Le 18 mars est notre rendez-vous crucial, à Paris pour la sixième république. Pour autant, je suis de retour de Rome où se tenait la quatrième session du forum du plan B en Europe. Une bonne couverture de presse a permis d’en connaître les thèmes. Je reviens donc ici sur les actualités du sujet. Mais je fais mes premières lignes à la mémoire de l’infirmière qui s’est suicidée le jour de la manifestation nationale pour la défense des professionnels de santé et de la fonction publique. Et à la mémoire du syndicaliste SUD SNCF qui s’est lui aussi suicidé mis à bout de résistance psychologique par l’attitude sa direction. Ces morts sont le symptôme avancé d’un système social qui commence à pourrir partout. Ils sèment une consternation, une tristesse qui labourent un terrain déjà bien remué de déceptions et de rages accumulées. Que leur sang retombe sur la tête des importants coupables de ce monde déprimant et brutal ! Que nos pas et nos voix les vengent.
Le système absurde et médiéval de parrainages pour la candidature à l’élection présidentielle vient de faire une nouvelle fois la démonstration de sa finalité : un goulet d’étranglement. Dans le meilleur des cas. Car c’est aussi un moyen de contrôle et de manipulation pour les grands partis dit « de gouvernement », selon l’appellation contrôlée que se sont donné les derniers occupants alternatifs du pouvoir. Les menaces d’exclusions sur les élus qui passeraient outre les consignes des divers bureaux politiques fonctionnent comme autant d’angoisses pour les subventions et autres dotations. Le PS a tout fait pour rendre cette épreuve aussi infranchissable que possible.
Pourtant c’est un rapport commandé à Lionel Jospin qui avait proposé une autre méthode, celle du parrainage citoyen où cent cinquante mille signatures vaudraient autant que cinq cent élus. Un reniement de plus dans ce quinquennat qui n’a compté que cela ! Nous avons franchi plus lentement que d’autres la barre des cinq cent. Notre vivier était plus étroit que d’autres. Nous sommes entrés dans la dernière ligne droite avec 565 promesses de signatures. La consigne de gel des signatures donnée par la direction communiste a évidemment beaucoup joué par rapport à 2012 où les communistes avaient été au contraire l’aile marchante de la collecte. Pour autant, elle n’a pas empêché cette fois-ci nombre d’élus communistes de passer outre et de m’apporter leur aide sans barguigner. Eux savaient le nombre d’heures de travail qu’ont couté ces mois de collecte patiente. En militant de terrain, ils ont voulu nous soulager autant que possible de cet effort. C’est de cette façon que j’interprète le message de colère contre ce gel des signatures posté par Marie-George Buffet sur sa page Facebook. Il a eu son effet. Pour ma part je n’ai pas été surpris par cette situation.
Depuis le 11 février dernier, date de ma proposition de candidature, une équipe est au travail sous l’impulsion de Gabriel Amard pour collecter les signatures. Elle court le pays, interpelle et contacte soit directement soit par courrier. C’était la première fois que nous devions faire cette collecte en affrontant le double blocage du PS et des dirigeants du PC. Mais au total, à l’heure des comptes samedi matin, le chiffre de cinq cent signatures était dépassé. C’est lui qui est fondateur. Nous en connaissons la liste nom par nom tant notre organisation est fine et précise. Le premier contingent de signataires à cette heure-là était celui des élus sans étiquette. On peut vraiment dire qu’ils ont été top ! Car c’est bien sûr eux les plus nombreux dans le pays. Mais aussi les plus exposés aux représailles des appareils politiques. Viennent ensuite les « divers gauche » comme on dit dans les nomenclatures du ministère de l’Intérieur. Un contingent qui inclut les appartenances les plus diverses et les étiquettes les plus vagues qui ont cependant en commun leur référence à « la gauche » en général. Dans ce cas leur parrainage fonctionne aussi comme une façon de s’inscrire dans une démarche de non alignement sur les grands partis qui cherchent sans cesse à les absorber ou à les contrôler dans le cadres des divers syndicats intercommunaux, les conseils d’agglomération ou que sais-je encore.
