La mobilisation contre la loi El Khomri continue. Le gouvernement semble perdre le contrôle de ce qu’il fait et de ce qu’il dit. Les crises d’autoritarisme du Premier ministre ne font que miner chaque jour plus profondément l’autorité de l’État. Philippe Martinez a raison de le rappeler à Manuel Valls : ce n’est pas davantage aux manifestants d’assurer la sécurité de leurs cortèges que ce serait aux supporters d’assurer celle d’un match de foot.
Comment Valls et Cazeneuve ont-ils pu penser et pérorer le contraire ? Peut-être parce que dans ces deux cas, on voit bien quel bilan lamentable ils affichent. Jamais il n’y a eu autant de forces de police dans la rue. Jamais la pagaille et les dégâts n’ont semblé plus étendus. Il apparait à travers le traitement de l’info par « France 2 » que c’est aussi sans doute une stratégie de communication. Je crois qu’elle se retourne contre leurs auteurs. Vivent donc Pujadas et Saint-Cricq pour leur démonstration involontaire.
Que le régime en soit rendu à vouloir interdire les manifestations quinze jours après que Marine Le Pen l’a demandé montre de façon inquiétante quelles sont devenues les connections intellectuelles désormais récurrentes du régime Hollande. C’est pourquoi je reviens ici sur la loi El Khomri. Au moment où le pouvoir fait mine de pleurer sur la droitisation de son texte au Sénat, je veux montrer qu’en réalité le PS a non seulement poussé la droite aux surenchères mais qu’il les a anticipées.
Si les Anglais s’en vont de l’Union Européenne, nous allons pouvoir permettre aux réfugiés de les rejoindre car la France ne sera plus tenue de les retenir à Calais. De même, nous ne serons plus obligés d’avoir les textes du Parlement européen en anglais. Sans doute les deux langues de travail que sont l’allemand et le français seront-elles désormais respectées et nous disposerons de textes en français pour chaque vote. Bref, il n’y a pas que des inconvénients au Brexit. Quoi qu’il en soit, je traite ici de ce vote historique.
Une fois de plus, le gouvernement Valls a fait le choix du pire pour contrer le coup que lui portait la journée de mobilisation du 14 juin. Ils ont polarisé toute l’attention des Français sur le soi-disant saccage de l’hôpital Necker. Cela après avoir sciemment organisé la formation d’une poche de casseurs qui détruisent tout en tête de cortège sans être inquiétés. Ici, Valls et Cazeneuve ont à ce point dépassé la limite que cela s’est vu en grand et en gros caractères. On ne saurait donc exclure qu’ils aient considérablement renforcé la volonté d’en découdre aux deux dates annoncées pour les prochaines mobilisations dans la rue. Dès la première vitrine brisée et son spectacle déversé instantanément sur toutes les chaînes, nous avons tous compris qu’il s’agissait de minimiser l’ampleur de la manifestation en détournant l’attention. Puis les mieux informés ont compris qu’il s’agissait de masquer le terrible accident provoqué par la grenade qui a explosé dans le dos d’un manifestant, situation qui a déjà provoqué la mort de Remy Fraisse.
Si grossière et violente qu’ait été la méthode, il est frappant de voir à quelle vitesse elle s’est retournée contre ses auteurs. À propos de l’hôpital Necker, le retournement de l’opinion s’est vu sur les réseaux sociaux une fois passé le premier moment de stupeur. Très vite, la manipulation médiatique a été avérée. Et ce sont les parents d’enfants malades qui ont retourné l’attaque contre ceux qui détruisent l’hôpital public de l’intérieur avec les plans de suppression de postes.
L’ambiance de haine de classe contre les syndicalistes, notamment ceux de la CGT, culminait comme d’habitude dans les médias audiovisuels et notamment à France 2 où David Pujadas s’est encore une fois surpassé en grossièreté avec son invité Philippe Martinez, et Nathalie Saint-Cricq en s’abaissant à répéter mot pour mot l’argumentaire de l’extrême droite du PS. Sur le terrain, « le service public » battait des records avec ses questions : « Que pensez-vous de la baisse de la mobilisation ? » demande une stagiaire sans aucune expérience de ce genre de situation pendant que passait derrière moi la plus importante manifestation syndicale depuis 15 ans ! Ou encore : « Pensez-vous que la manifestation d’aujourd’hui sert à quelque chose encore alors que la mobilisation baisse ? ».
