La primaire « de la droite et du centre » s’est délectée des mauvaises nouvelles qu’elle répandait sur les performances de l’école publique républicaine. D’une séquence à l’autre le tableau se noircissait de surenchères. On est passé de 20% d’une classe d’âge « qui-ne-sait-ni-lire-ni-écrire-ni-compter » à 40 % selon les délires. Sans oublier les 150 000 jeunes qui « quittent-le-système-scolaire-sans-aucune-qualification ». Le tout répété en boucle pourrait passer pour des évidences admises par tous. D’autant que les bons esprits de « gôche » répètent à l’envie la ritournelle.
Non tout le monde n’est pas d’accord avec ce « diagnostic » ! Il n’est pas vrai que 20 % et encore moins 40 % ne sachent ni lire ni écrire ni compter. Ils ont des difficultés dans UN de ces exercices, et elles sont plus ou moins grandes selon les cas. Elles ne se cumulent pas forcément et ne sont jamais de même intensité dans tous les compartiments. À la fin des fins il reste pour l’ensemble de la population vivant en France, tous âges confondus, 2,5 millions d’illettrés.
Quant aux 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, ils ne sont pas 150 000 ! Le document de référence de l’Éducation nationale « Repères et références statistiques » est formel. Il indique que seuls 53 000 jeunes sont sortis sans aucun diplôme en moyenne sur les années 2012, 2013 et 2014. Et même en ajoutant (on se demande pourquoi) ceux qui sont sortis avec le seul brevet, on n’atteint tout juste 106 000 en moyenne sur ces trois années ! Même en ajoutant les élèves concernés en Outre-mer, on n’atteint pas le chiffre de 150 000 loin de là puisque le chiffre tourne autour de 110 000.
Tous les autres, c’est-à-dire tout de même 660 000 jeunes par an rien qu’en métropole, sortent avec un diplôme ! 320 000 sortent avec un diplôme de second cycle du secondaire au moins : BEP, CAP, baccalauréat technologique, professionnel ou général et 335 000 sortent avec un diplôme du supérieur !
Surtout, il est urgent de rappeler que les statistiques sur les qualifications sont biaisées de bien des manières. La suppression de fait des BEP, mais aussi de bien des CAP avec la mise en place du Bac pro en 3 ans et le rétrécissement de la carte de l’enseignement professionnel a artificiellement poussé des jeunes hors du système éducatif. Tous ceux qui quittent l’école à 16 ans ne peuvent avoir de diplôme qualifiant pour la raison que les classes qu’ils quittent n’en délivrent plus. Ensuite ceux des jeunes qui passent en apprentissage n’ont pas de diplôme qualifiant avant de s’y trouver. Mais statistiquement ils comptent comme sortis sans qualification car ils ne sont plus sous statut scolaire. Et ainsi de suite. On pourrait continuer de bien des façons la démonstration du statut tout à fait biaisé de ces soi-disant statistiques fatales pour le système scolaire public.
L’ambiance vire au gris plomb quand surgissent les pseudos statistiques internationales. Les déclinistes s’en régalent ! Et elles sont recopiées sans aucun esprit critique par les journalistes fainéants. Il y a le fameux « classement de Shanghai » pour les universités. Une pure arnaque dont l’inventeur lui-même dit qu’il n’a jamais pensé qu’il puisse avoir une valeur d’étalon international ! Un classement sur mesure d’après des indicateurs purement anglo-saxons absolument pas universalisables. En effet, ce classement ne prend pas en compte la sélection faite à l’entrée des universités ni leur mode de financement. Les missions de service public des universités françaises, comme l’obligation d’accueil de tous les étudiants, sont donc évacuées de l’évaluation. Ce classement dit « de Shanghaï » ignore aussi une partie de l’effort de recherche du pays. Il minore donc artificiellement les performances de notre système universitaire. En effet il ne prend en compte les établissements publics comme le CNRS, l’INRA, l’INSERM pourtant imbriqués avec les universités dans des unités mixtes de recherche. Enfin et ce n’est pas le moindre mal, il évalue les performances des acteurs du système principalement à partir de leurs publications… en anglais.
Ces jours-ci voici le retour de PISA, l’indicateur de l’OCDE une officine à la gloire du libre marché partout et pour tous (sauf pour le recrutement de ceux qui la font vivre). Sous le plumage d’un programme « scientifique », PISA vocalise avant tout un doux ramage idéologique. Pour commencer il mesure les «compétences » et non les savoirs disciplinaires. Les qualifications à la française, les exercices de pensée critique, n’existent pas pour PISA. Au point qu’avec la seule méthode des questionnaires à choix multiples l’OCDE avait conclu que les élèves français avaient des difficultés à contester les ordres qu’ils recevaient ! Génial ! L’énergumène qui avait rédigé ces lignes n’avait pas dû voir un jeune français en classe depuis bien longtemps, c’est sûr !
Pour PISA seule compte la capacité du jeune à disposer des « aptitudes jugées essentielles dans la vie future ». Rien de plus idéologique qu’un tel biais ! Je vous invite à lire la critique que fait de cette enquête Paul Vannier sur son blog. Il relève notamment un point qui ajoute au biais de l’enquête. Car le programme PISA évalue des élèves de 15 ans. Mais il ne tient aucun compte du niveau dans lequel ils sont scolarisés. « Pour la France, l’échantillon PISA compte ainsi des collégiens de Quatrième et de Troisième, des lycéens de Seconde et de Première. L’orientation, par exemple la voie dans laquelle les élèves sont engagés au lycée (générale, technologique ou professionnelle), ou le redoublement ne sont pas pris en compte. Outre que l’échantillonnage PISA est aussi suspect que celui d’un sondage de la primaire du Parti socialiste, le programme de l’OCDE ne fait ainsi aucun compte de la spécificité de systèmes éducatifs nationaux qu’il prétend pourtant pouvoir comparer. Ces nombreuses insuffisances méthodologiques n’ont pourtant pas démenti le succès politique du programme. PISA est devenu le totem des déclinistes et des adversaires de l’école publique. La publication des résultats participent en effet de la mise en œuvre d’une stratégie du choc revendiquée ! ». Vous voici prévenus.
La communication démoralisante de l’OCDE et de son lamentable programme PISA dispose évidemment de points d’appuis concrets. Les dégâts sont réels. Ceux que nous connaissons tous : les coupes dans le budget de l’école. Les 80 000 postes supprimés par Sarkozy et le minuscule rattrapage effectué par Hollande ont une conséquence certaine sur le niveau d’encadrement d’une population scolaire qui a augmenté sans cesse. Et elle continue à le faire. De même, ceux qui se gargarisent sur le modèle de Singapour ont-ils relevé que les enseignants de ce pays sont les mieux payés du monde ? Mais ce n’est pas la conclusion à laquelle toutes ces belles personnes voudraient voir arriver ceux qu’elles parviendraient à tromper. Ce qu’ils veulent c’est dénigrer notre école pour qu’elle soit abandonnée par notre peuple qui lui doit tout pourtant. Leur but : pouvoir créer un marché du savoir où chacun irait s’approvisionner librement c’est-à-dire à ses frais. Quitte à distribuer des chèques éducation comme le prévoyait le programme de Jean-Marie Le Pen.