On ne m’en voudra pas de renoncer à commenter la victoire des bleus en demi-finale de l’Euro du foot. Je ne suis pas assez connaisseur de la beauté du jeu pour dire quoi que ce soit d’utile. On pourrait de plus se rendre compte assez vite que ma jubilation doit beaucoup à la déroute de notre adversaire de la soirée. « Vous avez le bonjour du Club Med, chère Angela ». Au fond, peut-être que cette demi-finale était la seule chose importante, dans cette coupe, pour le moral du pays. La seule leçon que j’en tire est bien qu’il n’existe pas d’adversaire invincible pour qui s’efforce de vaincre. Ce post sera l’un des derniers du semestre. Depuis janvier, j’ai publié ici l’équivalent d’un livre de 500 pages. Je vais bien vite faire la pause. Je vous retrouverai, si vous êtes dans le secteur, à Toulouse, le dimanche 28 août, pour mon pique-nique de rentrée.
Ici, je commence par quelques notes d’ambiance politique générale et je poursuis avec l’état d’avancement de la rédaction du programme pour 2017. Il y a aussi quelques coups d’œil politique. Notamment autour de la semaine de lutte contre la loi el Khomri. Valls, mais aussi Le Pen, les frondeurs, j’en parle.
C’est long ? Et alors ? On peut lire comme on veut, ce que l’on veut, autant qu’on veut, quand on veut. La nouvelle organisation de ce blog depuis bientôt neuf mois le permet. Raison pour laquelle le cumul des lectures dépasse les cent mille par semaine depuis désormais nombre de semaines. Merci à vous qui m’encouragez de cette façon à travailler. Je vous propose une pensée amicale pour l’équipe qui permet tout cela matériellement en préparant les notes que je transforme en texte, éditant le post et en l’illustrant, puis en modérant les commentaires. Bref ici encore rien n’est possible tout seul.
Je suis revenu de la session de juillet du Parlement européen avec une impression étrange. J’ai vu un bateau ivre, un poste de pilotage désemparé. Bien sûr, toutes les routines bureaucratiques continuent. Les séances du Parlement restent organisées en dépit du bont sens et à des horaires improbables, les votes continuent à la cadence de plusieurs dizaines par minute. Les députés britanniques sont toujours en rangs en face de nous sur les bancs de l’extrême droite, comme si de rien n’était.
La semaine passée, Juncker prétendait que les chefs d’État des autres planètes nous observaient avec anxiété. Cette semaine, le vice-président de la Commission a harangué la foule des parlementaires en défense de ce cher Juncker avec un talent de montreur d’ours. Ivre de joie et de frustrations, les députés de la droite et leurs duplicatas du PS européen se sont levés pour hurler d’enthousiasme et applaudir en cadence. Pauvres diables. Car un instant après venait en débat un rapport sur le Luxleaks détaillant les arnaques du Luxembourg comme paradis fiscal volant toutes les nations européennes sous l’autorité du même Juncker. Personne n’avait pensé à décaler d’une séance la présentation de ce texte. De fait toute l’Europe bruisse de pressions allemandes pour faire partir le sieur Junker. Au point que ceux qui l’ont élu changent de camp. Aussitôt les sociaux-démocrates et les libéraux montent en ligne.
Car de façon très troublante, le gouvernement allemand pousse de toutes ses forces dans une direction explosive. En réponse au Brexit, les amis de madame Merkel veulent davantage de contrôle budgétaire, davantage d’austérité, davantage de violences sociales contre les peuples. Sont sur la sellette les pays du sud, proies désignées des proconsuls libéraux allemands. Evidemment, la France est visée. C’est mécanique. La politique économique de l’Europe actuelle est une politique de puissance au seul bénéfice de l’Allemagne. Les principales victimes de la folie ordo-libérale sont les trois nations qui suivent et concurrencent l’Allemagne dans la hiérarchie des puissances du vieux continent : France, Italie, Espagne.
