Le samedi 24 septembre 2016 à l’occasion d’un déplacement à Berlin, Jean-Luc Mélenchon s’est exprimé devant la porte de Brandebourg pour parler du mur qui est tombé et de ceux qui se sont dressés : le mur de l’argent, qui sépare les riches et les pauvres, et le mur aux frontières de l’Europe, pour empêcher les gens d’arriver tandis que nous devrions nous demander pourquoi ils partent de chez eux. Voici la retranscription de cette intervention :
Ici, nous sommes à la porte de Brandebourg, à Berlin, qui est un lieu hautement symbolique, parce que le mur passait ici qui séparait l’Est de l’Ouest. Et, à l’époque, nous étions très nombreux à considérer qu’un système qui a besoin de mettre un mur pour empêcher ses citoyens de s’en aller est un échec. Et je crois qu’on voyait juste, puisque lorsque le mur est tombé, en quelques instants tout un système s’est effondré.
Mais ça devrait nous porter à réfléchir. Parce que si ce mur là est tombé, un nouveau mur a été monté, qui est impalpable, mais qui est autrement plus violent : c’est le mur de l’argent, qui sépare dans toutes les villes, dans tous les pays, les riches des pauvres. Les riches de plus en plus riches ; les pauvres de plus en plus nombreux. Et on peut considérer que c’est un échec qu’un système dans lequel un tel mur se construit et où chacun est enfermé dans sa part. Evidemment, la part des pauvres étant la plus cruelle et la plus insupportable. Quant aux riches, on se demande quel genre de bonheur ils peuvent trouver à cette situation.
Mais l’autre mur aussi qui se construit, c’est celui qui se fait autour de l’Europe, pour empêcher des gens d’y arriver. Alors on peut discuter pendant des heures de savoir ce que l’on doit faire avec les gens qui arrivent, mais, vraiment, ça serait le moment de se demander pour quelle raison ils partent de chez eux et quelle contribution nous y avons, nous, les européens. En quoi nous sommes responsables. Car nous sommes très responsables de leurs départs et de la dévastation de leurs pays. Si bien qu’on peut considérer que c’est un échec qu’une civilisation dans laquelle les gens sont contraints de partir de chez eux pour espérer survivre. Et, pour cela même, se mettent en danger, comme on le voit, puisque plusieurs, maintenant, milliers de personnes par an meurent en tentant de traverser la Méditerranée et d’autres milliers en essayant de faire le tour à pied.
Voilà pourquoi la porte de Brandebourg devrait être un symbole de réflexion pour nous tous de la manière avec laquelle les Allemands ont redonné une respiration à leur pays. Mais dans leur pays aussi, il y a le mur. Le mur qui sépare les riches des pauvres, puisqu’il y a ici 13 millions de pauvres dans ce pays où le nombre de millionnaire augmente, comme il augmente dans le nôtre.
Ces quelques réflexions devant la porte de Brandebourg ne doivent pas faire perdre de vue qu’ici aussi se sont déroulés des combats terribles pour libérer l’Allemagne des nazis. Alors, pour conclure, en regardant la porte de Brandebourg, souvenons-nous de cette image où l’on voit un soldat de l’Armée rouge brandir l’étendard de sa patrie. 20 millions de Russes sont morts pour nous libérer du nazisme. Et, souvent, nous sommes injustement oublieux de ce sacrifice. On ferait bien d’y penser de nos jours. Et on ferait bien de penser que tout ce qui est arrivé de si terrible à l’Allemagne et à tous les peuples d’Europe n’est jamais venu que d’une façon de regarder le monde en le partageant entre ceux qui se croyaient supérieurs et ceux qui étaient décrétés inférieurs. Et que, dans cette logique, il n’y a que des massacres en vue.
Dès lors, tâchons d’en tirer la leçon pour nous-mêmes : il ne faut pas que ça recommence. Et ça, ça dépend de l’engagement de chacun d’entre nous parce que, dans nos deux pays, l’année qui vient, en 2017 pour être très précis, les Français et les Allemands vont voter pour choisir un gouvernement et une orientation politique. Ça peut être l’occasion pacifique et tranquille d’arrêter la machine infernale qui a été lancée dans toute l’Europe, qui voit partout les xénophobes, les racistes, tenir le haut du pavé. Pensons que, au fond, nous sommes tous des êtres humains, semblables en humanité, et que si nous sommes partagés par nos langues, nous pouvons être unis par le soin que nous prenons les uns des autres.