Ensuite arrive le contingent des signatures communistes. Leur nombre est impressionnant. Il montrait clairement dès samedi matin que la consigne de gel ne fonctionnait déjà plus depuis plusieurs jours. De nombreux élus communistes, certes disciplinés, s’alarmaient de l’effet produit par le spectacle d’une difficulté entièrement imputable à des tensions d’appareil. Ils n’ont pas supporté cette situation. Ils se sont donc avancés sur la scène et ils ont fait la décision, à leur façon, en pulvérisant le barrage. Dans son coup de fil à Rome pour m’informer de la réussite du travail de son équipe, Gabriel Amard a tenu à mentionner l’ampleur de cette féconde dissidence. Je suis certain qu’après que j’ai annoncé notre succès, tout le reste des élus communistes va renoncer à prolonger cet inutile blocage. Je sais bien que tous savent être du bon côté dans le combat, au-delà des tensions du moment. Je crois donc que nous finirons avec un très beau dépassement du chiffre des 500 signatures, peut-être même dès le mardi suivant mon annonce. Bien sûr il en manquera à l’appel. Mais quelle importance ? L’essentiel est fait. Je veux tourner la page. Il reste 40 jours avant le premier tour. Plus nous serons nombreux sur le pont mieux ce sera.
Après quoi je veux bien sûr mentionner les parrainages des élus du Parti de Gauche, parti dont je suis membre. Elles sont certes plus évidentes puisque le parti a soutenu depuis le début ma candidature. Mais la campagne de collecte a aussi permis d’identifier une quarantaine de maires adhérents soit sous l’étiquette du parti soit en divers gauche ou « Front de gauche ». Et après cela viennent 12 élus PS. On peut parler à leur sujet de choix héroïque car je doute que cela leur vaille des compliments de la hiérarchie PS. Leur présence, dont je rappelle qu’elle ne vaut pas soutien de leur part, n’en est que plus remarquable. Et je me fais la même réflexion à propos des parrainages venus d’élus « Europe Écologie-Les Verts ». Mais il s’agit là souvent de personnes qui n’ont pas supporté le choix ni la méthode utilisée par Jadot pour son retrait de candidature. Plusieurs sont déjà engagées dans le collectif des membres d’EELV qui viennent de décider de participer à ma candidature sur leur propre base, comme le député Sergio Coronado et ses amis.
Bon bilan. Cet obstacle de campagne est donc surmonté. Ce n’aura pas été facile. Ce fut beaucoup de travail. Beaucoup de stress. Ça ne s’oublie pas. Nos amis ont encore appris bien des choses à propos des divers postes de combat d’une campagne de ce type. Je veux donc remercier avec affection les femmes et les hommes qui ont mené l’action sans relâche depuis plus d’un an à présent. Je sais que ce n’était pas le plus gratifiant. Mais c’était vital. Sans eux, sans leur constance, leur application à la tâche, tout notre travail de campagne aurait pu être réduit à néant. D’aucuns l’espéraient, je ne le sais que trop. Le PS peut remballer ses bouteilles de champagne !
Cette fois-ci, au vu et au su de tous, les rôles s’attribuent autrement et jusqu’à la caricature ! On a vu avec quel culot Jean-Christophe Cambadélis me fait les gros yeux dans une interview au journal Le Parisien. Il voudrait me rendre responsable de l’incapacité de la campagne du PS à combler la moitié des suffrages perdus du fait du bilan du quinquennat ! Je devrais humblement me retirer devant le candidat du PS. Quelle arrogance ! Pour autant je ne suis pas dupe de l’effet d’enfumage. Car le « raisonnement » du premier secrétaire ne tient pas la mer comme il le sait bien lui-même. Depuis quand faut-il qu’il n’y ait aucun candidat en concurrence avec le PS pour qu’une élection soit gagnée ? Ce ne fut pas le cas en 1981 où Georges Marchais et François Mitterrand furent en concurrence, ce qui n’empêcha pas ce dernier de gagner, au contraire. Et de même en 2012 où ma percée a 11 % n’a pas empêché François Hollande de gagner, au contraire encore !
Certes, comme le montrent les courbes des sondages, si la candidature du PS ne perce pas, si elle a même commencé à régresser, il n’en demeure pas moins qu’elle a réussi à stopper notre progression avérée jusqu’à fin janvier. Le pilonnage démoralisant des amis de « l’unité » qui me dénigrent sans trêve y a ajouté sa contribution démotivante sur les milieux militants pétitionnaires traditionnels. Et si dorénavant nous reprenons le terrain en progression, tout cela nous a même fait reculer un temps. Et elle nous a fait perdre du temps.
