Le 18 mars est notre rendez-vous crucial, à Paris pour la sixième république. Pour autant, je suis de retour de Rome où se tenait la quatrième session du forum du plan B en Europe. Une bonne couverture de presse a permis d’en connaître les thèmes. Je reviens donc ici sur les actualités du sujet. Mais je fais mes premières lignes à la mémoire de l’infirmière qui s’est suicidée le jour de la manifestation nationale pour la défense des professionnels de santé et de la fonction publique. Et à la mémoire du syndicaliste SUD SNCF qui s’est lui aussi suicidé mis à bout de résistance psychologique par l’attitude sa direction. Ces morts sont le symptôme avancé d’un système social qui commence à pourrir partout. Ils sèment une consternation, une tristesse qui labourent un terrain déjà bien remué de déceptions et de rages accumulées. Que leur sang retombe sur la tête des importants coupables de ce monde déprimant et brutal ! Que nos pas et nos voix les vengent.
Le système absurde et médiéval de parrainages pour la candidature à l’élection présidentielle vient de faire une nouvelle fois la démonstration de sa finalité : un goulet d’étranglement. Dans le meilleur des cas. Car c’est aussi un moyen de contrôle et de manipulation pour les grands partis dit « de gouvernement », selon l’appellation contrôlée que se sont donné les derniers occupants alternatifs du pouvoir. Les menaces d’exclusions sur les élus qui passeraient outre les consignes des divers bureaux politiques fonctionnent comme autant d’angoisses pour les subventions et autres dotations. Le PS a tout fait pour rendre cette épreuve aussi infranchissable que possible.
Pourtant c’est un rapport commandé à Lionel Jospin qui avait proposé une autre méthode, celle du parrainage citoyen où cent cinquante mille signatures vaudraient autant que cinq cent élus. Un reniement de plus dans ce quinquennat qui n’a compté que cela ! Nous avons franchi plus lentement que d’autres la barre des cinq cent. Notre vivier était plus étroit que d’autres. Nous sommes entrés dans la dernière ligne droite avec 565 promesses de signatures. La consigne de gel des signatures donnée par la direction communiste a évidemment beaucoup joué par rapport à 2012 où les communistes avaient été au contraire l’aile marchante de la collecte. Pour autant, elle n’a pas empêché cette fois-ci nombre d’élus communistes de passer outre et de m’apporter leur aide sans barguigner. Eux savaient le nombre d’heures de travail qu’ont couté ces mois de collecte patiente. En militant de terrain, ils ont voulu nous soulager autant que possible de cet effort. C’est de cette façon que j’interprète le message de colère contre ce gel des signatures posté par Marie-George Buffet sur sa page Facebook. Il a eu son effet. Pour ma part je n’ai pas été surpris par cette situation.
Depuis le 11 février dernier, date de ma proposition de candidature, une équipe est au travail sous l’impulsion de Gabriel Amard pour collecter les signatures. Elle court le pays, interpelle et contacte soit directement soit par courrier. C’était la première fois que nous devions faire cette collecte en affrontant le double blocage du PS et des dirigeants du PC. Mais au total, à l’heure des comptes samedi matin, le chiffre de cinq cent signatures était dépassé. C’est lui qui est fondateur. Nous en connaissons la liste nom par nom tant notre organisation est fine et précise. Le premier contingent de signataires à cette heure-là était celui des élus sans étiquette. On peut vraiment dire qu’ils ont été top ! Car c’est bien sûr eux les plus nombreux dans le pays. Mais aussi les plus exposés aux représailles des appareils politiques. Viennent ensuite les « divers gauche » comme on dit dans les nomenclatures du ministère de l’Intérieur. Un contingent qui inclut les appartenances les plus diverses et les étiquettes les plus vagues qui ont cependant en commun leur référence à « la gauche » en général. Dans ce cas leur parrainage fonctionne aussi comme une façon de s’inscrire dans une démarche de non alignement sur les grands partis qui cherchent sans cesse à les absorber ou à les contrôler dans le cadres des divers syndicats intercommunaux, les conseils d’agglomération ou que sais-je encore.
Ensuite arrive le contingent des signatures communistes. Leur nombre est impressionnant. Il montrait clairement dès samedi matin que la consigne de gel ne fonctionnait déjà plus depuis plusieurs jours. De nombreux élus communistes, certes disciplinés, s’alarmaient de l’effet produit par le spectacle d’une difficulté entièrement imputable à des tensions d’appareil. Ils n’ont pas supporté cette situation. Ils se sont donc avancés sur la scène et ils ont fait la décision, à leur façon, en pulvérisant le barrage. Dans son coup de fil à Rome pour m’informer de la réussite du travail de son équipe, Gabriel Amard a tenu à mentionner l’ampleur de cette féconde dissidence. Je suis certain qu’après que j’ai annoncé notre succès, tout le reste des élus communistes va renoncer à prolonger cet inutile blocage. Je sais bien que tous savent être du bon côté dans le combat, au-delà des tensions du moment. Je crois donc que nous finirons avec un très beau dépassement du chiffre des 500 signatures, peut-être même dès le mardi suivant mon annonce. Bien sûr il en manquera à l’appel. Mais quelle importance ? L’essentiel est fait. Je veux tourner la page. Il reste 40 jours avant le premier tour. Plus nous serons nombreux sur le pont mieux ce sera.
