Pour examiner l’impact de la semaine passée, je cite en premier lieu l’explosion de l’expression du mouvement des femmes dénonçant les violences sexuelles dont elles ont été l’objet. La société toute entière est traversée en profondeur par l’onde de choc des révélations sur le nombre, la diversité, la généralité et l’ampleur des violences sexuelles qui s’y déroulent à l’ordinaire. La peur qui enfermait tout cela dans le silence de l’humiliation recule comme une porte qui s’ouvre et la parole qui se libère souffle comme une tempête. Après d’autres, j’estime qu’une révolution culturelle est en cours à partir de ce mouvement. Non seulement parce que les femmes prennent confiance en elles dans cette bataille, mais aussi parce que des millions d’hommes sont conduits à s’interroger et, sans doute, à se mettre en question. Au demeurant, le regard sur le système des dominations qui structurent la société change quand on prend la mesure de ce que ce mouvement met en lumière. En publiant une tribune dans « Le Monde » pour soutenir ce mouvement, les députés insoumis ont pris acte de l’universalité sociale du phénomène. Mais nous avons voulu souligner comment il pouvait se démultiplier à mesure que les dominations et les dépendances sociales s’alourdissent. Et si la volonté de le combattre reste formelle et sans moyens matériels. Je voulais le souligner ici de nouveau.
Tout le reste du paysage politique a franchi un seuil de dureté. Avec les nouvelles foucades verbales du président en Guyane, l’ère du mépris officiel du peuple s’installe comme une méthode. Macron veut être le chef de la droite basique et il s’en donne les moyens lexicaux. Ici, il s’y ajoute une trace particulière : traiter les Guyanais comme des enfants qui attendent le père Noël est un message spécialement mortifiant sur une terre qui a déjà souffert de tant de mépris, selon le tweet de l’euro-député insoumis Younous Omarjee présent sur place. On me demande de m’exprimer plus avant. J’ai pensé que je devais d’abord m’effacer derrière la parole de Younous Omarjee présent sur place et de Jean-Hugues Ratenon, député de la Réunion, présent à Paris du fait de sa participation jusqu’au bout dans le débat sur le projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale.
Pendant ce temps, le processus de désintégration de l’Union Européenne a accéléré son cours. La crise de l’indépendance de la Catalogne montre comment c’est sur les vieilles cicatrices que s’ouvrent les nouvelles blessures, ainsi que je l’ai déjà répété bien des fois. Pour cela, il aura fallu que l’Union européenne, celle des traités budgétaires, ait vidé les nations de leur raison d’être en mettant tout le monde en compétition avec chacun dans les nations et entre elles. Mais, mise au pied du mur, l’Union s’avère alors incapable de médiation. Au lieu de venir insulter les Guyanais, Juncker aurait dû passer sa vie entre Madrid et Barcelone, discrètement mais activement, pour empêcher la montée des tensions qui dorénavant atteint un paroxysme intenable. Il devrait travailler activement à ce que la question soit tranchée par le vote de ceux qui sont concernés.
Mais la même pente politique reste à l’œuvre partout dans l’Union. En accord avec le plan de marche fixé par la Commission européenne, le gouvernement français attaque la Sécurité sociale après avoir laminé le code du travail et renforcé les privilèges de l’argent avec la suppression de l’ISF et la flat tax. Car le vote de la loi de finance de la sécurité sociale engage une nouvelle mutation du système des assurances sociales du pays, né des rapports de force issus de la seconde guerre mondiale. La belle vieille règle « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins » reflue loin en arrière. Mais la bataille dans l’hémicycle n’a pas pu embrayer dans la société. Pourtant, l’exaspération sur le terrain est puissante. Le pouvoir s’est senti fort en observant ce paysage ! Les méthodes les plus brutales ont donc eu cours sans recevoir les répliques qu’elles auraient dû soulever dans le pays. La dernière séance du débat parlementaire sur la loi de financement de la Sécurité sociale en première lecture a duré jusqu’à cinq heures du matin. À deux heures du matin, le tiers payant était annulé, à cinq heures le durcissement du contrôle des chômeurs était voté. Ainsi va la Macronie.