Ce n’est pas tout. Jusqu’à fin janvier nous jouions à touche-touche avec Macron. Depuis, nous avons eu un mois d’autoblocage mutuel avec Benoît Hamon. Cela a suffi à Macron pour lui permettre de décoller et de s’imposer comme la figure du « vote utile » si chère au PS. Il peut siphonner donc Hamon de tous ces votes qui auraient pu venir vers nous sans cela. C’est sans doute l’effet le plus important attendu par les cyniques hommes de l’appareil solférinien avec la candidature de leur parti. Ils la soutiennent comme la corde soutient le pendu ! Car pour eux la suite est déjà écrite, selon l’aveu du même Cambadélis dans la même interview. Il s’agit de former ensuite une « grande coalition » avec Macron lors des législatives. Raison pour laquelle il appelle les importants du parti à ne pas quitter le navire et à ne pas se vendre au détail. En restant groupés au PS, ils auront une meilleure position pour négocier les places d’une nouvelle majorité avec Macron. Les gogos enchaînés au PS auront donc été d’un bout à l’autre les dindons d’une farce bien orchestrée.
La candidature de Benoît Hamon, certes méritante, et précieux outil de l’élimination de Valls, aura fonctionné, à son corps défendant, comme le tremplin qui aura permis d’amorcer l’appel au « vote utile Macron ». Car le vote utile est la seule culture politique que répand le PS depuis tant de temps ! À partir de là, je sais que notre partie se joue dans les électeurs nouveaux arrivants. C’est eux qui vont faire la décision. Ce sera une attitude dégagiste. Le vote utile ne va pas fonctionner au premier tour. Ce n’est pas la logique de ce que nous avons observé jusque-là. Dans ce contexte, le candidat du PS est le plus mal placé pour accéder au deuxième tour. Il est évidemment surtout desservi par les siens qui n’attendent de lui qu’un rôle de figuration avant le grand accord avec Macron. En tout état de cause, le délai laissé par la date de la fin de la primaire ne lui permet pas de bâtir un socle idéologiquement stable. Et sa position programmatique si hétérodoxe en a pourtant cruellement besoin !
À cela s’est ajoutée une lourde erreur de pilotage. Le temps perdu à courir derrière Jadot et Duflot, sans impact électoral positif, les zigzags sur son thème fétiche du revenu universel et le virage européiste sur l’aile lui ont fait perdre beaucoup de visibilité. Et bien sûr, le poison lent des désertions au goutte à goutte forme un bruit de fond qui parasite sa campagne. Je ne dis là que ce que tout le monde observe. Et il y a aussi ce que je sais et qui ne se voit pas : une campagne de cette nature ne s’improvise pas. Et le nombre de tireurs dans le dos, les grands seigneurs qui mènent leurs guerres privées dans le capharnaüm, tout ce fourmillement désordonné épuise les acteurs principaux du combat. Mais les solfériniens s’en moquent. Ils se sentent proches du but : le harakiri du parti souhaité par Hollande est en vue. L’échec imputable à « la ligne de gauche » peut figer les rôles. Et le rêve d’un Schröder à la française semble à portée de main sous les traits de Macron. Les astres s’alignent pour eux, pensent-ils.
Notre campagne est le seul recours contre cette mise en place. Notre ligne de travail est donc toute tracée. Le 18 mars, avec la grande marche pour la sixième République, la poussière du démarrage de campagne officielle va finir de retomber. Nous serons alors passés sur notre terrain : le combat de masse et de classe. Le reste sera visiblement aussi futile qu’inutile.
Il y a déjà quelque temps que j’alerte sur ce blog à propos du projet de nouveau traité européen en préparation dans les coulisses. J’ai signalé l’annonce d’un projet des « cinq présidents » en exercice dans l’Union, puis les étranges mais concordantes « propositions » de diverses personnalités françaises faisant mine d’avoir l’idée soudaine d’un nouveau traité. J’ai aussi montré ici même comment l’idée de « gouvernement et de parlement de la zone euro » de François Hollande, et celle d’Europe à plusieurs cercles proposée par Fabius il y a plus de dix ans reviennent dans le programme présidentiel du PS fraichement repeintes de neuf… Je vous tiens donc informé de chaque rebondissement sachant que je crois être le seul à le faire, comme ce fut le cas dans le passé lointain pour le TAFTA et autres vieux tours de passe-passe avançant des mois durant sous une protectrice cape d’invisibilité médiatique.