J’ai résumé ce qu’était ce soi-disant modèle allemand dans mon livre « Le Hareng de Bismarck ». Je vous y renvoie en préparant l’édition de poche de ce travail. N’ai-je prévenu ? Ce que vous acceptez pour un voisin vous sera fait un jour. Ce qui a été expérimenté à Chypre a été appliqué à la Grèce et ce qui est appliqué à la Grèce sera fait à tous. Pour ma part, je suis convaincu que le clan Schäuble et ses équipes poussent à la désintégration de la zone euro actuelle. Leur objectif est de ne laisser en place qu’une zone Mark reconfigurée où seraient englobés tous les pays déjà annexés sur le plan économique à l’est de l’Union européenne. Sinon, il n’y a pas d’explication rationnelle à une obstination austéritaire aussi bornée.
Tout le monde sait et sent que l’Union européenne telle qu’elle est n’est pas viable. Aucun gouvernement ne peut y résister. Le prochain gouvernement espagnol a pour feuille de route une nouvelle contraction budgétaire. Mais où trouvera-t-il une majorité stable pour le faire ? Le gouvernement Portugais se voit imposer une nouvelle cure d’austérité pour avoir réussi à sauver son pays de la récession par une injection d’à peine un point de PIB. Le soutien au gouvernement socialiste de la part des parlementaires de l’autre gauche a une limite, non ? Et ainsi de suite. Le chaos politique va se propager. Personne ne peut résister à l’étranglement mortel du docteur Schäuble. En tout cas aussi longtemps qu’on lui cède.
Pendant ce temps, l’onde de choc du Brexit continue son œuvre. La caste politique de Grande Bretagne est décapitée. Pan par pan les personnages inconsistants et velléitaires s’effacent du tableau. Peu importe jusqu’au point où la turbulence deviendrait incontrôlable. En tout cas, les points de tensions n’ont aucune raison de se relâcher. Ils se nouent sur des plans divers qui pourraient entrer bien vite en résonance. Que la City soit le siège de la finance mondiale et qu’elle y traite 35 % des échanges en dollars du monde place sous un jour particulier tout ce qui la concerne. Car 85 % des tractations et spéculations du monde se font en dollars. La spécificité du système dollar, c’est qu’il s’agit d’une bulle de plusieurs dizaines de millions de milliards sans contrepartie matérielle. Dès lors, la seule crise de l’immobilier liée au départ possible des yuppies et traders qui ont pourri le monde peut être le point de départ d’un effet papillon de première splendeur.
En effet l’immobilier est lui-même une bulle quand le prix du mètre carré s’éloigne à ce point de toute valeur d’usage. S’ajoute le fait que l’Angleterre, ce modèle d’économie de service vanté dans les années 90 et 2000 par tous les très intelligents qui papotent sur les plateaux de télé à chaque occasion, est un pays qui ne produit plus grand-chose lui-même. Ils achètent à l’étranger et sa monnaie, la livre, est chargée d’éponger l’un des déficits commerciaux les plus élevés du monde. L’ajustement monétaire est en vue. Ça va faire mal pour les actifs libellés en livres. « Si vous en avez : vendez ! », voilà les conseils qui vont se donner derrière le rideau !
Cette turbulence va en percuter une autre. C’est la question des frontières. Là encore, tout tient à des effets mécaniques dépassant la volonté des protagonistes. Des enchaînements en quelque sorte. Exemple en Irlande du Nord incluse dans un processus de paix très fragile. Le Brexit rétablit une frontière avec l’Irlande elle-même. Le contraire de l’intégration qui était engagée de façon douce. Ce problème ne se règle pas avec les bavardages habituels de l’Union européenne quand une difficulté ne parvient pas à se diluer dans le marché et la concurrence libre et non faussée. Et, précisément, les nations ne se laissent pas diluer, au grand dam de tous ceux qui n’en comprennent pas les ressorts profonds.
Cette semaine de la bataille contre la loi El Khomri aura été la semaine de trop pour les camps Valls et Hollande. Sur tous les points, le franchissement de seuils a été vu et assimilé par des dizaines de milliers de personnes. Dans la rue, à Paris, on est passé des fermetures de stations de métro tout le long du parcours et du filtre des manifestants aux fouilles et palpations. Jusqu’à Philippe Martinez qui aura eu son sac fouillé ! Mais autant que lui les élus en écharpe. Et même les journalistes, pourtant aux ordres et prêts à mettre sur le dos de « la-mobilisation-qui-s’essouffle » le moindre papier jeté par terre. Encore des dizaines de gardes à vue, d’assignations à résidence et ainsi de suite, destinées à faire peur aux syndicalistes et aux jeunes.
