Discours sur la situation au Gabon prononcé par Jean-Luc Mélenchon au Trocadéro le 3 septembre 2016. Retrouvez ci-dessous la retranscription de cette intervention.
Mesdames et messieurs et, pour un certain nombre d’entre vous, mes très chers compatriotes,
Je viens d’abord vous dire combien sont nombreux en France ceux qui partagent votre douleur et votre émotion, pensant à vos familles qui, là-bas au Gabon, ont à connaître de la violence et de la sauvagerie qui se déchaîne contre les démocrates.
Mesdames et messieurs, hier, Ali Bongo a reçu les félicitations de monsieur Nicolas Sarkozy et de monsieur Le Pen. Je suis venu féliciter tout au contraire le peuple gabonais qui résiste à ceux qui s’opposent à ce que sa légitime aspiration à décider par lui-même de ce qui est bon pour lui soit reconnue. Gloire au peuple gabonais qui lutte pour sa liberté ! Nous en sommes, ici en France, des milliers totalement solidaires. Et nous partageons totalement cette aspiration.
Maintenant, je sais, mieux qu’un autre peut-être, qu’un Français s’adressant à des Gabonais, s’il veut manifester l’ère nouvelle qu’il faut absolument faire naître dans les relations entre la France et l’Afrique, doit parler avec précaution et respect. Ce n’est pas aux Français de décider, quel que soit ce Français, fût-ce moi… ce n’est pas aux Français de décider qui gagne une élection au Gabon. C’est aux Gabonais de le décider ! Et c’est pourquoi je n’ai pas à dire qui a gagné cette élection. Ce que je sais, c’est qu’il n’est pas acceptable que l’on massacre ceux qui veulent seulement des élections libres et démocratiques !
Je trouve incroyable que l’Union européenne et les gouvernants français, qui sont capables de dire aux Gabonais et à tous les peuples comment on peut ou on ne peut pas pêcher telle ou telle catégorie de poisson et quelles sont les tailles de la maille des filets, soient incapables de dire ce qu’est une élection démocratique et de le faire respecter !
Aucune puissance ne doit s’entremettre au Gabon : ni les puissances impériales, ni les puissances économiques qui ont à voir directement avec la signature des contrats que vous connaissez. On ne veut ni des impérialistes, ni des loups du pétrole et du gaz qui rôdent autour de toutes les nations africaines.
Voilà pourquoi je crois que c’est d’abord au gouvernement français de prendre ses responsabilités. N’est-il pas incroyable… N’est-il pas incroyable que le ministre des Affaires étrangères, monsieur Jean-Marc Ayrault, ait fait une communication sur la politique internationale sans dire un seul mot des violences qui accablent un peuple frère et ami, avec qui nous avons la francophonie en commun ? Oh ! Ce silence est bien éloquent, je trouve. Il apparaît comme une approbation de ce qui est injustifiable et inacceptable.
C’est à l’ONU maintenant de prendre en urgence des dispositions pour que les troupes qui se trouvent sur le sol du Gabon ou en Afrique, qui ont une expérience professionnelle, soit en état de concourir au rétablissement immédiat de la paix et au recomptage des bulletins ou à la réorganisation à partir du point de départ d’une élection honnête, démocratique, et reconnue dès lors par tous. Car je sais que vous êtes prêts à accepter, mesdames et messieurs, un résultat, s’il est honnête, démocratique. Car en démocratie, comme l’a dit une fois quelqu’un, « le plus dur, parfois, quand on est un vrai démocrate, c’est d’accepter de perdre ». Mais nous n’acceptons de perdre que quand les élections sont honnêtes !
Bon courage à vous tous ! Sachez que nos coeurs saignent et que nous sommes à vos côtés dans cette situation. La belle histoire que nous avons comporte des pages sombres, mais aussi des pages lumineuses. Et la francophonie que nous avons en usage commun doit cesser d’être le prétexte de l’impérialisme pour devenir l’argument de notre liberté et de notre amour commun.