J’ai écrit par discipline de travail. Rien de mieux pour commencer une année d’un bon pas. Comme la fabrication de l’actualité a ralenti, on peut lui tourner le dos mieux que d’habitude. Je traite du plus difficile : commenter les vœux de François Hollande. Ensuite une petite cuillère d’économie. Puis je vous parle d’un professeur de lettres classiques et de littérature comparée de Lons-le-Saunier.
Je crois que François Hollande aura aussi tué ça. Les vœux du président ont perdu 45 % de leur audience depuis qu’il les prononce. Dès lors, il aura au moins dit la vérité sur un point : ces vœux-là en effet, « ne ressemblent à aucun des précédents » car jamais il n’y a eu aussi peu de monde devant la télé pour les entendre à l’heure dite. Le contenu politique était d’une bonne facture de droite assez traditionnelle et pauvre en imagination. Et le reste s’apprécie selon l’humeur de chacun. Pour ma part, j’ai mal vécu les envolées paternalistes : « Français, je suis fier de vous », « mon devoir est de vous protéger » et ainsi de suite. Je ne suis ni de sa parentèle ni de ses protégés pour accepter qu’il se donne ce rôle infantilisant pour ceux à qui il s’adresse. Une fois de plus, on sent la main lourde des communicants. Ils ont dû tellement lui farcir la tête avec « le rôle protecteur attendu par les Français » que l’autre l’a repris à la lettre. Ça me rappelle le coup de l’animateur qui demande à une personne « dites bonjour au micro » et la personne de répliquer « bonjour micro » !
Quant au plan politique, je vous invite à juger sévèrement son propos. Car l’emballage sécuritaire et paternaliste du début proposait ensuite une marchandise bien frelatée. Lourd artifice ! On se demande d’ailleurs pourquoi les vœux du président devraient donner lieu à un discours programme de Premier ministre. En tous cas, les trouvailles les plus éloignées de ce pour quoi il a reçu son mandat présidentiel ont été resservies. Juste avant le repas, c’était très indigeste et peu apéritif. La destruction du code du travail, les sottises sur l’apprentissage, les stages pour qualifier les chômeurs et ainsi de suite, bref : toutes les lubies déjà rabâchées par la droite dans le passé ont été représentées à la table du réveillon.
Dès lors je suis bien triste de lire dans un sondage qu’il y a autant de gens pour vouloir qu’il soit candidat en 2017 qu’il y en a pour vouloir la même chose s’agissant de moi : 24% ! Notez que si ceux qui veulent que je sois candidat votent aussi pour moi, il est bien certain que Hollande devra penser à une autre occupation. Mais que comprendre aux sondages. L’un dit que 100% des sondés (ou presque) veulent le « renouvellement de la classe politique », mais 56% voudrait bien que Juppé soit candidat… Mais bon, d’accord, ça donne aussi un coup de vieux à tous ceux qui faisaient les manifs contre lui pour défendre la retraite à soixante ans. C’était au siècle précèdent, c’est vrai. Mais comme Hollande l’a repoussée à 66 ans ça ferait presque de Juppé un gauchiste.
C’est avec ce tohu-bohu que commence l’année médiatique. Vivement la prochaine agression bidon au cutter, le prochain sketch du faux imam de Corse au 20 heures. Au moins ça fait rire des journalistes, et on regrette quand on l’a manqué en direct. Qui a regretté de n’avoir pas vu en direct Hollande ?
Cette publication a été effectuée sur ma page Facebook :
LES VŒUX D’ARTIFICES DU PRESIDENT Je crois que François Hollande aura aussi tué ça. Les vœux du président ont perdus 45…
Posté par Jean-Luc Mélenchon sur samedi 2 janvier 2016
Au cours de l’année écoulée, nous avons été témoins bien des fois de la puissance des « effets d’annonces » pour amortir le choc de la réalité jusqu’au point souvent de l’effacer du tableau. On pourrait croire que ce ne saurait être le cas à propos des questions de l’économie, domaine où règnerait la froide objectivité des chiffres et des « lois naturelles ». Balivernes. C’est même parfois le contraire. C’est là que souvent la communication est le plus efficacement une action. Naturellement, ceux qui vous administrent l’hallucinogène ne viennent jamais ensuite faire le dégrisement. Pire. Sans vergogne, ils administrent de nouvelles doses d’illusions euphorisantes ou de paniques aveuglées.