Les récits de mes camarades présents sur le pont de la Concorde nassé, notamment celui d’Éric Coquerel pourtant en écharpe, sont consternants. C’en est au point que les policiers eux-mêmes n’hésitent plus sur le terrain à dire qu’ils ne comprennent pas ce qu’on leur demande de faire. Raccompagner des manifestants d’abord « nassés » par groupe de dix au métro, qui a trouvé cette idée ? Cazeneuve ? Valls ? Quel cerveau malade ?
Là-dessus arrive le 49.3. El Khomri affirme que ce n’est pas un passage en force. Le Premier ministre vante le dialogue qui a prévalu autour de sa loi. Et ainsi de suite. La novlangue d’Orwell est là. Le vol des mots s’affiche sans vergogne. La guerre s’appelle la Paix, la haine est nommée amour et ainsi de suite. Reste une réalité : le seul endroit de ce pays où l’article 2 de la loi, qui concentre tout le problème du renversement de la hiérarchie des normes, n’a pas été débattu est l’Assemblée nationale.
Je sais que beaucoup de commentateurs se sont gaussés des frondeurs qui ne sont pas parvenus à rassembler les signatures nécessaires au dépôt d’une motion de censure. Je ne partage pas cette moquerie. Car ceux qui ont signé savaient qu’ils seraient exclus. Leur signature souligne donc plutôt l’ampleur de la crise qui travaille le Parti socialiste. Au demeurant, l’échec de la collecte ne tombe pas du ciel. Il a été méthodiquement rendu possible par l’intervention des grands caciques qui agissent derrière le rideau et retiennent les plumes : Emmanuelli et Aubry dont les amis se sont enfuis ou ont refusé leur appui qui aurait pourtant tout changé. La campagne de moqueries est amplifiée dans les milieux officiels en sous-main par les séides de Valls dont la tactique est toujours d’inverser le sens de ce que les gens font de les déprécier pour disqualifier leur engagement.
Cela ne veut pas dire que je ne sois pas conscient des limites de toute « fronde » au PS. Elles tiennent aux individus ? Pour une part certes. Mais elles sont liées aux effets de système que déclenche l’appartenance à une machinerie de cette sorte totalement imbriquée dans l’État et ses prébendes. La 5ème République est une machine à créer une société particulière autour d’elle, où pantouflards, affidés et commensaux finissent par devenir une gangue protectrice de la monarchie présidentielle qui s’alimentent de tous les arrangements.
Les pantalonnades de Valls sur la loi El Khomri et l’agonie du PS dans cette bataille ne doivent pas capter tout notre temps de cerveau disponible. Gardons-en dans l’immense panne médiatique sur ce thème pour observer le comportement du FN sur le sujet. Et pour le faire connaître. Évidemment, il faut lire son interview au journal « Valeurs actuelles » aussi où elle marque son ancrage à droite.
« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ». Cette phrase d’Edgar Faure s’applique parfaitement à Marine Le Pen. On l’a vu à propos de l’interdiction des manifestations. Il y a un mois et demi, le 20 mai, sur Europe1, Marine Le Pen réclamait l’interdiction de toutes les manifestations contre la loi El Khomri. Avec un argument catégorique « pendant l’état d’urgence, il n’y a pas de manifestations ». Marine Le Pen voulait empêcher le peuple de dire non au Medef, à Hollande et à la Commission européenne ! Un mois plus tard, voilà la même Le Pen critiquant la volonté du gouvernement d’interdire la manifestation parisienne du 23 juin ! Un coup de zig, un coup de zag. Comme sur l’euro ou sur la retraite. Mais la boussole du FN reste la même : dans les deux assemblées, leurs parlementaires ont fait assaut de propositions encore plus libérales que la loi El Khomri et toujours violemment anti-syndicales ! Comme de bons fachos de la tradition. Marion Maréchal-Le Pen n’a-t-elle pas déclaré le 11 mars que « La réforme du droit du travail est une partie de la solution » au chômage ? De l’El Khomri dans le texte !
