Cette page regroupe les contributions de Jean-Luc Mélenchon contre la déchéance de nationalité.
16 novembre 2015 : « La déchéance de nationalité est une fausse bonne idée » – Vidéo
17 novembre 2015 : « La sécurité collective a besoin de notre liberté individuelle » – Note de blog
22 novembre 2015 : « La déchéance de nationalité est une mesure absurde » – Vidéo
23 décembre 2015 : « Déchéance de nationalité : la nausée » – Note de blog
24 décembre 2015 : « Les raisons concrètes (et numérotées) de refuser la déchéance de nationalité » – Post Facebook
28 décembre 2015 : « La France est à cran » – Note de blog
14 janvier 2016 : « La déchéance de nationalité est une honte » – Vidéo
15 janvier 2016 : « La déchéance de nationalité est inefficace » – Vidéo
« La déchéance de nationalité est une fausse bonne idée »
France 2 – 16 novembre 2015
Pourquoi la déchéance de nationalité est une fausse bonne idéePourquoi la déchéance de nationalité est une fausse bonne idée.Extrait de l’intervention de Jean-Luc Mélenchon à « Des paroles et des actes ». La déchéance de nationalité est une fausse bonne idée pour deux raisons. Découvrez lesquelles dans cette vidéo. Partagez !
Posté par Jean-Luc Mélenchon sur mercredi 18 novembre 2015
Retranscription de cet extrait :
« L’affaire de la déchéance de la nationalité me semble être le prototype de la fausse bonne idée. Je préfère que ceux qui ont la nationalité française, quand nous en sommes au point de la leur retirer, c’est que nous avons constaté qu’ils ont commis un délit spécialement grave, – entendons-nous bien, nous parlons de ceux qui sont nés français car ceux qui sont devenus français par naturalisation, là loi permet déjà de les déchoir de la nationalité française 10 ans ou 15 ans (le délai est un peu différent suivant les cas) donc le président de la République a dit aujourd’hui ceux qui sont « nés français » – et bien je vous dis que, pour ma part, une fois qu’on les a attrapés et qu’on a fait le constat que ce sont des personnes dangereuses, je préfère qu’ils restent en prison en France. Parce que déchoir de la nationalité, c’est pour expulser. Supposez un franco-syrien qui ait participé à ces attentats, qu’en feriez-vous ? Vous décideriez d’aller les remettre dans cette jungle qu’est la Syrie où plus personne n’a d’autorité ? Certainement pas. Je suis pour qu’ils soient emprisonnés en France.
Et le deuxième élément – on pourrait discuter ma thèse mais je voudrais vous montrer qu’elle ambiance incroyable elle [cette proposition] créé dans notre pays -, on peut donc naître français mais du moment que l’on a une autre nationalité – même si on ne l’a pas choisie, je vais vous expliquer pourquoi, le Maroc qui est le pays dans lequel je suis né, on est marocain par le droit du sang, pas par le droit du sol, si vos parents sont marocains, vous êtes marocain, si vous respectez vos parents ou vos grands parents, vous n’allez pas déclarer que vous ne vous voulez plus être marocain, vous êtes donc marocain et français mais vous êtes nés en France et vous êtes français. Ca veut dire avec cette loi de la déchéance de la nationalité qu’il y a deux catégories de français, ceux qui sont des suspects et ceux qui ne le sont pas car vous et moi, nous n’avons aucun mérite à être français, nous sommes nés français, nous avons trouvé ça dans notre berceau, moi mes ancêtres si, ils ont choisi mais moi je n’ai eu aucune difficulté. C’est une fausse bonne idée et vous créez des millions de suspects dans ce pays, ce n’est pas comme ça qu’on fait l’unité nationale. »
« La sécurité collective a besoin de notre liberté individuelle »
Note de blog – 17 novembre 2015
Je m’exprime brièvement par nécessité. Les heures passées ont été si terriblement occupées et si chargées de bouleversements de tous ordres ! Elles le sont encore ! Ces moments d’Histoire marquent des milliers de consciences qui, parfois, s’éveillent seulement à la compréhension de l’importance de la politique dans la vie des peuples. Selon la vieille formule : si tu ne t’occupes pas de politique, la politique, elle, s’occupe de toi. Ne nous contentons pas d’analyser les erreurs sans fin des dirigeants politiques qui nous ont amenés à cette situation. Faisons aussi le point sur nous-mêmes. Je veux dire sur tous ceux qui ont laissé se prendre des décisions contraires à l’intérêt de notre pays pendant aussi longtemps sans dire un mot et sans sanctionner aucun responsable les jours de vote.