À présent, une étape vient d’être franchie. Juncker a présenté devant le Parlement européen un document de la Commission qu’il préside à propos de l’avenir de l’UE. La méthode est curieuse : le Parlement en a été informé avant les commissaires. Une façon pour eux de se dédouaner ? Et quelques heures avant le discours du président de la Commission européenne, le Livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’UE était décrit dans le journal états-unien Politico. Le document n’avait donc rien d’exclusif au moment de sa présentation. Du moins apprenons-nous qu’un média s’y intéresse… Aux États-Unis !
Voyons le contenu. Jean-Claude Juncker propose ses « pistes de réflexions pour l’avenir de l’UE » en 5 options. Elles sont assez différentes pour laisser à l’exécutif européen un rôle pour « cadrer » le débat. On peut dire aussi que c’est aussi une façon de faire pour qu’aucune autre proposition ne trouve de place.
Le premier scénario sobrement intitulé « carrying on » nous enjoint à continuer la construction européenne au rythme actuel, avec les orientations politiques actuelles. Il ne propose pas de nouvelles structures d’organisation de la zone euro. Il se contente de prôner la poursuite de l’exécution de l’agenda et des projets actuels. C’est bien naturel. Il serait surprenant que les auteurs de la pièce en cours la trouvent mauvaise. Il est donc normal que l’idée de continuer à jouer les épisodes prévus soit une de leurs hypothèses. Au moins pour la forme. Il s’agit en fait d’un statut quo : continuons comme avant, même si nous allons dans le mur. Mais c’est quand même bien parce que ça ne marche pas qu’on en est à vouloir éventuellement faire autre chose. D’autres scénarios sont donc prévus.
Le second scénario, le plus minimaliste, propose de recentrer l’UE sur « seulement le marché unique ». Mais en faisant cela, il fait peser le risque de devoir détricoter tout le reste des milliers de directives sur tous les sujets pondus par les prolixes bureaucraties Bruxelloises. Et aussi sur des dispositions aussi essentielles de l’UE tel que la libre circulation des personnes. L’auteur ne cache pas ses craintes : ce scénario aurait également des impacts sur la stabilité financière de l’UE et son poids, si relatif soit-il, sur la scène internationale. En fait c’est une proposition en trompe l’œil si l’on en juge par l’outrance des objections que l’auteur se présente à lui-même. En effet dans les conséquences potentielles du choix de ce scénario la Commission cite un grand pêle-mêle qui va de la dégradation de la qualité de l’air en fonction des pays du fait de l’abandon des politiques européennes en matière environnementale et l’échec des futurs accords de libre échange (comme le TAFTA) du fait du blocage de certains États membres. Interdit de rire.
Le troisième scénario « ceux qui veulent en faire plus en font plus » réhabilite les hypothèses d’Europe à deux vitesses, avancée par Merkel et Hollande et divers candidats dans chacun de leurs pays. D’ailleurs, les pays du Benelux se sont eux aussi prononcés en faveur de cette hypothèse. Ce fut donc l’un des sujets de discussion lors du sommet quadripartite à Versailles entre les dirigeants de la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Avec pour principal résultat d’avoir exaspéré les autres pays et principalement ceux de l’Europe de l’Est qui sont les sortistes en puissance que les Nord-Américains manipulent. Le projet est simple : les pays les plus volontaristes pourront aller de l’avant en décidant de coopérer davantage sur des sujets comme la défense, la sécurité intérieure et le terrorisme, l’harmonisation fiscale. Une liste délicieusement pipée !
