Ce post est long du fait de mon récit des jours passés à Cannes. Ma présence au festival a été plus remarquée que la fois précédente. Comme d’habitude, j’ai essuyé les foudres de gauchistes et des bourgeois sur le thème « que faites-vous là parmi les paillettes ? ». Ceux-là enterrent une deuxième fois la masse immense des « petites mains » qui font ce festival et que je suis venu visiter et défendre. Ils enterrent aussi tous les festivals parallèles comme « Visions Sociales » où se jouaient « Merci patron ! » et « La Sociale ». Et ils tiennent pour rien l’évènement culturel lui-même et sa contribution à la dynamique du cinéma français. Certains jours, mes propres amis sont vraiment démoralisants de préjugés. Je vous donne donc un récit compte-rendu pour que vous en ayez votre opinion et que vous puissiez picorer les éléments qui feront votre miel dans mes informations.
Il est écrit sur fond de remobilisation des manifestants contre la loi El Khomri et dans la préparation, pour moi, à la fois de mon émission sur France 2 « Des Paroles et Des Actes » du jeudi 26 mai et du rassemblement du 5 juin place Stalingrad à Paris, pour assister au défilé des insoumis. Le terme « défilé » a pu faire penser à une marche. C’est en fait un rassemblement pour voir un défilé et entendre mon discours de clôture de cette première phase de la campagne présidentielle sous la bannière des insoumis et l’annonce de la suite de ce que nous allons faire.
Ici je traite du salaire des patrons, de la fourberie de Hollande dans l’affaire des tribunaux privés du traité Tafta, de la motion de censure qui vient d’échouer à l’Assemblée et qui va revenir début juillet. Car bien sûr, le regain de mobilisation contre la loi El Khomri ce 18 mai est un nouveau point de départ. Le combat continue !
Le salaire des patrons fait débat. Au point d’obliger bien du monde à prendre position. C’est un heureux changement à mettre au crédit de l’ambiance qui règne depuis la loi El Khomri et les « Nuits debout ». Mais le sujet mérite d’être traité autrement qu’avec des tirades qui, à force de bruit, finissent par n’avoir pas de sens réel. En premier lieu, parler des « patrons » comme d’une classe homogène est aussi creux que de parler de « paysans ». Entre l’agriculteur de base et Xavier Beulin, il y a la même distance qu’entre le plombier de mon quartier et le patron de Renault-Nissan. La moyenne du salaire patronal entre les gros nababs du CAC 40 et les petits patrons est de 5400 euros mensuel soit 5 fois le Smic.
Cette moyenne non plus ne veut pas dire grand-chose. Elle met dans un même sac les potentats des grandes firmes qui ne sauraient pas changer une lampe chez eux et la masse de ceux qui s’agitent à 70 heures par semaine font le comptable, l’administrateur et le chef d’équipe. Les patrons du CAC 40 se paient en moyenne 4,2 millions d’euros (salaires brut) soit 238 fois le smic ! Depuis l’arrivée des auto-entrepreneurs, la classe patronale est devenue un plus grand fourre-tout où, comme d’habitude, les gros sont cachés derrière la masse de petits qui leur sert de bouclier. Car selon la taille de l’entreprise, les écarts vont de un à quatre-vingt-deux ! Et selon le secteur d’activité, les écarts vont du simple au triple de l’hébergement-restauration aux activités financières. Ce n’est pas le réel qui sous-tend les débats actuels mais un mythe favorable au très grand patronat né de la période d’euphorie libérale.
La période de grande euphorie qui a suivi la chute du mur et le début de « la fin de l’histoire », bref, cette apothéose de l’ère Thatcher/Reagan, a permis des débauches salariales au sommet de la pyramide qui ont grisé leurs bénéficiaires au point de les rendre aveugles sur le changement d’époque qui est en train de se produire. Même Donald Trump se prononce pour les impôts sur les riches disant que lui milliardaire n’y voyait pas d’inconvénient car il dispose déjà d’assez d’argent. S’il le dit c’est que le fond de l’air a assez changé pour qu’il se rende compte qu’il faut lâcher du lest…
Cela n’a rien à voir avec la « morale » qu’invoque Hollande juste pour se faire une image dans le domaine. De quelle morale parle-t-il ? Qu’est-ce qu’un niveau de salaire « moral » ? Il se garde bien de le dire ! On pourrait aussi évoquer le bon sens commun. On peut démontrer qu’il est absurde de vouloir un deuxième milliard quand on en possède déjà un. Mais là encore, demander à une activité individuelle d’être rationnelle est mal connaître le cœur humain…
Selon moi, il faut retirer du débat toute considération autre que celle de l’efficacité pour la collectivité humaine du montant d’une accumulation. À ce compte, la première raison de limiter le salaire des grands patrons est que la part de la richesse qui leur revient déséquilibre trop l’activité de la production. Partout en effet, le partage de la richesse produite a connu une période de terrible ajustement en faveur des puissants. En France on parle du pic de 10% de transfert du travail vers le capital. Ce sont plusieurs dizaines de milliards de moins dans la circulation de l’économie réelle.