Demandez-vous : « étais-je de ceux pour qui peu importait que l’on décide sans mandat international, et sans vote de l’Assemblée nationale d’aller bombarder des gens dans un pays lointain ? » Avez-vous méprisé ou rabroué ceux qui vous mettaient en garde ? Avez-vous participé au concert de ceux qui accablaient grossièrement les lanceurs d’alerte en les assimilant à des agents de l’ennemi ? L’horrible nuit du 13 novembre vous aura appris que la guerre n’est pas un jeu vidéo mais un acte politique dont l’onde de choc finit toujours par atteindre tous ceux qui y participent. Décider une guerre est une question sérieuse. Il ne faut pas l’abandonner à un seul homme. Les formes prévues pour en décider ne sont pas un embarras, un ralentissement insupportable de l’action qui porte préjudice à son efficacité. C’est au contraire une garantie que nous nous donnons pour agir à bon escient et en se préparant à assumer les conséquences de nos actes. La liberté de pensée, de parole et de décision des représentants du peuple est une garantie pour notre sécurité.
À présent les mêmes trouvent peut-être sans importance que le Président dise que nous sommes en guerre sans nous dire où et contre qui et sans respecter les formes prévues par la Constitution pour le faire (article 35). Et pour eux, peu importerait peut-être aussi que l’état d’urgence soit prolongé de trois mois sans qu’il soit dit une seule fois pour quel bénéfice attendu dans l’action et sans tenir aucun compte des inconvénients que cette situation comporte également et en plus grande proportion. Et sans doute tiennent-ils pour un détail qu’il soit plus que douteux de modifier la Constitution alors que l’état d’urgence a été proclamé.
Pour les indifférents d’avant le jour d’horreur, toutes questions sont des bavardages, des « postures », et peut-être même qu’à cette heure, ils ne font toujours pas le lien entre tout cela et ce que nous sommes en train de vivre. Et sans doute ne font-ils pas davantage le lien entre ce qui est en train de se décider à l’initiative du président de la République et les conséquences qu’il faudra en assumer. Peut-être acceptent-ils aussi sans état d’âme de croire, puisqu’on le leur répète, que sacrifier un peu de liberté individuelle n’est rien si l’on augmente par ce moyen la sécurité collective. Et sans doute s’agacent-ils déjà qu’on ose dire qu’il n’en est rien et que cela n’a jamais produit autre chose que de nouveaux désastres politiques là où on l’a appliqué.
Peut-être aussi sont-ils, comme nous-mêmes, chaudement partisans de la trêve des polémiques en période de deuil national. Mais ont-ils compris que le premier à la rompre soit le chef de l’État ? Car c’est bien ce qu’il vient de faire solennellement devant le Congrès du Parlement à Versailles en lançant un projet de réforme constitutionnelle. Toucher à la Constitution, c’est évidemment toucher au cœur de tous les débats politiques et les allumer tous en même temps. En commençant par la première des questions que cela pose : après avoir modifié plus de vingt fois ce texte à la cadence d’une réforme par an au cours des dix dernières années sans en passer par le peuple, faut-il persister dans cette méthode ? En tout cas, les partisans que nous sommes d’une Assemblée constituante sont placés dans l’obligation de protester.
Car c’est une nouvelle mise à l’écart de toutes les questions que nous avons soulevées sur ce que doit être le travail de constituants et de toutes les questions que nous souhaitons voir entrer dans le texte fondamental. Il faudrait mettre de côté cette question pourtant si décisive ? Admettons. Mais comment accepter que des sujets aussi polémiques, par exemple, que la déchéance de la nationalité et quelques autres directement empruntées à l’extrême droite et que combattait hier toute la gauche et même une partie de la droite soient désormais pris en charge sans autre explication par le président ? Puisque nous n’avons pas changé d’avis en même temps que les mots changeaient de bouche, ne sommes-nous pas contraints de notre côté de répéter avec la même passion nos arguments contre une telle fausse bonne idée dont la dangerosité a été mille fois démontrée ?