Bien sûr, le FN a surtout joué du cor de chasse anti-syndical, comme à chaque mouvement social. Marine Le Pen, le 20 mai sur Europe 1 réclamait l’interdiction de toutes les manifestations. Puis, consciente que le mouvement entrainait en profondeur le peuple des salariés parmi les plus humbles, elle a radicalement inversé sa position et dénoncé une « atteinte grave à la démocratie » après l’annonce de l’interdiction de la manifestation du 23 juin. Peu importe la girouette en chef. Toute la tribu a continué à vomir sa haine. Pour Louis Aliot, vice-président du parti « la grève est un système archaïque » et « les revendications de la CGT et Sud sont corporatistes » comme il l’a déclaré le 12 juin dans Le journal du centre. Et quoi qu’ait dit la chef suprême, la nièce Marion Maréchal-Le Pen assume jusqu’au bout l’interdiction des manifestations syndicales, même si sa tante a changé d’avis. Le 17 juin sur France info, elle l’assumait tranquillement : « c’est une chose qui peut être envisagée. Moi j’ai dit que je n’étais pas particulièrement choquée par le fait que le gouvernement puisse envisager […] que certaines manifestations puissent être, évidemment temporairement, interdites ». Cette nouvelle amie de Hollande et Valls était au diapason de la propagande de son parti
Car au cœur de la grève, fin mai, le FN pilonnait sans trêve les syndicats. Une vidéo sur le site du parti affirmait clairement que « Le verrou syndical est le premier verrou à faire sauter pour débloquer l’économie » avant même le verrou européen ! Marion Maréchal-Le Pen a notamment violemment ciblé la CGT, premier syndicat du pays : « Nos compatriotes sont pris en otage par deux minorités : le Gouvernement, dépourvu d’une réelle majorité parlementaire, et la CGT, syndicat groupusculaire, organisation d’extrême-gauche, ultimes adeptes d’une lutte des classes périmée ». Et dans la discussion parlementaire, tous les amendements FN s’attaquaient frontalement aux syndicats. Ils visaient notamment à supprimer le monopole syndical au premier tour des élections professionnelles, protection contre les candidatures organisées par le patronat. Une proposition défendue également par le Medef et un amendement déposé par le chef des Républicains au Sénat, Bruno Retailleau !
Car bien sûr, en réalité, le FN est d’accord avec la loi El Khomri. D’ailleurs à l’Assemblée comme au Sénat, aucun des parlementaires FN n’a voté les motions de rejet préalables du projet de loi à l’ouverture du débat parlementaire. Et l’examen des amendements déposés par Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard à l’Assemblée, et par les cumulards Stéphane Ravier et David Rachline au Sénat, est éclairant. Au Sénat, les amendements des sénateurs FN étaient tellement libéraux qu’un censeur du parti a exigé qu’ils soient retirés entre l’examen en Commission et l’examen en séance publique ! Même chose à l’Assemblée ou Marine Le Pen a dû intervenir pour faire retirer les amendements déposés par sa nièce Marion Maréchal-Le Pen.
