En déplacement à Boulogne-sur-Mer mardi 27 septembre 2017, Jean-Luc Mélenchon a souhaité adresser un message aux salariés d’Alstom en grève et à ceux d’Air France dont le procès dit « de la chemise » s’ouvre à Bobigny. Voici la retranscription de cette vidéo :
Bonjour. J’ai décidé de m’adresser à vous par ce moyen, aujourd’hui, parce que je vais me trouver à Boulogne-[sur-Mer] où je tiens une réunion publique, mais j’aurais tellement aimé pouvoir être ou bien à Belfort où a lieu le principal rassemblement de la grève générale de tous les sites Alstom de France, ou bien à Bobigny pour le procès des ouvriers d’Air France qui ont défendu leur emploi.
Je veux dire un mot sur Alstom. Cela fait maintenant plusieurs années que j’alerte sur le sujet. Et, véritablement, nous pouvons dire qu’Alstom, c’est une catastrophe annoncée. Les gouvernants successifs qui font des grandes phrases et qui nous reprochent toujours de n’être pas aussi intelligents et aussi compétents qu’eux n’ont tenu aucun compte des alarmes que des gens comme moi lançaient. Il est clair qu’en découpant l’entreprise en petits morceaux, on l’a condamnée à la ruine. Ainsi, avoir séparé les chantiers navals du reste de l’activité, alors que ces chantiers navals ont aujourd’hui un carnet de commandes plein pour des années ; ensuite, on a accepté de vendre à General Electric toute la partie qui concerne les éoliennes et tout ce qui concerne l’énergie en mer que l’on peut installer. Et bien tout ça a changé de main et est passé maintenant sous direction américaine. Et évidemment le secteur qui reste, qui est celui des transports, lui aussi, à son tour, va être bradé.
Voilà le résultat d’une gestion absolument pitoyable, incohérente, de gens qui prennent des grands airs mais ne comprennent absolument rien à ce qu’est une grande entreprise intégrée où il faut qu’il y ait plusieurs secteurs, parce que quand l’un ne va pas, l’autre marche et, au total, l’entreprise garde sa capacité de production.
Il est clair qu’Alstom, pour la partie transports, est à son tour victime de l’ineptie de la politique qui est menée. Politique d’austérité, donc il n’y a pas de commande publique, donc le ferroviaire est le premier à pâtir. Et, ensuite, c’est une victime de la concurrence déloyale. Parce que pour quelle raison, expliquez-moi, va-t-on fabriquer les locomotives qui roulent en France en Pologne dans une entreprise que l’on partage avec des Allemands ? Quel est le sens de ce grand déménagement permanent du monde ? Alors que pendant des années, Alstom a fourni à la France les locomotives dont elle a besoin à intervalles réguliers et que cette activité doit rester sous pavillon français, si j’ose dire. Si bien qu’Alstom c’est une grande affaire, très significative.
Je n’en dis pas plus pour aujourd’hui, sinon ma complète solidarité avec ceux qui vont être soit en grève, soit en manifestation dans la rue à Belfort, ville que je connais bien puisque comme vous le savez, je suis moi aussi un adoptif de la Franche-Comté. Je sais l’importance de ce site de production pour l’industrie de toute la région, même si on ne le sait pas dans les autres coins de France. Il est absolument décisif de sauver Alstom et de lui permettre de rester la grande entreprise qu’elle est.
Maintenant, j’ai une pensée aussi, et je veux la dire très fort, pour nos amis, nos camarades, les 15 inculpés du procès qui va avoir lieu à Bobigny. Il s’agit de ce qu’on a appelé le « procès de la chemise », vous savez, ces salariés qui ont défendu leur entreprise et, dans le cadre de cette défense, il y a eu une séance dans laquelle il y a eu une bousculade, et cette bousculade a abouti au fait qu’un ou deux cadres ont eu leur chemise arrachée. Alors à l’époque, on a fait toute une histoire, on a mis en scène cette situation en présentant les ouvriers et les salariés, les femmes et les hommes qui défendent leur emploi, comme des bêtes féroces, capables d’arracher pourquoi pas même les bras des cadres.
Il ne s’agit pas de ça : le cadre lui-même a dit qu’il était tombé du fait des secousses qu’il recevait, y compris du service d’ordre, et que sa chemise a été arrachée par hasard. Mais ça n’a pas empêché Manuel Valls de prendre aussitôt ses grands airs et de venir traiter de « voyous » des gens sans même avoir attendu qu’il y ait une enquête, sans rien savoir. Parce que, pour lui, l’ouvrier et l’ouvrière sont coupables par nature. On voit quelle distance tous ces soi-disant chefs de gauche ont pris avec le peuple qui les a élus.
Alors là, ils vont être jugés. Vous avez remarqué une chose : la ministre El Khomri, soi-disant ministre du Travail, n’a pas attendu de savoir non plus quelles étaient les conclusions du procès et elle a licencié la personne qui ne pouvait pas être licenciée sans son accord, parce que je rappelle quand même qu’il y a eu cinq licenciés, déjà, dans cette histoire, mais il y en avait un qu’on ne pouvait pas licencier sans l’accord du ministre du Travail : c’est le délégué syndical CGT. Et bien Madame El Khomri, sans rien attendre, sans savoir s’il est coupable ou pas, a accepté qu’il soit licencié, parce que la direction d’Air France avait besoin de punitions exemplaires. Vous savez, comme autrefois on faisait, on en prenait… ça s’appelait « décimer » : on comptait 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 (c’est pour ça que ça s’appelle « décimer »), et le dixième était puni pour tous les autres. Et bien voilà cette justice expéditive, qui a été menée par la direction de l’entreprise et, aujourd’hui, le procès va avoir lieu.
Alors moi, j’espère beaucoup de la justice, mais je veux dire que de toute façon, mon jugement est fait. Et je crois que beaucoup de Français pensent comme moi : je suis du côté des salariés. Je ne crois pas qu’ils aient voulu se livrer à quelque excès que ce soit. Et quand bien même auraient-ils été un peu énervés, et bien ça se comprend. Et il faut savoir, dans des situations comme celles-là, plutôt calmer le jeu que de jeter de l’huile sur le feu et de désigner à la vindicte publique des braves gens. Parce que ce sont des braves gens qui sont en train d’être jugés, des gens honnêtes qui ne font qu’une chose : défendre leur droit de travailler, d’avoir une paye, et de s’occuper de leur famille. Il faudrait bien s’en rappeler.
Alors, mes amis, il fallait qu’une voix aussi le dise, parmi d’autres. Et bien c’est la mienne, et je veux vous dire que dans le cas où tout ça tournerait mal, l’élection de 2017 va nous permettre de régler tous nos comptes d’une seule fois. D’abord, en votant pour moi, on va les faire tous dégager. Et, deuxièmement, ceux qui seront condamnés, s’ils le sont par hasard, seront amnistiés, parce que l’amnistie sociale aura lieu après 2017. Nous ne laisserons pas tant d’ouvriers et d’ouvrières, tant de braves gens être punis pour l’exemple. Je ne le permettrai pas.