Ce titre m’enchante. Je le fais sur le mode « Le Lab d’Europe1 ». Il ne veut rien dire, c’est une pure invention. Mais il pique l’œil. C’est la mode. Bien de l’agitation sur les réseaux sociaux découlent souvent d’une origine aussi peu fondée que cet assemblage de mots. En effet, des médias officiels y ont ouvert des succursales dont l’unique activité consiste à provoquer des batailles de chiens pour alimenter la machine à buzz et fournir, partant de là, la matière première pour la vitrine officielle. Ainsi « Le Lab d’Europe 1 », cette semaine, a inventé une « réunion secrète » de la direction communiste avec des députés PS en vue d’un accord. J’ai vu passer un démenti du PCF. Et la meute de murmurer « il n’y a pas de fumée sans feu ». On en prend deux : une au buzz, l’autre au démenti. Chacun son tour !
J’ai eu droit de la part des mêmes à une invention aussi plaisante : Le Lab annonçait que j’allais tirer au sort les candidatures aux législatives ! Puis que je ne chanterai plus « l’Internationale ». Et ainsi de suite. Je ne fais pas la liste, ça me donne des aigreurs ou des éclats de rire déplacés. Inconvénient : le temps perdu à démentir. Avantage : il est super facile de les discréditer tellement ils sont caricaturaux. Leur discrédit rejaillit sur toute la profession et ce n’est pas moi qui m’en plaindrai. Car la divine corporation assume et défend tout et n’importe quoi sans aucune autorégulation. Vérités, mensonges, trucages, pas de problème ! Au mieux « c’est pas moi, c’est le titreur, c’est le photographe, l’info vient du confrère et vous n’avez rien dit et gnagnagna ». Au pire : « la liberté de la presse et le devoir d’informer au risque de l’erreur ». Du coup, n’importe qui peut aussi les manipuler car ils ne vérifient rien. Raison de plus pour s’adapter et en rester à ce que l’on voit ou lit soi-même.
Cette semaine, j’ai été attiré par l’interview d’Arnaud Montebourg dans le JDD. D’une façon générale, le personnage est intéressant et talentueux. Il va sans doute gagner contre Hollande. Je m’en réjouis d’avance car ce travail-là sera fait et il en résultera une belle implosion de ce qu’il reste de ce parti. Il est franc : il dit clairement qu’il ne peut s’entendre avec moi en raison de ma « radicalité » et de mon « isolement ». J’admets parfaitement que me jeter des pierres soit une façon de cotiser au club des importants et je ne peux lui en vouloir de le faire pour évacuer les ambiguïtés que le système pourrait lui reprocher. D’autant que je me sens élégamment réhabilité quand l’intéressé ne manque pas de dire plus loin que « la radicalité est parfois nécessaire », certes à son sujet. Peu m’importe qu’en matière d’isolement, ma situation me paraisse plus favorable que la sienne. Je n’entre pas dans les arguments que cela me suggère car je dois faire court sur le sujet. Mais je l’ai lu avec soin.
Tout de même ! N’est-il pas le candidat soutenu par le porte-parole du PCF, numéro deux du parti et la direction de ce parti (sauf Chassaigne qui préférait Taubira) ? J’en déduis qu’il va sans doute bénéficier de l’aide d’ardents révolutionnaires qui vont donner des sous au PS et signer des allégeances pour pouvoir voter pour lui. Je ne lui reproche pas : c’est humain et de tels soutiens ne méritent pas que je les regrette. Mais j’ai pensé que mon devoir était d’étudier les propositions qu’il affiche pour comprendre ce qui capte les faveurs de la direction révolutionnaire. J’avais gardé pour moi ce que j’avais pensé de ses précédentes expressions programmatiques. Je sais trop combien l’appareil de la « gôche » rêve d’une bataille de chiens entre gens « pourtant si proches ». Mais là je ne peux m’empêcher de dire « merci ». Arnaud Montebourg a procédé à une franche clarification. Je m’en tiens aux marqueurs de nos combats.
Quand Montebourg dit « je propose un code du travail différent pour les PME négocié branche par branche ». Il me semble que c’est pire que la loi El Khomri. En tous cas, c’est la fin du code du travail et de l’ordre public social républicain. Des naïfs diront qu’une PME, ce n’est pas une multinationale. Ils enfonceront une porte ouverte car le code différencie déjà l’application de la loi avec des seuils. Cette complexité est, entre autres, à l’origine de la taille (justifiée) du code du travail. Après quoi, il propose d’augmenter le pouvoir d’achat en abaissant la CSG. Sans dire que ce qui ne sera plus payé de cette façon aux organismes sociaux devra l’être d’une autre. C’est-à-dire par les impôts de tous. Le final est beau : pas d’augmentation de salaires sauf si c’est dans toute l’Europe.