Pour qui veut penser sur ces sujets, il faut donc toujours commencer par extraire les faits de la gangue des annonces qui les ont fait disparaître des radars. Pourquoi a-t-on entendu annoncer « la reprise » tant de fois alors qu’il n’en était rien ? Où sont passés les reculs mensuels du chômage ? Qu’est devenu le « plan de relance de l’économie européenne » d’un montant prétendu de 120 milliards d’Euros, destiné « prioritairement à la jeunesse », que François Hollande prétendait avoir obtenu dès son élection et sa première visite à Merkel ? Qui peut dire ce qu’est devenu le plan de relance européen, pour un montant double, annoncé par Jean-Claude Junker, nouveau président de la Commission ? Qui se souvient de la décision à son de trompe du banquier central européen injectant dans l’économie mille milliards entre décembre 2011 et février 2012. Et puisque son successeur a décrété avec un mégaphone géant un plan de rachat mensuel de titres de dettes des États possédés par les banques à hauteur de 80 milliards par mois, où ces montagnes d’argent sont-elles passées ? Pourquoi n’en lit-on et n’en discute-t-on aucun bilan nulle part ? Pourquoi tout cela n’a-t-il produit aucun redémarrage de l’activité où que ce soit ? Quel sont ces mystères ?
Le capitalisme financier de notre temps s’est posé comme une nouvelle peau sur tout le système de la production et de l’échange. Là où régnaient hier l’ingénieur et l’entrepreneur, règnent désormais le directeur financier et le directeur commercial comme les deux bouts de l’aiguille dans la boussole. A présent, l’argent tourne en rond dans la sphère financière sans jamais revenir sur le sol de l’activité réelle. Une belle grosse bulle d’argent, diffusée dans des montages de plus en plus périlleux pour continuer à cracher du rendement. Elle est aussi nourrie par l’énormité des excédents financiers européens. Ceux-là se heurtent comme de juste à l’anémie de la consommation et de l’investissement que les politiques d’austérités budgétaires provoquent. Puisqu’on dédaigne la demande d’équipements publics et qu’on préfère laisser les infrastructures de toutes sortes se dégrader plutôt que de les remettre à niveau, puisqu’aucun plan de transition énergétique n’est mis en œuvre, par exemple, où investir ? Et comme c’est la guerre du dumping social et fiscal entre les 28 pays de l’Union, et puisque tous sont orientés vers l’export en vue de faire des excédents, où investir le flot grossissant de liquidités disponibles ?
Il se jette donc dans la sphère financière aussi mécaniquement que le fleuve à la mer. Mais dans cette sphère, il reste encore brûlant dans les mains de ceux qui le manient. Leurs cocktails financiers sont de plus en plus instables et bien explosifs. Alors se produit le plus drôle. Ceux qui tiennent la taverne des ivresses se gardent de l’eau pour la soif. Ainsi, bien des banques et des établissements financiers refusent de revendre au banquier central les titres de dette des États qu’elles possèdent et qui sont censés être du papier chiffon si l’on en croit les agences de notation. Pourquoi ? Parce que ces titres sont considérés comme « plus sûrs » que les montages inventifs que composent les petits Mozart de la finance…
Cette anecdote en dit long sur le niveau d’hypocrisie des agences de notation qui se tordent les mains d’angoisse devant les dettes des États et en font augmenter les taux d’intérêts du fait de leurs mauvaises notes, mais recommandent qu’elles servent de socle aux compositions folles des montages financiers privés. Elle en dit long aussi sur le niveau d’asphyxie d’un modèle économique devenu incapable de faire un usage concrètement utile de sa puissance. Dans une telle atmosphère de volatilité, tout faux mouvement peut-être terriblement dangereux. Si ici ou là une des composantes, même très locale, s’écroule, l’effet en impactera toute la sphère. Exactement comme un seul coup d’épingle fait éclater la totalité d’une bulle de savon. Tout le monde se tient donc à l’œil. Un mouvement brusque de retrait ici ou là et tchouff, tout peut se déclencher.