Après quoi je veux bien sûr mentionner les parrainages des élus du Parti de Gauche, parti dont je suis membre. Elles sont certes plus évidentes puisque le parti a soutenu depuis le début ma candidature. Mais la campagne de collecte a aussi permis d’identifier une quarantaine de maires adhérents soit sous l’étiquette du parti soit en divers gauche ou « Front de gauche ». Et après cela viennent 12 élus PS. On peut parler à leur sujet de choix héroïque car je doute que cela leur vaille des compliments de la hiérarchie PS. Leur présence, dont je rappelle qu’elle ne vaut pas soutien de leur part, n’en est que plus remarquable. Et je me fais la même réflexion à propos des parrainages venus d’élus « Europe Écologie-Les Verts ». Mais il s’agit là souvent de personnes qui n’ont pas supporté le choix ni la méthode utilisée par Jadot pour son retrait de candidature. Plusieurs sont déjà engagées dans le collectif des membres d’EELV qui viennent de décider de participer à ma candidature sur leur propre base, comme le député Sergio Coronado et ses amis.
Bon bilan. Cet obstacle de campagne est donc surmonté. Ce n’aura pas été facile. Ce fut beaucoup de travail. Beaucoup de stress. Ça ne s’oublie pas. Nos amis ont encore appris bien des choses à propos des divers postes de combat d’une campagne de ce type. Je veux donc remercier avec affection les femmes et les hommes qui ont mené l’action sans relâche depuis plus d’un an à présent. Je sais que ce n’était pas le plus gratifiant. Mais c’était vital. Sans eux, sans leur constance, leur application à la tâche, tout notre travail de campagne aurait pu être réduit à néant. D’aucuns l’espéraient, je ne le sais que trop. Le PS peut remballer ses bouteilles de champagne !
Cette fois-ci, au vu et au su de tous, les rôles s’attribuent autrement et jusqu’à la caricature ! On a vu avec quel culot Jean-Christophe Cambadélis me fait les gros yeux dans une interview au journal Le Parisien. Il voudrait me rendre responsable de l’incapacité de la campagne du PS à combler la moitié des suffrages perdus du fait du bilan du quinquennat ! Je devrais humblement me retirer devant le candidat du PS. Quelle arrogance ! Pour autant je ne suis pas dupe de l’effet d’enfumage. Car le « raisonnement » du premier secrétaire ne tient pas la mer comme il le sait bien lui-même. Depuis quand faut-il qu’il n’y ait aucun candidat en concurrence avec le PS pour qu’une élection soit gagnée ? Ce ne fut pas le cas en 1981 où Georges Marchais et François Mitterrand furent en concurrence, ce qui n’empêcha pas ce dernier de gagner, au contraire. Et de même en 2012 où ma percée a 11 % n’a pas empêché François Hollande de gagner, au contraire encore !
Certes, comme le montrent les courbes des sondages, si la candidature du PS ne perce pas, si elle a même commencé à régresser, il n’en demeure pas moins qu’elle a réussi à stopper notre progression avérée jusqu’à fin janvier. Le pilonnage démoralisant des amis de « l’unité » qui me dénigrent sans trêve y a ajouté sa contribution démotivante sur les milieux militants pétitionnaires traditionnels. Et si dorénavant nous reprenons le terrain en progression, tout cela nous a même fait reculer un temps. Et elle nous a fait perdre du temps.
Ce n’est pas tout. Jusqu’à fin janvier nous jouions à touche-touche avec Macron. Depuis, nous avons eu un mois d’autoblocage mutuel avec Benoît Hamon. Cela a suffi à Macron pour lui permettre de décoller et de s’imposer comme la figure du « vote utile » si chère au PS. Il peut siphonner donc Hamon de tous ces votes qui auraient pu venir vers nous sans cela. C’est sans doute l’effet le plus important attendu par les cyniques hommes de l’appareil solférinien avec la candidature de leur parti. Ils la soutiennent comme la corde soutient le pendu ! Car pour eux la suite est déjà écrite, selon l’aveu du même Cambadélis dans la même interview. Il s’agit de former ensuite une « grande coalition » avec Macron lors des législatives. Raison pour laquelle il appelle les importants du parti à ne pas quitter le navire et à ne pas se vendre au détail. En restant groupés au PS, ils auront une meilleure position pour négocier les places d’une nouvelle majorité avec Macron. Les gogos enchaînés au PS auront donc été d’un bout à l’autre les dindons d’une farce bien orchestrée.
