C’est vraiment une très bonne chose que cette affaire de « Panama papers » qui permet de bien faire comprendre à la masse du public que les grands amis des coupes dans le budget de l’État et ainsi de suite sont au service d’un système pourri jusqu’à la moelle. Que le ministre des Finances Sapin se congratulait il y a peu avec son homologue de Panama en racontant des histoires à dormir debout. Aucun des médias qui menaient alors l’enquête n’en dirent pourtant rien à l’époque. Comment ce silence s’explique-t-il ? Aucun des « fact-chekers », « Le Lab », « Le Scan » « Petit journal » et autres grands « enquêteurs-redresseurs de tort » spécialisés dans le dénigrement de toute parole politique n’ont jamais rien dit à ce sujet. Ni sur le sort d’aucun lanceur d’alerte sur des questions financières. Mieux vaut ne pas s’abandonner à je ne sais quelle absurde confiance au système médiatique.
Après Assange et Snowden, c’est la troisième fois que des « grands journaux » publient des informations qu’en réalité ils se contentent de trier avec un tamis politiquement correct. Ce qui conduit ensuite à étouffer par un coup public énorme le détail des connexions qu’il est impossible de voir après cela. Pourquoi la liste intégrale des fraudeurs n’est-elle pas publiée ? Qui sait quelle connexion le large public pourrait découvrir par ses propres investigations à l’heure d’internet !
En tous cas, on mesure la différence de traitement pour les héros de l’action. Comment oublier le sort des lanceurs d’alerte récents. Antoine Deltour paye d’un procès pour avoir dénoncer le « Luxleak ». Denis Robert, pour avoir dénoncé l’affaire Clearstream paya d’innombrables embuches. Le rapport des sénateurs communiste Eric Boquet et de l’indépendante Nathalie Goulet, qui avait récemment mis à plat ce système est tombé de même ! Tout ce silence glacé de ceux qui ne voulaient déjà pas croire leurs propres collègues de Médiapart à propos de Cahuzac, tout doit rester présent à nos esprits.
Et de même, les comédies de François Hollande ne doivent pas nous berner. Il faut dire que le compte au Panama de son ancien ministre des Finances Cahuzac fait tache. Hollande en rajoute donc. Il affirme ainsi vouloir « remercier » et « protéger les lanceurs d’alertes. C’est grâce à un lanceur d’alertes que nous avons maintenant ces informations. Ces lanceurs d’alertes font un travail utile pour la communauté internationale. Ils prennent des risques, ils doivent donc être protégés ». Hollande protecteur des lanceurs d’alerte ? On éclate de rire au nez de ce mauvais comédien ! Que fait-il pour protéger ceux qui sont actuellement poursuivis ? Pourquoi a-t-il refusé d’accorder l’asile politique en France à Edward Snowden ou Julian Assange ? Qu’a-t-il à dire à tous les lanceurs d’alertes pourchassés et sanctionnés dont parle la journaliste Eloïse Lebourg dans sa série documentaire et dans le dernier épisode de mon émission « Pas vu à la télé » sur ma chaîne YouTube ? Mais surtout dans l’immédiat, que fait le gouvernement de Hollande et de Valls pour « protéger » Antoine Deltour, citoyen français, lanceur d’alerte à l’origine des révélations dites du « Luxleaks » ?
N’abaissons pas non plus la garde de l’esprit critique quand des chiffres circulent : 107 médias ont participé à un « an d’enquête » avec 378 journalistes dans 77 pays ! Bien sûr ce n’est pas vrai. La fuite est venue « toute seule ». Sa source reste secrète cela va de soi. En fait, ces « enquêteurs » n’ont fait que dépouiller des listings et trier les informations données par d’autres. Ce sera un bonheur d’apprendre qui et comment a coordonné 107 médias différents et 378 journalistes dont aucun n’a soufflé mot pendant « un an d’enquête ». Mais à quoi bon chipoter ! « Merci la presse » a dit Hollande ! Oh oui merci ! Et je lis même dans La Croix, qui d’habitude épargne à ses lecteurs les tours de joueur de bonneteau, un résumé du tableau de chasse : « 140 responsables politiques dont 12 chefs d’États et de gouvernement (6 en activité) » sont identifiés. Mais pourquoi La Croix n’accroche-t-elle pas à ce palmarès, par exemple, les noms de la profession et notamment ceux des patrons de presse ? Après tout, nous, en France, nous en avons un dans ce cas et non des moindres !
Et pendant qu’on y est, personne ne peut dire qu’un rédacteur en chef ne soit pas choisi par son patron, ce qui à coup sûr en fait un proche plus proche que d’autres moins proches mais si opportunément aptes à être cités comme des intimes, comme la femme de l’homme qui a vu l’ours que visait le chasseur qui portait une photo où l’on voit le président chinois Xi Jinping ! Ha ! Ha ! Et dire que ce dernier combat la corruption ! Ça montre que décidément il n’y a rien de bon à en attendre, comme dit la CIA !
Au contraire du président des États-Unis et de l’ancien président Sarkozy qui prétendaient mener une lutte implacable contre les paradis fiscaux en 2008 et ont effacé ensuite toute la liste noire de l’époque. Ces deux- là restent inscrits aux rangs des bienfaiteurs de l’humanité et même du prix Nobel pour l’américain ! Bref, monsieur Drahi, ce proche de Barbier (l’Express) de Joffrin (Libération) n’est-il pas pris la main dans le sac ? Ne vous étonnez pas que je fasse cette liste de noms de journalistes qui n’ont pas de compte à Panama, pas davantage, cela va de soi, qu’aucun autre au monde. J’applique leur méthode : des « proches de… » sont impliqués ici et là, ce qui vaut au proche une belle photo dans les journaux du monde entier.
Mais méfions-nous de l’éclat d’un effet d’annonce. Que finit-il par cacher ? Car quel peut bien être le sens d’un compte frauduleux de tel ou tel roi qui règne dans son pays comme un pur tyran dans le genre du roi d’Arabie saoudite. Vous pensez qu’il craint le fisc de son pays ? Alors ? Quel est le sens de son compte au Panama ? Il est pourtant évident : ces gens-là ne déposent pas d’argent pour eux mais pour corrompre ou payer d’autres personnes qui demandent à être payées par ce canal. La bonne question alors c’est de savoir vers qui ressort cet argent. Elle n’est pas posée. Elle ne pourra pas l’être car la liste intégrale ne sera pas publiée. Et Le Monde dit pourquoi : n’ont été relevé que les « power players » (en anglais dans le journal s’il vous plaît). C’est-à-dire ceux qui « font de la politique ». Un choix très orienté. Le résultat est du coup tout à fait incomplet. Car l’info mise en circulation ne vise pas, par exemple, ceux qui négocient des grands marchés privés (il n’y a aucune corruption dans les marchés entre grandes entreprises ?). Ou dans un autre genre : ceux qui font des articles de presse. Par exemple ceux qui défendent contre toute raison une banque. Et ainsi de suite…
Voilà pourquoi la publication de la liste intégrale est nécessaire si tout cela doit être autre chose qu’un bon coup médiatique réservé à quelques journaux qui jettent en même temps la lumière et l’ombre sur la scène.