Il y a deux semaines le regard portait sur les USA. En effet la banquière centrale nord-américaine a décidé de renchérir ses fournitures en dollars auprès de ceux qui viennent en chercher. En même temps, elle améliore la rétribution des excédents que les banques placent dans ses mains. Une variation certes microscopique pour un œil extérieur. Mais il est d’impact colossal pour ceux qui doivent investir et donc emprunter, ou pour les banques et institutions financières qui ont sur les bras d’immenses masses d’argent à placer. Celles-ci sont parfois coûteuses à loger surtout quand des pays comme le Brésil ou d’autres « émergents », qui stimulaient les appétits, exigeaient des dépôts de garanties pour les placements ! Il leur est même arrivé de fixer un impôt sur les investissements étrangers. L’inconvénient est que si des flots se retirent brusquement, ils assèchent mortellement leur point de départ. C’est alors un peu plus qu’un coup d’épingle imprévu. Sans compter que si ce petit rien décidé par la banque centrale américaine est un régal pour certains, il est cependant impossible que cela stimule l’activité puisque le crédit sera plus cher et que les Américains sont drogués au crédit. Guettez bien si ce ralentissement ne vient pas impacter celui de la zone euro. Et l’aggraver mécaniquement. Avec les risques que cela contient. Tel est le capitalisme de notre époque. À tout moment tout peut sauter.
Il est une nouveauté dans l’Histoire. En effet c’est la première fois que l’économie humaine ne repose plus principalement sur la circulation de biens réels. Le gonflement de la masse de dollars en circulation a fait naître un monde parallèle où l’essentiel des transactions financières ne correspondent à aucune réalité matérielle. En 1970 il s’échangeait 20 milliards de dollars par jour. Dès les années 1990 on en était à 1 500 milliards quotidiens. En 2010 c’était 4 000 milliards de dollars par jour. À la même date, les biens et les services réels et concrets échangés atteignaient à peine 40 milliards par jour. Cent fois moins.
La capitalisation boursière a suivi le même chemin extravagant. Elle est passée de 1 400 milliards de dollars en 1975 à 63 000 milliards en 2007 à la veille de la crise des subprimes aux États-Unis. La « valeur » des entreprises a donc été multipliée par 45 en trente-deux ans. Mais pendant ce temps la richesse matérielle réellement produite par ces entreprises n’a été multipliée que par 3,5.
Dans ce contexte, les accidents graves deviennent de plus en plus réguliers. Certes, le capitalisme n’a jamais été un système stable. De 1816 à 1929, soit à peine plus d’un siècle, il y a eu 14 crises ! Mais le rythme s’est accéléré. Depuis 1973, juste après la décision du président Nixon qui a rendu possible l’explosion de la bulle de dollars, il y a eu 12 crises ! En moins de quarante ans, presque autant qu’en un siècle ! Et depuis 1992, déjà 8 crises en vingt-deux ans. Le monstrueux bug dit « des subprimes » en 2008 a mis à genoux les États et les peuples chargés de renflouer les banques. Nous sommes encore en train de le payer. Des promesses de prudence et de moralisation furent alors faites. On sait qu’il n’en reste rien. On devait par exemple séparer les activités des banques d’affaires de celle de dépôts.
De cela, en France, Moscovici a fait une pantalonnade qui impacte à peine deux pour cent du bilan des banques concernées. Celles-ci peuvent donc continuer à jouer avec l’argent des déposants. Qui a pu protester alors, à part ceux qui comme nous ne croient pas que la spéculation soit l’horizon indépassable de l’activité financière ? Peut-être va-t-il en aller autrement à présent. Car la création de l’Union bancaire européenne a abouti à une situation très nouvelle pour ceux qui ont plus de cent mille euros de dépôts dans une banque. Ne croyez pas que ce soit seulement peu de monde. Ce sont surtout des gens influents et décideurs. Leurs craintes compteront donc. Dorénavant, en cas de faillite d’une banque, les actionnaires devront payer pour le renflouement. Mais les « gras comptes » aussi. Ceux de ces gens-là. Evidemment, ils ont bien besoin que leur argent soit placé là où il rapporte le plus. Mais ils ont surtout besoin aussi de ne pas le perdre.