Est-ce de la désinvolture, de l’inconscience ou bien un calcul cynique de lancer ces débats en plein deuil national, les morts n’étant pas encore enterrés, et sous le régime de l’état d’urgence ? Serait-ce encore un excès de formalisme de s’en soucier ? Je veux dire combien nous nous sentons abusés de voir qu’à la bonne volonté et à la pondération des propos, à l’amnistie provisoire que nous avons prononcée sur les responsabilités de la situation, il soit répondu à la faveur d’une circonstance solennelle par une aussi grossière nouvelle transgression des lignes de fond de la famille progressiste en France. Comment supporter que François Hollande inflige une telle défaite sans combat à la doctrine républicaine de cette famille ? Cette situation qui devrait si vigoureusement renforcer nos principes et nos valeurs se dénoue par une nouvelle victoire idéologique de nos pires adversaires ! Sans aucun gain prévisible ni sur le plan sécuritaire ni sur le plan électoral.
Échanger de la liberté contre une amélioration de la sécurité est le pari que firent les auteurs du « Patriot Act » aux États-Unis. De cette expérience, les observateurs savent désormais que si la réduction des libertés a été payée comptant, les gains de sécurité n’ont pas été le résultat des moyens nouveaux. La cause du « terrorisme », ce sont les guerres régionales dans lesquelles nos pays ont les bras enfoncés jusqu’aux épaules. La riposte aux attaques est donc nécessairement sur deux fronts : l’un pour faire cesser la guerre, l’autre pour garantir la cohésion de notre pays, c’est-à-dire l’unité de son peuple et fermer ainsi aux agresseurs le chemin de passage qui sans cela s’ouvrirait pour eux.
Sur le terrain de la guerre, heureusement, les Russes ont fait ce qu’il fallait pour que les Américains n’aient d’autres choix que de se rendre à la raison et d’accepter, en l’absence de la France et sans la consulter, de constituer une seule coalition sous mandat de l’ONU avec l’objectif d’organiser des élections sans le préalable paralysant du départ de El Assad. François Hollande a immédiatement obtempéré et annoncé son ralliement dans des termes qui sont exactement l’inverse de sa déclaration à la tribune de l’ONU. On peut donc considérer que les choses avancent en ce qui concerne l’approche de la fin de la guerre en Syrie. Même si cela ne règle pas tout ce qui est nécessaire pour qu’elle s’arrête aussi en Irak d’où viennent l’argent et le matériel de guerre.
Mais pour ce qui est du front de la lutte contre les attentats dans nos frontières il en va tout autrement. Le soudain appétit de François Hollande pour les mesures du Front national et la mise en scène d’un « super état d’urgence » permanent, cette volteface opérée, rédigée et prononcée entre vendredi à une heure du matin et lundi à seize heures sentent l’improvisation, le coup de com’. et l’astuce politicienne davantage qu’une pensée construite et argumentée, soucieuse d’efficacité concrète. A notre tour, nous allons devoir lutter sur deux fronts : contribuer à l’unité de notre peuple et affronter les bouffées sécuritaires. C’est un chemin de crête que le nôtre. Mais notre devoir de long terme est de rester ceux qui affirment que la sécurité collective est plus forte quand les libertés fondamentales de chacun sont garanties.
« La déchéance de nationalité est une mesure absurde »
France 3 – 22 novembre 2015
Question : « peut-on garder sur le territoire français des gens qui nous menacent »
« Et bien oui, c’est ce qu’on fait d’ailleurs. Il y a des milliers de prisonniers qui sont en prison pour des raisons de droit commun, ou parce que ce sont des meurtriers ou des assassins. On les met en prison. On les découvre par des moyens de justice et de police, puis on les enferme.
Question : « la déchéance de nationalité n’est-elle pas un moyen d’exclure ou de mettre de côté les gens qui menacent le pays de l’intérieur »
« Et qui va décider de la menace, c’est vous ? Vous avez vu la nouvelle loi ? Avant on disait « on se méfie des gens qui ont des actes qui montrent qu’ils conspirent », maintenant « des comportements ». Et bien, un jour à l’autre, la suspicion sur les comportements pourrait s’étendre à beaucoup de gens et de manière tout à faire imprévue.