Brave petit soldat qui pose les questions que les chefs dans les bureaux ont décidé de poser avant même que la manif ait commencé ! À « France 2 », tuer l’impact d’une mobilisation en détournant l’attention, c’est un art : deux minutes pour la manif, cinq pour les casseurs et la récitation d’un éditorial écrit dans le bureau de Manuel Valls. En tant que citoyen, cela me désole de voir le métier de journaliste et le service public abaissés de cette façon et davantage encore de constater le mépris que cela induit à l’égard de l’intelligence des téléspectateurs. Comme militant politique, je m’amuse par contre beaucoup d’une telle grossièreté car elle se retourne à l’évidence contre ses auteurs. En effet les centaines de milliers de personnes qui étaient dans la rue sont ulcérées, et leur détestation du régime et de son principal média s’ancre en profondeur dans les consciences. Elle devient irréversible. La méfiance et le dégoût envers la caste médiacratique se propage et s’amplifie.
Bien sûr, ces éléments d’éducation populaire ne compensent pas les dégâts provoqués sur le moment par la propagande que diffuse le journal de « France 2 ». Mais dans la durée, ils sont cependant bien plus productifs que les avantages momentanés tirés par nos adversaires quand ils parviennent à sidérer les téléspectateurs. Autre nouveauté dans ce type de situation : dans le même temps, les nouvelles pratiques populaires de la collecte d’images se forment et se renforcent de manifestation en manifestation. Les gens filment beaucoup, photographient partout. Un bidouillage comme celui à propos de l’hôpital Necker n’aura pas tenu si longtemps grâce à cela. Et désormais nous sommes nombreux à attendre les images des réseaux sociaux avant de nous faire une opinion définitive.
Cette remarque touche plus profond qu’il n’y parait. En vérité, la situation du paysage médiatique comporte un paradoxe que les pratiques de masse des reportages improvisés compensent. La cause est profonde : il y a de plus en plus d’écrans et de réseaux de diffusion mais il y a de moins en moins de sources d’information. Le nombre de journalistes encartés baisse, le nombre d’agences en état d’alimenter les tuyaux de l’info en continu diminue également. Cela veut dire que moins d’images disponibles sont diffusées sur davantage de canaux et d’écrans. C’est un biaisage de l’info disponible très fort. Si l’on croit ce qui est donné à voir, on oublie que l’on ne voit que ce que l’on vous montre. Croiser les regards est donc essentiel pour savoir. À cet impératif général s’en ajoute un second : l’image donnée à voir est l’image dont les chefferies des médias passent commande. Les équipes ne vont pas sur le terrain « à la découverte » mais elles y viennent chercher et prendre ce que les chefs ont dit de ramener… Dans ces conditions, la probabilité d’avoir une information totalement préfabriquée est très forte.
Voilà pourquoi la multiplicité des photographes et cameramen est une bonne chose pour nous et « notre droit de savoir ». On doit donc conclure que toute information de « France 2 » est une « information officielle », c’est à dire une production du studio central du service d’information politique et non une information sur les évènements eux-mêmes. Dit autrement, quand on regarde le journal de « France 2 », on apprend comment le PS et le gouvernement veulent que l’on voie les évènements. En ce sens l’info de « France 2 » est une information non sur ce qui est montré mais sur ceux qui ont décidé de le montrer. Plus le gouvernement est en déséquilibre par rapport à la société, plus son message officiel va être grossier et lourd, plus il va tirer sur le masque d’objectivité dont se drapent ses « lecteurs de prompteurs » du 20 heures.
Chaque JT de « France 2 » est donc une leçon politique essentielle pour ceux qui le regardent dans ces circonstances. Les uns n’y comprennent rien et se laissent balader par l’émotion suggérée jusqu’à ce que la suivante vague d’émotions préfabriquées les emmène plus loin ou ailleurs. Les autres comprennent d’un seul coup la manipulation qui leur « saute aux yeux » littéralement. Plus jamais ils ne regarderont l’info officielle comme avant. Il faut donc remercier Pujadas et Saint-Cricq dont les manipulations sont une école de masse pour nos idées et en particulier celles que nous développons concernant la nature des médias et des médiacrates qui les dirigent.
Après cela, une question se pose, que l’indolent CSA lui-même se posera peut-être un jour si quelqu’un peut rester réveillé dans ce machin assez longtemps pour regarder une émission politique et faire son boulot entre deux jours de paye. Puisqu’il est avéré que Pujadas, Saint-Cricq et les autres sont les répondeurs automatiques du gouvernement mis en place pour répondre aux questions que les gens se posent à 20 heures, peut-on faire une campagne présidentielle sans inclure le journal de 20 heures dans le calcul du temps de parole du gouvernement ? Ou bien, dit autrement : ne devrait-on pas plutôt mettre en place une autre équipe plus neutre et respectueuse de la liberté de conscience des téléspectateurs pendant la période de la principale élection du système institutionnel, sachant que le gagnant de la compétition nomme ensuite directement ou indirectement tout ce petit monde ?