Ce point est crucial. En effet, en pratique dans le monde réel, cette accumulation ne rentre ni dans la consommation ni dans l’investissement. Elle se déploie dans la sphère financière. La vraie première raison de la nécessité de bloquer le processus d’hyper concentration personnelle de la fortune c’est d’abord qu’il favorise la bulle financière et son expansion au détriment de l’économie réelle. On pourra de la sorte évoquer d’autres aspects qui se rapportent de la même manière à l’intérêt général humain. Par exemple que l’accumulation de l’hyper fortune pousse aux hyper-consommations ostentatoires qui saccagent l’environnement. Et qui créent en même temps des dépendances économiques au mal quand des entreprises utilisent tout le génie et le savoir-faire technique de leurs producteurs au service de productions ineptes, dangereuses ou hyper polluantes. J’arrête ici cette liste. Mon propos est d’illustrer la nécessité de justifier la décision de limitation des hautes rémunérations par des arguments rationnels qui peuvent être mis en débat et discutés sans se noyer dans le marais d’un discours sur « la morale » à la sauce Hollande ou « les abus » à la sauce Valls.
En 2012, j’ai proposé la fixation d’un « salaire maximum » défini par une fourchette vertueuse. Il s’agissait de n’admettre qu’un écart de un à vingt entre le plus haut salaire et le plus petit. D’où il suivait que chaque augmentation du sommet entraînerait celle de toute l’échelle des rémunérations dans l’entreprise. Cette proportion de un à vingt est celle que propose la confédération européenne des syndicats (CES). C’est pourquoi nous l’avons choisie plutôt que l’autre échelle non moins vertueuse déjà pratiquée par décret en France : celle qui a court dans l’économie sociale et solidaire où l’écart de salaire maximum va de un à dix.
De plus, l’échelle de un à vingt permettait d’argumenter une autre échelle vertueuse que nous proposions. Il s’agit cette fois ci de l’échelle des revenus (en général). Nous partions de la même proportion : un à vingt. Alors si le revenu médian est de 20 000 euros par an en France, le revenu maximum ne pourrait excéder 400 000 euros. Ce tableau mérite discussion, cela va de soi. Il fut impossible d’en obtenir une. Ni l’UMP ni le PS n’en évoquèrent jamais l’idée. Tout au plus Hollande inventa-t-il la taxe à 75 % à partir d’un revenu d’un million. Cette « taxe » fut finalement imposée à titre transitoire seulement pendant deux ans. Puis il fut déclaré qu’elle serait entièrement payée « par l’entreprise » et non par le bénéficiaire. C’est donc le consommateur qui l’a payée en achetant les produits des entreprises où de tels salaires étaient versés.
Il semble que nous soyons entrés dans une nouvelle phase de mystification de ce type avec l’appel de Libération et de Cohn-Bendit pour « limiter » l’écart des salaires de un à cent…. SMIC ! Pourquoi cette proportion et non celle proposée par la CES ? Pourquoi et comment 1,75 million est-il un salaire acceptable et moral ? En fixant une proportion ridicule de ce type, sans argumentation, on disqualifie la revendication de la CES qui prend la forme d’une pure surenchère quand un a cent essaie de se donner un air de réformisme bon teint. Évidemment, de toute façon, rien ne se fera cette fois-ci encore. Je vais dire pourquoi et comment. Mais retenons le tour de force manipulatoire réalisé par le PS qui a commandé cette opération mystification sur les salaires des grands patrons ! Libération publie à la une et sur quatre pages, un « appel » et un dossier pour limiter le salaire des dirigeants d’entreprise Avec la signature notamment de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS ! Quel nouvel et agressif épisode du double langage social-bobocrate ! Car la veille même de la parution de ce gag manipulatoire, le PS avait voté à l’Assemblée précisément contre une proposition de loi du Front de Gauche pour limiter les écarts de salaire de un à vingt !
La falsification est totale dans l’opération de Libération. D’abord parmi les signataires. Les deux porte-paroles du syndicat Solidaires figurent dans la liste publiée dans Libération. Mais ils ont démenti avoir signé ce texte et demandé au journal un rectificatif. Ils protestent contre l’usurpation de leurs noms alors qu’ils ont explicitement refusé leur signature. Leur démenti a un titre clair : « Plafonner le salaire des patrons ? Oui mais pas n’importe comment et pas avec n’importe qui ! ».
Ce « dossier » est réalisé entièrement dans un but manipulatoire. Y inscrire contre leur gré des gens qui n’en veulent pas en est un premier exemple. Il va de soi que la manipulation, c’est aussi de m’effacer d’un combat que j’ai porté longtemps seul ! Pourtant, dans les cinq pages consacrées au sujet, mon nom n’apparaît pas une seule fois. Pourquoi ? Libération ignore-t-il que le salaire maximum était dans mon programme de 2012 ? Et que je l’ai encore proposé publiquement très récemment à propos de la polémique sur le salaire de Carlos Ghosn notamment ? Pourtant, le journaliste qui signe le papier de cadrage sur la généalogie de l’idée suivait mes meetings en 2012 ! Il prétend avoir écrit une biographie de moi ! Il ne peut donc l’ignorer. L’effacement de ma place sur la photo est donc volontaire.
Évoquer que je propose de limiter par la loi les écarts de salaires de un à vingt oblige à dire que Hollande n’a rien fait depuis quatre ans ou alors seulement la taxe exceptionnelle à 75 % que le journal se garde bien de rappeler. Il se garde aussi de dire que la limitation de un à cent proposée par Libération, Cohn-Bendit et Cambadélis est une invention du bureau politique de la rédaction et des naïfs à qui elle propose de « signer» sans qu’ils aient le temps de se renseigner ni de savoir qu’ils sont entrain de contourner une revendication syndicale européenne. Et quant au chiffre…..Eux-mêmes écrivent que ça laisserait 1,75 million d’euros de revenus annuels pour les grands patrons ! Pourquoi cette somme plutôt qu’une autre ? Au doigt mouillé, la rédaction qui remplace les syndicats et les partis a fixé le montant de la paye rêvée par son rédacteur en chef ?