À cette heure, la bulle est repartie de plus belle. La part européenne s’y accroit vite, stimulée par les injections de liquidités, la fraude et « l’optimisation fiscale », toutes calamités qu’aggrave la politique de féroce concurrence des États de l’Union entre eux au plan fiscal et social. Elle reste donc mollement pendue au-dessus du vide d’investissements en Europe et à la merci d’une bourrasque qui la ferait éclater. Dans le système actuel il ne peut en être autrement.
Mais pensons à ce que nous pourrions faire ! Nous trouverions à peu de frais beaucoup d’argent pour notre plan de relance de l’activité réelle. En partant des besoins concrets, économie de la mer ou transition énergétique par exemple, nous trouverions un ample champ de crédits possibles avec une contrepartie matérielle visible et tangible. La possibilité d’un compromis dynamique avec le capital entrepreneurial existe. Les fonds aussi. Par exemple on sait qu’un euro sur deux aujourd’hui placé dans l’assurance vie est utilisé à l’étranger. Tout cela se discuterait plus utilement que les cadeaux sans contrepartie du système Hollande, Valls et Macron. La politique de la demande se pilote. L’État maître du temps long des investissements et du plan y est une garantie centrale. Celle de l’offre ne peut rien produire d’autres que des effets d’aubaines conjoncturels. Et surtout, elle finit d’intoxiquer un système productif déjà lourdement drogué aux enrichissements sans cause.
Bref, une distribution de vin chaud dans une salle d’alcooliques réfrigérés.
L’activité politique est doucement repartie. J’ai donc l’opportunité d’utiliser cet espace pour une circonstance plus personnelle qui cependant parlera, je l’espère, sans doute à beaucoup de ceux qui me liront. Nous avons tous « un prof » dans notre vie, non ? Homme ou femme, nous lui devons cette sorte de passage à gué pour l’esprit, là où il y a un avant et un après. L’intervention dans notre vie de « notre » prof nous aura souvent poussés dans nos choix, d’une manière décisive, sur un chemin ou sur un autre. Le plus souvent, cette rencontre ne reste pas purement intellectuelle dans ses conséquences. C’est-à-dire qu’en nous faisant découvrir ceci ou cela, ou bien des fois par son seul comportement à notre égard ou devant toute sa classe, ce prof rayonne pour toujours en nous. Cela parce que nous savons très intimement qu’il en est résulté un grand chambardement ou bien une de ces infimes modifications qui aura ensuite élargi de façon incroyable son influence sur nous toute notre vie. C’est pourquoi le métier d’enseignant est un art si délicat. Les profs savent qu’ils sont en face d’êtres en formation, ils sentent leur responsabilité et leur impact humain. D’autant qu’eux aussi ont eu leur prof. Et peut-être est-ce de son exemple qu’ils ont tiré à leur tour l’envie d’enseigner.
Beaucoup d’entre nous marquent une fidélité profonde à ces héros anonymes qui ont changé discrètement nos vies. Et moi comme vous. J’ai tout annulé pour être à l’heure de son rendez-vous cette semaine, puisque c’est l’heure de l’accompagner pour sa dernière demeure. Il s’agit de Rémi Jobard, professeur de lettres classiques et de littérature comparée au lycée Rouget de l’Isle de Lons-le-Saunier. J’en parle en pensant à tous ces maîtres qui ont été sur nos parcours.
Il affichait une simplicité autant par principe philosophique que par goût spontané. Au début, nous ne savions pas que nous l’admirions. Nous, la petite troupe de littéraires passionnés dont ses cours étaient le centre du monde. Puis le temps ayant passé, nous avons su qu’il était en réalité devenu l’une de nos références essentielle. Il nous enseigna Montaigne. Jeune homme embrasé, j’en restais à l’impression d’une soupe tiède. Mais sa manière de faire m’avait tout de même immédiatement inculqué le sentiment que je ne comprenais pas quelque chose. Je lui dois ce doute. Il fit son effet. Lui nous avait proposé mieux qu’un savoir : une curiosité.