C’est à mon sens le projet le plus stupide. Car loin de proposer des collaborations entre les États de l’Union, il cherche au contraire à officialiser une élite de pays européens : les bons élèves de l’austérité face au reste des États membres, souvent aussi les plus pauvres. Les pays candidats à participer à ce peloton de tête étant évidemment tous dans la liste des pays fondateurs de l’UE ou appartenant à la zone euro. Et sur le fond, que propose-t-elle de nouveau quant à la méthode ? Rien de bien neuf. Car l’Europe à plusieurs vitesses existe déjà. L’euro, c’est juste l’Europe à deux vitesses : celle des 19 membres qui ont adopté la monnaie unique et les autres. Idem pour l’Europe de Schengen. La fausse évidence de cette Europe à plusieurs vitesses éclate alors aux yeux de tous. C’est le démembrement de l’Union en deux zones, l’une au centre du monde, la seconde subalterne.
Le 4ème scénario « faire moins mais plus efficacement » recentre les politiques de l’UE sur les grand thèmes : sécurité, migration, défense, économie et diminue à l’inverse le poids de l’UE sur les politiques environnementales, la protection des consommateurs. Cette nouvelle approche est censée répondre aux critiques d’une Union trop bureaucratique et envahissante. La réponse est aussi pauvre que le projet : défendre l’économie ordo-libérale sans aucun scrupule social.
Enfin le scénario le plus ambitieux (le cinquième, « faire plus ensemble ») propose une Europe avec une défense commune. L’harmonisation sociale y est évidemment envisagée. Mais comme le reste de l’Union ne serait pas impliquée, on comprend que le dumping social n’est pas prêt de s’y interrompre. Après quoi on devine que ce scénario propose par exemple de « poursuivre activement » la conclusion d’accord de commerce à l’instar du CETA. Cerise sur le gâteau : ces accords seraient négociés et ratifiés par l’UE au nom des États membres, sans que les États puissent s’y opposer.
Une 6ème option, non évoquée, plane également dans toutes les têtes sans qu’aucun n’ose en parler à voix haute : celle d’une éventuelle désintégration complète du projet européen. Et ce scénario est engagé. Avec le Brexit évidemment. Mais aussi avec ce lamentable sommet de Versailles. Et ainsi de suite.
J’ai répondu à quelques questions de l’hebdomadaire « L’Huma dimanche » qui m’a proposé une belle interview et sa une. Je vous propose de retrouver ici, pour ceux qui ne l’auraient pas lue, les mots consacrés à la convocation du 18 mars.
HD : Quel regard portez-vous sur la situation politique marquée par l’affaire Fillon, par des certitudes qui volent en éclats les unes après les autres ?
JLM : Cette situation est un symptôme sidérant de décomposition politique. La cause est connue. L’argent, qui dévore le pays, dévore aussi les personnes. Le mal frappe le cœur de l’élection centrale dans la 5ème République. On investit quelqu’un qui est doté de pouvoirs considérables. Le feuilleton Fillon tue tout autre sujet… Il est aujourd’hui impossible de lancer le moindre débat. C’est un moment particulièrement déstabilisant pour la démocratie. Un exemple : Monsieur Macron annonce la fin du système des retraites à la française et le passage au régime par points… zéro seconde de débat. Et au milieu de cela surnage « l’opération Macron » qui est l’homme de l’oligarchie dans un pays où 90% des médias sont contrôlés par 9 milliardaires, dont cinq qui ont fait le choix de le soutenir.
Cette situation nous amène aux portes d’un moment politique particulier que j’appelle le « dégagisme », une force aveugle de rejet de tout et de tous. Notre rôle est de lui ouvrir une issue positive. Ce n’est pas d’attendre que tout s’effondre dans le chaos. C’est pourquoi je mène une campagne d’adhésion à un programme. Ce n’est pas une campagne où l’on fait peur, où l’on pousse les gens à se décider en fonction de pari sans contenu : « qui est-ce qui a le plus de chance de… ». Ce type de calcul a été ridiculisé par la multiplication des hypothèses qui n’ont pas tenu deux mois. Et personne ne sait quelle sera la situation dans un mois.
Cette campagne d’adhésion à un projet est ponctuée d’évènements comme le 18 mars sur la 6ème République qui est une façon de traduire d’une manière concrète cette issue positive.
HD : Le 18 mars a donc changé de signification au regard de cette situation que vous décrivez ?