Mais que les ultra-libéraux, se rassure, Marion-Maréchal Le Pen fait bien partie de leur famille. Sur BFMTV le 27 juin dernier, elle a redit « J’assume parfaitement ces amendements. Je les ai déposés en bonne connaissance de cause. Néanmoins, nous avons fait une réunion de travail suite à cela et Marine Le Pen, en effet, a souhaité que nous ne déposions pas d’amendement, non pas tant pour des raisons de fond mais parce que comme elle souhaitait le retrait de la loi, par souci de cohérence, le fait d’amender pouvait ne pas être particulièrement clair. Mais je vous rassure : j’assume parfaitement ces amendements, je les soutiens. »
Les parlementaires FN n’ont déposé aucun amendement contre les principes de la loi El Khomri. Aucun amendement contre l’inversion de la hiérarchie des normes qui ouvre la voix au dumping entre entreprises d’une même branche et au chantage patronal. Aucun amendement contre la baisse de la paie des heures supplémentaires. Aucun amendement contre la facilitation des licenciements économiques. Çà ne leur pose pas de problème. Ils ont même proposé de durcir la loi. Comment ? Par exemple en proposant d’autoriser un employeur à imposer unilatéralement le passage au « forfait-jour » comme décompte du temps de travail ! Ou encore en supprimant les obligations patronales et les droits sociaux automatiques en cas de franchissement du seuil de 50 salariés pour les repousser à 100 salariés. C’est-à-dire priver des centaines de milliers de salariés d’un comité d’entreprise par exemple ! Ou encore en supprimant le famélique « compte pénibilité » pour la retraite. Le FN a même proposé de faciliter encore plus les licenciements que ce que prévoit le projet de loi EL Khomri ! Le sénateur David Rachline a ainsi proposé de permettre à une PME de licencier dès deux mois de baisses de chiffres d’affaires contre trois dans le projet de loi ce qui est déjà ridicule !
Enfin, encore une fois, le FN n’a pas raté une occasion de s’en prendre aux droits des femmes en proposant ni plus ni moins que de supprimer l’article traitant de la dénonciation du harcèlement sexuel en entreprise. Patriarcal, anti-syndical, libéral et opportuniste, le FN reste un parti calé dans le terreau des fondamentaux de l’extrême droite. Heureusement que les médias sont là pour inviter continuellement les ouvriers à voter pour lui comme le font la majorité de leurs collègues. Mais là encore ils « mentent utile ». Mentir pour inciter. En vérité, 60% des ouvriers s’abstiennent. Les médias ont donc beaucoup de mal à les faire voter FN. Et si ce qui vient de se passer à propos de la loi El Khomri venait à être connu d’eux, sans doute en auront-ils encore moins envie. Mais, ouf ! Les médias n’en diront rien.
Je parle ici de notre travail de préparation du programme de gouvernement que nous allons porter dans la campagne de 2017. C’est la grande affaire pour moi. En effet il s’agit d’articuler le projet général et les mesures concrètes à mettre en œuvre dans un mandat. Une telle question, de tels ajustements entre le général et le très particulier, ne se règlent pas avec des QCM ou ces plateformes ouvertes au bruit et lubies que mettent en place des gens qui tiennent en vérité déjà tout prêt le petit catalogue traditionnel de promesses qui n’engagent que ceux qui les croiront. Notre travail est facilité j’en conviens.
Car j’ai déjà dit que notre campagne présidentielle ne part pas de rien. Quatre millions de voix, oui bien sûr. Mais nous nous appuyons d’abord sur L’Humain d’abord, le programme de 2012. Cela me parait autrement plus enraciné dans notre passé commun et plus fécond pour l’avenir que les histoires de logos et autres labels privatisés par le PCF. Il est significatif à mes yeux que Francis Parny, l’homme qui coordonnait pour le PCF en juin 2011 la rédaction de ce programme avec Jacques Généreux et Francois Delapierre, soit aujourd’hui à mes côtés dans cette campagne. Je m’étonne d’ailleurs d’être le seul à parler encore de ce programme et à en faire ma base de départ pour 2017.
Je le mentionne pour répondre aux commentateurs de plus ou moins bonne foi qui faisaient il y a peu des poses sur le thème « le programme d’abord ! ». Ils en sont restés à leurs bavardages de posture. L’été arrivé, ils n’ont pas écrit une ligne. Ce qui ne les empêchera pas de continuer à faire la leçon à tout le monde. De notre côté, nous faisons vivre l’acquis de notre bataille pour faire renaître une force progressiste dans notre pays. Le programme pour moi, c’est le cœur de notre projet. Il y a désormais cinq mois qu’une équipe bénévole y travaille d’arrachepied.
