Cette note de blog a été rédigée par Martine Billard.
De rebondissements en rebondissements, il y a largement de quoi s’y perdre. L’appel lancé par 40 personnalités pour des « primaires de la gauche et des écologistes » s’adressait à tous y compris Hollande, Valls, Macron et ceux qui soutiennent la politique du gouvernement. C’était déjà surprenant de pouvoir imaginer organiser une primaire avec F. Hollande, en raison de son statut, ou encore plus à cause des politiques qu’il mène. D’où le début une ambiguïté entre ceux qui voulaient en faire un instrument du renforcement de la nouvelle candidature de F. Hollande et ceux qui au contraire espèrent ainsi le pousser vers la sortie pour y mettre quelqu’un d’autre du PS.
Toute la gauche était ainsi sommée de participer et d’ accepter de soutenir le vainqueur quel qu’il soit y compris le président sortant.
Il est donc très étrange de partir du principe que des forces qui ont des positionnements politiques très distincts, ayant présenté des candidats différents en 2012 au premier tour (F. Hollande, JL Mélenchon, Eva Joly) doivent s’associer dans une primaire sans que soit définit préalablement les grands axes d’un projet politique commun. Ou autrement dit, les divergences avec le gouvernement PS au pouvoir ne se limitent pas pour nous à la déchéance de nationalité. Elles sont bien plus importantes.
De plus un des initiateurs, Daniel Cohn-Bendit, vient d’appeler à un gouvernement d’unité nationale après 2017. Ce n’est vraiment pas notre position. Nous rejetons la politique de l’actuel gouvernement, ce n’est pas pour accepter celle qui l’associerait aux Juppé and co !
Les signataires suivants de cet appel ont commencé à ajouter d’autres conditions. Ainsi Julien Bayou, porte-parole de EELV a expliqué qu’il y aurait un problème si la personne qui l’emportait était porteuse « de positions antieuropéennes ». Comme en général cette formule vise ceux qui rejettent la politique menée par l’UE, cela revient en creux à exiger de Jean-Luc Mélenchon qu’il participe à la primaire mais en indiquant qu’il n’aurait pas le droit de la gagner. Mais dans ce cas pourquoi le sommer de participer ?
Puis les grandes manœuvres se sont poursuivies, chacun cherchant à utiliser le cadre créé pour ses propres fins. C’est ainsi qu’une bonne partie de EELV, à commencer par Cécile Duflot, candidate en puissance pour 2017, s’y est ralliée, suivie du PCF et d’une partie d’Ensemble.
Jusqu’à ce que le PG et Jean-Luc Mélenchon expliquent qu’ils n’en seraient pas : quel sens pourrait avoir une telle primaire qui ne remet pas en cause la politique menée depuis 2012. Croit-on que c’est en entretenant une telle confusion qu’on va redonner le goût de la politique à nos concitoyens ? Que l’on redonnera confiance à toutes celles et ceux qui ne croient plus dans les partis politiques ? Pour nous c’est non.
Certains vont me dire que cela arrange bien le PS. Mais à quoi sert de tromper des gens de bonne foi qui vont croire à cette possibilité pour s’entendre dire après des mois que finalement ce n’est pas possible parce que Hollande n’a pas à se présenter devant une primaire ? Et si par énorme surprise il renonçait à y aller, vous croyez que le PS accepterait d’avoir un candidat qui ne soit pas issu de ses rangs et sur la ligne Hollande-Valls ? Tout cela ne mène à rien, sauf à apparaître encore plus préoccupés de joutes politiciennes propres au microcosme politique que des problèmes du pays.
Du coup certains imaginent faire une autre primaire en utilisant le cadre de l’appel. Et cela tombe bien parce que les initiateurs ont dit dès le départ qu’ils ne voulaient pas l’organiser et qu’ils pensaient passer le relais aux partis pour le faire. En effet une telle organisation suppose des moyens pratiques et financiers. Elle peut d’ailleurs poser des problèmes à un éventuel candidat qui serait ainsi désigné car toute dépense effectuée à partir du 1er avril 2016 en prévision de l’élection présidentielle de 2017 et qui aura eu pour objet de s’adresser aux électeurs, notamment par des réunions publiques, devra être incluse dans le compte de campagne.