À l’inverse, le journal mentionne très rapidement que les députés PS ont voté contre la limitation des salaires des patrons ! En effet celle-ci a déjà été examinée en commission, mercredi 18 mai au matin. Les députés PS devaient se prononcer en commission sur un texte sur le sujet déposée par le communiste Gaby Charroux ! Pas de chance ! Le hasard du calendrier fait que cette proposition sera débattue en séance jeudi 26 mai prochain. Le PS va voter contre. Mais il pourra se défausser en disant qu’il a signé la pétition de « Libé » et de Cohn Bendit ! Et Libé se taira. Parce que c’est là toute son utilité.
Pour ma part, je ne suis pas surpris que cette opération signée PS ait totalement méprisé ma bataille depuis 2012 pour le salaire maximum de un à vingt car le groupe L’Express auquel appartient la rédaction de Libé, qui en partage les locaux, mène une guerre du mépris contre moi, textes et photos, depuis des années sur le thème de l’éditorial de son pauvre rédacteur en chef « Comment en finir avec Mélenchon ? ». Du coup, la haine les aveugle. Enfin, comment ne pas souligner l’ignorance et l’arrogance européo-centrée qui conduit les organisateurs de cette manœuvre à déclarer avec des cocoricos inhabituels que la France serait le premier pays au monde à appliquer une limitation des hauts salaires ? La jet-set socialiste ne sort pas des grands hôtels de l’internationale socialiste, ma parole ! En effet, l’Équateur applique l’échelle de un à vingt depuis plus d’un an. Mais c’est vrai qu’en Équateur comme partout ailleurs, Libération soutient la droite et colporte avec empressement ses jérémiades. Et c’est vrai aussi que le président de l’Équateur a soutenu ma campagne en 2012 !
Hollande n’a rien fait sur le sujet depuis 2012, je l’ai dit. Mais surtout, le pouvoir s’est ridiculisé en n’étant pas obéi quand il a refusé en tant qu’actionnaire une augmentation au PDG de Renault et que le conseil d’administration est passé outre. À présent, c’est l’heure de l’impuissance publique. Restent les manœuvres et les coups de menton. Encore mardi matin sur Europe1, François Hollande s’est contenté d’une énième répétition de cette pause sur le sujet. Il a appelé une nouvelle fois à « l’exigence morale » des grands patrons ! J’ai dit pourquoi c’est un angle bien mauvais. Quel gros salaire est-il « moral » et pourquoi ? Ce n’est pas le sujet ! Depuis 2012, il se cache derrière une prétendue « autorégulation », qui permet toutes les « auto-augmentation » des Ghosn, Tavares et autres ! Hollande n’a évoqué l’hypothèse d’une loi que du bout des lèvres. Et seulement dans le but de « rendre exécutoire » les décisions des assemblées générales des actionnaires. Il n’est donc pas question de limiter les salaires par la loi ! Nouvelle arnaque en vue ! Après l’opération des primaires, voilà une nouvelle occasion où Libération joue le rôle de bulletin paroissial au service du PS et d’une opération de diversion qui provoque la division. Conclusion que je reprends au communiqué de solidaire : « changer le mode de calcul du salaire des patrons : oui mais pas n’importe comment et pas avec n’importe qui ».
Une nouvelle fois, Hollande et Valls mentent sur un point essentiel engageant lourdement la France. Selon « le Monde », un document du 7 avril atteste que le gouvernement français a soutenu auprès du Conseil de l’UE la création d’un mécanisme d’arbitrage privé en Europe afin de protéger les investissements des firmes. Qui a suivi le dossier de la négociation sur le Tafta mesure quelle trahison c’est là. Leur existence suppose que les firmes sont légitimes à protester contre une législation et à obtenir réparation des avantages qu’elles attendaient de la situation précédente. Elle leur permet de ne plus être jugées selon la loi du pays concerné mais selon les décisions d’un tribunal privé. Dans ce système, la loi ne s’applique donc plus aux firmes, mais toute loi est cependant placée sous la menace d’être à l’origine d’un dédommagement à leur payer. C’est dans ces conditions que le Canada fait l’objet d’un recours en dédommagement de plusieurs milliards contre sa décision de stopper les forages sur le gaz de schiste, l’Australie contre sa loi anti-tabac et l’Allemagne contre sa décision d’arrêter le nucléaire ! Rien de moins !
La fourberie des dirigeants français est totale. Car en 2015 le gouvernement français indiquait dans une note à l’intention des eurodéputés français que le mécanisme d’arbitrage investisseur-État en discussion dans le cadre du traité TTIP n’était « ni utile, ni nécessaire« . On se souvient aussi des récents moulinets faits par Hollande pour faire croire à une résistance et une exigence française totale. De son côté, l’Assemblée nationale française avait voté dès le début de la législature son refus de voir créer de telles instances.
Et maintenant, on découvre que dans le même temps le gouvernement faisait exactement le contraire en entamant des discussions avec l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et les Pays-Bas pour soutenir la mise en place d’un tel mécanisme. C’est là le pire de la méthode Hollande : des gesticulations de façade qui ralentissent l’action, démobilisent les acteurs de terrain et créent l’espoir. Les médias commencent aussitôt leur ronde puérilisante : « Alors ? Vous dites bravo ? », bourrant les crânes avec ardeur sur la base d’une fausse information (eux-mêmes se fichent que ce soit vrai ou faux puisqu’il leur suffit que cela soit juste un prétexte à faire des bulles de mots).