La candidature de Benoît Hamon, certes méritante, et précieux outil de l’élimination de Valls, aura fonctionné, à son corps défendant, comme le tremplin qui aura permis d’amorcer l’appel au « vote utile Macron ». Car le vote utile est la seule culture politique que répand le PS depuis tant de temps ! À partir de là, je sais que notre partie se joue dans les électeurs nouveaux arrivants. C’est eux qui vont faire la décision. Ce sera une attitude dégagiste. Le vote utile ne va pas fonctionner au premier tour. Ce n’est pas la logique de ce que nous avons observé jusque-là. Dans ce contexte, le candidat du PS est le plus mal placé pour accéder au deuxième tour. Il est évidemment surtout desservi par les siens qui n’attendent de lui qu’un rôle de figuration avant le grand accord avec Macron. En tout état de cause, le délai laissé par la date de la fin de la primaire ne lui permet pas de bâtir un socle idéologiquement stable. Et sa position programmatique si hétérodoxe en a pourtant cruellement besoin !
À cela s’est ajoutée une lourde erreur de pilotage. Le temps perdu à courir derrière Jadot et Duflot, sans impact électoral positif, les zigzags sur son thème fétiche du revenu universel et le virage européiste sur l’aile lui ont fait perdre beaucoup de visibilité. Et bien sûr, le poison lent des désertions au goutte à goutte forme un bruit de fond qui parasite sa campagne. Je ne dis là que ce que tout le monde observe. Et il y a aussi ce que je sais et qui ne se voit pas : une campagne de cette nature ne s’improvise pas. Et le nombre de tireurs dans le dos, les grands seigneurs qui mènent leurs guerres privées dans le capharnaüm, tout ce fourmillement désordonné épuise les acteurs principaux du combat. Mais les solfériniens s’en moquent. Ils se sentent proches du but : le harakiri du parti souhaité par Hollande est en vue. L’échec imputable à « la ligne de gauche » peut figer les rôles. Et le rêve d’un Schröder à la française semble à portée de main sous les traits de Macron. Les astres s’alignent pour eux, pensent-ils.
Notre campagne est le seul recours contre cette mise en place. Notre ligne de travail est donc toute tracée. Le 18 mars, avec la grande marche pour la sixième République, la poussière du démarrage de campagne officielle va finir de retomber. Nous serons alors passés sur notre terrain : le combat de masse et de classe. Le reste sera visiblement aussi futile qu’inutile.
Il y a déjà quelque temps que j’alerte sur ce blog à propos du projet de nouveau traité européen en préparation dans les coulisses. J’ai signalé l’annonce d’un projet des « cinq présidents » en exercice dans l’Union, puis les étranges mais concordantes « propositions » de diverses personnalités françaises faisant mine d’avoir l’idée soudaine d’un nouveau traité. J’ai aussi montré ici même comment l’idée de « gouvernement et de parlement de la zone euro » de François Hollande, et celle d’Europe à plusieurs cercles proposée par Fabius il y a plus de dix ans reviennent dans le programme présidentiel du PS fraichement repeintes de neuf… Je vous tiens donc informé de chaque rebondissement sachant que je crois être le seul à le faire, comme ce fut le cas dans le passé lointain pour le TAFTA et autres vieux tours de passe-passe avançant des mois durant sous une protectrice cape d’invisibilité médiatique.
À présent, une étape vient d’être franchie. Juncker a présenté devant le Parlement européen un document de la Commission qu’il préside à propos de l’avenir de l’UE. La méthode est curieuse : le Parlement en a été informé avant les commissaires. Une façon pour eux de se dédouaner ? Et quelques heures avant le discours du président de la Commission européenne, le Livre blanc de la Commission sur l’avenir de l’UE était décrit dans le journal états-unien Politico. Le document n’avait donc rien d’exclusif au moment de sa présentation. Du moins apprenons-nous qu’un média s’y intéresse… Aux États-Unis !
Voyons le contenu. Jean-Claude Juncker propose ses « pistes de réflexions pour l’avenir de l’UE » en 5 options. Elles sont assez différentes pour laisser à l’exécutif européen un rôle pour « cadrer » le débat. On peut dire aussi que c’est aussi une façon de faire pour qu’aucune autre proposition ne trouve de place.