Oui Montaigne est décisif ! Je le sais à présent. La voix de Rémi Jobard résonne dans ma tête quand je lis que toutes « nos vacations sont farcesques » et me vois encore si agité et obsédé d’action. Et je fais de Montaigne un horizon mental. Comme le fit François Mitterrand pour sa photo officielle, car le livre qu’il tient ouvert devant la rangée des livres (encore) fermés, c’est bien « les Essais » de Montaigne. Mais quand il nous fit connaître et comparer Antigone d’Anouilh et celle de Sophocle, je sus que je touchais à l’essentiel de ce qui serait une trame de vie pour moi comme peut-être pour quelques-uns de mes condisciples. Sans doute n’en tirèrent-ils pas les mêmes engagements que moi. Il me reste donc à apprendre. Mais j’ai le cœur plein de gratitude pour cette rencontre décisive avec Antigone mais aussi avec Créon. C’est-à-dire avec l’art de maintenir la société par le respect de la loi et d’en rester à sa discussion ou bien celui de n’entendre que la voix de sa conscience quand bien même le devoir qu’elle vous assigne vous rend seul, vulnérable et dérisoire dans vos obstinations. Mais c’est de là qu’est ancrée notre liberté la plus intime. Celle qui vous identifie à vos propres yeux. Une autre fois, les Pensées de Pascal en main, il arpentait l’estrade. J’ai compris que j’avais de bonne raison d’être « inquiet » comme le dit le philosophe. C’est-à-dire sans quiétude. C’est-à-dire en mouvement. Bon sang, j’en suis toujours là !
Mes lecteurs me pardonneront ces digressions littéraires qu’un jeune homme loin dans le temps fait vivre en moi à cette heure. Je n’ai pas de chagrin. « Le bon maître est celui qui apprend à se déprendre de lui » pour penser. Comme pour vous peut être, mon prof siège dorénavant comme conseiller au tribunal de ma conscience. Peut-être rallumerez-vous en me lisant l’image en vous de « votre » prof. On dira donc qu’on commence l’année en pensant à ceux dont c’est le métier de nous rendre meilleurs.
120 commentaires
Pascal Jean-Michel
Maurice Reix, prof de Français brillant du Lycée Technique de Puteaux, tu me manques et tu m’as amené intelligemment là où je suis ! Oui, il y a des profs qui marquent.
Bon courage Jean-Luc et merci de réveiller ça.
pichenette
Humour indispensable pour colorer d’étoiles chaudes, un chapelet de maux faisant office de voeux émis par l’élu du peuple berné, humour pour se récompenser d’avoir « écouté » pour « nous », les attristés de tant de malhonnêteté !
Merci pour votre reconnaissance exprimée envers les enseignants ayant rempli leur mission d’ouvrir, de donner envie d’aller voir plus loin, plus près, de poursuivre le chemin de la connaissance, d’être. Que de régressions à l’endroit de cette fonction que l’on met en morceaux, que ce soient les contenus enseignés et les personnels enseignants.. Bouts d’heures, éclatements de postes éloignés, salaires, mépris complet avec comme objectifs de faire des élèves et des profs des citoyens serviles.
Un bel article dans Télérama, « Courage, pensons », dont nous pouvons faire un slogan pour 2016, en ajoutant « rions ». Mettre les sondages « hors la loi », tambouille pour gribouille…
Judith
Les professeurs qui m’ont marquée : M. Le Pilouer, Mme Perruchot (math), Mme Lecourtier (français), Guy Lardreau (philosophie), M. Babiolle (histoire), M. Grapin (physique), M. Seriot, et une enseignante de Sciences Naturelles dont je regrette que le nom m’échappe. Ils m’ont montré tous dans leur domaine, à quel point notre monde est passionnant.
Denis F
« …La possibilité d’un compromis dynamique avec le capital entrepreneurial existe. Les fonds aussi. … Tout cela se discuterait plus utilement … La politique de la demande se pilote. L’État maître du temps long des investissements et du plan y est une garantie centrale. »
Que voilà une méthode bien étrange pour lutter contre le capital et réduire la propriété lucrative !