Je ne commente pas davantage qu’en m’interrogeant : avec un tel programme, qu’est-ce que les communistes peuvent bien lui trouver ? Surtout quand il dit que si les communistes le veulent, ils sont les bienvenus pour faire cette politique. Humour quand, s’adressant à eux, il se réclame de François Mitterrand. Montebourg est un homme qui connaît son histoire. Il sait tendre la main sans le bras. Quand c’est moi qui parle de mon attachement à la mémoire de François Mitterrand, ce n’est pas nouveau et j’ai expliqué en cinquante pages du livre « Le Choix de l’insoumission » l’ampleur et les limites de ma réflexion sur le sujet. Bon, bref, il arrive aussi à leur faire admettre ce qu’ils n’ont jamais admis de moi à son propos ! Trop fort Arnaud !
Mais c’est trop. Je finis par soupçonner que son principal talent à leurs yeux me concerne : lui ce n’est pas moi. Et quand « n’importe qui sauf Mélenchon » est la ligne officielle, on se retrouve vite à manger des pierres faute de bon pain. On va voir bientôt que cette ligne va être un très grand succès. J’ai quand même de la peine pour mes copains communistes de la base qui doivent supporter toutes ces palinodies. Ils sont nombreux à « La France insoumise » et ils le seront très bientôt davantage encore. Ils y défendront sans complexe les augmentations de salaires, l’abrogation de la loi El Khomri, la retraite à 60 ans, la planification écologique, la Constituante et tout le reste de nos idées claires et nettes. Ensemble, on s’en tiendra au programme « L’Avenir en commun ». Fabriqué à partir de « l’humain d’abord » rectifié pendant sept mois de travail collectif, je crois qu’il peut faire la différence. Je sais que ça va le faire en tous cas auprès des gens du commun pour qui les mots ont un sens.
Benoît Hamon doit avoir sa part ici de peur qu’on croie à des tendresses ou des dédains qui ne sont pas. D’autant que ce weekend sur BFM, en manque d’arguments face à mon camarade Alexis Corbière, il a trouvé malin de m’attaquer sur mes votes au Parlement européen. Comment peut-il ignorer que mieux vaut ne pas s’en prendre à moi avec des mensonges sur des sujets sensibles pour lesquels j’engage mon vote public et fournis des explications écrites que chacun peut retrouver sur mon blog Europe. On chercherait en vain les siennes pour les années où il fut député européen et vota, par exemple, le rapport favorable à TAFTA. Tsss ! Plaisantin!
Cette fois-ci, il s’agissait du rapport de ma camarade Marie-Christine Vergiat qui a été voté mardi dernier à Strasbourg. Benoît Hamon l’évoque pour insinuer sournoisement que je serais « contre le regroupement familial », puisque le texte l’évoque et que je « n’ai pas voulu voter » ce document. Une façon de laisser entendre que j’aurais voté contre. Évidemment « contre le regroupement familial ». Malin, non ? Non. Je me suis abstenu sur le vote final. Bien sûr, je n’ai nullement mis en cause le regroupement familial. Hamon sait comme moi qu’il s’agit d’un droit garanti par les Conventions internationales que la France a signées. J’invite Benoît Hamon à lire les points de mon programme sur ces aspects pour plus de détails. Le livret « immigration » étant en cours de rédaction, le moment venu, nous le lui transmettrons aussi. Sans doute nous fera-t-il connaître lui aussi son programme en la matière car celui du PS en général et celui du gouvernement auquel il a participé en particulier c’est la « méthode Léonarda ». Il l’a approuvé avec enthousiasme à l’époque car il était ministre. Expulsion inhumaine, blabla, répression aveugle et re-blabla.
Je sais très bien que l’intention de nuire et de suivre la feuille d’éléments de langage du PS contre moi était le principal souci de Benoît Hamon. Mais mon devoir est de lui répondre point par point. Car mon but est aussi de vous montrer quels genres de personnages sont ces gens. Ils mentent sciemment pour salir les autres et envenimer tous les débats. Puis ils reviennent vous voir la mine enfarinée sur le thème de « l’unitééééééé » beuglée à pleins poumons pour éteindre toute discussion sur leurs bilans collectif et personnel. Suprême élégance : le rapport dont il est question a été voté le jeudi précédant l’émission et, bien sûr, Alexis Corbière ne pouvait en avoir aucune connaissance. Hamon non plus d’ailleurs. C’était donc juste une de ces bonnes vieilles ruses des assemblées générales de la MNEF où le jeune Hamon a fait merveille dans sa jeunesse.