Et, pendant ce temps, l’arnaque avance en coulisses et en secret. Puis tout finit par le résultat contraire aux annonces. Commencent alors la démoralisation, la dévalorisation de toute parole politique et la division de tout le monde. Comment s’étonner ensuite que les sondages montrent que ni au premier ni au deuxième tour, bon nombre d’ex-électeurs de ce triste personnage ne veuillent plus jamais voter pour lui ?
15 mai, 15h43 :
Je m’envole pour le festival de Cannes. L’an passé, avec « La loi du marché », cette année avec le film « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach, la question sociale revient en grand écran. Je prévoyais donc un séjour qui soit à l’image de ce retour du rouge sur la toile. Mon centre de gravité aura été une fois de plus au festival « Visions Sociales » avec de profondes incursions dans le festival officiel et le métier.
15 mai, 17h27 :
Le saviez-vous ? Le festival de Cannes a été créé sous le Front populaire pour faire pièce au festival « La Mostra de Venise » dominé par les fascistes. L’œuvre de la nazie Leni Riefenstahl y avait été primée et l’intervention personnelle de Benito Mussolini avait permis que le film de Jean Renoir soit éliminé. Mais la guerre empêcha le projet français de se mettre en place. Sa première édition n’a pu se faire qu’à la Libération. Les ouvrières CGT de l’usine textile ont cousu le premier rideau rouge. Le président de cette première édition était monsieur Lumière en personne.
Ce soir, rendez-vous en tête à tête avec Ange Romiti, secrétaire du syndicat CGT des Hôtels Cafés Restaurants de Cannes. Il s’agit du statut des personnels de ces établissements sans lesquels le festival ne pourrait exister. Ces personnels fonctionnaient avant au contrat saisonnier. À présent c’est une généralisation du statut « d’extra », à l’heure à la journée, sans garantie, l’équivalent d’un contrat 0 heures comme en Angleterre. La précarité absolue ! Demain, on passe à l’action. CGT et FO donnent rendez-vous esplanade des allées de la Liberté à 15 heures. Mon rôle est d’attirer les caméras et de faire parler de ces personnels. L’ambiance est morose. Pour la première fois depuis 70 ans le ministre de l’Intérieur a interdit la diffusion de tracts devant les établissements hôteliers, un pratique banale et totalement pacifique. Aujourd’hui, la police a chassé les employés qui tractaient devant les palaces…
16 mai, 09h05 :
Waouh. Après avoir rencontré Ange, nous cheminons vers le restaurant. J’y ai rendez-vous avec Florence Aubenas. Je suis venu lui parler de son livre « En France ». Elle vient pour savoir ce que je fais à Cannes (elle bosse au Monde). Son livre est un vrai bon livre. Politiquement : bof. En fait, la visée politique du livre est plus humaine que vraiment idéologique. Du coup il faut dire que ça se lit vraiment bien. En tant que reportage sur le pays, c’est le haut de gamme. Mieux que des photos ou une infographie. Des centaines de visages et de remarques saisis à la volée. C’est comme le festival de Cannes. La littérature et le cinéma donnent des visages aux chiffres. Comme on est au début du passage à Cannes je manque d’anecdotes pour nourrir ma réponse aux questions qu’elle me pose. Et en plus je me mets à découvert car elle réalise que je fonctionne en mode « nez au vent » selon la bonne vieille méthode qui me permet de capter et de m’éponger des ambiances.
16 mai, 09h58 :
Ce matin, à l’hôtel Ibis de Mandelieu (un palace, n’est-ce pas ?), je rencontre Damien Ounouri et Adila Bendimerad. Le premier est le réalisateur du Film « Kindil El Bahr », en compétition à la quinzaine des réalisateurs. La seconde est l’actrice principale et la co-sénariste du film. Il part du réel pour aller vers le fantastique et parle du corps des femmes comme enjeu dans la société. La rencontre me fait un bien fou. Damien Ounouri est franco algérien. Il travaille son art en Algérie. Surprise, dans un commentaire un lecteur aigre me reproche ma chambre d’hôtel et se demande pourquoi je ne suis pas allé dormir chez les militants pour que ce soit moins cher. Naturellement c’est ridicule. On discute entre nous des masses d’aigreurs que contiennent les réseaux sociaux et de la démagogie qui s’y exprime si souvent sans retenue. La conclusion de la discussion est que la situation n’est guère différente de ce qui s’exprime dans la vie tout court. On rit avec des exemples que chacun a connus sur la toile infestée de trolls plus ou moins d’extrême droite. Autour de moi, trois camarades militants qui me transportent et assurent ma sécurité pendant ces trois jours. Bénévoles bien sûr.