Pour ma part, enfant, ce n’est pas un professeur qui m’a appris à m’ouvrir à la vie, à être curieux, mais un pion d’internat qui lui était médecin et faisait son internat en psychiatrie à Villejuif, il venait de Yougoslavie et nous étions de fait tous deux pensionnaires, à l’année, c’était au lycée Adolph Chérioux à Vitry en 1958, il m’a appris à donner plutôt qu’à prendre et surtout que le bonheur comme le malheur n’est qu’une question d’état d’esprit. Les profs d’alors et de là n’avaient d’originale que leur obsession personnelle, le prof de Français faisait tenir la grammaire sur une feuille de papier à cigarette, le prof de math bouclait le programme scolaire avant Pâques et la fin de l’année se passait sur le stade de foot ou à nous jouer de la guitare, fort bien au demeurant, dans le même registre, histoire-géo = coco, physique-chimie = facho, arts = homo, etc. Ce qui me fit envisager la fin de mes études dés que possible, c’est-à-dire 15 ans avec une demande d’émancipation obtenue avec une facilité étonnante, mais bienvenue. Perso, mes universités, je les ai faites dans la…
Fulgence
Comme tous ces commentaires sont émouvants, les bras m’en tombent. Bonne année monsieur Mélenchon et comme on dit chez nous la santé surtout.
Pauvre2
Je n’ai pas la chance d’une rencontre comme la tienne Jean-Luc pendant ma scolarité très tôt stoppée par une maladie paternelle qui m’envoya au turbin dans de mauvaises conditions. Moi, c’est le contraire. Mon aversion pour la scolarité fut cristallisée par un prof de math qui nous traitait de nullités crasseuses. Par mansuétude je tairai son nom. Non mon prof à moi je l’ai trouvé par hasard (je ne crois pas vraiment au hasard). C’est un livre de poème de Prévert « Paroles ». C’est lui qui m’a guidé longtemps, surtout quand jeunot à l’usine pour ne pas sombrer dans la dépression, je me racontai : « Dis-moi camarade soleil, tu ne trouves pas que c’est vraiment trop con de donner une journée pareille à un patron« .
Plus tard, mon prof est devenue ma compagne. Prof, formatrice, psy, exceptionnelle ! Les 2500 bouquins qui encombrent notre 1er étage (et qu’elle a tous lus) m’attendent, je suis loin du compte.
Merci Jean-Luc pour tout ce que tu nous apprend. Avec toi pour la bataille de 2017 !
Libertypress
Moi c’est mon instituteur qui m’a marqué. Monsieur Gaillard, à l’école publique de Sainte Foy les Lyon. Nulle doute que c’était un républicain, laïque et très probablement de gauche, ce qui à l’époque voulait encore dire quelque chose. Un jour qu’une dispute avec un autre élève à cause d’une moquerie sur mon couvre chef, il m’a dit ceci « ce n’est pas ce qui est sur la tête qui est important, c’est ce qu’il a dedans« . J’ai cherché à le revoir et après recherches assidues, j’ai appris qu’il avait déménagé à Mâcon. Aussi tôt me voilà parti dans cette belle ville. Hélas je l’ai raté de quelques jours, il est parti avant que je le rencontre. C’est à son fils à qui j’ai dit toute l’admiration que j’ai eu et que j’ai encore pour son père.
melle delavalliere
J’avais un professeur de français. Elle m’a marqué parce que elle avait aucun parti. Elle voulait juste la paix et enseigner le français, car quand on était née comme elle pendant la guerre, connaître la faim, les écoles fermés et le bruit des avions, on avait envie de prendre aucun parti. Je l’ai jamais oubliée, Madame Soucas, à Perpignan. Moi aujourd’hui j’ai mon parti, mais je n’ai jamais vécu la faim, la guerre et l’école m’a toujours été ouverte.
Dudul
C’était un instituteur au regard exigeant et compatissant. A ce moment j’étais un « bon élément ». L’homme dans son attitude et caractère tranchait avec l’intransigeance brutale du frère-directeur. Il n’y avait pas place à vivre pour les nuls.
L’épreuve reine redoutée était la dictée à la plume sergent majeur. Un régal de patience, maîtrise de soi, du temps avant tout, du silence partagé dans l’écoute. Des instants à maturer la compréhension du texte d’une oreille, un oeil attentif à la plume, aïeeaïee! de l’autre en faisant abstraction des voisins. Ce fut pour moi l’exercice de l’art, fond et forme.
