faire changer de dogme le gouvernement Allemand »
Peut-être, mais il y réfléchira à deux fois. Parce qu’à l’échelle de l’Europe la France est un grand pays et que l’éclatement de l’euro, car c’est bien de cela qu’il s’agirait, pourrait avoir, comme dit Varoufakis, des conséquences incalculables. Et pour tout le monde. La politique de Merkel plombe l’économie de toute l’Europe. Dans cette circonstance nous devrions pouvoir nous trouver des alliés. La confrontation avec le gouvernement allemand est donc politiquement un point de passage obligé.
turmel jm
D’accord avec @af30. Ancienne aide soignante Lucette n’est pas une victime. C’est une citoyenne qui pense (vous avez vu comment) et qui vote. Dans les sondages même influencés, le PS se tient pas mal encore à mon goût grâce certainement à ce genre de personne et au clientélisme qui règne dans les collectivités à majorité socialiste. Il y a un travail d’explication énorme à donner, mais je m’interroge quant à l’efficacité de masse de nos arguments eu égard à nos faibles moyens, à l’ostracisme médiatique dont nous faisons l’objet, et face à l’important glissement de la pensée vers la droite et son extrême d’une partie de la population. De toute manière nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre avec nos armes aussi faibles soient-elles. La pédagogie du renoncement par les libéraux roses (les autres c’est normal), et les trahisons multiples de F Hollande portent la plus grande part de responsabilité dans ce délitement de la réflexion politique. Ne l’oublions pas, surtout au deuxième tour des Régionales (ceci pour mes camarades communistes).
pichenette
Les « réseaux sociaux » ont quitté les rues, leurs pavés, déréalisation ? Autre temps en balance, de quel côté penchera le fléau, lui aussi balayé par des balances monoplateau à lecture digitale. Pourtant des rues, des lieux publics sont encore traversés, dans Paris cette capitale chère à Hugo et à ses amoureux par des hordes de hors la loi que sont les sinistres personnages qui s’attaquent à la vie du cirque Moralès placé avec l’accord de la mairie de Paris dans le sublime XIV° ! Où est ce qui est sensé protéger, assurer l’ordre ? Bien sûr l’ordre reste à définir, la place de chacun est prédéfinie selon certain, alors les pires conclusions s’imposent et nous sommes bel et bien en train de basculer dans un climat très triste, saif si l’on en perçoit la gravité et que armés de nos désirs de concorde nous décidons d’agir. Laisser aux « hors la loi » de tout poil le pouvoir par lâcheté n’est pas digne et ce à tout niveau. Les élections n’ont plus le rôle qu’elles devraient avoir, voter alors que les gens sont lobotomisés par des psychopathes, où sommes-nous ?
Monsieur Mélenchon persistez à parler, à raconter des « histoires » touchant la raison et le coeur des gens pour qu’ils redeviennent des citoyens. La planification écologique c’est la seule voie à suivre, elle lie tous les éléments l’eau, l’air, la terre, le vivant, l’espace et le temps en pensant à nos descendants. Honte aux massacreurs hypocrites. Place au vivant !
Victor D.S.L
On a tous cru que la chaîne de l’austérité aller craquer en Europe en Grèce avec Syriza. Moi le premier, j’ai été très déçu, mais maintenant il y a le Portugal personne n’en parle, la gauche portugaise vient de signer un accord historique et la constitution lui donne le droit de gouverner, ils vont faire tomber le gouvernement de centre droit, çà doit se passer demain. D’ailleurs les bourses ont toutes chuté aujourd’hui. Je propose que l’on prenne comme contre modèle à l’Allemagne, à chaque interlocuteur qui cite le modèle allemand avec ses « vertus », puisque que vous me parlez de la politique allemande, comment font les islandais vous le savez ? Ils ne paient pas la dette et ils se portent plutôt bien, il n’y pas eu de cataclysme économique, etc. Pour dire qu’on parle pas assez de l’Islande et du Portugal dans les médias. Mais çà j’imagine que vous n’êtes pas surpris.
Merci pour tout ce que vous faîtes !
lilou45
@ Victor D.S.L
Excellente analyse. Mais l’Islande n’est pas membre de l’UE, n’a pas l’Euro comme monnaie, donc ne peut pas être soumise au chantage de la BCE, de l’Eurogoupe, des traités anti démocratiques. L’Islande, et d’autres pays européens sont les exemples qu’un pays peut exister sans le carcan de l’UE et prouver ainsi que le TINA n’est qu’un mensonge. Quand à la coalition de gauche au Portugal, j’ai des doutes, dés l’instant où il y a des socialistes. Nous verrons avec le temps quel sera leur comportement face aux offensives de l’UE. La social-démocratie a toujours un poignard caché dans sa botte pour le planter dans le dos de la vraie gauche. Nos socialistes en sont un exemple éclatant.