Ce programme se construit certes progressivement mais très activement. En proposant ma candidature, j’ai fixé les grands chapitres. Les premières vidéos des auditions programmatiques de la France insoumise sont désormais en ligne ! C’est un matériau très riche. Regardez-les, je suis sûr que vous apprendrez autant que j’ai appris. C’est un travail collectif comme l’indique la méthode détaillée sur le site de campagne. Il se fait sous la direction de Charlotte Girard juriste et Jacques Généreux économiste, deux professeurs d’universités. Nous avons fait une présentation de l’équipe et de la méthode lors d’une conférence de presse dont la vidéo est disponible en ligne. Nous butinons ici ou là pour faire notre miel aux contacts des insoumis et des secteurs mobilisés de la société. Contributions, auditions et bientôt convention nationale de la France insoumise des 15 et 16 octobre prochains sont les étapes dont je parle ici.
Le travail d’actualisation de L’Humain d’abord bat donc son plein. Nous achevons tout juste une série de 16 auditions avec des professionnels et des chercheurs. Le format est celui d’une audition parlementaire : nous questionnons un ou deux invités spécialistes d’un sujet pendant une à deux heures. Toutes les vidéos de ces auditions seront mises en ligne à raison d’une par semaine pendant tout l’été. Merci aux bénévoles qui accomplissent cette tâche. Ici, il s’agit de 60 heures de montage en plus de la prise d’images et de son… La publication a déjà commencé avec trois vidéos. La première est celle de Dominique Bourg, professeur à l’université de Lausanne et vice-président de la Fondation Nicolas Hulot. Nous avons notamment parlé du temps long et de sa reconquête. La deuxième porte sur les énergies marines avec Yann-Hervé de Roeck, directeur-général de France Energies Marines. La troisième traite des questions de sécurité avec le sociologue Laurent Bonelli. Ce travail a été mené de bout en bout par l’équipe chargée de la préparation du programme comme le permet la richesse et la qualité de ce collectif qui m’entoure. Et j’y participe personnellement chaque fois que je peux.
Les personnes auditionnées l’ont été sur la base de leur connaissance professionnelle ou académique. Il va de soi que cela ne vaut pas engagement à mes côtés. Certes, certains appuient ma candidature. Mais pas tous. Aucun n’a été invité à ce titre. Quelques vidéos ne seront pas diffusées car certains invités ont accepté d’être auditionnés seulement sous condition de confidentialité. C’est dire combien de gens veulent cependant aider au bien commun malgré les risques ou les incompatibilités professionnelles notamment.
Les thèmes traités sont très variés. Mais nous avons privilégié autant que possible les questions que L’Humain d’abord traitait insuffisamment, comme la souffrance au travail, les médias, la santé, la sécurité ou les énergies marines, ou pour lesquelles la situation a beaucoup évolué depuis 2012. Nous avons aussi poussé le débat sur les conditions matérielles de mise en œuvre de notre programme, par exemple en matière de transition énergétique. Nous avons beaucoup appris, testé, vérifié la validité d’intuitions ou de propositions. Je vous conseille vivement de vous plonger dans ces vidéos. Vous pouvez même le faire à plusieurs avec votre groupe d’appui par exemple. C’est un bon moment de formation à portée de chacun, et une bonne manière de passer un été instructif !
Ce n’est pas tout. Depuis ma proposition de candidature le 10 février, les insoumis ont ainsi déposé plus de 2200 contributions sur le site internet jlm2017.fr ! C’est un matériau extrêmement riche comme l’a montré une première synthèse publiée en mai dernier sur la base des 1600 premières contributions. Le dépôt de ce type de contributions va être clos dans les prochains jours. Tout l’été, l’équipe de rapporteurs thématiques va décortiquer les 600 contributions supplémentaires postées depuis la première synthèse. Un nouveau document sera donc publié à la fin de l’été. Tout ce travail de lecture, recoupement et synthèse est fait par une équipe très jeune, qui a à peine 30 ans de moyenne d’âge. Aucun membre de cette équipe n’a de mandat électoral. Tous font cela en plus de leurs études, de leur travail etc. Leurs biographies sont disponibles sur le site jlm2017.fr. Ne soyez pas surpris de découvrir pour certains des pseudos et des portraits imagés. C’est que certains ne peuvent nous aider au grand jour sans que cela ne nuise à leur carrière professionnelle. Tous sont des hauts fonctionnaires dévoués à l’intérêt général, des économistes, des universitaires ou des étudiants dans des secteurs de pointe comme l’agronomie, l’économie, le droit, les sciences sociales…
Ce travail de contributions et d’auditions va se conclure début septembre par la remise des contributions des organisations et groupes politiques qui appuient ma proposition de candidature et leur audition par l’équipe chargée du programme. Déjà le Parti de Gauche et la Nouvelle Gauche Socialiste ont transmis leurs contributions programmatiques de quelques pages. Les autres groupes comme « Ensemble insoumis » et les communistes regroupés par Francis Parny et Christian Audouin vont faire de même. Tout groupe ou parti qui voudrait rejoindre la France insoumise pourra proposer sa contribution à n’importe quel moment de la campagne. Mais évidemment, le travail avance et se construit un peu plus chaque jour.