J’en viens donc au fond du rapport puisque c’est à son sujet que Benoît Hamon me prend à partie. Ce rapport s’intitule « Droits de l’homme et migrations dans les pays tiers ». Sa rapporteure est Marie Christine Vergiat, membre de mon groupe, la GUE. Il contient de très bons éléments ! Il rappelle la nécessité pour les État membres de l’Union d’assurer un accueil digne et humain, loin des conditions de « parcage » de Calais et ailleurs dont s’est accommodé des mois durant le gouvernement français actuel avec le soutien de Benoît Hamon. Le rapport souligne l’importance des politiques d’inclusion et d’intégration, par l’apprentissage de la langue du pays d’accueil ou encore le respect du droit du travail. Il demande la mise en place de voies d’accès sûres et légales pour les migrants… Et bien d’autres éléments que je soutiens.
Mais lors de son examen en Commission, la droite a réussi à déformer le texte. Ainsi, le rapport se félicite également du travail de l’EUNAVFOR MED qui mène la chasse aux réfugiés dans les eaux méditerranéennes en affirmant qu’elle « est un moyen de lutter concrètement contre le trafic des migrants; invite l’Union à poursuivre et à intensifier ce type d’opérations ». Le rapport valide également le principe du fichage généralisé des migrants afin « d’améliorer les flux d’information, la collecte, le croisement et l’analyse des données personnelles », en soutenant les fameux « hotspots », ces centres de tri indignes et inhumains. Pour ma part, je me refuse à valider cela. Tout comme je m’oppose à l’article 90 de ce rapport qui demande le renforcement de l’agence Frontex. Il s’agit de la Police des frontières qui remplace l’ancienne opération « Mare nostrum » dont le but était de sauver les gens. Je note d’ailleurs au passage que ce paragraphe a été voté de manière séparée à la demande de mon groupe. Mais il n’a pas dû se trouver beaucoup de sociaux-démocrates pour s’y opposer car il resté tel quel dans le texte ! Le PS et Benoît Hamon ont le droit d’aimer Frontex et la police des noyades, mais cela ne leur donne pas le droit de donner des leçons à propos des regroupements familiaux que la mort rend impossibles.
D’ailleurs, lors du passage en plénière le texte a encore été déformé et affaibli. Les votes de droite et du PS ont supprimé les passages jugés encore trop progressistes. Ainsi le paragraphe 55, « demande que les migrants et réfugiés qui fuient la faim bénéficient d’une attention particulière de la part de la communauté occidentale, notamment européenne », a semblé trop « généreux » pour cet hémicycle : il a été rejeté avec l’aide des amis de Benoît Hamon. De la même manière, le paragraphe 81 a été amputé d’un passage pourtant bien intéressant. Il faisait le lien entre les accords économiques passés entre l’UE et des pays tiers provoquant les mouvements migratoires ! C’est donc refuser de dénoncer la politique commerciale destructrice de l’Union européenne. Ainsi, les amis de Benoît Hamon, et lui-même aussi sans doute, refusent-ils de dire que c’est bien la politique économique de l’UE qui déstabilise des régions entières.
Au final, je me suis donc abstenu sur ce rapport. Je ne pouvais voter contre compte tenu de la personnalité de la rapporteure, des bonnes intentions qui l’animaient et de son engagement constant pour les droits de l’homme. Mais je ne pouvais voter pour non plus ! Pas question pour moi de cautionner les ajouts de la droite que Benoît Hamon supporte sans mal. D’autant qu’en toute hypothèse, tout cela n’a aucune conséquence pratique. En effet il s’agit d’un « rapport d’initiative parlementaire ». Il n’a, rappelons-le, aucune conséquence sur quelque réglementation que ce soit.
Dès lors, quand il s’agit de voter des textes de déclarations sans conséquences, je préfère qu’elles reflètent pleinement mes convictions, sans devoir me trahir par des concessions aux réactionnaires et à leurs amis du PS, dont Benoît Hamon. Tout le monde n’est pas de cet avis, et certains préfèrent ménager et la chèvre et le chou pour se conformer à des rites de bons usages et belles manières entre « collègues » du Parlement. Le résultat ? Après avoir fait voter leurs amendements, les députés de droite ont voté contre le texte. Il a l’air malin, Benoît Hamon !