Mais venons sur le fond. C’est absurde. C’est une fausse bonne idée. Imaginez quelqu’un qui a une double nationalité. D’abord, souvent ce n’est pas son choix, c’est tout simplement le pays d’origine des parents qui considère que la nationalité se transmet par le sang, ce que nous les Français ne connaissons pas puisque nous appliquons le droit du sol car nous ne croyons pas au droit du sang. Première raison donc vous pouvez être binational sans même le vouloir ou le savoir. Si vous respectez vos parents et vos grands-parents, vous ne courrez pas à l’ambassade de leur pays pour dire « non, je ne veux plus être membre de votre pays », ça ne se fait pas. On ne va pas à l’ambassade du Maroc dire qu’on ne veut pas être sujet du roi du Maroc, ça ne se fait pas, c’est une règle de courtoisie à l’égard de sa famille.
Dernier élément. Vous trouvez que c’est une bonne idée, quand on a trouvé quelqu’un qui conspire, et qu’on a donc condamné – ce n’est pas seulement qu’on suppose qu’il va commettre un acte délictueux, c’est qu’il l’a commis -, alors quand il l’a commis on lui dit « on vous déchoit de la nationalité » ? Supposez que vous ayez un franco-syrien, alors qu’est-ce que vous faîtes ? Parce que qu’est-ce que c’est expulser ? Vous croyez qu’on ouvre la porte et on jette les gens dehors ? Non ! On doit les ramener sur place. Donc vous ramener quelqu’un en Syrie ? A qui vous le donnez ? A Daech ou à Bachar el-Assad ?
Tout ça est absurde. Mieux vaut garder ces gens dangereux en prison chez nous, et les surveillez nous-mêmes, que de les remettre à des autorités fantoches qui sont incapables de contrôler ce qu’il se passe dans le pays. »
« Déchéance de nationalité : la nausée »
Note de blog – 23 décembre 2015
Comment ont-ils pu oser ça ! Avec la proposition de déchoir de la nationalité française les binationaux nés français, l’équipe Hollande-Valls a consommé sa propre déchéance morale. D’où vient cette idée ? C’est une mesure proposée d’abord par Jean-Marie Le Pen puis Nicolas Sarkozy. Qu’il s’agisse surtout de faire un nouveau coup de communication sur le dos des principes républicains les plus constants, n’est pas une excuse. Il ne peut pas y avoir deux sortes de Français au prétexte de quelques criminels. Il n’y a en aura jamais qu’une. C’est une question fondamentale dans la construction de la forme républicaine de la Nation.
Je me souviens de la levée de bouclier quand j’ai dit pour la première fois que Valls était « contaminé par Le FN ». C’était en août 2013. Juste après l’épisode sur les Rom « inassimilables » selon lui. Mais une fois de plus, il est prouvé que les principes d’action forment un tout. Quand on tire un fil, tout le tricot peut se défaire. Si les Rom sont « inassimilables » alors certains Français peuvent ne pas l’être non plus. Car quelque part existerait une essence de la nationalité antérieure et supérieure à sa réalité administrative et concrète. Si l’on peut enlever sa nationalité à quelqu’un qui l’avait trouvée dans son berceau, on crée en même temps une autre catégorie à qui on ne peut jamais l’enlever.
Valls et Hollande viennent de valider qu’il existe non seulement des « Français de souche » mais aussi des « étrangers de souche ». Soyez maudits ! Mes ancêtres maternels, Français par choix anti fasciste, haïssaient Pétain parce qu’il prétendait retirer leur nationalité aux « Français de papier ». Mais du moins Pétain avait-il mis une limite dans le temps depuis l’acquisition de la nationalité. Pas Valls et Hollande. Pour eux, tout double national est suspect à vie et pour toutes les générations ! Car la nationalité française trouvée en naissant peut s’accompagner, des générations durant, d’une autre dont vous n’avez pas décidé. J’ai déjà dit qu’on nait marocain, par exemple, si l’un de ses parents l’est, et ainsi de suite en remontant et en descendant le temps aussi longtemps qu’on n’a pas été renié, à ses risques et périls, cette nationalité !