J’ai dit au fil d’une discussion avec les journalistes qui m’accompagnaient à Athènes que « pour l’instant, Macron a le point ». « Pour l’instant » n’y fit rien, même si j’ai dit déjà la même chose à TF1 il y a quinze jours. Ici, 24 heures plus tard j’aurais reconnu avoir « perdu une bataille » ! Rien de moins ! Et ainsi de suite d’une rangée de moutons médiatiques à l’autre. Et comme la joie n’a pas de frontière, j’ai même retrouvé l’information telle que reformatée par les machines à buzz française dans la presse espagnole. Le buzz a donc fonctionné, étouffant aussitôt tout le reste de ce que j’ai dit et fait en Grèce. Nouvelle vérification du fait que la sphère médiatique ne rend pas compte de l’actualité mais la fabrique dans un format sensationnaliste correspondant au niveau de culture qu’elle suppose rencontrer chez ses lecteurs. Je dirai que son but n’est pas d’informer mais d’empêcher de penser.
Car mon propos n’était pas celui d’un commentateur mais celui d’un protagoniste engagé dans une lutte pour la défense de ce qu’il croit fondamental. Je ne pousserai pas l’impudence jusqu’à rappeler qu’un plus illustre que moi fit en son temps la distinction entre perdre une bataille et perdre une guerre. Et fonda toute sa stratégie sur ce constat. Combien sauraient de quoi je parle dans ces médias ? Que comprennent-ils à une nuance ? Mon intention est d’interpeller les miens, ceux de ma famille politique et sociale. Comment je sais que Macron a le point aujourd’hui ? Parce qu’il peut se permettre d’avancer sur tant de front sociaux sans ralentir. Comment est-ce possible alors qu’il n’a pas de base sociale pour sa politique dans le pays ? Voilà la question que je pose. Je le fais non pour poser une question mais pour faire comprendre qu’il faut une réponse concrète.
La forme et la tactique de résistance à la politique du gouvernement ne peut plus rester enfermée dans le « chacun de son côté ». Il est plus que temps d’organiser la jonction des efforts entre le mouvement social, associatif et les forces politiques de la résistance au coup d’État social. Je prends la responsabilité de le dire haut et fort avant qu’il ne soit trop tard. Et je ne vois pas d’intérêt à appliquer des piqûres de ciment en niant ce que tout le monde sait et voit. Quand la CFDT invite a une réunion qui se finit dans un bistrot parce que la centrale a refusé de prêter une salle à ceux qui ne sont pas de son avis et qu’elle congédie, un seuil dans le dérisoire n’est-il pas franchi ? Et combien d’autres choses à pointer. Comme ces négociations séparées de certaines branches professionnelles, cruel démenti du système syndical confédéré où la force du collectif est poussée à s’émietter. Ne pas accepter de le voir, c’est renoncer à imaginer la réponse à la question : comment inverser le cours des évènements ? Voilà la seule question qui vaille. C’est celle que je pose.
Bien-sûr, le 16 novembre, il faut être dans la mobilisation syndicale. Comme à chaque étape, « La France insoumise » mobilise aux côtés des syndicats alors que l’inverse n’est jamais vrai. Personne, y compris parmi ceux qui donnent des leçons, ne mobilise autant. Mais on ne peut en rester là, tel est mon message. Contre les ordonnances, il ne s’agit pas de faire un baroud d’honneur. Il s’agit de mener une lutte avec clarté sur l’objectif et les moyens de l’atteindre : faire reculer le pouvoir, sauver nos acquis sociaux et une manière de vivre en société ! C’est de cela dont on parle. Le 23 septembre, dans mon discours place de la République, conformément aux conclusions de notre groupe parlementaire, j’avais fait le geste de nous mettre en retrait en appelant les syndicats a diriger tout le mouvement et en proposant une marche générale avenue des Champs Élysées. La suite, nous l’avons sous les yeux. La stratégie qui a échoué face à El Khomri a encore moins bien marché face à Macron. Je ne vois aucune raison de faire semblant de ne pas l’avoir vu.
Car de notre côté, dans l’hémicycle, nous nous sommes trouvés progressivement absolument seuls sur la barricade. Le débat du projet de loi de finance de la Sécurité sociale a pu être bouclé en quatre jours pourtant annoncés de longue date sans un seul instant de mobilisation spécifique. Une nouvelle fois, le dogme du « mouvement social indépendant de la politique » a montré sa limite. Je le dis parce qu’à ce rythme tous les acquis sociaux essentiels du pays vont y passer et nous aurons été cloués dans une double interdiction : interdit de critiquer « la seule politique possible » d’un côté, interdiction de discuter de l’organisation de la lutte de l’autre.