Enfin, je veux conclure par une note plus optimiste. Nous ne sommes pas condamnés à ce régime informatif hallucinogène. On peut en changer. Il le faut, car le droit à une info honnête est une exigence basique de la vie du citoyen. Comment peut-il participer à l’expression de la volonté générale s’il ne sait rien de certain ou de vérifié sur ce qui est en cause ? Education laïque et info honnête sont les deux colonnes du temple républicain où se formate la liberté des citoyens. Je compte donc présenter le moment venu un plan particulier sur ce sujet dans la campagne présidentielle pour libérer la presse et les médias du double joug des puissances de l’argent, du copinage, et des pouvoirs.
Jeudi 23 juin, les électeurs du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord se prononcent par référendum sur leur appartenance à l’Union européenne. Ils doivent répondre à une question claire : « le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? ». Ils auront le choix de voter pour « rester membre de l’Union européenne » (« Remain a membre of the European Union ») ou pour « quitter l’Union européenne » (« Leave the European Union »). C’est la première fois de l’histoire de la construction européenne qu’une telle question est posée aussi explicitement aux citoyens d’un pays. C’est donc un moment historique.
D’où vient ce référendum ? Il date de la campagne des élections législatives britanniques de mai 2015. À l’époque, en difficulté sur la question européenne dans son propre camp, le Premier ministre conservateur sortant, David Cameron, promet un référendum sur le maintien ou non du royaume dans l’UE. Réélu, il a d’abord attendu que la Grèce soit étranglée et que Tsipras accepte le troisième mémorandum en juillet, avant d’avancer ses pions. Puis il a publié ses exigences en novembre 2015. Il a d’abord logiquement refusé de dire s’il appellerait à rester dans l’UE si ses exigences n’étaient pas retenues. En agissant ainsi, Cameron a préempté le débat européen, imposé son agenda et mis la pression aux 27 autres pays. Une bonne leçon de rapport de force national pour tous les naïfs de « l’Europe qui protège » et les capitulards du « on ne peut rien, c’est l’Europe qui décide ».
Sous la menace du Brexit, les 28 ont signé le 19 février 2016 en accord entre le Royaume-Uni de David Cameron et les 27 autres chefs d’États et de gouvernement de l’UE. Notez au passage que cet accord est fait d’une « décision des chefs d’État et de gouvernement » et de plusieurs « déclarations ». Ce n’est pas un traité ni une modification des traités européens. Car changer les traités aurait obligé les 27 autres à devoir faire ratifier l’accord par leur Parlement national, voire par référendum pour certains. La peur du peuple continue de régner au sommet de l’UE.
L’accord porte sur plusieurs points. Il comporte d’abord un volet de libéralisme économique vantant la « compétitivité » et le libre-échange. Ainsi, les 28 se sont engagés à conclure « des accords bilatéraux de commerce et d’investissement ambitieux » avec les autres pays du monde et notamment à « s’employer à faire avancer les négociations avec les États-Unis » en vue du traité TAFTA de libre-échange transatlantique. Ils se sont aussi engagés à « simplifier la législation, éviter une réglementation excessive et réduire les charges pesant sur les entreprises » comme le répète la novlangue européenne à chaque occasion.
L’autre grand morceau arraché par Cameron concerne l’immigration. En pleine crise des migrants et pour satisfaire son extrême-droite, David Cameron a obtenu la possibilité, pendant 7 ans, de suspendre les allocations sociales des citoyens d’autres pays de l’UE arrivant au Royaume-Uni pour leurs quatre premières années dans le pays. On parle bien ici des ressortissants d’autres pays de l’UE, c’est-à-dire y compris les Français qui iraient s’installer au Royaume-Uni. Des européens de «L’Europe qui nous protège » et non des Syriens pour lesquels un État peut déjà décider librement ce qu’il veut. En réalité, David Cameron n’a pas eu beaucoup à se battre sur ce point puisque Angela Merkel l’a soutenu très tôt. D’ailleurs, depuis l’accord de février, le gouvernement allemand a fait savoir qu’il travaillait à un projet de loi du même objet. Evidemment, c’est une ministre social-démocrate qui prépare le ce texte ! Il me semble que c’est un des points les plus significatifs de l’État de l’Union Européenne que cette décision officielle de régression sociale. Que ce soit la ministre du PS allemand qui en soit chargée est également très hautement significatif de l’état de ce mouvement dans cette Europe et dans ce pays qui a été le bastion mondial de la social-démocratie.