Naturellement, il existe des doubles nationaux par choix. Ils ont demandé leur deuxième nationalité. Certains servent même au titre du service militaire dans une armée étrangère. C’est autrement plus engageant que le soupçon répandu sur des millions de personnes par la proposition de Valls et Hollande ! Pourtant, la France républicaine s’est toujours interdit de distinguer entre les siens. A l’exception de ceux qui ont acquis à leur demande personnelle la nationalité et dans la limite extrême de quinze ans après l’obtention, personne ne peut être déchu de la nationalité française. Cela postule que le peuple, la communauté légale, source de la loi est, comme elle, un et indivisible. Il n’y a qu’un seul peuple français où tous sont égaux entre eux, libres et fraternels. Le mot fraternel s’applique dans son acception la plus moderne : les demis-frères et sœurs sont considérés comme frères et sœurs en toutes circonstances.
En introduisant ce principe dans la Constitution, Valls et Hollande débouclent la possibilité dans le futur d’étendre à d’autres circonstances la déchéance de la nationalité. Il n’y aura plus d’objection constitutionnelle demain si quelqu’un propose la déchéance de ceux qui servent dans une armée étrangère comme je l’ai rappelé. Ou de l’étendre à d’autres circonstances, d’autres délits. La boite de Pandore sera ouverte. C’est de la folie !
Avec cette décision, il s’agit de flatter l’opinion la plus bornée. Il est pourtant facile de comprendre qu’un binational criminel terroriste ne doit pas être expulsé ou réclamable par un pays tiers quand il est pris et condamné pour terrorisme en France. Il doit être au contraire gardé et surveillé dans nos prisons. Penser que cette mesure dissuaderait quelqu’un prêt à se faire sauter lui-même avec une ceinture d’explosif est ridicule.
Je pense avec émotion à la tristesse et à l’angoisse de tous ceux que cette mesure montre du doigt comme des suspects potentiels. Je pense à la consternation des socialistes à la base qui savent que cela est proposé en leur nom. Je pense avec amertume à ce que ces gens font de notre pays et aux débordements et surenchères que cette initiative va permettre dans l’avenir. Je compte sur les parlementaires de tous bords, de droite comme de gauche, pour refuser leur voix à cet attentat contre l’identité républicaine de notre patrie. J’adjure qu’on entende la voix de l’honneur blessé de tous ceux pour qui la France est davantage qu’une identité administrative mais une passion choisie et assumée, parfois de génération en génération, quand bien même un ancêtre proche ou lointain n’aurait pas eu le bonheur de partager cette adhésion.
« Les raisons concrètes (et numérotées) de refuser la déchéance de la nationalité »
Post Facebook – 24 décembre 2015
Je résume les deux grandes catégories de raisons pour refuser la déchéance de la nationalité pour les « terroristes nés français »: c’est inefficace et les conséquences concernent des millions de personnes sans aucun lien avec le terrorisme. Commençons par le plus simple : c’est inefficace contre le terrorisme car
1) aucun terroriste ne sera dissuadé par cette punition
2) mieux vaut garder sous notre propre surveillance ceux que nous condamnons pour terrorisme plutôt que de les voir réclamés par l’expéditeur ou par un pays incapable de les garder.
Voyons plus loin. Cette décision ne concerne pas que le cas des terroristes. Voici pourquoi.
3) Hollande et Valls créent deux catégories de Français : a) les Français auxquels on ne peut pas enlever la nationalité (« les Français de souche » ?) et b) les Français auxquels on peut l’enlever (« des Français provisoires » ?). Il y aura donc deux « peuples français ». Et s’il y en a deux, pourquoi pas davantage, selon les origines.
4) la double nationalité, quand elle résulte de la législation du droit du sang d’un autre pays (si l’un des parents est étranger), se transmet de génération en génération, que l’on soit d’accord ou pas, et sans fin. Hollande crée donc la catégorie des « Français-étrangers de souche ».
5) Cela rend constitutionnel à l’avenir le fait de pouvoir retirer la nationalité pour tout autre motif. Et cela sans besoin d’une nouvelle réforme constitutionnelle, mais par une simple loi. On peut même imaginer que « les origines » permettant désormais une différence de droits, cette différence puisse être étendue à d’autres sujets. C’est angoissant n’est-ce pas ! Bravo Jean Marie Le Pen ! Quarante ans après votre proposition, la victoire « idéologique » est totale !