La « Charte d’Amiens » sans cesse invoquée une nouvelle fois aura eu bon dos. Il serait temps que nombre de ceux qui s’y réfèrent pour stigmatiser la présence des organisations politiques dans le combat social se demandent si ce document qui date de 1905 et résulte de la bataille entre marxistes et anarchistes au début du siècle précédent doit rester un dogme sans nuance 111 ans plus tard. Car ce texte fixe une stratégie d’unité ouvrière en tenant à distance les « sectes socialistes » (à l’époque, en 1905, il y a cinq partis socialistes) pour permettre le déclenchement de la « grève générale révolutionnaire »… Parmi les dirigeants du mouvement social actuel, qui a l’intention de préparer aujourd’hui une « grève générale révolutionnaire » comme cela est prévu dans la « charte d’Amiens »? Personne !
Il faut donc en finir avec cette hypocrisie. Il faut savoir faire équipe et savoir joindre les efforts de mobilisation entre la sphère politique et la sphère du mouvement social. Et je dis le mouvement social en pensant non seulement au syndicalisme mais à tout l’univers associatif, lui aussi laissé de côté à présent en dépit de ses propres efforts pour se mobiliser. Bref, nous avons besoin d’une convergence populaire. En tous cas je le dis clairement : les organisations politiques ont toute leur place dans la mobilisation et la conduite du mouvement de résistance sociale. La jonction entre elles et les organisations du mouvement syndical et associatif est indispensable face à la politique de Macron. Car cette politique vise en fait, à partir du terrain social, à une reconstruction politique générale de la société. Ce n’est donc pas seulement une « question syndicale » qui est posée. Ni la refonte du code du travail, ni la destruction de la Sécurité sociale ne sont des questions exclusivement syndicales. Ce sont des questions de société qui ont un contenu hautement politique comme nous ne cessons de le dire à la tribune de l’Assemblée et au pays.
La fin de semaine passée, je me trouvais en Grèce pour appuyer les forces politiques qui continuent la résistance aux politiques que l’Union européenne inflige à ce pays. Je me suis exprimé sur la nécessité de rendre à ce pays les 8 milliards d’euros qu’ont rapporté aux pays membres de la BCE les intérêts de la dette que n’en finit plus de rembourser le peuple grec. Ce contexte me pousse à écrire ces lignes sur la dette et son futur car c’est un sujet qui entre très peu souvent en débat.
Pourtant, la boule de neige de la dette a repris une folle croissance et menace le monde d’un terrible collapse. En effet, l’ensemble des dettes accumulées dans le monde représente désormais 226.000 milliards de dollars (192.000 milliards d’euros). Ce montant représente plus de trois fois le PIB mondial annuel. La menace d’une nouvelle catastrophe financière se rapproche, car un tel niveau de dette dans un monde en totale interdépendance place tout le système à la merci d’un incident de paiement quelque part, n’importe où, sur n’importe quel point. Et de fait les endettés aujourd’hui ont du mal à faire face. Et bientôt, refinancer sa dette par de nouveaux emprunts va devenir plus difficile car les banques centrales vont cesser l’arrosage d’argent sur les banques privées auquel elle se livrent depuis un certain temps. Cet arrosage d’argent très facile, et même gratuitement prêté, a d’ailleurs concouru à un déchaînement de la spéculation. Du coup, la capitalisation boursière des cent plus grandes entreprises du monde a progressé de 12% cette année. Même le CAC40 français est propulsé vers des sommets maximaux. Mais ni leur production ni leur vente n’ont suivi. L’effet de bulle est évident. Sachons que le niveau atteint et dépasse celui qui prévalait à la veille de la crise de 2008.
En Europe, la dette publique totale atteint 12 300 milliards et la dette des privés plus de 14 000 milliards, soit bien plus de 100 % de production d’une année entière puisque c’est le stupide repère traditionnel. Au total, selon moi, le niveau de la dette publique est tout simplement impossible à rembourser. Dans le passé, de tels niveaux ne l’ont jamais été. Comment s’en débarrasser si payer est impossible ? L’histoire montre ce qui s’est déjà fait : la banqueroute, qui crée le chaos, la guerre ou l’hyper-inflation. Doit-on laisser les pouvoirs continuer à jongler et attendre la catastrophe sans broncher ? J’opte pour le rachat de toute dette publique en Europe par la BCE et la congélation de ces titres dans un moratoire. Je crois qu’une conférence Européenne sur cette dette serait plus utile que les « Conventions démocratiques » sans objet précis auxquelles appelle le président Macron dans son discours de la Sorbonne.