Le premier scénario sobrement intitulé « carrying on » nous enjoint à continuer la construction européenne au rythme actuel, avec les orientations politiques actuelles. Il ne propose pas de nouvelles structures d’organisation de la zone euro. Il se contente de prôner la poursuite de l’exécution de l’agenda et des projets actuels. C’est bien naturel. Il serait surprenant que les auteurs de la pièce en cours la trouvent mauvaise. Il est donc normal que l’idée de continuer à jouer les épisodes prévus soit une de leurs hypothèses. Au moins pour la forme. Il s’agit en fait d’un statut quo : continuons comme avant, même si nous allons dans le mur. Mais c’est quand même bien parce que ça ne marche pas qu’on en est à vouloir éventuellement faire autre chose. D’autres scénarios sont donc prévus.
Le second scénario, le plus minimaliste, propose de recentrer l’UE sur « seulement le marché unique ». Mais en faisant cela, il fait peser le risque de devoir détricoter tout le reste des milliers de directives sur tous les sujets pondus par les prolixes bureaucraties Bruxelloises. Et aussi sur des dispositions aussi essentielles de l’UE tel que la libre circulation des personnes. L’auteur ne cache pas ses craintes : ce scénario aurait également des impacts sur la stabilité financière de l’UE et son poids, si relatif soit-il, sur la scène internationale. En fait c’est une proposition en trompe l’œil si l’on en juge par l’outrance des objections que l’auteur se présente à lui-même. En effet dans les conséquences potentielles du choix de ce scénario la Commission cite un grand pêle-mêle qui va de la dégradation de la qualité de l’air en fonction des pays du fait de l’abandon des politiques européennes en matière environnementale et l’échec des futurs accords de libre échange (comme le TAFTA) du fait du blocage de certains États membres. Interdit de rire.
Le troisième scénario « ceux qui veulent en faire plus en font plus » réhabilite les hypothèses d’Europe à deux vitesses, avancée par Merkel et Hollande et divers candidats dans chacun de leurs pays. D’ailleurs, les pays du Benelux se sont eux aussi prononcés en faveur de cette hypothèse. Ce fut donc l’un des sujets de discussion lors du sommet quadripartite à Versailles entre les dirigeants de la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Avec pour principal résultat d’avoir exaspéré les autres pays et principalement ceux de l’Europe de l’Est qui sont les sortistes en puissance que les Nord-Américains manipulent. Le projet est simple : les pays les plus volontaristes pourront aller de l’avant en décidant de coopérer davantage sur des sujets comme la défense, la sécurité intérieure et le terrorisme, l’harmonisation fiscale. Une liste délicieusement pipée !
C’est à mon sens le projet le plus stupide. Car loin de proposer des collaborations entre les États de l’Union, il cherche au contraire à officialiser une élite de pays européens : les bons élèves de l’austérité face au reste des États membres, souvent aussi les plus pauvres. Les pays candidats à participer à ce peloton de tête étant évidemment tous dans la liste des pays fondateurs de l’UE ou appartenant à la zone euro. Et sur le fond, que propose-t-elle de nouveau quant à la méthode ? Rien de bien neuf. Car l’Europe à plusieurs vitesses existe déjà. L’euro, c’est juste l’Europe à deux vitesses : celle des 19 membres qui ont adopté la monnaie unique et les autres. Idem pour l’Europe de Schengen. La fausse évidence de cette Europe à plusieurs vitesses éclate alors aux yeux de tous. C’est le démembrement de l’Union en deux zones, l’une au centre du monde, la seconde subalterne.
Le 4ème scénario « faire moins mais plus efficacement » recentre les politiques de l’UE sur les grand thèmes : sécurité, migration, défense, économie et diminue à l’inverse le poids de l’UE sur les politiques environnementales, la protection des consommateurs. Cette nouvelle approche est censée répondre aux critiques d’une Union trop bureaucratique et envahissante. La réponse est aussi pauvre que le projet : défendre l’économie ordo-libérale sans aucun scrupule social.
Enfin le scénario le plus ambitieux (le cinquième, « faire plus ensemble ») propose une Europe avec une défense commune. L’harmonisation sociale y est évidemment envisagée. Mais comme le reste de l’Union ne serait pas impliquée, on comprend que le dumping social n’est pas prêt de s’y interrompre. Après quoi on devine que ce scénario propose par exemple de « poursuivre activement » la conclusion d’accord de commerce à l’instar du CETA. Cerise sur le gâteau : ces accords seraient négociés et ratifiés par l’UE au nom des États membres, sans que les États puissent s’y opposer.
Une 6ème option, non évoquée, plane également dans toutes les têtes sans qu’aucun n’ose en parler à voix haute : celle d’une éventuelle désintégration complète du projet européen. Et ce scénario est engagé. Avec le Brexit évidemment. Mais aussi avec ce lamentable sommet de Versailles. Et ainsi de suite.