Que faire ?
1) a) Ne vous affolez pas. b) Vous êtes peut-être de race pure pour Hollande et Valls. Dans ce cas vous, vous êtes protégés : vous pouvez même faire un acte terroriste et rester français.
2) Vérifiez quand même le passeport de vos ancêtres pour savoir si vous êtes en danger. a) Préparez les valises de vos enfants car on ne sait jamais à quelles surenchères vont se livrer les gouvernants actuels ou futurs, maintenant que va être rendu constitutionnel le tri des français d’après leurs origines. b) Si Hollande ou Valls vous tendent la main demandez- vous, avant de la leur serrer, si vous en êtes dignes ou bien si un de vos ancêtres proche ou lointain ne refuse pas dans sa tombe cet honneur. Même question à propos de chacun de ceux qui voteront cette ignominie
3) Portez, comme moi, le triangle rouge des déportés politiques, histoire de rappeler aux apprentis sorciers que tout cela a déjà très mal fini.
LES RAISONS CONCRÈTES (ET NUMÉROTÉES) DE REFUSER LA DÉCHÉANCE DE LA NATIONALITÉ.Je résume les deux grandes catégories…
Posté par Jean-Luc Mélenchon sur jeudi 24 décembre 2015
« La France est à cran »
Note de blog – 28 décembre 2015
Qu’il s’agisse de déchéance de la nationalité ou de la situation en Corse, tout débat tourne à l’aigre, de là à l’acrimonieux et enfin à la pure violence morale. Comment le Premier ministre, pris la main dans le sac de l’extrême droite, ose-t-il déclarer que la gauche « s’égare dans les grands principes » ? Comment peut-on « s’égarer » dans les grands principes républicains ? Je dois en déduire que Valls ne comprend pas ce que sont les « grands principes » républicains, comment ils forment un tout, une cohérence où chaque partie est liée aux autres pour former une doctrine définissant de façon précise et singulière ce qu’est le Peuple, la Nation et la République. Et le cas particulier de Manuel Valls ou de François Hollande rappelle une évidence : il n’y a pas de République sans républicain. Si l’exemple du mépris pour les principes fondateurs de la nation républicaine des Français vient du sommet de l’État, on ne doit pas s’étonner qu’il le soit ensuite publiquement par tous ses ennemis.
Non, Manuel Valls, nous ne nous égarons pas dans les grands principes. Nous nous égarerions sans eux. C’est bien pourquoi de mon côté je vois plus d’un trait commun entre le débat sur la déchéance de la nationalité et les empoignades sur les graves évènements en Corse. Pour moi, « on est chez nous » là où la loi s’applique à tous et où tous sont égaux devant la loi. La loi, même injuste, est la volonté du peuple et elle s’applique jusqu’à ce que le peuple la change. Ceci vaut condamnation de ceux qui agressent les pompiers à Ajaccio comme de ceux qui prétendent punir collectivement toute la population d’un quartier. Pour avoir dénoncé les violences d’Ajaccio, et rappelé que cette première en France intervient dans une ambiance locale spécifique, je me vois reprocher une mise en cause collective « des Corses ». Comment peut-on à la fois me reprocher de ne pas reconnaître le peuple corse et de l’incriminer par une généralisation ? Comment croire sérieusement que j’imagine une population française entière xénophobe ? Comment pourrais-je sans cesse dénoncer que l’on essentialise la nationalité comme je le fais contre le concept de « Français de souche » et reproduire cette sottise dans l’analyse du cas particulier d’un territoire français ?
C’est évidemment une ruse rhétorique de mes adversaires. M’accuser de dénigrer le « peuple corse » est une autre manière de donner à celui-ci une existence victimaire sympathique pour effacer la culpabilité des actes racistes et de leurs auteurs individuels. J’y sens le traditionnel fumet ethniciste relooké en élan compassionnel. Cette méthode prolonge en direction des « Corses » la culpabilité collective imputée aux habitants du quartier terrorisé. Or, pour moi, la responsabilité d’un acte est toujours individuelle. Et si j’admets, comme je le fais moi-même souvent dans l’analyse, que les conditions environnantes sociales culturelles et autres concourent évidemment à la formation des actes individuels, celles-ci ne peuvent fournir mieux que des circonstances atténuantes. Jamais des excuses ni des légitimations.