La question de la dette en Europe ne concerne pas seulement les pays endettés sur le vieux continent. L’Union Européenne représente le quart du PIB du monde. Je voudrais montrer comment l’expérience récente de la politique de la banque centrale Européenne a validé le raisonnement que nous tenons sur les vertus de la relance à partir d’une politique de la BCE qui rompt avec la soi-disant « orthodoxie » que réclame sans cesse le gouvernement allemand. Je veux revenir sur l’épisode récent d’argent facile en Europe.
Après toutes sortes de déboires, il y a deux ans, la zone euro était menacée de déflation. À force d’avoir serré la gorge des salaires à un moment de prix bas des matières premières, à force de coupes claires dans les budgets des États, de priorité donnée aux dividendes plutôt qu’aux investissements, à force de schlag du gouvernement allemand, l’inflation est devenue insignifiante. Jusqu’au point où les prix ont commencé à diminuer. L’horreur dans une économie productiviste. Car alors l’acheteur attend… que ça soit moins cher. Du coup l’activité ralentit sans cesse, le chômage augmente, les taxes ne rentrent pas. La spirale dépressive est la plus difficile à inverser en économie capitaliste. Le Japon, par exemple, n’est jamais arrivé à en ressortir. L’essentiel est donc de ne pas y tomber.
Le banquier central européen a donc réagi. Il a ouvert les vannes, c’est-à-dire la planche à billet. Chaque mois il a offert, à taux zéro et même moins, des milliards aux banques privées pour qu’elles prêtent aux acheteurs éventuels. Certes, une grosse partie de ces sommes a été directement placée dans la bulle financière là où peuvent se réaliser les gros rendements pour les banques. À la longue, des miettes ont fini par tomber de la table vers le crédit aux particuliers et aux entreprises. On a eu chaud. En juillet 2013, la courbe du crédit aux entreprises et des crédits à la consommation plongeait aux abîmes en diminuant jusqu’à moins trois pour cent en tendance annuelle !
Il me parait important de rappeler que pourtant déjà à l’époque la BCE proposait aux banques de leur racheter pour 400 milliards de prêts immobiliers et que monsieur Juncker prétendait avoir lancé un grand plan de relance de 300 milliards d’euros. Rien de tout cela ne fut apprécié par les banques, car tout cet argent ne se donnait qu’en échange de financement de l’économie réelle. En contrepartie, les banques devaient effet financer des prêts à la production ou à la consommation. « Pas question, disaient les banques, c’est trop risqué ». La catastrophe se dessinait donc : le plongeon irréversible de l’activité. Le gouvernement allemand, totalement obtus, refusait d’avance toute mesure corrective. Surtout sur le modèle des USA. Pour le vieil allemand bavarois et ses élus, tout cela restait bel et bon : une inflation nulle protège si bien le pouvoir d’achat des rentiers !
Pour tous les autres : panique à bord. Le gouverneur de la BCE, l’italien Mario Draghi, a pris le taureau par les cornes. Il se déclara prêt à tout pour sauver la zone euro du collapse qui s’annonçait. Il accepta même d’envisager « l’argent hélicoptère », cette vieille blague de Keynes qui illustre la volonté de relance à tous prix : jeter des sacs de billets depuis un hélicoptère pour que les gens s’en emparent, achètent avec, et relancent ainsi la production, l’emploi et le commerce ! Il fit à peu près l’équivalent : 80 milliards de prêts gratuits par mois aux banques privées. Puis 60 milliards. Il est question de passer à 30 milliards. La décélération se veut maitrisée. Mais la somme ainsi distribuée sans contrepartie est tout de même déjà colossale : l’équivalent du PIB de la France, deuxième économie de la zone !
Une fois gavées, une fois le maximum d’argent injecté dans la sphère financière, les banques ont recommencé à prêter aux particuliers. Mollement. Mais, en tous cas, le crédit aux entreprises a recommencé à croitre de 2% en tendance annuelle. Ce n’est pas l’orgie, mais cela veut dire que le danger de la récession est derrière nous. Un point singulier mérite attention. La BCE a fait tourner la planche à billet et mis en circulation l’équivalent d’une année de production de la France. Et cela sans, bien sûr, aucune contrepartie matérielle à l’horizon puisque les banques n’ont pas réinjecté ces sommes dans l’économie réelle. Pourtant, l’inflation n’est que de 1,6% ! Cela montre qu’il existe des marges de manœuvre considérables pour faire de la relance sans taux d’inflation « excessif ».