Le troisième volet concerne la protection spéciale de la souveraineté britannique. David Cameron a ainsi symboliquement obtenu l’exemption pour le Royaume-Uni de l’objectif d’une « Union toujours plus étroite ». Plus précisément, cette exemption sera inscrite dans les traités lorsqu’ils viendront à être modifiés. Les 28 chefs d’État et de gouvernement se sont aussi accordés pour permettre à une majorité de Parlements nationaux de bloquer un projet de réglementation européenne. Ce « carton rouge » complète le dispositif actuel de « carton jaune » : les Parlements nationaux peuvent demander un réexamen. Mais les seuils à franchir pour obtenir ces réexamens sont tellement élevés que c’est davantage un affichage qu’une vraie modification.
L’essentiel des protections de souveraineté de cet accord fait main pour les Anglais concerne en fait le secteur financier. David Cameron n’a pas obtenu la reconnaissance de « plusieurs monnaies » dans l’UE mais seulement que l’UE facilitera « la coexistence entre différentes perspectives », c’est-à-dire une confirmation implicite que le Royaume-Uni pourra ne jamais passer à l’euro. Il a surtout obtenu l’absence « de discriminations » de la zone euro contre la City, le centre financier du Royaume-Uni. Et le Royaume-Uni pourra superviser ses établissements financiers indépendamment de l’Union Bancaire Européenne même si cela se fera « sans préjudice » du droit de l’UE d’intervenir si la stabilité financière est menacée.
David Cameron a obtenu presque tout ce qu’il voulait. C’est-à-dire à la fois peu de choses fondamentales puisque aucun article des traités européens ne sera modifié. Et en même temps ce sont aussi plusieurs mesures symboliques qui accentuent encore le caractère libéral et non-solidaire de l’Union européenne. David Cameron s’est contenté de cela pour appeler les Britanniques à rester dans l’UE. Du coup, qu’ils y restent ou qu’ils s’en aillent, ce sera une reculade pour l’Union européenne.
Le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est d’ores et déjà un point de non-retour en Europe. Quel que soit le résultat, rien ne sera plus comme avant. Ce référendum est un puissant révélateur. Révélateur de l’impasse totale qu’est devenue l’Union européenne. Révélateur de l’effacement de la France du débat européen confisqué par Merkel, Cameron et les nationalistes. Évidemment, c’est aussi une nouvelle preuve de la peur qu’ont les dirigeants européens pour les peuples mais on ne peut parler de révélation à ce sujet tant l’Union européenne s’est construite contre les peuples, en particulier depuis le référendum de 2005 en France et aux Pays-Bas. Cet épisode est aussi une grande leçon qui doit être bien comprise.
La première leçon est historique : l’impasse européenne est désormais clairement établie. L’Union européenne est entrée en dislocation sous le coup de ses propres règles d’austérité et dumping social et fiscal. La sortie de ces traités européens est désormais une exigence de bon sens ! Rien ne sera plus comme avant. Le Royaume-Uni a fait des pieds et des mains pour adhérer à la Communauté européenne dans les années 1960 et jusqu’à son adhésion en 1973. Il s’agissait de participer au grand marché unique sans aucune barrière douanière, pour profiter à plein de la libre-circulation des capitaux, écraser l’URSS et renforcer sans cesse le « partenariat transatlantique » entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique. Les Britanniques ont toujours soutenu le libéralisme en Europe, qu’il s’agisse d’encourager le système de détachement de travailleurs ou de freiner les minimes tentatives de régulation de la finance.
Mais aujourd’hui, certains États disent stop. D’autres ont failli le faire. Pourquoi ? Parce qu’au point où est aujourd’hui l’UE, ils se disent qu’ils ont plus à perdre dedans que dehors. Non pas que l’UE ait cessé une seule seconde son libéralisme économique. Certes, l’UE prend une tournure de plus en plus autoritaire, elle méprise les États et leurs parlements, et surtout elle impose des réformes aux uns et aux autres sous l’autorité du gouvernement allemand et de la Commission européenne. Or une bonne partie des libéraux du Royaume-Uni ne veulent pas d’une Europe à la sauce Merkel. Ils veulent pire. Puisqu’il n’est plus possible de faire le passager clandestin dans l’Europe allemande, certains libéraux anglais préfère imposer leur libéralisme eux-mêmes que d’être dirigés demain par Wolfgang Schaüble.
C’est le cas d’une large part du parti conservateur au pouvoir à Londres. Environ un tiers des députés qui soutiennent le Premier ministre libéral sont pour le Brexit. C’est aussi le cas de l’ancien maire de Londres Boris Johnson, lui-aussi fervent libéral. C’est évidemment aussi la position des libéraux nationalistes que sont les amis de Madame Le Pen, l’UKIP (parti de l’indépendance du Royaume-Uni). Tous veulent « sortir » de l’UE pour être encore plus durs avec les étrangers, encore plus libéraux en économie, etc. À cela s’ajoute un jeu politicien pour savoir qui du Premier ministre Cameron et de l’ex-maire de Londres Johnson récupérera le pouvoir dans le parti conservateur au lendemain du référendum.
