En Grèce, encore une fois, le président Emmanuel Macron aura stupéfait. Déjà l’étrange mise en scène de sa prise de parole devant le Parthénon sentait bien fort le coup de com. Pourquoi pas ? Mais peu importe dorénavant. De son séjour à Athènes il ne restera que cette bordée d’injures contre le peuple français qui lui tient tête. On se perd en conjectures sur le sens de cette habitude dorénavant bien prise de s’en prendre aux Français depuis l’étranger. Au demeurant, en confirmant les propos inadmissibles qu’il avait déjà tenus en Roumanie, Emmanuel Macron indique aux observateurs qu’il y a bien une intention de sa part dans cette façon de faire et qu’il en poursuit l’objectif avec méthode. Le fait est qu’on ne l’a jamais vu reculer après avoir cinglé au visage.
Dans ce registre, les séquences se suivent et se ressemblent. 17 septembre 2014 : « Il y a la société Gad (…). Il y a dans cette société une majorité de femmes. Il y en a qui sont, pour beaucoup, illettrées ». 27 mai 2016 : « vous n’allez pas me faire peur, avec votre T-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler ». 29 juin 2017 : « une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien ». Et ce 8 septembre 2017 nous voici rendus à une véritable bordée : « fainéants », « cyniques », « extrêmes ». Je n’oublie pas bien sûr les remarques atterrantes contre les nordistes tabagistes et alcoolisés ou celle sur le « Comorien » que livrent les kwassas-kwassas !
Ici, je viens de rassembler ce qui visait directement la composante populaire de notre nation. Pour Macron, clairement, le peuple est le problème en France. Mais au fond, chez lui, le mépris de caste vient en renfort de ses obsessions idéologiques. Il le sait : au cours des 20 dernières années la France a été un bastion de la résistance contre la vague des politiques néolibérales qui a déferlé sur l’Europe. Là est le problème à ses yeux, comme ceux de toute la caste européenne et notamment de la Commission ! Si durs qu’aient été les coups que nous avons pris sous Chirac, Sarkozy et Hollande, la résistance sociale n’a jamais désarmé en France. Et elle a connu des succès notoires ! Derrière l’injure, il faut donc voir le diagnostic politique. Plusieurs des charges faites depuis l’étranger sont ainsi autant de messages de connivence adressée à la caste européenne. Car celle-ci a toujours regardé les dirigeants français comme des faibles devant leur peuple depuis le référendum négatif de 2005.
Ainsi quand le 24 août dernier en Roumanie Macron déclare : « La France n’est pas un pays réformable, les Françaises et les Français détestent les réformes. Dès qu’on peut éviter les réformes, on ne les fait pas. C’est un peuple qui déteste cela. » Ces considérations méprisantes pour le peuple dont il est le président, ont toujours un sens politique bien précis qui vise le « modèle français ». Ainsi à Londres en février dernier : « Le système fiscal français “empêche les gens de réussir trop bien”. Et le 23 août en Autriche : « La réalité, c’est que la France est la seule grande économie européenne qui n’a pas gagné face au chômage de masse, c’est ça la réalité ». En l’occurrence cette « réalité » est un mensonge. L’Espagne, le Portugal et l’Italie sont en situation plus délicate.
Mais je laisse pour l’instant de côté l’aspect purement politique que visent les injures d’Emmanuel Macron. Je veux plutôt souligner un autre aspect. Son discours fonctionne aussi comme une levée des digues qui obligeaient jusque-là la caste à faire preuve de retenue dans l’expression de ses jugements sur le peuple. En les décomplexant, en jouant sur la banalisation de l’outrage, il entretient une mentalité de combat parmi les dominants. La mode est ainsi créée. Ce n’est sans doute pas hasard qu’il y ait eu après cela un médiacrate capable de traiter « d’abrutis » sur un plateau de télévision les 20% d’électeurs de la France insoumise. Il faut à ce sujet s’intéresser autant au contexte de la phrase qu’à l’insulte. Le médiacrate traitait précisément du fait que « tout le monde sait bien ce qu’il faut faire pour tirer notre pays d’affaire ». Bien sûr ce n’est pas très original que de voir ressurgir la fameuse « TINA » de Thatcher. Mais dans la foulée d’Emmanuel Macron c’est la première fois que ceux qui n’en conviennent pas sont traités « d’abrutis ».
Cette transgression ne restera pas isolée, on va le voir bientôt. Elle est significative du moment politique actuel. La violence du harcèlement qui s’exerce contre « la France insoumise » est bien en phase avec ce nouvel état d’esprit des dominants. Sur ce plan, l’évolution des positionnements est stupéfiante. Après la dédiabolisations de Madame Le Pen, nous voici arrivés au moment où les éléments de langage contre « la France insoumise » sont dorénavant les mêmes sur l’ensemble de la politique qui va de l’extrême droite au PS et aux Macroniste. Je ne crois pas que de tels « arguments » fassent changer qui que ce soit d’avis à propos des mobilisations qui viennent. Pas une personne ne se sentira dissuadée de marcher avec nous dans la rue le 12 septembre ou bien