Encore dois-je préciser que, pour ma part, je suis partisan d’un taux d’inflation beaucoup plus élevé pour dévaloriser la dette des États et des particuliers. J’avais demandé à des économistes comme Jacques Sapir et Jacques Généreux de m’indiquer un ordre de grandeur de ce que serait l’inflation dans la zone euro si la BCE rachetait tous les titres de dette publique et les jetait au feu. Les deux m’ont parlé d’un taux de 5 à 6% d’inflation. Inutile de dire que ce serait tout à fait à mon goût. Une bonne stratégie, selon moi, consisterait à maintenir des taux très bas, racheter les dettes publiques et financer quatre ou cinq chantiers géants d’infrastructures d’intérêt général. L’activité décollerait et le reste suivrait : baisse du chômage, assainissement des finances publiques et ainsi de suite. La preuve que cela fonctionne est dans le résultat de l’opération Draghi, si aveugle qu’elle soit. La courbe de la reprise (très légère) de l’activité suit exactement celle de la production de la planche à billet. La croissance était négative en 2013, elle est remontée à 1,8% dorénavant. Et le taux de chômage officiel suit la même pente positive. Il passe de 12 % en 2013 dans la zone euro à 8,9%.
À mon avis, pour obtenir un résultat plus vigoureux, il aurait mieux valu jeter l’argent depuis un hélicoptère que de le donner aux banques. Car celles-ci, comme je l’ai dit, ont surtout réalisé avec cet argent des activités financières sans contact avec l’économie productive réelle. Du coup, il y a eu concomitance de l’argent facile en Europe et aux États-Unis où la planche à billets a tourné à la vitesse d’un dragster. Dans ces conditions, cela a gonflé la sphère financière jusqu’à un point de dilatation supérieur à celui de 2008. La capitalisation boursière a connu une croissance sans rapport avec la progression de la production. Tout le monde craint donc que la bulle explose. On devine alors ce que serait la suite…
En tous cas, en Europe, la discussion ne porte pas sur le renforcement de la distribution d’argent gratuit. Au contraire. Le gouvernement allemand et les divers gardiens du temple de la prétendue « orthodoxie financière » hurlent à la mort. Ils veulent « revenir » à la sagesse de l’argent cher et rare. La catastrophe serait qu’ils parviennent à remplacer le banquier Draghi par un de leur cerbère. J’espère que le gouvernement français ne fera pas la bêtise d’accepter une idée aussi dangereuse. Ce serait accepter le bouclage total de cette « Europe allemande » qui est l’Europe des égoïstes et des rentiers que Keynes voulait euthanasier. Nulle germanophobie ici. Au contraire ! Je recommande qu’on s’occupe en Allemagne des équipements publics en déshérence ; 40% de ponts et 20% des routes de ce pays sont en ruine. Les mettre à niveau relancerait l’activité. À condition bien sûr de payer correctement ceux qui feraient le travail ! Mais le taux du smic reste en dessous de celui de la France, ne l’oublions pas. Tout se tient…
137 commentaires
Invisible
En fait, j’aurais aimé sentir que « discrètement mais activement, pour empêcher la montée des tensions » vous fassiez un pont entre les syndicats et la FI et même vis à vis du PC. J’aurais aimé sentir qu’une force souterraine nous tienne à flot. Concernant la Guyane, facile de pointer du doigt les petites expressions comme « père Noël », toutefois j’aimerais que le projet de mine d’or soit dénoncé comme criminel à l’égard de l’environnement et des populations qui vivent en aval sur le fleuve. Quant aux médias alternatifs, ils foisonnent dans le pays, et le cinéma alternatif existe. Il faut discrètement et activement les fédérer. Vous êtes notre lien, notre liant, notre porte-parole intelligent et talentueux mais pas chef d’état, pas encore et peut-être jamais.