16 mai, 14h12 :
Ce matin, je vais voir avec mon équipe «La Sociale», le film de Gilles Perret. Rencontre avec le réalisateur. Je suis son travail depuis quelque temps déjà. « Les jours heureux » ont été un épisode fort de la vie de ce peuple des conférences et des projections qui depuis quelques années se construit une culture commune d’implications politiques et d’évènements culturels partagés. Le film raconte la création de la Sécurité sociale à la Libération, l’action d’Ambroise Croizat et de la CGT pour la mettre en œuvre en quelques mois. Il récapitule et démonte les attaques qu’elle subit depuis des années. Certains moments de la critique sont franchement hilarant ! Ceux qui veulent transformer la santé en un marché juteux ne font pas dans la dentelle… Le film donne du courage et de l’envie de luttes. Et de la rage contre ceux qui dénigrent la sécurité. Il sort le 9 novembre prochain. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.lasociale.fr. Sachez une dernière chose. France 3 national a pour l’instant refusé de le diffuser. Le motif ? Ce film sur la Sécu ne concernerait pas un moment assez important de notre histoire ! Elle concerne pourtant tous les Français. D’après l’intervention d’un intervenant, un parfum de conflit d’intérêt flotte sur la direction des documentaires à ce sujet.
16 mai, 16h54 :
Départ de Mandelieu sitôt la fin du film. Gilles Perret se joint à nous pour aller au rendez-vous de lutte dans Cannes. Sur place un petit groupe de salariés de l’hôtellerie et des cafés restaurants, en lutte contre les contrats précaires. Ici, on parle de celles et ceux qui font vivre les grands palaces au quotidien. Désormais, même les contrats saisonniers sont menacés. Les contrats d’extras à l’heure. La précarité totale. Des contrats avec lesquels on apprend parfois sur le chemin du travail qu’on peut rentrer chez soi ! Comment penser à demain quand on ne sait même pas de quoi tout à l’heure sera fait ? Sur place pas mal de caméras et de journalistes. Formidable : le but est atteint. Un vieux camarade ronchon s’en prend aux journalistes ! Il râle à haute voix pendant que je réponds aux questions ce qui rend mon travail spécialement pénible pour ne pas butter sur les mots. Le drôle de l’affaire, c’est moi qui défends les journalistes puisqu’ils sont là ! D’ailleurs BFM organise un direct et j’ai cinq bonnes minutes de parole. Ange est ravi. Les gens concernés se sentent reconnus et défendus. C’était le but.
Après ça, je fais une sorte de promenade où je fais des selfies sans fin (mes accompagnateurs deviennent des spécialistes de la photo dans toutes les marques de téléphone) en attendant le moment de faire quelques pas avec Michel Denisot et parler de cinéma. Bon, en fait, si Denisot a le sang-froid du professionnel, j’avoue avoir eu un peu de mal avec cet exercice qui consiste à répondre en marchant et en se sachant filmé pendant que des gens vous regardent en passant… Après quoi je passe un bon moment avec une famille de chtis qui se ballade là. Lui a le diabète et on l’a amputé il y a quatre mois. Il marche sous le soleil avec ses béquilles. Le gars a une volonté d’acier. L’épouse et la fille sont d’accord pour dire que la vie partage trop mal et que les gens sont méprisés. La petite fille dort dans la poussette. On fait un break pour France 2. Mon accompagnateur se moque gentiment : « une vie de star ? ». En plus je suis équipé d’une paire de lunettes de soleil qui me donne une face de mouche. Il faut partir. On retourne à Mandelieu au festival du film « Vision sociale ».
16 mai, 22h43 :
J’arrive à la limite horaire extrême. Ruffin et Giles Perret sont encore là devant la porte. Ils auront accueilli le public jusqu’au dernier arrivant. Ce soir, je vais revoir le désormais célèbre « Merci Patron ! », de François Ruffin et du journal Fakir. Il faut se souvenir que la Nuit debout est aussi l’enfant de ce film puisque François Ruffin y a appelé fort de l’écoute que le succès du film lui a donné dès le début. Salle pleine. Chaleur soutenue. On rit et on applaudit comme si on était pris par la main. Et moi comme les autres alors que j’ai déjà vu le film à Paris ! À la fin, « standing ovation » et applaudissements nourris !
La question sociale revient sur le devant de la scène. Sur les écrans et dans la rue. Et d’autant mieux dans la rue que les écrans ont préparé les esprits à la résistance. À la sortie, on m’invite à bavarder avec des participants de la « Nuit debout » de Cannes. Le dialogue court son chemin au fil des interventions des unes et des autres. Revient la question du sens de l’engagement politique, ou civique si l’on préfère. Et même du sens de l’entêtement à faire vivre la « Nuit debout » en y retournant chaque soir. On conclut qu’il s’agit d’entretenir et de faire naître quelque chose qui a une visée dans la longue durée. Et sans quoi la société sombrerait dans la barbarie du chacun pour soi que le monde de la loi El Khomri veut développer. On me propose d’aller sur place. Je refuse en m’expliquant : tout doit être fait pour que chacun se sente à l’aise dans le processus. À cette étape, ma présence pourrait cliver et partager les participants. J’estime que ce ne serait pas une aide. On se sépare bons amis et je cours (encore) dîner. Une tablée m’attend qui prolonge la discussion précédente, plutôt concentrée sur la nécessité du changement de Constitution qui était déjà venue plusieurs fois dans la conversation précédente.
17 mai, 16h28 :
Le matin, rencontre avec Pierre Lescure, président du festival de Cannes. D’un coup me voici dans la zone survoltée et immense où tout se joue. Dans l’antichambre, je rencontre le styliste Jean-Paul Gautier. J’apprends que la tendance est à retourner un bout d’une manche. Tant qu’il ne s’agit pas de retourner la veste elle-même, j’imite. Bof ! Lescure me raconte la machinerie du festival : 40 000 accréditations, 1 800 emplois directs. Nous avons discuté ensemble des moyens d’une politique culturelle ambitieuse. Rendez-vous pris pour en parler plus en détail dès cet été. J’avoue que je n’avais pas suivi l’actualité et donc l’affaire du remplacement de dernière minute du film palestinien par celui de BHL n’a donc pas été évoquée. J’en suis bien marri quand j’apprends l’affaire. J’aurais bien aimé en apprendre le fin mot de vive voix.