La deuxième leçon est que le référendum anglais agit comme un « révélateur des intérêts sur lesquels repose l’Europe actuelle » comme l’écrit Laurent Maffeïs dans l’édito du bulletin « L’heure du peuple ». « Les deux principales forces ouvertement opposées au Brexit se situent en dehors d’un paysage politique pulvérisé. Il s’agit des USA et des marchés financiers. Bien qu’ils ne votent pas, Obama comme la City ont officiellement appelé à voter pour le maintien dans l’UE. Cela révèle crument les intérêts profonds que sert aujourd’hui la construction européenne. Les États-Unis ont toujours utilisé les Britanniques comme cheval de Troie dans l’UE et ils y perdraient un précieux allié dans la négociation du traité TAFTA. Le maintien britannique dans l’UE avec des dérogations facilitant le dumping social, écologique et financier pourrait au contraire servir de laboratoire au futur marché transatlantique. Quant à la City, elle a conforté depuis l’avènement de l’euro son rang de première place financière mondiale et contrôle désormais près de la moitié des transactions mondiales effectuées en euro. Cela révèle au passage que la monnaie unique a échappé à la zone euro et à sa banque centrale ».
La troisième leçon est profondément politique. Idéologique même. Pour David Cameron, tout était négociable. En revanche pour Alexis Tsipras, rien n’était négociable ! Merkel a accepté de discuter du référendum anglais, mais pas du référendum français de 2005 ni du référendum grec de 2015. La naïveté est donc interdite à qui prétend gouverner pour transformer la société. C’est à un combat qu’il faut se préparer.
Quatrième leçon : le rapport de force national est fondamental pour être respecté dans l’Union européenne. On ne parle pas de la même manière au Royaume-Uni qu’à la Grèce. Et à ce sujet, je note que la menace d’une sortie de l’UE a renforcé la position de David Cameron dans la négociation plus qu’elle ne l’a affaibli. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi des dirigeants de caractère qui osent mettre les pieds dans le plat et en appeler au peuple.
C’est la cinquième leçon : l’éjection de la France du débat européen. Après l’épisode grec, la négociation sur le Brexit a réduit le débat européen à Angela Merkel ou David Cameron. L’ordolibéralisme autoritaire de la droite allemande ou l’ultralibéralisme xénophobe de la droite anglaise ! Un choix entre la peste et le choléra en somme. Disons tout net qu’il ne peut être question pour nous d’accepter ce cadre de « débat » qui expulse les questions sociales, démocratiques et écologiques.
Et la France ? Et François Hollande ? A-t-il un avis sur la question ? Pourquoi n’a-t-il rien dit dans la négociation ? N’était-ce pas le moment de dire ce que la France proposait ou exigeait pour l’Europe ? Est-il seulement au courant que les Britanniques votent le 23 juin ? Sait-il seulement ce qu’est une négociation européenne ? Cherche-t-il déjà comment contourner le résultat du référendum anglais comme lui et Sarkozy ont contourné le référendum français de 2005 ? Du point de vue de la méthode, on voit la différence entre Cameron et Hollande. L’un a déposé ses exigences et promis un référendum. Il a obtenu l’essentiel de ce qu’il voulait. L’autre s’est caché sous la table dès la première réunion avec Mme Merkel et a avalé tout cru le traité budgétaire qu’il devait renégocier, sans le soumettre à référendum.
Voilà pour les principales leçons à tirer. Nous n’attendons rien de David Cameron ni d’aucun libéral. Nous savons qu’une partie de la gauche anglaise refuse d’appeler à rester dans cette Union européenne. Certains partis ou groupes appellent à voter pour sortir.
Le référendum sur le Brexit confirme que notre méthode de gouvernement est crédible : appliquer notre programme, présenter aux autres membres de l’UE l’exigence française de sortie des traités européens, puis faire valider le fruit de la négociation par les citoyens français par référendum. Et en cas de refus de négocier ou d’un résultat non satisfaisant, nous avons un plan B : laisser les eurocrates mourir sur pied avec leur machine européenne, en sortir et proposer à tous ceux qui n’en veulent plus de travailler avec nous à d’autres cadres de coopérations. Ou pour résumer : l’UE, on la change ou on la quitte ! C’est d’autant plus praticable que l’année 2017 sera une année charnière en Europe avec la conclusion de l’accord TAFTA et la mise en chantier d’un nouveau traité budgétaire européen. Brexit ou pas, l’heure de vérité est venue. Le début de la fin de l’Union européenne est commencé.