Frank
Billet intéressant, comme le sont tous vos articles en général. C’est à se demander d’où vous vient cette énergie. A mesure que je vous lis, il me revient pourtant cette phrase de Voltaire à Rousseau, au sujet du deuxième discours de ce dernier : « vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs vérités, et vous ne les corrigerez pas. » Vous vous usez à mener un combat noble et vital, de façon totalement désintéressée, mais dans un océan d’indifférence que je trouve encore plus inquiétant que les maux réels que vous dénoncez. Macron peut décider, par ordonnance, de ramener le SMIC mensuel net à 500 €, je vous promets que personne ne lèvera le petit doigt. Le peuple a massivement perdu sa capacité d’indignation et de rébellion. Je crains que vous ne saisissiez pas l’ampleur de la résignation et du découragement qui ont gagné les masses. Le capitalisme a investi et perverti toutes les facettes de la vie sociale. Je vous soutiens, mais plus comme un éloge à vos qualités, que par…
Laetitia
Bien-sûr qu’il saisit l’ampleur de la capitulation. Comme tout le monde ! C’est juste que lui a la force de croire que rien n’est joué. Il a une foi dans l’Humain chevillée au corps, en tout cas c’est comme ça que je le vois au travers de tous ses combats. Et c’est ça qui nous motive, quoique nous soyons sans pouvoir, pour l’instant. Car rien n’est inéluctable. Ce qui a été fait finira par être défait. Combien de monstres avons-nous vu s’écrouler, en constatant honteux de notre lâcheté, qu’ils avaient des pieds d’argile, et n’étaient que des géants de papier ? Je crois qu’on regarde encore trop souvent par notre petit coin de lorgnette qui nous fait prendre le grain de sable pour une montagne et nous empêche de voir les signes que le changement a déjà commencé chez nos semblables. Énormément d’initiatives collectives, associatives, syndicales et même individuelles existent. La prise de conscience est là, suffit de chercher pour le voir.
adinaclo
Cette analyse pertinente, comme toujours, nous démontre malheureusement que le système capitaliste ira jusqu’au bout c’est à dire préfèrera que l’économie mondiale se fracasse dans le mur plutôt que reconnaître ses errements . Mais ça, on le sait depuis toujours d’où la nécessité d’une organisation internationale du mouvement anticapitaliste pour sauver ce qui restera d’humanité après la catastrophe.
semons la concorde
Alors comme ça vous pensez à « après la catastrophe » au lieu de penser à l’éviter ? Original comme démarche ! Je reconnais là la démarche de petits partis d’extrême gauche qui rêvent d’internationalisme au lieu de se colletiner aux problèmes de fond : la politique et l’économie de leur pays qui est le seul levier sur lequel on peut s’appuyer pour changer ensuite le rapport au reste du monde !
Croa
Le débat sur les agressions sexuelles fait diversion de choses plus importantes comme le recul social notamment. Il y a des exagérations voulues là-dedans même si les violences sexuelles soient effectivement dures à vivre pour ceux qui en sont victimes. Mais tout de même traiter de la même manière une main au fesse et un viol ça commence mal comme débat ! Stigmatiser à ce point les coupables, voire des suspects, n’est pas raisonnable non plus surtout quand on voudrait rendre tout ça imprescriptible, alors même que les crimes de sang ne le sont pas. Ceci dit que le meurtre soit prescriptible ce n’est pas normal. Bref, cette exploitation de l’émotif n’est pas sans conséquences. Que les victimes du délire sexuel de certains mâles risquent finalement leur vie en plus de leur honneur, on ne s’en étonnera pas puisqu’il n’y a pas grande différence.
Croa
Si Macron peut se permettre d’avancer c’est d’abord parce qu’il détient le pouvoir tout simplement. Peu importe ce que pensent les gens, qu’il ait été élu parce que de nombreux électeur avaient encore plus peur de Madame Le Pen ou même que les élections aient été truquées par exemple. Le fait est que si le peuple voulait entrer à l’Élysée pour lui couper la tête il trouverait des hommes en armes sur leur chemin, des hommes totalement fidèles au pouvoir en place soyons en sûrs ! De tout façon ça n’arrivera pas. Le Français d’aujourd’hui est individualiste, fataliste et pusillanime et ça commence par la peur de se syndiquer. C’est pour ça que rien ne marche, pas seulement parce que les syndicats ne sont pas à la hauteur.
patrice 30
Il est vrai que le Français est individualiste, nous avons trop tendance à jouer tout seul dans notre coin et à avoir raison tout seul. Comment faire avancer les choses devant cette désunion énorme et ce fractionnement stérile ? La grève générale je n’y crois pas du tout et aux défilés syndicaux encore moins. Ces défilés n’amènent rien. Il manque de la motivation et de la solidarité pour faire quelque chose de positif.
Sur la dette j’ai grand peur que la BCE imprime de la fausse monnaie jusqu’à l’implosion finale cela serait alors une raison de nous faire sortir dans la rue.
Grégoire
La version bourgeoise du féminisme n’est rien moins qu’un communautarisme. Attiser la guerre des sexes est pratique comme diversion pour masquer la lutte des classes ! Le harcèlement sexuel est prévu et réprimé par le code pénal depuis 2012. Encourageons et aidons les victimes à porter plainte. Prenons garde que derrière cette nouvelle trainée de poudre made in USA, ne se cache la tentative d’imposer au monde un néo-puritanisme hypocrite à l’anglo-saxonne. N’oublions pas que c’est des USA que sont originaires la pornographie industrielle et l’exploitation de la femme-objet depuis la seconde guerre mondiale. Notre combat, c’est celui pour l’égalité des droits de tous les humains, rien d’autre.