Aujourd’hui, je concède que ma nostalgie est ringarde ou presque. Quoi que, dirait Devos ! La vitesse emporte tout. Plus elle est folle, et le temps s’y soumet et rétrécit, l’espace démesuré est figure de volonté sans doute, ecriture SMS, la faute à qui ? A pas d’faute !
JeanLouis
Mr Mélenchon, tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année, j’espère profondément que vos, nos, idées fassent leur chemin. Mais dans le cadre de la méditation que vous avez entreprise en ce début d’année je voulais faire part de l’impérieuse nécessité à œuvrer pour changer la perception que les gens ont de vous à travers les media, y compris à faire comprendre ce que sont réellement les media aujourd’hui contrôlés presque complètement par la finance. Des discussions enflammées avec mes enfants pourtant culturellement évolués et à gauche comme avec un ami chirurgien urologue ne ressortent de vous que l’image que les media veulent donner, d’un politique potentiellement dangereux qui en arrivant au pouvoir risquerait de museler les journalistes, ou l’incompréhension des raisons pour lesquelles les media mettent si souvent en avant M Le Pen. ( Et pourtant la fabrique du consentement !) Je ne peux développer plus ici mais c’est pour moi un drame de ne pas être capable de changer ces opinions.
Gilles
Bonjour et bonne année à tous,
Je ne peux que souscrire à ce que dit @Jean-Louis, il est vital. Le coeur des votants est agé. Sarkozy a été élu en 2007 grâce aux plus de 65 ans. Certains termes font peur qu’on le veuille ou non, insurrection civique ou révolution citoyenne. Je peux témoigner des mêmes « préventions » dans mon entourage. François Delapierre avait cette faculté d’énoncer des évidences (les dirigeants européens sont des salopards) sans que cela passe pour une agression verbale.
Bruyère Albert
Albert
Je partage complètement l’analyse de @Jean Louis. Quant je vous lit c’est vous qui êtes mon prof de référence et je ne comprend pas pourquoi un pourcentage aussi faible de nos concitoyens voudrait vous voir devenir notre guide. Je crois qu’on ne vous lit pas assez, et pour avoir prêté votre littérature, dont je suis friand, à certains de mes amis qui ne vous connaissaient pas ils sont maintenant d’accord pour vous considérer comme un homme très cultivé et dont les analyses sur notre époque et ceux qui la dirigent est pleine de bon sens. Tout ceci est pour moi une énigme, et je pense que vous devriez essayer de comprendre ce mystère et y apporter remède.
Je vous souhaite une bonne année 2016 et vous demande de prendre soin de vous
Redon
J’ai un très bon souvenir de mon prof de français Mr Baudot qui m’a sorti de 6 années d’école libre catholique et m’a converti à la laïcité. C’était au collège Jean Baptiste-Poquelin, rue Molière dans le 1er arrondissement de Paris. J’y ai gagné mes galons de libre penseur.
[…]
alouette
J’ai fréquenté moi aussi l’école privée catholique au collège. Il n’y avait pas de cours de cathéchisme ni de prières, juste du poisson le vendredi. J’ai découvert au lycée des professeurs politisés laïques et intolérants. Un très mauvais souvenir.
François
Face à un monde qui bouge, mieux vaut penser le changement que changer le pansement ! Francis Blanche
Meilleurs vœux à vous tous !
Jiorjio
Ah bon ! Vous avez regardé les voeux à la télé ? Pas moi, d’ailleurs je ne possède plus de télé depuis quatre bonnes années. Vous écoutez les discours et paroles de nos braves ministres, députés et autres « nomenklaturistes » « solfériniens » ou de droite-extrême droite ? Pas moi.
Entendre des cyniques ça ne m’intéresse pas. Je préfère lire leurs proses et y réfléchir comme me l’ont appris mes institutrices, instituteurs et professeur(e)s tout au long de ma scolarité. Toutes et tous ont droit à ma reconnaissance et si j’en présentai une ou un en particulier, je risquerai d’amoindrir les autres. L’instruction ne se borne pas à l’école, et des profs qui en donne, j’en écoute, j’en vois et j’en lis tous les jours. A commencer par ce blog. Bonne année à toute et à tous.
step
Un prof d’anglais, mon dieu pas si bien vu par de ses méthodes modernes. Il nous faisait regarder la télé. Oui les informations. Comme par hasard le même évènement sur CNN, RFI anglais et une chaine indienne dont j’ai échappé le nom. Des accents différents certes, mais surtout une très intéressante remarque glissée, en passant à 5 min de la fin du cours. « vous avez remarqué, on a parlé de la même chose, et pourtant les informations données ne sont pas les mêmes. Pourquoi à votre avis ? ». Y aurait-il des intérêts divergents derrière la fabrique de l’information ? Oulà, mais il faudrait se poser des questions avant de gober ce qui est diffusé à la télé. Vertige du doute !