À la rentrée, une nouvelle phase du travail programmatique va s’ouvrir. Elle culminera les 15 et 16 octobre lors de la Convention nationale de la France insoumise. Ce sera une étape importante. Nous y adopterons un document issu de ce travail préparatoire de plusieurs mois. Mais rien ne sera ficelé définitivement. Le programme restera en construction tout au long de la campagne. Nous avons déjà imaginé plusieurs outils pour poursuivre sans cesse son enrichissement et son amélioration au contact de la société mobilisée. Après la Convention, chaque secteur sera invité à travailler à un « livret thématique » pour préciser ce qui peut et doit l’être. Je crois que les questions agricoles fourniront le modèle vu que nous sommes très pointus sur ce sujet. Des « ateliers législatifs » se réuniront aussi pour compléter les manques éventuels et surtout travailler à la mise en œuvre concrète de nos mesures par des échanges avec les professionnels. Les questions de sûreté et sécurité pourraient inaugurer la relance de ce format qui a fait ses preuves aux débuts du Parti de Gauche sur la planification écologique ou la laïcité.
Cette convention nationale sera surtout une Assemblée représentative du mouvement la France insoumise. Elle sera composée de représentants des groupes d’appuis et des membres des différents espaces qui appuient ma candidature : syndicalistes, lanceurs d’alerte, forces politiques etc. Sa composition fera une large place au tirage au sort. Et certaines personnes seront nommées pour assurer la présence de figures intellectuelles, universitaires ou militantes qui ont beaucoup à nous apporter. Le programme sera le cœur de la Convention nationale. Mais ce ne sera évidemment pas le seul objet. Je vous en dirai davantage une prochaine fois.
Le Parlement européen a adopté au cours de sa session de juillet la proposition de créer un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Ça sentait bon ? Vraiment pas. Car la proposition de la Commission sur le sujet consiste en fait à renforcer l’Agence de gestion des frontières extérieures, Frontex.
Tout d’abord, rappelons que cette agence n’est pas en charge de sauver les migrants en péril comme elle le prétend, mais de les filtrer. « L’Europe forteresse » reste le rêve absurde de nombre des têtes d’œufs de l’eurocratie. Ne croyez pas que l’exercice soit anodin. Car les cas de violations des Droits de l’Homme, dans cet exercice, sont régulièrement dénoncés par les ONG. Assez franchement, ce texte interdit toute initiative politique alternative de la part des États membres pour accueillir les migrants. Et les États seront même soumis à des tests obligatoires de « vulnérabilité ». On se demande comment. Juncker va-t-il faire débarquer des faux immigrants sur les plages pour vérifier si les États sont bien en capacité de les empêcher de débarquer ? Et sinon ? Je veux dire : et si un État s’avère impuissant à le faire, qu’est-il prévu ? Une énormité ! L’agence pourra organiser le déploiement de gardes-frontières sans l’autorisation préalable de l’État en question ! Un cas typique de la nouvelle « souveraineté limitée » à laquelle sont astreint les États de « l’Europe qui nous protège »
Et pour bien souligner le changement de direction, cerise sur le gâteau : l’État devra mettre à disposition son personnel et le placer sous commandement du nouveau corps européen sur simple ordre donné par les eurocrates. Notre chère Union ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Elle se propose également de modifier le rôle de certaines agences européennes pour en faire des auxiliaires de Frontex dans le cadre de la chasse généralisée aux migrants et réfugiés. Ainsi, l’agence européenne pour la sécurité maritime, qui avait pour mission initiale d’assurer la sécurité dans le transport maritime et la surveillance des pollutions liées à ce transport, se voit désormais chargée de « la fourniture de services de surveillance et de communication fondés sur des technologies de pointe » et de la coopération « en ce qui concerne les fonctions de garde-côtes ». Quelle belle évolution des missions ! Ce n’est pas tout.