J’ai répondu à quelques questions de l’hebdomadaire « L’Huma dimanche » qui m’a proposé une belle interview et sa une. Je vous propose de retrouver ici, pour ceux qui ne l’auraient pas lue, les mots consacrés à la convocation du 18 mars.
HD : Quel regard portez-vous sur la situation politique marquée par l’affaire Fillon, par des certitudes qui volent en éclats les unes après les autres ?
JLM : Cette situation est un symptôme sidérant de décomposition politique. La cause est connue. L’argent, qui dévore le pays, dévore aussi les personnes. Le mal frappe le cœur de l’élection centrale dans la 5ème République. On investit quelqu’un qui est doté de pouvoirs considérables. Le feuilleton Fillon tue tout autre sujet… Il est aujourd’hui impossible de lancer le moindre débat. C’est un moment particulièrement déstabilisant pour la démocratie. Un exemple : Monsieur Macron annonce la fin du système des retraites à la française et le passage au régime par points… zéro seconde de débat. Et au milieu de cela surnage « l’opération Macron » qui est l’homme de l’oligarchie dans un pays où 90% des médias sont contrôlés par 9 milliardaires, dont cinq qui ont fait le choix de le soutenir.
Cette situation nous amène aux portes d’un moment politique particulier que j’appelle le « dégagisme », une force aveugle de rejet de tout et de tous. Notre rôle est de lui ouvrir une issue positive. Ce n’est pas d’attendre que tout s’effondre dans le chaos. C’est pourquoi je mène une campagne d’adhésion à un programme. Ce n’est pas une campagne où l’on fait peur, où l’on pousse les gens à se décider en fonction de pari sans contenu : « qui est-ce qui a le plus de chance de… ». Ce type de calcul a été ridiculisé par la multiplication des hypothèses qui n’ont pas tenu deux mois. Et personne ne sait quelle sera la situation dans un mois.
Cette campagne d’adhésion à un projet est ponctuée d’évènements comme le 18 mars sur la 6ème République qui est une façon de traduire d’une manière concrète cette issue positive.
HD : Le 18 mars a donc changé de signification au regard de cette situation que vous décrivez ?
JLM : Oui. Au départ il s’agissait de souligner l’importance du changement des institutions pour la suite de la vie politique de notre pays. Notre projet politique, notre stratégie révolutionnaire, partent de l’idée que le peuple se réapproprie les institutions politiques en les redéfinissant. C’est la stratégie de la révolution citoyenne. Mais la vitesse à laquelle le système donne des signes d’effondrement fait que le 18 mars prend une signification plus large. Et nous devons en tenir compte dans la manière de conduire cette journée afin que s’y sentent à l’aise l’ensemble de ceux qui ont compris que la racine du mal c’est la conjonction entre la monarchie présidentielle et la toute-puissance de la finance. Le passage à la 6ème République, c’est « une loi de séparation de la République et de l’argent ».
HD : C’est pour cela que vous souhaitez qu’il n’y ait pas de drapeaux d’organisations ? Ce qui entraîne une polémique sur les réseaux sociaux.
JLM. Mais ! Puis-je donner une consigne sans que l’on en sorte un mot pour provoquer toutes sortes de polémiques absurdes. J’ai dit et répété à tous les partis qui soutiennent ma candidature que nous devions faire attention au fait que la campagne est construite sur un modèle particulier, dont l’objectif peut se résumer en une formule : « fédérer le peuple ». Il faut donc que tout le monde puisse se sentir à l’aise quelle que soit son appartenance. D’où mon souci de faire en sorte que nos partis ne donnent pas le sentiment de s’approprier la marche. Nous ne faisons pas une manifestation traditionnelle ! Nous exprimons ensemble quelque chose de plus grand que nos partis respectifs. Venez avec des pancartes, des slogans des revendications. Et bien sûr mettez vos badges ! Les militants politiques sont les bienvenus. Mais agissons pour que tout le monde soit à l’aise. Un militant politique de masse comprend ce souci d’élargissement.
HD : Avez-vous des échos de la préparation de cette journée, sera-t-elle un succès comme en 2012 ?
JLM : J’y compte bien. Nous écrivons ensemble une page de la légende populaire ! On sait qu’il y aura des dizaines de milliers de personnes. Mais quel est le degré de porosité entre les milieux que nous mobilisons et le reste de la société ? La moitié des gens ne savent pas pour qui ils vont voter. Ce n’est pas de l’apolitisme, mais un refus de la scène politique qui est proposée.
Pendant un temps on nous disait que le mot d’ordre de 6ème République n’avait pas de rapport avec la question sociale et qu’il était trop abstrait. Mais entre-temps il y a eu six 49.3 pour faire passer la loi El Khomri et la loi Macron. Donc beaucoup de gens ont compris qu’il y avait un rapport entre la nature des institutions et le projet social.