Une prof de latin, ma foi assez jolie quand j’y repense qui a défaut de m’intéresser à la traduction et aux déclinaisons m’en a appris de bonnes sur Diogène, César (la fabrique d’une narrative, déjà !), Pline l’ancien, Antoine et la découpe des volailles pour lire l’avenir. Un peu de chair dans ces bustes en bronze polis par le temps. Curiosité pour cet animal si particulier, l’humain!
Un prof de biologie, qui nous emmène euh… visiter (?) un gisement fossilifère. Tenir dans sa main un coquillage à 2h de route de la plage la plus proche et au pied des montagnes. Comment mieux expliquer la tectonique des plaques ? Une randonnée en montagne, des plissements de la roche aux fleurs endémiques, un début de conscience sur la fragilité de ce monde, sur l’infini de l’univers et notre…
marco polo
Oui, un prof ou celle, celui qui prenait cette place dans notre vie. Je n’ai pas votre culture mais votre prof se rapproche de celui qui a tenu ce rôle pour moi. Je lui est dit qu’il était mon père spirituel. Il m’avait enseigné le métier de Gutenberg, mais aussi a surtout éveillé chez moi cette conscience sociale et culturelle, celle d’un ouvrier typographe que je fus et celle d’un individu qui cherche à comprendre et faire comprendre le sens de l’humain. Il est parti ailleurs, loin, mais il est constamment dans ma mémoire. Ce que vous exprimez me touche. Cette force qui vous vient du coeur vous place en très haute estime. Merci de l’avoir confiée ici.
fred
Mon prof à moi c’était Monsieur Ghiot, professeur d’histoire-géo. Il avait noté 20/20 ma copie de composition relative à la pensée et au rôle de Jean Jaurès. Le seul 20/20 de ma vie. Monsieur Ghiot, décédé depuis de longues années, ne pouvait certainement pas imaginer l’évolution de ce que l’on nomme encore Parti Socialiste. Quelle déchéance!
alouette
à Lons, monsieur Rémi Jobard faisait du français. Il faisait aussi de la politique.
Jacques
Inversement, il faisait peut être de la politique, mais faisait aussi du français, et c’est ce qu’a retenu principalement Jean-Luc Mélenchon.
JOBARD
Cher Jean-Luc, j’ai un privilège de plus que vous : celui d’être un petit cousin de Rémi et de l’avoir rencontré assez fréquemment à l’occasion de fêtes de famille dans notre village de Foncine. Sa simplicité, son intelligence, sa bonté ont fait des merveilles dans les têtes écervelées (mais graves chevelues) que nous portions dans ces années Lycée. Mes cours de Français avec Rémi n’ont pas traité de Montaigne ni de Sophocle. C’était plutôt porté sur les poètes et philosophes du 18ème et du 19ème. J’ai beaucoup mûri dans cette année de 1ère. J’ai fini trouver de la beauté dans les textes et à prendre du goût à lire (le prof a donc bien fait son boulot)… Pour autant « Zadig et Voltaire » sont restés bien mystérieux… mais Germinal a agi comme un détonateur : mon coeur s’est définitivement tourné du côté des Vilains (pas étonnant que je me régale aujourd’hui de vos discours et soutienne votre action).
Je suis très ému de l’hommage que vous rendez, aujourd’hui, à Rémi. Et je suis un peu fier aussi qu’il vous ait, à sa façon, mis debout.
Merci, Jean Luc. Bien Amicalement.
DomiR
« Lui nous avait proposé mieux qu’un savoir : une curiosité. »
Merci Jean Luc pour cette superbe phrase. Elle accompagnera surement nombre d’entre nous tant du point de vue philosophique que politique.