On sort et je musarde en regardant les vitrines des agences immobilières. Stupeur. Les prix ! Je découvre une location à 70 000 euros la semaine. Les cas nous ramènent à la discussion sur les moyens de faire descendre les prix de l’immobilier pour empêcher la captation de tout ce qui est disponible par quelques-uns. Et de là nous voilà partis à se demander comment bloquer le prix du foncier et la bétonisation générale. Non seulement il faut modifier la composition des Safer qui distribuent les terres à vendre. Mais il faut surtout confisquer les plus-values réalisées sur la vente des terrains agricoles de périphéries urbaines car c’est bien de proche en proche que le béton confisque la terre.
Le midi, je rencontre des professionnels du cinéma. Producteurs, distributeurs, réalisateurs : on parle des enjeux concrets auxquels ils sont confrontés au quotidien. Bon. Le public français est le plus nombreux d’Europe. Pourtant l’écosystème cinématographique français plutôt bon pied bon œil est menacé par l’étiolement des petits qu’il vaudrait mieux nommer les indépendants. Pas de baleines sans plancton ! Si les salles disparaissent, si leurs programmateurs indépendants sont asphyxiés, si celles qui fonctionnent en multiplex font tourner les films comme des pales de ventilateurs, le dérèglement est en vue. À la fin, le public n’y sera plus non plus pour les gros car il aura désappris ce dont la diversité lui a donné le gout en permettant son apprentissage. Pendant qu’on faisait le tour d’horizon revient le thème de la TSA, taxe qui est payée avec chaque billet et qui permet le financement de tout cet ensemble : salles, équipements, films et ainsi de suite. Quand tu vois un film, tu payes pour le suivant aussi. Un système génial. Les libéraux hurlent. C’est une subvention. Oui et alors ? Comme elle s’applique aux créations et au réseau en France, c’est aussi une illustration de ce que pourrait être la logique du protectionnisme solidaire. Oui. La taxe favorise la production et la diffusion en France. C’est certain. Mais tous les films diffusés, d’où qu’ils viennent profitent de l’existence de ces salles et de ces publics éduqués et sensibles au cinéma ! Vu ? À la sortie, on fait une interview pour BFM. Zut, ça ne parle pas de cinéma.
Pas le temps de déjeuner. Je veux à tout prix voir « Captain fantastic » de Matt Ross. J’apprendrai demain que Viggo Mortensen, l’acteur principal du film s’est exhibé sur la croisette avec un teeshirt « Bernie Sanders président ! ». Hum. On me dit que le film est anti capitaliste. C’est sûr qu’il fait une peinture assez savoureuse du système en montrant ses conséquences sur les gens qui y participent. Mais s’il fallait être convaincu par le mode de vie dans les bois, je crains que ce soit peine perdue. C’est surtout une belle histoire humaine sur fond de rire au nez d’une façon de vivre, la nôtre. De toute façon, on ne raconte pas un film qui commence sa carrière. Surtout un premier film. Je n’ai pas regretté d’être allé voir ce film. En plus je faisais la pause dans le calme et la beauté après la pression d’enfer des heures précédentes sous les coups de cette manie du selfie qui est devenue un rite parfois bien pesant.
En deux jours, je fais grâce à ces rendez-vous un état des lieux à grands traits du monde du cinéma. On m’a beaucoup parlé de l’amour du métier, de la volonté de pouvoir créer des œuvres accessibles au grand nombre. Je ne suis pas d’accord pour stigmatiser le côté bling bling et ainsi de suite. Le festival quant au fond est une affaire sérieuse de création, d’argent c’est certain, mais aussi d’art et de métiers de toutes sortes déployés avec ardeur et passion. Le bling-bling est un à-côté. Il est drôle parce qu’il est assumé et étalé davantage comme un rôle que comme une manière d’être. Le festival est moins prétentieux que ceux qui, le reste du temps et hors cadre, se comportent comme s’ils croyaient vraiment que ce qu’ils possèdent et montrent suffit à leur donner des droits sur les autres.
Au soir à Nice, nous étions dans le plaisir d’une petite rencontre à l’initiative des insoumis du secteur. Nous n’avions ni le temps ni les moyens d’un meeting ou d’une réunion publique et je n’y suis pas favorable dans cette séquence qui s’achèvera avec le rassemblement du 5 juin place Stalingrad à Paris. Notre petite équipe d’une soixantaine d’invités inscrits parmi les 1600 signataires de la « France insoumise » du département ont donc bavardé autour d’un verre et de quelques savoureux amuse-gueules. Tous âges, toutes conditions. Le mot d’ordre a été bien expliqué : installer notre activité en profondeur dans la société en développant méthodiquement notre influence et nos soutiens. Des citoyens conscients sont utiles et solides. Des supporters ne nous serviraient à rien. Il m’aura fallu quitter sans trainer la rencontre car qui veut voyager loin ménage sa monture. De plus, le lendemain matin m’attendaient au siège de Nice Matin les lecteurs sélectionnés pour m’interroger sur les sujets qui les préoccupent. Un long moment d’échange. Je n’en dis rien renvoyant à Nice Matin qui en aura tiré une synthèse. Ce qui m’ frappé dans les échanges avant et après c’est l’impact de l’usage du 49.3 dans l’affaire de la loi El Khomri. Il ne fait pas de doute que bien du monde dans le pays franchit un cap dans sa compréhension de ce qu’est la Constitution actuelle. Le lien entre cette question de la règle du jeu institutionnelle et de la question sociale parait moins abstrait dorénavant.