240 commentaires
Francis Martin
Laissons la foi aux partis qui dissimulent derrière un dogme pour crédules utiles le fruit de leurs rapines et attachons nous aux convictions qui persuaderont les gens qui pour la plus part glissent sous les rubriques sondagières. Créons la surprise de porter à la tête de la Cinquième République celui qui en sera le fossoyeur.
HYBRIS
« Le vote utile ne va pas fonctionner au premier tour. »
Certes, le PS ne doit plus y compter. Mais attention, cette fois-ci le vote utile, c’est nous. Nous pouvons très bien l’articuler dans une sorte de pari de Pascal. Soit nous emportons l’élection et l’oligarchie dégage avec ses commis. Soit nous n’y arrivons pas, et quel que soit l’élu, un vote Mélenchon élevé fera réfléchir. Son score sera un élément déterminant du rapport de force social, un bouclier pour le peuple et une assurance politique pour l’avenir. Est-ce que ce type d’argument est démobilisateur ? Je ne crois pas. Les gens ne sont pas idiots, ils savent que nous ne sommes pas assurés de gagner.
de mecquenem
Bravo pour ces précisions et de continuer d’informer, d’éduquer à travers vos interventions. Ce rappel à la mémoire des personnes qui viennent de mettre fin à leurs jours est poignant. Nous marcherons aussi en pensant à ceux la qui n’ont pu continuer le combat de la vie, broyés, comme tant d’autres. En portant l’espoir d’un monde nouveau, une flamme qui ne s’éteindra pas. En sachant être unis parce que plus forts. Au 18 mars !
marco polo
S’il fallait donner une preuve de la volonté unitaire de la France insoumise, cette bataille fait la démonstration que c’est dans la diversité des idées qu’elle s’affirme, malgré les embûches semées de part et d’autre. Merci à vous, merci à toute cette équipe de militants de tous les horizons dans cet engagement. Quoi qu’il en soit, ce mouvement transforme à jamais les termes de cette lutte politique et ouvre les portes de la transformation dans notre pays. Vive le 18 mars et à bas les versaillais !
Michel
Avec ce que l’on vient d’apprendre à propos de la pauvreté en Allemagne et de la censure organisée, nous allons avoir encore plus de poids dans la dénonciation de l’oligarchie européenne. Oskar Lafontaine ferait bien de venir chez nous à la Bastille le 18.
Gabouillat
Bonne idée. La Fontaine mais aussi Pépé d’Uruguay, les eEspagnols, les Grecs, les Italiens, les Belges insoumis, insoumises.
JeanLouis
Je ne sais pas où faire passer deux remarques liées au programme mais pas directement au billet.
JL Mélenchon répète systématiquement la proposition Macron de retraite notionnelle, en fait par points, mais c’est déjà le cas pour une grande majorité des salariés du privé avec l’ARRCO et l’AGIRC, il faudrait être beaucoup plus clair et précis sur les différences et les dangers liés au CSP ou à l’espérance de vie, et sur l’évolution de la valeur du point (ce qui peut aussi arriver dans l’état actuel des choses), autrement je crains que l’argument porte mal.
Démantèlement des centrales nucléaires, des études sont déjà lancées, les scénarios peuvent dépasser le siècle, et il se peut que la meilleure solution selon le type de radioactivité soit d’arrêter la centrale concernée et de laisser « tranquillement » la radioactivité baisser avant de commencer le démantèlement, il est sûr que ça génèrera en tout cas beaucoup, beaucoup d’activité de toutes natures, nucléaire, génie civil, etc.
[Edit webmestre : C’est fait. Vous avez « passé » vos deux remarques. En revanche, vous êtes hors-sujet et il n’y aura pas de débat sur ce fil de commentaires à ce propos. Les réponses seront modérées.]
Alain Doumenjou
Magnifique discours de Jean-Luc sur l’Europe et le plan B à Rome. Oui mais il y a tout de même un hic : que la renégociation prévue au plan A soit une démarche diplomatique destinée à ne pas donner de la France l’image arrogante et brutale de quelqu’un qui claque la porte, soit ! Mais imaginer un instant que L’Allemagne et avec elle tous les gouvernements des autres pays membres vont lui courir après sous la menace du plan B, c’est d’autant moins crédible que ce plan B justement, tel qu’il est exposé dans le programme de la FI, est entaché d’une faiblesse juridique de taille qui me paraît de nature à ne pas le rendre crédible comme arme de dissuasion. Sortir des traités européens sans sortir de l’UE est une vue de l’esprit, or pour sortir de l’UE il n’y a qu’un moyen et un seul, recourir à l’article 50. Et on ne peut pas le faire « à la carte » comme le prétend avec légèreté le programme de FI, c’est tout ou rien ! Franchir le Rubicon ou capituler comme Tsipras ?
