Le système absurde et médiéval de parrainages pour la candidature à l’élection présidentielle vient de faire une nouvelle fois la démonstration de sa finalité : un goulet d’étranglement. Dans le meilleur des cas. Car c’est aussi un moyen de contrôle et de manipulation pour les grands partis dit « de gouvernement », selon l’appellation contrôlée que se sont donné les derniers occupants alternatifs du pouvoir. Les menaces d’exclusions sur les élus qui passeraient outre les consignes des divers bureaux politiques fonctionnent comme autant d’angoisses pour les subventions et autres dotations. Le PS a tout fait pour rendre cette épreuve aussi infranchissable que possible.
Pourtant c’est un rapport commandé à Lionel Jospin qui avait proposé une autre méthode, celle du parrainage citoyen où cent cinquante mille signatures vaudraient autant que cinq cent élus. Un reniement de plus dans ce quinquennat qui n’a compté que cela ! Nous avons franchi plus lentement que d’autres la barre des cinq cent. Notre vivier était plus étroit que d’autres. Nous sommes entrés dans la dernière ligne droite avec 565 promesses de signatures. La consigne de gel des signatures donnée par la direction communiste a évidemment beaucoup joué par rapport à 2012 où les communistes avaient été au contraire l’aile marchante de la collecte. Pour autant, elle n’a pas empêché cette fois-ci nombre d’élus communistes de passer outre et de m’apporter leur aide sans barguigner. Eux savaient le nombre d’heures de travail qu’ont couté ces mois de collecte patiente. En militant de terrain, ils ont voulu nous soulager autant que possible de cet effort. C’est de cette façon que j’interprète le message de colère contre ce gel des signatures posté par Marie-George Buffet sur sa page Facebook. Il a eu son effet. Pour ma part je n’ai pas été surpris par cette situation.
Depuis le 11 février dernier, date de ma proposition de candidature, une équipe est au travail sous l’impulsion de Gabriel Amard pour collecter les signatures. Elle court le pays, interpelle et contacte soit directement soit par courrier. C’était la première fois que nous devions faire cette collecte en affrontant le double blocage du PS et des dirigeants du PC. Mais au total, à l’heure des comptes samedi matin, le chiffre de cinq cent signatures était dépassé. C’est lui qui est fondateur. Nous en connaissons la liste nom par nom tant notre organisation est fine et précise. Le premier contingent de signataires à cette heure-là était celui des élus sans étiquette. On peut vraiment dire qu’ils ont été top ! Car c’est bien sûr eux les plus nombreux dans le pays. Mais aussi les plus exposés aux représailles des appareils politiques. Viennent ensuite les « divers gauche » comme on dit dans les nomenclatures du ministère de l’Intérieur. Un contingent qui inclut les appartenances les plus diverses et les étiquettes les plus vagues qui ont cependant en commun leur référence à « la gauche » en général. Dans ce cas leur parrainage fonctionne aussi comme une façon de s’inscrire dans une démarche de non alignement sur les grands partis qui cherchent sans cesse à les absorber ou à les contrôler dans le cadres des divers syndicats intercommunaux, les conseils d’agglomération ou que sais-je encore.
Ensuite arrive le contingent des signatures communistes. Leur nombre est impressionnant. Il montrait clairement dès samedi matin que la consigne de gel ne fonctionnait déjà plus depuis plusieurs jours. De nombreux élus communistes, certes disciplinés, s’alarmaient de l’effet produit par le spectacle d’une difficulté entièrement imputable à des tensions d’appareil. Ils n’ont pas supporté cette situation. Ils se sont donc avancés sur la scène et ils ont fait la décision, à leur façon, en pulvérisant le barrage. Dans son coup de fil à Rome pour m’informer de la réussite du travail de son équipe, Gabriel Amard a tenu à mentionner l’ampleur de cette féconde dissidence. Je suis certain qu’après que j’ai annoncé notre succès, tout le reste des élus communistes va renoncer à prolonger cet inutile blocage. Je sais bien que tous savent être du bon côté dans le combat, au-delà des tensions du moment. Je crois donc que nous finirons avec un très beau dépassement du chiffre des 500 signatures, peut-être même dès le mardi suivant mon annonce. Bien sûr il en manquera à l’appel. Mais quelle importance ? L’essentiel est fait. Je veux tourner la page. Il reste 40 jours avant le premier tour. Plus nous serons nombreux sur le pont mieux ce sera.
Après quoi je veux bien sûr mentionner les parrainages des élus du Parti de Gauche, parti dont je suis membre. Elles sont certes plus évidentes puisque le parti a soutenu depuis le début ma candidature. Mais la campagne de collecte a aussi permis d’identifier une quarantaine de maires adhérents soit sous l’étiquette du parti soit en divers gauche ou « Front de gauche ». Et après cela viennent 12 élus PS. On peut parler à leur sujet de choix héroïque car je doute que cela leur vaille des compliments de la hiérarchie PS. Leur présence, dont je rappelle qu’elle ne vaut pas soutien de leur part, n’en est que plus remarquable. Et je me fais la même réflexion à propos des parrainages venus d’élus « Europe Écologie-Les Verts ». Mais il s’agit là souvent de personnes qui n’ont pas supporté le choix ni la méthode utilisée par Jadot pour son retrait de candidature. Plusieurs sont déjà engagées dans le collectif des membres d’EELV qui viennent de décider de participer à ma candidature sur leur propre base, comme le député Sergio Coronado et ses amis.
Bon bilan. Cet obstacle de campagne est donc surmonté. Ce n’aura pas été facile. Ce fut beaucoup de travail. Beaucoup de stress. Ça ne s’oublie pas. Nos amis ont encore appris bien des choses à propos des divers postes de combat d’une campagne de ce type. Je veux donc remercier avec affection les femmes et les hommes qui ont mené l’action sans relâche depuis plus d’un an à présent. Je sais que ce n’était pas le plus gratifiant. Mais c’était vital. Sans eux, sans leur constance, leur application à la tâche, tout notre travail de campagne aurait pu être réduit à néant. D’aucuns l’espéraient, je ne le sais que trop. Le PS peut remballer ses bouteilles de champagne !