Alexis B.L
Je pense que dans l’apathie et la colère rentrée des peuples, la crise financière attendu sera une bonne occasion de mettre sur la table un autre modèle de société et qu’elle aura un impact limité selon si l’état prend les mesures pour assurer l’économie réelle.
Bon courage et bonne continuation.
le baron
Jean-Luc Mélenchon est un formidable orateur et les solutions qu’il propose lui et la FI sont intêressantes et constructives. Mais pourquoi se couper d’une union avec les communistes ? Bizarre ! Ce que subit Mélenchon et la FI, les communistes l’ont subit depuis 1920. Ce n’est pas nouveau, les forces capitalistes sont fortes trés fortes, un seul parti ne peut pas rivaliser avec elles. 1981 n’a été possible qu’avec une gauche avec toutes ses composantes.
RV
Et bien, disons que le le programme de la FI est la meilleure offre politique à l’instant t, mais qu’il ne suffit pas d’avoir le meilleur programme pour faire converger les egos des différents dirigeants des diverses formations de gauche. On ne décrète pas une révolution citoyenne du haut d’une estrade pas plus que l’on ne pratique la démocratie à l’intérieur d’un mouvement avec une organisation pyramidale.
GG
@le baron
C’est justement ce qui c’est passer en 1981 qu’il faut tout prix ne pas recommencer. On voit aujourd’hui où cela à mené la gauche et le pays tout entier. Faute d’avoir mis les questions de fond sur la table, au bout de 3 ans seulement 1983, les contradictions ont éclaté, et le tournant vers l’austérité a commencé. On peut le regretter mais aujourd’hui à gauche, en dehors de la FI, c’est un paysage en ruine. Le PS a explosé, le PC continue de perdre ses électeurs et ses adhérents. Pour réussir, une union ne peut se faire que si il y a accord sur le fond. Or sur l’ecologie, sur le nucléaire, sur le productivisme, sur l’UE, la direction du PCF reste très éloignée de la FI. Aujourd’hui l’union peut se faire dans l’action, dans les luttes, mais recommencer 1981 ce serait tromper les électeurs à nouveau et faire le lit du FN.
Sylvain
« Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté. Tout homme qui se laisse aller est triste. » (Alain)
Hélène Lacheret
Merci Jean-Luc pour cette analyse. Je pense que nous pourrions proposer une journée de grève de la consommation, préparée, expliquée, et renouvelée autant que nécessaire. Si les 7 millions d’électeurs s’y mettent, ce sera un signal fort. De plus, beaucoup n’ont plus les moyens d’aller à Paris pour faire une manifestation de force ou de perdre des journées de salaire pour rien. Mais cesser de consommer, quel signal pour les capitalistes ! Surtout si on se rend visibles, joyeux et qu’on propose ce(s) jour(s)-là des comportement alternatifs : circuits-courts, gratiféria, troc… A réfléchir.
Ricardo
Ce que je crains dans cette histoire de point c’est que la Macronie ne fasse un carton face à la France (soumise) du type 5 ou 6 à 0 dans le temps réglementaire !
Alric
Si c’est vrai que notre bon président adresse ses discours à la chancelière avant de les prononcer, nous sommes plus près d’un Schäuble pour remplacer Draghi que d’un Jacques Généreux ! Mais une question m’interpelle, c’est celle de cette défense européenne, n’est-ce pas pour les Allemands une façon détournée d’échapper à l’interdiction qui leur est faite de posséder un porte-avions ?
Noëlle M
Les manifs, défilés, grèves sporadiques (qui ne coûtent en fait qu’aux salariés) ont fait long feu. Il faut vraiment trouver un moyen correspondant à notre époque pour mettre en avant de façon indiscutable le mécontentement et la colère de nombre de Français. L’exécutif (avec le soutien sans faille des médias serviles et des oligarques) n’a rien à craindre de ce genre de gesticulations totalement inefficaces. La France Insoumise et ses alliés ne peuvent pas satisfaire de ces grondements lointains, annonciateurs d’un tonnerre qui n’éclate jamais… hélas !
jean ai marre
Jean-Luc, excellent billet qui va aller vers ceux qui sont soumis ou fatalistes. Le discours fataliste a pris le pas sur l’information quotidienne des Français, donc, pour nous qui sommes sur le terrain, c’est chaque fois que l’on tracte que nous prenons en pleine poire ce vent défaitisme. Qu’importe, remettons l’ouvrage sur le métier. La chance que nous avons, on te la doit, c’est d’avoir réussi à mettre 17 députés à l’Assemblée. Alors, ne boudons pas notre plaisir et servons nous de cet excellent point d’appui.