JLM : Oui. Au départ il s’agissait de souligner l’importance du changement des institutions pour la suite de la vie politique de notre pays. Notre projet politique, notre stratégie révolutionnaire, partent de l’idée que le peuple se réapproprie les institutions politiques en les redéfinissant. C’est la stratégie de la révolution citoyenne. Mais la vitesse à laquelle le système donne des signes d’effondrement fait que le 18 mars prend une signification plus large. Et nous devons en tenir compte dans la manière de conduire cette journée afin que s’y sentent à l’aise l’ensemble de ceux qui ont compris que la racine du mal c’est la conjonction entre la monarchie présidentielle et la toute-puissance de la finance. Le passage à la 6ème République, c’est « une loi de séparation de la République et de l’argent ».
HD : C’est pour cela que vous souhaitez qu’il n’y ait pas de drapeaux d’organisations ? Ce qui entraîne une polémique sur les réseaux sociaux.
JLM. Mais ! Puis-je donner une consigne sans que l’on en sorte un mot pour provoquer toutes sortes de polémiques absurdes. J’ai dit et répété à tous les partis qui soutiennent ma candidature que nous devions faire attention au fait que la campagne est construite sur un modèle particulier, dont l’objectif peut se résumer en une formule : « fédérer le peuple ». Il faut donc que tout le monde puisse se sentir à l’aise quelle que soit son appartenance. D’où mon souci de faire en sorte que nos partis ne donnent pas le sentiment de s’approprier la marche. Nous ne faisons pas une manifestation traditionnelle ! Nous exprimons ensemble quelque chose de plus grand que nos partis respectifs. Venez avec des pancartes, des slogans des revendications. Et bien sûr mettez vos badges ! Les militants politiques sont les bienvenus. Mais agissons pour que tout le monde soit à l’aise. Un militant politique de masse comprend ce souci d’élargissement.
HD : Avez-vous des échos de la préparation de cette journée, sera-t-elle un succès comme en 2012 ?
JLM : J’y compte bien. Nous écrivons ensemble une page de la légende populaire ! On sait qu’il y aura des dizaines de milliers de personnes. Mais quel est le degré de porosité entre les milieux que nous mobilisons et le reste de la société ? La moitié des gens ne savent pas pour qui ils vont voter. Ce n’est pas de l’apolitisme, mais un refus de la scène politique qui est proposée.
Pendant un temps on nous disait que le mot d’ordre de 6ème République n’avait pas de rapport avec la question sociale et qu’il était trop abstrait. Mais entre-temps il y a eu six 49.3 pour faire passer la loi El Khomri et la loi Macron. Donc beaucoup de gens ont compris qu’il y avait un rapport entre la nature des institutions et le projet social.
240 commentaires
ericorouge
Bravo Mr Mélenchon d’avoir été, hier soir, à la hauteur de ce que nous attendions de vous. Cela nous aide à convaincre autour de nous. Au delà de la vacuité de beaucoup de phrase de Mr Macron (relevé par Mme Le Pen, pour un fois à juste titre) j’ai remarqué qu’il avait des facultés que l’on prête d’habitude au caméléon. Quand il parle de salaires après une intervention de Benoit Hamon ou de Jean-Luc, il utilise le mot cotisations sociales. Après une intervention de Fillon ou Le Pen ce mot devient charges. Méfiez vous des caméléons politiques, leurs proies sont les électeurs !
Lucas B.
Je n’ai pas vu le débat mais je vois le résultat aujourd’hui sur le compteur de soutiens au candidat de la France Insoumise. Compteur explosé avec 17 000 soutiens de plus entre hier et aujourd’hui et le plafond des 300 000 largement enfoncé !
Alain Doumenjou
Avec environ dix millions de personnes ayant suivi en direct le débat d’hier soir, il est indéniable que ce fut un moment important de la campagne. Puisque les sondages auprès des auditeurs se sont multipliés juste après l’émission et que pour une fois (sauf celui effectué pour BFMTV) ils ont été livrés en résultat brut, il est important de noter qu’interrogés sur certains thèmes, les personnes sondées ont donné majoritairement des réponses qui les rapprochent du programme de FI et les éloignent de ceux du FN ou de la droite, qu’il s’agisse des 35 heures (72% pour son maintien) de la fermeture des frontières, ou pour un passage à la 6ème République avec 88% d’opinions favorables. Jean-Luc est donné largement en tête quant à sa crédibilité ou sa stature comme chef d’Etat. Quant à Benoît Hamon il est en queue de peloton, très loin derrière, n’atteignant qu’entre 7 et 8 % d’opinions favorables. Alors que ceux qui commençaient à se décourager se ressaisissent !