Début juillet, la loi El Khomri revient devant les députés. De nouveau sera posée la question du dépôt d’une ou plusieurs motions de censure. Si la loi El Khomri entre en vigueur dans quelques semaines, ce sera à cause de la Constitution de la 5e République. Mais pas seulement. Mieux vaudrait que ce ne soit pas aussi du fait de la pusillanimité des députés PS « frondeurs » et EELV. Lorsque le gouvernement recourt à l’article 49.3, il engage un bras de fer. Il faut être capable d’y faire face. L’article 49.3 prévoit que le gouvernement peut imposer un texte aux députés sans vote et même sans débat. Dans ce cas, la Constitution dit explicitement que pour s’opposer au texte, je dis bien au texte, les députés doivent voter une motion de censure et donc renverser le gouvernement. Donc, après le discours de Manuel Valls recourant au 49.3, il n’y avait plus que deux attitudes possibles : pour la loi El Khomri ou pour la censure du gouvernement. Tout le reste est du charabia politicien. C’est la raison pour laquelle, j’étais partisan de voter la censure d’où qu’elle vienne. Et j’en reste partisan en vue du prochain retour de la loi El Khomri à l’Assemblée fin juin, après son examen au Sénat si, comme c’est probable, le gouvernement recourt de nouveau à l’article 49.3.
Manuel Valls avait annoncé la couleur : « il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel » comme le 49.3. La ministre El Khomri avait même pointé le 49.3 dès la présentation de son projet de loi dans la presse en février ! On savait donc depuis le début que l’article 49.3 serait utilisé. D’autant plus que l’ordre du jour de l’Assemblée et le nombre des amendements interdisaient que le délai prévu pour l’examen du texte soit tenu. C’est donc une comédie qui s’est jouée pour désamorcer la colère en faisant croire que « la rue », comme a dit El Khomri, devait s’incliner devant le droit du Parlement à débattre. Cette équipe autour de Hollande est faite de manipulateurs sans vergogne. Dès lors, il ne faut pas avoir de fausses pudeurs face à de tels agissements. Face au recours au 49.3, et pour paraphraser Manuel Valls, les députés ne devraient « jamais renoncer à un moyen constitutionnel » de s’opposer à la loi El Khomri, en l’occurrence en votant la censure. J’ajoute que, au-delà de la loi en question, voter la censure est aussi le seul moyen constitutionnel conséquent de défendre les droits du Parlement face à un coup de force.
Bien sûr, déposer soi-même une motion de censure « de gauche » permet de clarifier les points de vue et de dire pourquoi on censure le gouvernement. Reste que si cela n’est pas possible pour la « gauche » comme cela a été jeudi 12, alors il faut quand même aller au bout. On ne peut pas vouloir censurer le gouvernement au point d’essayer de déposer une motion de censure puis ensuite ne pas voter la motion de censure déposée par ceux qui parviennent à en déposer une. De toute façon, aucune motion de censure, de droite ou de gauche, ne peut être adoptée sans l’addition des voix des députés de droite et des 56 députés de gauche partisans de la censure. Le cumul des deux permet de faire tomber le gouvernement comme je l’ai déjà écrit : 233 députés de droite + 56 députés de gauche = 289 soit une voix de plus que la majorité requise pour adopter la censure.
Je souligne ce point car j’avoue n’avoir pas bien compris le propos du président du groupe PCF a l’assemblée André Chassaigne sur « France Info » disant qu’il n’espérait pas que la droite vote sa motion de censure et que la gauche ne devrait pas voter celle de droite si elle parvenait déposer la sienne. Sérieusement : les frondeurs la dernière fois espéraient-ils pouvoir déposer leur motion de censure tout en demandant aux députés de droite de ne pas la voter ? Dans ce cas pourquoi l’avoir déposée ?
Puisque je suis sur ce point de logique je dois dire que ce n’est pas davantage cohérent que 56 députés « de gauche » aient signé une motion de censure mais que seulement 15 aient voté la motion de censure effectivement déposée par la droite avec assez de signatures pour être recevable ? Pourquoi y avait-il vingt-huit députés PS prêts à censurer le gouvernement dans un texte et aucun dans le vote ? Pourquoi y avait-il huit députés EELV prêts à censurer le gouvernement dans un texte et seulement un dans le vote ? Pourquoi les « frondeurs » et les députés EELV n’ont-ils pas voté la censure avec les dix députés du groupe issu du Front de Gauche, Isabelle Attard, les non-inscrits Pourriah Amirshahi et Philippe Noguès et un député d’outre-mer ? Pourquoi Martine Aubry ne s’est-elle exprimée pour critiquer le recours au 49.3 qu’après le vote de la censure ? Pourquoi le refus de ses plus proches camarades de signer la motion de censure de gauche ?