Lyendith
Attention tout de même, M. Mélenchon, à ne pas vous aussi vous mettre à parler des sondages comme d’une parole d’évangile. Certes, vous n’êtes probablement pas à 25%, mais je trouve toujours extrêmement bizarre que vous soyez passé de 15-16% le 29 janvier à 10-11% le 30. Je ne sais pas quelle est la fiabilité des sondages de Filteris Euromediation, mais ils donnent des résultats assez différents. Bref, en fonction de la méthode de mesure, les écarts ne sont pas du tout les mêmes.
Ramdani
Camarade Mélenchon, tous les insoumis sont actuellement entrain de faire de leur mieux pour convaincre leur entourage de prendre connaissance du programme de l’avenir en commun afin de créer ce fameux vote d’adhésion tant recherché. J’espère que cette formidable énergie déployée dans ce mouvement hors du commun trouvera un écho particulier lors de la marche du 18 mars dans le prolongement des clameurs raisonnantes de nos glorieux communards. Je meurs de ne pouvoir monter à Paris ce jour là, mais je prie pour que cet événement marque les corps et les esprits. Les gens vous suivent avec la force de leurs convictions profondes, conscient de la bonté et du bon sens qui se dégagent du programme que vous portez. Le matraquage médiatique et la propagande libérale de ce vote utile fantasmé n’aura pas raison de cette majorité silencieuse qui s’informe et s’exprime via des réseaux de communications moins classiques. Nous avons bien triomphé en 2005, nous pouvons certainement le faire en 2017.
educpop
Recomposition du paysage politique , scenario américain, ce nouveau bipartisme où une moitié libérale se dresse contre une moitié réactionnaire laisse-t-il de la place à la gauche ? La concurrence entre eux est implacable mais les privilégiés sont solidaires pour ne pas partager les richesses ni le pouvoir avec le peuple. La France insoumise était partie pour affronter Hollande et Sarkozy, comme pour tourner les deux pages en même temps, mais se retrouve avec un rebondissement du vote utile pour que tout bouge sans que rien ne change. Le talent de Jean-Luc Mélenchon est mis à contribution comme un défi mageur pour faire exister dans cette tenaille un projet progressiste, d’ailleurs il ne s’agit plus de gagner ou perdre une élection mais de permettre ou pas qu’il y ait un avenir (en commun). C’est un champ de bataille et le peuple ne s’en est pas encore rendu compte !
Siamy
A propos de l’émission C à vous sur la 5, ou vous avez fini sur un moment qui a paru fort vous agacer, il me semble bon que vous sachiez, que nous adhérons à vos colères qui nous paraissent parfaitement légitimes, puisqu’elles démontrent que vous êtes comme nous du genre humain. Et qu’en effet les commentaires d’un personnage tel que Valls qui après avoir fait passer cette loi scélérate à coup de 49/3, et qui dit sur le ton qui sied aux gens de la bonne société, qu’il y a de la violence en vous, nous paraissent d’un cynisme insupportable qui nous fait enrager. Dans ces moments, vos colères sont nos colères. Ne changez rien, car même si derrière nos écrans on ne nous entends pas, nos colères s’ajoutent aux vôtres, et finiront par s’exprimer dans les urnes.
rage au coeur
Belle réponse de Jean-Luc à cette nouvelle provoc à propos de sa « violence ». Il a bien distingué son manque de sang froid dans le cas d’espèce (être traité de pourri, il y a de quoi tout de même être en colère) et la probabilité qu’il appuie sur le bouton nucléaire sur un coup de tête ! Car hélas beaucoup de gens établissent ce lien.
Daniel D
Convaincre c’est là la clé du succès. Si chaque insoumis convainc 2 personnes c’est un triplement des voix. Chacun dans son entourage en s’appuyant sur le concret et le programme peut le faire. C’est pas en voulant convaincre ceux qui sont déjà dans l’autre camp que l’on gagnera mais en allant chercher tout ceux qui ne savent pas pour qui voter et qui ne seront pas entendu si on ne leur donne pas l’occasion d’éprouver leurs idées.
auger
Jean-Luc, vous avez de saines colères. Pourrions-nous supporter un candidat sans envergure, fade jusqu’à l’excès ? Non , je réponds non, c’est ainsi que nous vous aimons. Eh oui M. Valls est 1000 fois plus violent que vous, il porte une violence méprisante. C’est bien votre capacité d’indignation qui nous motive et nous font espérer notre victoire ardemment !
remier
D’accord avec @Siamy, j’ai une fois de plus senti que ces journalistes n’ont aucune sympathie pour leur invité et ne songent qu’à le faire se contredire, voire le mettre en échec sur ses propos. Heureusement la vitalité incomparable de Mr Melenchon lui a permis d’avoir le dernier mot en allant à l’essentiel.