Nous soutenons des conflits, où la CFDT est majoritaire, nous démontrons sans peine l’incohérence qu’il y a à soutenir le libéralisme et en même temps à soutenir les salariés victimes de la financiarisation et bien malgré le vécu subit, certains restent sceptiques ! Ne lâchons rien, les jours heureux viendront.
guy manche
La logique de l’inflation a ses limites aujourd’hui il me semble car auparavant les salaires étaient automatiquement indexés sur l’inflation. La dette des ménages était pour ainsi dire effacée ce qui n’est plus le cas aujourd’hui a priori.
AUBLE
La population est dans le loisir, ne voit pas l’intérêt général, c’est comme pour le handicap cela n’arrive qu’aux autres. Les gens font leur petit marché quand ils votent : taxe d’habitation, revenu universel, immigrés etc. Branchés sur BFMTV, Yahoo, etc. ils n’ont plus l’esprit d’analyse et ne cherchent pas à connaître la véritable info.
Merci Monsieur Mélenchon pour tout ce que vous faites ainsi que nos députés, je vous admire je ne sais pas si les Français vous méritent. Alors vive la télé et les grands médias pour avoir fait en sorte que le niveau intellectuel de la population baisse. Sans oublier les syndicats qui ne sont plus à la hauteur.
Philippe 31
Il y a une évidente constante dans quelques-uns de ces commentaires : aujourd’hui, les manifs ne servent pas à grand chose, mis à part le plaisir d’être ensemble (mais chacun derrière sa banderole…) et de scander des slogans plus ou moins inspirés. Concentrons-nous donc sur les moyens efficaces de faire part de notre colère et de faire plier la macronie avant qu’il ne soit trop tard. Nous étions sept millions d’Insoumis : nous sommes encore suffisamment nombreux pour penser, agir et entraîner les mécontents. Du moins faut-il l’espérer.
Diane
Pourquoi sortir cette histoire de « point Macron » ? Le match est plié ? Ça casse les reins à tout le monde. Drôle de façon de démobiliser les gens, sinon à les faire se détourner.
Guillaume
Oui et heureusement que les citoyens ont des ressources et des ambitions plus fortes que leurs dirigeants (FI comprise). Comme dit l’autre : nos dirigeants ne sont pas contents du peuple, dissolvons le peuple ! Arrêtons de pleurer sur la prétendue démobilisation ambiante. Nous payons la désunion qui crée l’impuissance. Chacun appelle de son côté : journées de grève, manifs séparés (y compris celle du septembre de la FI qui participe de cette division). La solution pour certains sur ce blog, se défaire des syndicats actuels et proposer que la FI crée ses propres syndicats ou comment ajouter de la division à la divisio.
GG
@Diane
Ce qui « casse les reins » c’est de faire croire qu’on se dirige vers la victoire alors que dans la réalité c’est l’inverse qui se profile. L’important c’est d’être encore capable de mobiliser et JL Mélenchon a raison de miser sur la jeunesse. Si la jeunesse se mobilise tout devient possible, enfin presque tout.
Laetitia
« La prochaine révolution se fera contre les grandes entreprises. Elles sont les réelles maîtres du monde, capables de créer les injustices et les inégalités tout en préparant les guerres. Mais elles étoufferont si nous refusons de les servir, de consommer leurs produits. Souvenons-nous qu’elles ont bien davantage besoin de nous que nous avons besoin d’elles. » Arundhati Roy.
Insoumettons-nous contre les discriminations et les injustices qu’elles normalisent au nom du pouvoir et de l’argent.
Cazzaro
Si Jean-Luc Mélenchon compte sur un sursaut des jeunes, j’ai bien peur que sa déception sera à la hauteur de la pauvreté de la culture générale de notre jeunesse. Kev Adams, Hanouna, et tous ces rappeurs et autres représentants de l’anti-musique sont, malheureusement, les icônes des jeunes. Personnellement, je m’inspirais plutot de mecs comme Coluche, Déproges… Tout cela pour dire que je suis très pessimiste pour faire bouger les lignes avec cette génération Android formatée pour penser dans le sens de la société du libre échanges mondialisismique. Je suis très inquiet.