Au Sénat, les amis de messieurs Juppé et Sarkozy utilisent l’examen de la loi El Khomri pour introduire dans ce texte toutes leurs lubies ultralibérales. Et les finauds du PS d’en profiter : « Au secours la droite revient ! ». Ressortir un slogan de 1986, c’est tout ce que le PS a trouvé pour continuer à défendre la loi El Khomri. Mais ce sont Valls et Hollande qui ont ouvert les vannes. Depuis quatre ans, ils ont validé les principales idées de droite.
Et avec cette loi c’est le cas encore davantage que jamais. En quelque sorte, la droite n’a plus qu’à réclamer de pousser la logique El Khomri jusqu’au bout ! C’est tellement vrai que les sénateurs de droite n’ont voté aucune des deux motions de rejet du texte déposées par les sénateurs communistes à l’ouverture du débat au Sénat lundi 13 juin. Dès lors, on peut dire que Valls et la loi El Khomri agissent comme des poissons-pilotes pour la droite. La politique du gouvernement n’est pas un vaccin contre la droite, c’est au contraire le venin libéral instillé pour abattre les digues devant la marée montante ! On peut dire que c’est un système auto-entretenu. Le PS propose des idées de droite et les candidats de droite sont poussés à la surenchère pour se distinguer d’eux. Hollande a ainsi radicalisé la droite que Sarkozy avait déjà décomplexée ! Dès lors, à l’inverse de l’idée rabâchée par le PS, refuser et combattre la loi El Khomri aujourd’hui, c’est construire dans le même temps, dans la rue et dans les têtes, le rempart le plus solide possible contre les projets de Juppé et Sarkozy.
En attendant, au Sénat, Les Républicains voudraient renforcer les pires aspects nuisibles de la loi El Khomri. Ils sont majoritaires dans cette assemblée avec leurs alliés de l’UDI. Ils en profitent donc pour intégrer toutes sortes de propositions issues de leurs projets pour 2017. Ils ont ainsi voté la fin des 35 heures et du principe même d’une durée légale du travail. C’est-à-dire la fin du seuil de déclenchement des heures supplémentaires au-delà de la 35e heure de travail hebdomadaire. Avec la version adoptée par la droite, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires serait défini entreprise par entreprise. Et s’il n’y a pas d’accord, ce sont les 39 heures qui s’appliqueraient et non plus les 35 heures. Ce serait évidemment une régression sociale terrible : augmentation du temps de travail et baisse des salaires puisque les heures de travail comprises entre 35 et 39 heures ne seraient plus payées comme des heures supplémentaires mais comme des heures « normales ». Le gouvernement prétend ainsi que sa loi est meilleure que ce que propose la droite. On se pince.
La loi El Khomri va dans le sens de ce que réclame la droite. Elle facilite le travail que ferait la droite si elle revenait au pouvoir. Par exemple, elle veut faciliter les accords d’entreprises et leur permettre de déroger à la loi même lorsque la loi est plus favorable aux salariés. C’est l’inversion de la « hiérarchie des normes sociales » et la fin du « principe de faveur ». Quelle différence avec la droite ? La droite ne fait qu’étendre la logique du texte du gouvernement à d’autres domaines. C’est bien Valls et Hollande qui ouvrent la boîte de Pandore. Comment osent-ils ensuite reprocher à la droite sénatoriale de vouloir pousser en quelque sorte la loi El Khomri « jusqu’au bout » ?
Notez d’ailleurs que le gouvernement et les amis de Juppé et Sarkozy sont tous d’accord pour baisser la paye des heures supplémentaires ! Aujourd’hui, les heures supplémentaires doivent être payées 25% de plus qu’une heure normale. Il existe déjà des possibilités de payer moins mais la règle reste celle-ci. Dans le projet de loi El Khomri, le gouvernement prévoit que cette majoration sera réduite à 10%. Au Sénat, la droite a conservé cette baisse de 25% à 10% ! PS et LR sont main dans la main ! Là encore, la logique du gouvernement pousse à la fin de la durée légale du travail. Puisqu’une heure supplémentaire ne sera quasiment plus payée différemment d’une heure « normale ». Or la durée légale sert d’abord et avant tout à marquer la différence de rémunération entre les heures « normales » et les heures « supplémentaires ».
C’est bien Valls et Hollande qui poussent à en finir avec les 35 heures. Souvenez-vous des propos de Manuel Valls en 2011 dans la primaire PS. Il voulait « déverrouiller les 35 heures ». Il proposait alors de « permettre aux Français, pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, de travailler davantage -deux heures, trois heures…- sans avoir recours forcément aux heures supplémentaires ». C’est-à-dire dire exactement ce que vient de voter la droite au Sénat.