BOOUCHET
J’irais plus loin. Cette mode est encore une importation des USA, ou l’invité n’est présent que pour la star : le journaliste. « Vous avez un comportement volcanique… un psy s’est penché sur votre cas… » Quelle hauteur de débat, quel triomphe d’intelligence ! On pourrait rétorquer à Pujadas, Salamé, Lapix et cie, est il vrai que vous gagnez 20, 30, ou plus, fois le salaire d’un smicard ? Cette caste est évidemment bien installée dans ce système et n’a pas envie qu’il change. Neutralité, déontologie, « faut pas rêver ». Ou répondre, en abusant de provocs contre Mr Jean-Luc Mélenchon, vous insultez 270 000 insoumis, et des millions d’électeurs. Aucun d’eux n’a relevé que Macron gueule en meeting plus fort qu’un évangéliste US. Se souvient on comment Apathie a défendu Cahuzac jusqu’à l’extrême. Soyons rassurés, c’est nous qui Voterons et pas le cheminot de Périgueux avec par pur hasard un caméraman à moins de 5 mètres. Salut et Fraternité.
Maryvonne
À la question « Pour quel candidat comptez-vous voter le 23 avril prochain ? » un sondage (encore disponible) du journal Le Point.fr donne Jean-Luc Mélenchon en tête, avec 34,4 % des voix, contre 13,4 % pour Emmanuel Macron, et 10,9% pour Marine Le Pen. Ce sondage est en totale contradiction avec les autres. Dans un journal de France 2, un passant interviewé disait qu’il « n’osait pas dire » pour qui il voterait. Puis il a avoué : Jean-Luc Mélenchon. J’ai l’impression qu’un grand nombre de gens « n’osent pas » afficher ouvertement leur sympathie pour Jean-Luc, mais dans l’anonymat ils votent avec le coeur.
TiDom
Ce lien a été diffusé dans les commentaires des vidéos de la chaîne youtube Jean-Luc Mélenchon. Donc on avait un avantage. Je ne crois pas qu’il soit représentatif. Ce qu’il nous reste à faire c’est convaincre autour de nous.
Castagna
J’ai vu ce sondage mais je trouve bizarre cet énorme décalage. Dans le doute je préfère continuer à essayer de convaincre autour de moi et j’affiche mes convictions, je n’ai pas honte de voter pour Jean-Luc au contraire mais effectivement je comprends ceux qui n’osent pas l’avouer, ils veulent éviter d’être taxés d’être extrême gauche ou naïfs qui est souvent la réaction de ceux qui ont démissionné.
Marianne
Je pense aux débats télévisés prochains, où « nous », plutôt Jean-Luc Mélenchon tout seul, serons dans l’arène, et je me dis : M., la parole douce et gentille. C’est elle le sabre, dans le débat. Bon courage. Nous serons là le 18 !
Denis
Encore une fois les interventions TV sont décevantes (ONPC, C a vous). Il est urgent a mon sens de multiplier les meetings et reunions publiques (3 par semaines minimum) pour parler aux gens sans le filtre des journalistes, ni sans se donner en sepctacle en s’ennervant à la TV. Ces passages a la TV font perdre des electeurs plus qu’autre choses. Envoyer Alexis Corbière, impossible de se facher contre une personnalité si souriante. Il y a urgence la !
Salabert
Je ne pense pas que ces passages TV nous desservent comme vous semblez le penser. JL Mélenchon y est exactement comme nous attendons qu’il y soit, c’est à dire comme un être humain porteur d’idée et défenseur de notre programme, avec toute son humanité et sa culture. Nous ne faisons pas de marketing politique, nous cherchons à convaincre et non à vendre. Faites confiance à l’intelligence « des gens » (et à celle de Mr Mélenchon) pour faire la différence et ne pas tomber dans les pièges des médiacrates assermentés.
obermeyer
Faisons tourner un maximum de vidéos FI sur le net. Les gens qui s’abstenaient par dégoût de la politique y sont très sensibles, et sont les voient dont nous avons besoin pour peser sur le cours de l’histoire.
costantini
M. Mélenchon, j’espère que, bien que sensible, vous êtes blindé contre toutes les vilenies des journalistes comme ceux de l’émission C à vous qui sont allés rechercher dans les archives les séquences, en les retirant de leur contexte, où vous avez manifesté de la colère. Sainte colère, elle vous honore ! Ne sont déshonorés que ceux qui ne vous laissent pas parler et usent de procédés lamentables. Mais les spectateurs ne sont pas dupes et vous allez encore gagner 1000 suffrages. On croit en vous et en votre programme. Que le 18 mars soit une éclatante victoire !