Je demande que l’on comprenne mon point de vue dans sa cohérence républicaine. On peut, de bon droit, ne pas la partager et même la combattre. Mais pourquoi se sentir obligé d’y ajouter des incriminations personnelles ? Pour moi il n’y a pas de « peuple corse ». Pour la raison qu’en République il n’y a qu’un seul « peuple », celui qui fait ensemble la loi qui s’applique à tous. Cette définition universaliste du peuple ne vise donc pas spécialement les Corses, les Picards, les Jurassiens ou qui vous voudrez. Elle s’applique à la définition de la République. Cela n’empêche évidemment pas de dire que le corse est une langue, qu’elle doit être librement enseignée et pratiquée sans créer de droits spécifiques à ses locuteurs bien sûr, qu’il y a une culture et une histoire singulière corse qui doivent être respectées et que de très nombreuses personnes s’y sentent intimement liées. Me sentant à la fois méditerranéen et Franc-Comtois, je connais la sensibilité de ces attaches. Mais cela n’a rien à voir avec la définition du peuple politique. L’unité du peuple et de la communauté légale ne peuvent se dissocier. Elles forment la pierre d’angle de la légitimité de la loi. C’est pourquoi si notre République s’est proclamée « une et indivisible », ce n’est pas à ses frontières qu’elle pensait mais surtout au peuple qui la constitue.
Ceci nous ramène à Valls et Hollande et à leur réforme de la nationalité française. Eux vont fabriquer un statut de « Français de souche », à qui on ne peut retirer la nationalité, au prétexte de « punir » des terroristes à qui on pourrait la retirer. Ainsi serait créée la catégorie des Français « étrangers de souche », « les binationaux » fabriqués par la trouvaille de Hollande empruntée aux Le Pen. Mais on va voir, bientôt, que pour les définir il va falloir avancer loin en infamie. Car être binational ce n’est pas un statut. Ce n’est pas autre chose qu’une situation de fait. Il faut donc la prouver. De plus, elle n’est pas toujours établie par la possession concrète de deux passeports. Il va donc falloir que l’on définisse à partir de combien de générations quelqu’un qui reçoit sa deuxième nationalité par le droit du sang dans un autre pays n’est plus considéré comme binational par la France. Le régime de Vichy a essayé de régler ce problème. Donc Valls pourra lui emprunter ses trouvailles. Bon appétit !
Le fond de cette affaire, une fois de plus, est le même que dans tant de polémiques qui nous ont opposés dans le passé à l’extrême droite, aux communautaristes et aux ethnicistes en général. On gagne à en parler ouvertement et clairement plutôt qu’à se livrer à des concours de bien-pensance qui empêchent la réflexion libre et à des incriminations personnelles qui sonnent comme des menaces dont on veut espérer que personne ne veuille l’issue.
« La déchéance de nationalité est une honte »
RTL – 14 janvier 2016
Le 14 janvier 2016, invité de RTL, Jean-Luc Mélenchon est revenu sur la condamnation de 8 ex-ouvriers Goodyear à de la prison ferme pour avoir défendu leur emploi. Il a dénoncé la « cruauté inouïe » de ce procédé et a apporté son soutien aux familles et à la pétition lancée par la CGT Goodyear. Jean-Luc Mélenchon a également dénoncé la déchéance de nationalité, qui crée deux catégories de Français et rompt avec l’égalité républicaine. Il a proposé que cette question soit tranchée par référendum.
« La déchéance de nationalité est inefficace »
Europe 1 – 15 janvier 2016
Le 15 janvier 2016, Jean-Luc Mélenchon était l’invité du Club de la presse d’Europe 1. Il était en premier lieu interrogé sur la situation en Syrie et a dénoncé l’absence de vision géopolitique de long terme sur ce dossier. Concernant la déchéance de nationalité, il a expliqué que cette mesure allait contre l’identité républicaine de la France en créant deux catégories de Français. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a parlé de la question sociale et en particulier de la volonté du gouvernement de sanctionner les travailleurs de Goodyear et d’Air France.