Caroline de Haas s’est alors proposée avec d’autres pour l’organiser. Mais depuis, cela tourne de plus en plus au casting. Ainsi lorsque Yannick Jadot est interrogé à la radio sur son éventuelle candidature, la réponse est pourquoi pas. Il se dit que Daniel Cohn-Bendit se poserait finalement des questions. Sans oublier Cécile Duflot, on va finir par une primaire entre candidats EELV ! Mais bien évidemment il y en a d’autres, ne serait-ce que parce que en cas de primaire le PCF a toujours dit qu’il aurait son candidat. Mais certains en son sein espère que Arnaud Montebourg se décide pour ne pas avoir à assumer un score trop faible. Clémentine Autain est poussée par ses amis.
Arrive la démission de Christiane Taubira du gouvernement. Immédiatement, les tweets fleurissent, comme ceux de Yannick Jadot et de Aurélie Filipetti, pour la convaincre de participer à cette primaire. Encore raté, elle refuse. Du coup tout le monde se retourne vers Nicolas Hulot. Mais chat échaudé craint l’eau froide. S’il n’exclut pas d’être candidat, passer par une primaire attire cette réponse « c’est la seule réponse où je peux être formel, la réponse est non ».
« L’aile gauche » du PS vient de décider de se joindre à cet appel à primaire et appelle le PS à l’organiser, espérant ainsi se débarrasser de Hollande. Ils ont déjà deux candidats déclarés dans leurs rangs : Benoît Hamon et Marie-Noëlle Lienemann. Mais Christian Paul, un des animateurs y verrait bien Thomas Piketty.
Jean-Christophe Cambadélis s’est immédiatement chargé de rappeler quelques réalités « Participer à une primaire qui fixe comme périmètre le “tout sauf Hollande”, ça pose un problème ! D’une certaine façon, c’est sauter le pas et participer à un regroupement hostile au président et au Parti socialiste. » et de préciser que si primaire il devait y avoir cela ne pouvait être que de de Macron à Mélenchon. Ben voyons qui peut croire à un tel conte : vous imaginez Emmanuel Macron faisant campagne pour Mélenchon au cas où ce dernier gagnerait la primaire ? Vraiment pas sérieux, pas plus que l’inverse.
Et si on arrêtait de jouer au jeu du plus malin et au casting ? Il n ‘y aura pas de primaire de Hollande ou Macron à Mélenchon. Donc chacun va devoir arrêter de fuir ses responsabilités et décider s’il se résout à devoir soutenir F. Hollande au premier tour entraînant ce qui reste de gauche française dans la débâcle et l’explosion. Rappelons qu’en Italie, le Parti communiste italien, premier parti communiste d’Europe, entre alliance avec la social-démocratie et scissions à répétition a réalisé la prouesse de faire disparaître toute alternative de gauche malgré tous les efforts de ces dernières années pour reconstruire. Si nous pouvions tirer les leçons de ce qui a vu disparaître toute gauche digne de ce nom dans ce pays frère, ce serait pas mal.
La solution n’est pas dans un positionnement flou vis à vis des politiques menées aujourd’hui dans toute l’Europe par la social-démocratie. Cela peut vouloir dire moins d’élus ? Vu le système électoral français, c’est possible dans un premier temps. Mais de toute façon poursuivre une union de la gauche chimérique aboutit au même résultat mais avec en plus la perte de tout soutien populaire.
Donc retroussons-nous les manches, ne cherchons pas de raccourcis. Il faut un candidat de rupture avec les politiques libérales quelles qu’elles soient. Nous en avons un possible avec Jean-Luc Mélenchon. Arrêtons-d’avoir comme seule préoccupation de l’évincer. La situation désastreuse dans laquelle nous sommes tous ne permet pas de faire les difficiles. Jean-Luc a été le candidat du Front de Gauche en 2012 et ce dernier n’a pas eu à s’en plaindre. Construisons une campagne collective. Projetons-nous dans la suite et utilisons la présidentielle pour préparer la recomposition politique indispensable.