De quoi les frondeurs et les amis de Mme Duflot ont-ils eu peur ? De « voter avec la droite » ? Quelle blague ! La déclaration explicative de la motion de censure n’a aucune valeur législative et elle ne constitue pas non plus la plateforme pour un futur gouvernement succédant à celui qui tomberait du fait du vote de censure. À l’Assemblée, le vote est personnel. Et lors d’un vote à l’Assemblée, il est possible de faire une « explication de vote ». C’est ce qu’a fait André Chassaigne pour expliquer le vote des députés communistes et d’Ensemble. Il a expliqué très clairement la situation à la tribune de l’Assemblée : « Les députés Front de Gauche vont aujourd’hui censurer le Gouvernement en conscience et en responsabilité. Ils vont se saisir de l’unique moyen encore à leur disposition pour rejeter ce texte. Ils s’en saisissent pour simplement respecter les valeurs qu’ils portent et leurs engagements vis-à-vis de celles et ceux qui les ont élus en 2012. Notre censure du Gouvernement et du projet de loi Travail n’a évidemment rien à voir avec les motivations de la droite. Comme chacun le sait ici, nos collègues de droite auraient souhaité l’adoption de ce texte. A tel point que, craignant son rejet, ils ont déserté leurs bancs au moment du vote de leur motion de rejet préalable et de renvoi en commission. Nous, nous étions au rendez-vous ! Ces incohérences et ces contradictions sont, aujourd’hui encore, mises à jour puisque la majorité d’hier s’apprête à voter contre un texte qu’elle aurait rêvé d’écrire en son temps. Du reste, nous ne sommes pas dupes du programme destructeur qui est celui de la droite et qui enfoncerait encore un peu plus notre pays dans la crise. Mais c’est précisément parce qu’il faut mettre un terme à toutes ces hypocrisies politiciennes que nous assumons le fait de condamner la politique du Gouvernement. Notre censure vise au rejet du projet de loi et à un mettre un terme au fourvoiement d’un Gouvernement dans les méandres du libéralisme économique prônée par la droite ».
Les « frondeurs » ont annoncé vouloir tenter de déposer une nouvelle motion lors du prochain passage du projet de loi à l’Assemblée. C’est une bonne chose. Mais cette fois, ils devront aller au bout. Que les frondeurs trouvent ou pas les deux députés supplémentaires nécessaires au dépôt de leur propre motion, il faudra voter avec la droite pour bloquer la loi El Khomri et renverser le gouvernement Valls.
Assez d’hypocrisies et de manœuvres politiciennes. Hollande et Valls nous accusent de voter avec la droite ? Quelle honte ! Ils ont adopté tous les traités européens avec la droite, y compris pour empêcher un référendum en 2008 sur le traité de Lisbonne ! Ils voulaient faire adopter la déchéance de nationalité avec l’extrême-droite et cela ne les a jamais gênés ! Ils passent leur temps à puiser leur projet de loi économique et sociaux dans les programmes de la droite voire de l’extrême-droite comme sur le cas de l’exonération de cotisations sociales pour prétendre augmenter le salaire net sans augmenter le salaire brut. Et nous devrions avoir des pudeurs face à ces gens-là ? Ils n’ont plus d’arguments : seulement des menaces, des coups de force et des chantages. « L’alternative à Hollande, c’est la droite » répètent-ils en chœur. Mais si la droite est si proche du pouvoir et si radicalisée et décomplexée, si le FN est si haut dans les urnes, c’est à cause d’eux ! Leur défaite et leur départ est une condition de la victoire sur la droite et l’extrême-droite dans les têtes et dans les urnes l’an prochain !
183 commentaires
Nadia Moisset
Cher Jean Luc, rien ne vous aura été épargné à cette dernière de DPDA que vous avez enterrée avec brio. Est ce un bon signe pour l’avenir de notre gauche et votre/notre succès aux prochaines présidentielles ? L’avenir nous le dira, étant entendu qu’il sera aussi ce que nous saurons en faire. Vous êtes venu (c’était pas gagné), vous avez vu (et nous aussi des chiens de garde plus mordants que jamais) et vous avez vaincu (malgré tous les coups bas). La lecture de la presse de droite, dont Challenge plus haineux que jamais et qui tient le pompon de l’ignominie et de la pleurnicherie pour protéger ces « pauvres minables sans déontologie » nous prouve que vous avez marqué des points, le fait étant confirmé par le sondage de la fin de l’émission.
Merci d’être là avec toute cette intelligence et cette énergie au service de notre cause et de notre peuple. Nous ne vous lâcherons pas !
daper philippe(B)
Jean-Luc
Je viens de voir un ancien débat sur LCP, quatre mois après l’élection de Hollande. Tu prévoyais le pire. Et les faits te donnent raison. Je constate depuis que tu as bien compris comment contrer les nouveaux chiens de garde. Tu les prends à rebrousse-poil, et c’est jouissif ! Et ils se couchent dans l’herbe, même s’ils sont deux ou trois contre toi.
Quand tu auras un peu de temps, regarde un peu la situation en Belgique, face à notre belle droite mêlée d’extrême, la NVA. Depuis six semaines, il n’y a pas un seul secteur des services publics qui ne parte en grève. Te rends-tu compte que le plus haut magistrat de Belgique vient de dénoncer un état voyou et que ses magistrats partent en grève. Cela ne s’était vu qu’en 1918, face aux Allemands. Ici, le PS d’Elio di Ruppo tremble, face à la montée du Parti des Travailleurs de Belgique, le PTB, 14 % des intentions de vote. Mais, méfie-toi quand même de Chevènement. Rappelle-toi 2002 ! Il pourrait être ton Ebertz de la révolution allemande de 1918.
Bon courage. Et fais gaffe ! Souviens-toi de Jaurès, de Rosa luxembourg et de Karl Liebnecht.