C’est aussi ce que dit Macron. En 2014, juste avant de devenir ministre, il glapissait dans Le Point : « nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d’accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunérations ». Quelle différence avec ce que veulent Les Républicains ? Et il ajoutait « c’est déjà possible depuis la loi de juillet 2013, mais sur un mode défensif, pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas étendre ce dispositif à toutes les entreprises, à la condition explicite qu’il y ait un accord majoritaire avec les salariés ? ». Cette possibilité d’accord « offensif », ouvert à toutes les entreprises, est précisément dans la loi El Khomri. Elle permettra au chantage patronal de s’appliquer à plein pour augmenter les horaires sans augmenter les salaires. Le projet de loi El Khomri prévoit que ce soit possible pour une durée de cinq ans. La droite ne propose que d’appliquer les idées du PS sans limite de temps !
Autre exemple, la droite sénatoriale a voté l’instauration d’un plafonnement des indemnités accordées à un salarié licencié abusivement par les prud’hommes. C’est exactement ce que contenait le projet de loi El Khomri avant le recul de Valls en mars devant la mobilisation naissante ! La droite ne fait qu’appliquer le programme initial de Macron et Valls ! Qui peut croire après cela que Hollande serait ainsi un « rempart » contre les idées de ses propres ministres ?
François Hollande et le PS ne sont pas des remparts face au projet de guerre sociale de Sarkozy et Juppé. Mais ce ne sont pas seulement des poissons-pilotes. Ils valident le discours de la droite, ils le légitiment. Ils préparent les esprits. Ils mettent en œuvre des morceaux entiers de leur projet. Bref, ils mâchent le travail à la droite en cas de retour au pouvoir. Il ne faut donc pas s’étonner de voir Sarkozy, Juppé et les autres aller toujours plus loin dans la surenchère antipopulaire. C’est Hollande qui les pousse à se radicaliser !
Cela se vérifie sur bien des sujets. Sarkozy et Juppé veulent encore repousser l’âge de départ à la retraite ? Hollande n’est pas revenu sur la fin de la retraite à 60 ans et a même durci la durée de cotisation pour une retraite à taux plein. Sarkozy et Juppé veulent rendre dégressives dans le temps les allocations-chômage ? Macron et El Khomri eux-mêmes ont dit que le sujet n’était pas « tabou ». Juppé et Sarkozy veulent offrir de nouveaux milliards d’euros de cadeaux aux actionnaires et au MEDEF sous forme de baisse de cotisations sociales ? Hollande leur a déjà donné 41 milliards d’euros, plus que ce que la droite n’avait jamais osé faire jusqu’ici ! Juppé et Sarkozy veulent supprimer l’Impôt sur la fortune ? C’est aussi ce que propose le ministre de l’Économie Macron ! Le projet des « Républicains » prévoit de baisser l’impôt sur les sociétés de 33% à 30% ? Trop tard et trop mou, Valls a déjà promis de le réduire à 28% en 2020 si le PS continue à gouverner ! Le premier ministre de Hollande réussi ainsi l’exploit de doubler Sarkozy et Juppé par la droite.
Face aux projets de Juppé et Sarkozy, la digue est dans la lutte en cours, dans les têtes et les cœurs gagnés à cette lutte. La bataille pour le retrait de la loi El Khomri est le meilleur antidote contre le poison libéral ; celui d’aujourd’hui comme celui qui voudrait continuer demain si nous ne le controns pas dès à présent.
162 commentaires
PIETRON
En effet cette Europe capitaliste n’est pas réformable, sauf à se contenter de réformes à la marge. La règle de l’unanimité européenne est un rempart absolu à l’indépendance des états.
Le Brexit découle d’une géguerre totalement « inter-capitaliste ». Cela dit, s’en saisir afin de crédibiliser auprès des manipulés de la petite lucarne, une sortie de l’UE (car au delà de la propagande médiatique orientée, l’Angleterre s’en sortira très bien, évidemment), pour un pays comme la France, est une aubaine, en précisant la dimension internationaliste d’une telle position. Les Français lors du référendum de 2005, pour ou contre le TCE, étaient initialement pour, sous les coups de boutoir médiatiques. Quelques mois plus tard, au gré d’un militantisme explicatif, la majorité rejetait le TCE.
L’alternance est une calamité. PS, LR et épouvantail FN sont sur la même ligne centrale: « capitalisme » et toujours « capitalisme » sans alternative, assènent t’ils sous des formes diverses. Les mêmes experts serviraient M. Le Pen comme ils servent Hollande, Sarkozy et consorts. A la gauche (qualifiée d’extrême gauche, sic) d’asséner la nécessité de sortir de la spirale d’une croissance sans fin de la finance.