L’Agence européenne de contrôle des pêches, qui a pour mission initiale de contrôler les opérations liées à la pêche pour les captures et les débarquements, se voit elle aussi enrôlée dans la pèche aux migrants. Elle se voit attribuer de nouvelles fonctions, telles que : le « contrôle des frontières », « la fourniture de services de surveillance et de communication » ou encore le « partage des capacités d’actifs entre les secteurs et les frontières pour permettre la planification et la mise en œuvre d’opérations pluridimensionnelles ».
Bref, réquisition générale de tous les moyens hier affectés à des tâches de haut niveau pour installer tout le monde dans des opérations de police sans horizon. Ah, j’allais oublier. Dans le rapport adopté pour faire face aux vagues d’immigration aux moyens de gardes côtes, il va de soi, évidement, que l’arrêt des interventions européennes qui ont semé le chaos régional syrien et forcé ces populations à l’exil ne fait aucunement partie de la réflexion. Et pas davantage le respect des droits fondamentaux et du droit d’asile. Le droit international dont tout cela relève en dernière analyse est tout juste évoqué. Histoire de dire. Et de ne pas faire avec bonne conscience.
61 commentaires
Boris
Merci Jean-Luc pour votre mise au point. De ma part, jamais aucun doute, évidemment, sur le fond de vos propos. Simplement de la gêne quand le vocabulaire de l’extrême-droite, même avec guillemets, est repris par d’autres. Merci pour tout. Bon bouclage de valise. Prenez bien soin de vous et donc de nous. A bientôt pour une année de lutte à vos côtés.
Fraternellement
JCV
Et le travailleur détaché, il mange quoi sinon ? Vous avez raison de mettre les pieds dans le plat du dumping salarial, mais ce qui nous différencie de l’extrême droite c’est l’internationalisme.
JeanLouis
Je suis soutien de JL Mélenchon et la France Insoumise, je suis membre d’un groupe d’appui, et je suis quand même surpris par ses propos, malgré la « clarification » apportée, voir d’ailleurs les commentaires là dessus sur le site du NPA, où Mélenchon est vu finalement comme ni à droite, ni à gauche (!). Une des leçons de Mitterrand était aussi d’abord rassembler son camp « potentiel » avant de vouloir dépasser des frontières. Faut y réfléchir….
Nicks
@JeanLouis
Notre camp, c’est la République, souveraine, sociale, laïque. On peut pinailler sur les virgules et rester dominés éternellement, c’est un choix possible. Pour 2017, on pourrait peut-être essayer la victoire, pour changer ?
Gilles73
Bonjour,
Je suis un de vos électeurs depuis la première heure. Votre déclaration sur les travailleurs détachés est incompréhensible ou serait-ce une stratégie ? Je ne vous cache que celle-ci m’a profondément désorienté. S’il faut dénoncer le dumping social, cette Europe qui dresse les peuples les uns contre les autres, alors que vous le faisiez si bien et avec force, pourquoi cette phrase « …nous volent notre pain. » En tout état de cause, il me semble urgent que vous expliquiez le fond de votre pensée.
Amicalement
gray
Contexte, pas contexte, interprétation, sens des mots, je suis désolé mais je ne comprends vraiment pas que Jean-Luc ai pu dire une telle phrase. Elle peut interpeller sérieusement et modifier négativement la perception positive que des personnes commençaient à avoir concernant le discours de Jean-Luc. J’ai beau la lire et la relire, elle fait du dégât. Qu’elle aurait été notre réaction si ces propos avaient été tenus par M. Le Pen ? Je suis persuadé que Jean-Luc et nous-même l’aurions dénoncé vivement.