Fred
La « bonne » erreur de Jean Luc Mélenchon. Citation du Figaro: « Le candidat de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon sous-estime la pauvreté en Allemagne. Elle a progressé de 15 % en 2013 pour toucher 12,5 millions de personnes, un record, indique l’étude publiée par la fédération d’aide sociale Paritätischer Wohlfahrtsverband ». Donc, ça ne fait que valider son raisonnement sur le modèle allemand. Merci au Figaro d’avoir relevé cette « erreur » !
DMc
Le jour d’après ! Je regarde le compteur des signatures sur jlm2017. C’est fou, les 311000 sont dépassés avant minuit, toutes les minutes il y a entre 4 a 10 nouveaux inscrits.
Donato DI CESARE
Quand viendront les débats suivants, et que Jean-Luc pourra défendre notre projet (plan A) sur l’euro et sur le chiffrage de notre programme, nul doute qu’on va exploser nos scores.
Bravo à Jean-Luc pour sa prestation, et « qu’ils s’en aillent tous »!
Tovena
Le discours du 18/03 restera dans les annales politiques, je retranscris, c’est beau, c’est fort, il fallait l’oser, bravo pour le courage, Mr Mélenchon vous êtes l’homme politique courageux en qui nous mettons tout notre espoir. Comptez sur nous pour vous suivre !
BROSSE
Les classes populaires ne lisent pas Le Monde et n’écoutent pas France Culture et leurs méthodes de censure enrobées. Elles regardent la télévision et ne sont pas dupes des margoulins qui débitent leurs boniments. Jean-Luc Mélenchon tranchait par sa sobriété, son ampleur de vue et son humour.
JP
Bravo Jean-Luc pour ta prestation lors du débat politique. Nettement un cran au-dessus de la mêlée. De la conviction dans les propos, une dose d’humour et de dérision, bref, que du bonheur. L’équipe de campagne de la FI fait un travail remarquable, soutenue par un orateur de grand talent. Regonflés et pleins d’espoirs !
Bon courage à vous pour les suites à venir.
Invisible
Ce matin sur France Inter, la revue de presse était confiée à des lycéens de banlieue. Résultat : un plébiscite pour Jean-luc Mélenchon. Patrick Cohen devrait être vert ! Bon enfin, sachons apprécier que la lycéenne n’ait pas été censurée sur son choix. Il règne encore un peu de démocratie.
Invisible
Il faudrait peut-être couper court à la méthode des journaleux de sans cesse vouloir que nous ayons le même programme que MLP et, dans l’instant d’après, de nous suggérer de nous rallier à Hamon au motif qu’on a le même programme que lui. (Entre parenthèses, bien entendu, c’est notre programme qui tient lieu d’inspiration à l’un comme à l’autre…) S’ils s’écoutaient parler, ces journaleux de service se rendraient compte qu’à ce compte, MLP a le même programme que Hamon ! Hors, personne ne fait à Hamon le reproche d’être « les extrêmes ». Quel salade que tout ça !
COURCHELLE Jean-Paul
Félicitation à toutes et tous pour cette campagne exemplaire. Je me doute que l’agenda de Jean-Luc est très chargé, mais je me dois de vous informer que vendredi 14 avril 2017, sera le 75e anniversaire de l’assassinat de Léon Bailleux sur ordre la Gestapo. En effet il a été fusillé au fort du Vert galant, près de Lille, le 14 avril 1942. Un hommage lui sera rendu au cimetière de Barlin vil où habite Michel Dagbert (PS) président du département du Pas de Calais, actuellement à deux doigts de rejoindre E. Macron. En espérant que Jean-Luc Mélenchon soit dans les parages. Ici nous mettons tout en oeuvre dans cette élection pour une prospérité que mérite notre patrie. Bien à vous.
CHAMPEAU
Merci Jean-Luc pour cet espoir que tu nous fais porter et les sourires que tu nous raccroches aux lèvres. Ces Générations confondues derrière toi c’est formidable. Bravo et bon courage.