Pauvre2
Il ne faut pas trop tenir compte de ce que racontent le PS, LR ou le FN. Ce ne sont que des petites phrases sans fil conducteur pour faire du buzz. Pendant ce temps, notre projet avance sur le site de la France insoumise. Les autres n’ont pas le début d’un programme et vont se peler entre-eux jusqu’à leurs primaires. J’ai l’impression que Jean-Luc avance doucement pour ne pas choquer ceux qui seraient encore effrayés par une sortie des traités ou de l’euro. Tel Mithridate, distillons nos idées petit à petit.
Nicks
@Christian M
En vérité, les jeunes ont très peu voté au referendum. L’analyse sociale du vote montre que ce sont encore une fois les classes défavorisées qui ont voté contre l’Union en se saisissant du premier levier qu’elles ont trouvé pour tirer le signal d’alarme. Combien de temps faudra-t’il pour s’apercevoir que le blocage institutionnel et le dogmatisme économique des traités sont une conjonction très toxique et qu’il est nécessaire de faire un changement en profondeur. Sauf que pour avoir une petite chance de le réaliser, il faut se préparer à sortir de l’Union, pour avoir une arme dans la négociation, qui, on l’a vu en Grèce, ne se passe entre gens bien élevés qu’en apparence. C’est cela la position de Jean-Luc Mélenchon et de la France insoumise : changer l’Union ou la quitter, parce que c’est comme cela que se pose le problème aujourd’hui.
Michel 65
Courir à Madrid, crier victoire et revenir perdant. Il faudrait se calmer…
Francis
Etonnant sondage sortie des urnes, tout de même. Depuis quelques années les premières estimations se sont toujours révélées exactes à quelques pouièmes près.
NICO 75
Podemos existe depuis deux ans et ils sont à plus de 21% c’est pas mal quand même. Alors bien sur qu’il faut être optimiste et croire que l’ont peux être au deuxième tour. Il faut convaincre. Au boulot nous ne pouvons compter que sur nous.
morvan
Je prépare ma 11ème manif, et reviens du coup sur le projet de loi, pas d’adjectif, tout le monde sait lequel convient. J’y reviens parce que la Commission européenne a publié il y a peu ses sanctions ou menaces de sanctions par mises en demeure pour le mois de juin. Parmi celles-ci, une mise en demeure est adressée à la France, ensemble avec l’Allemagne, car les deux nations appliquent dans le domaine des transports routiers le salaire minimum national pour les entreprises non françaises/allemandes (je ne nous savais pas si « vertueux »). Cela ne plait pas à la commission, qui tout en approuvant « sans réserve le principe d’un salaire minimal », considère que cela « restreint de manière disproportionnée la libre prestation des services et la libre circulation des marchandises » (source). Il vaut mieux, donc, réencourager le dumping social pour ne pas subir de sanction, supposè-je ? Mais quid alors des promesses faites aux routiers nationaux, afin d’enrayer les débuts de blocages, quant au maintien des 25% sur les heures supplémentaires ? Même à 10%, les entreprises nationales ne seront jamais les « moins disantes », c’est clair. Merci qui ?
Bernard DOIDY
Adopter une position solennelle de rejet du gouvernement suffit-il à s’opposer à ce qui est en train de se produire en Europe, et bien sûr en France : Les mouvements qui deviennent crédibles comme solution alternative à l’union Européenne s’apparentent de plus en plus à une forme de dissidence qui va automatiquement entraîner une répression réactionnaire. Peut-on rester dans une position intermédiaire ? l’insoumission et la résistance ne vont-elles pas finir par devenir un concept unique et la révolution citoyenne n’est-elle pas une révolution tout court ?
Cependant on dirait que Le parti nationaliste puise directement dans le blog de Jean-Luc Mélenchon pour étayer son ambition d’entraîner le peuple à porter la réaction au pouvoir, et les médias ont adopté la position insensée de survaloriser cela tout en dévalorisant la gauche . Dans toute l’histoire, les médias sont fascinés par l’extrême droite jusqu’à ce que le drame social se produise . On ne peut faire une révolution sans le peuple ou même contre lui , cela donne l’impression que la situation est en train de nous échapper , si on ne peut accéder au pouvoir au moins donnons à l’opposition un caractère plus lisible. La ZAD de NDDL devient une sorte de modèle de société dont notre organisation politique pourrait s’inspirer carrément.
Vassivière
@christian
Il faut attendre une analyse sérieuse du vote anglais avant d’avancer des lieux communs sortis de la propagande médiatique. Concernant le vote des jeunes : 57 % des jeunes se sont abstenus !
Goissédé
@michel 65
Aller soutenir des frères de combats n’est pas courir à Madrid. Surtout que dans ce déplacement il y avait beaucoup d’amitiés. Ce qui est étonnant c’est que la fourchette des sondages est bonne pour tous les partis sauf pour Podemos ? Mais une des leçons à tirer c’est que l’abstention est très négative pour la gauche et que nous ne pouvons que compter sur nous.