Avec l’affaire des « paradise papers », anglicisme incompréhensible pour désigner les documents sur l’évasion fiscale mondiale, le capitalisme de notre époque montre un des rouages essentiels de son processus d’accumulation. La fraude fiscale, l’évasion fiscale, le blanchiment de l’argent sale de la drogue, du trafic des êtres humains, intervient dans le cycle de l’accumulation au moment où la valeur se fige dans le signe monétaire et où elle entre dans la sphère financière pour réaliser des super profits irréalisables dans l’investissement productif.
Aux étapes précédente, c’est l’externalisation des coûts qui fonctionne à plein régime pour permettre l’accumulation maximale. On connait bien l’externalisation des coûts environnementaux et sociaux. C’est pour les contrer que l’ONU a mandaté une mission pour y soumettre les multinationales. L’évasion fiscale, la fraude fiscale aussi peut être lue comme une externalisation des coûts. Dans cette opération, le capital s’exonère du soin de financer les équipements publics, de la formation et de l’environnement sans lesquels pas une entreprise ne fonctionnerait, pas même celles qui recycle l’argent sale ou vole l’argent du travail. Les révélations faites sur l’ampleur de cette évasion s’ajoutent à celles faites sur la fraude.
En France, les 20 milliards d’évasion fiscale, opération légale mais illégitime, s’ajoutent aux 80 milliards de fraudes, opérations illégales et immorales. Cent milliards par an ! Deux fois le service de la dette annuelle de la France. Ces chiffres commencent à circuler. Leur énormité fait réfléchir. La richesse des entreprises concernées rend plus indigne leurs méthodes pour se soustraire au devoir de l’impôt. Souhaitons que l’émotion ne passe pas trop vite comme ce fut le cas dans le passé récent. Comment oublier les triomphes à bon compte d’hier quand Nicolas Sarkozy caracolait : « les paradis fiscaux, c’est fini !».
C’est pourquoi je suis revenu a la charge dans une conférence de presse éclair pour rappeler les propositions que nous avions faites sur ce terrain dans le débat parlementaire du projet de loi de finance de l’État. Mais pour finir, il faut bien réaliser que cette situation n’est pas une entorse au système. C’est un de ses moteurs. Ce n’en est pas une composante tumorale mais c’est une particularité indissociable de l’organisme du capitalisme financiarisé de notre époque. Le capitalisme est un mode de production et d’échange nuisible sur le plan écologique, parasitaire sur le plan social, destructeur sur le plan des devoirs de la vie en société.
En interpellant en séance publique le gouvernement sur la situation en Catalogne, dans l’hémicycle, dès le premier jour de la crise, j’ai exprimé la position concrète du groupe parlementaire « La France insoumise ». Nous ne nous alignons pas pour ou contre l’indépendance de la Catalogne. Nous pensons qu’un tel alignement de notre part n’apporterait rien à la situation. Si nous gouvernions notre pays, nous ne nous alignerions pas non plus. Nous souhaitons une médiation en vue d’une sortie de crise par le haut. Nous souhaitons le règlement de la question par un vote qui soit à la fois référendaire et spécifique, c’est-à-dire consacré à la seule question de l’indépendance ou non. Après cela, nous avons eu l’occasion les uns et les autres de répéter que nous étions hostiles à l’emprisonnement des dirigeants de la généralité de Catalogne. En effet, il s’agit d’un acte brutal qui radicalise le conflit politique. Quoi qu’on pense de la stratégie des dirigeants de la généralité de Catalogne, on peut se demander quel genre de menaces font peser des dirigeants qui n’ont jamais dérogé à une stratégie non violente et persistent encore à cette heure dans cette méthode en allant eux-mêmes se rendre à la police belge pour être livrés à la police espagnole.
J’ai eu l’occasion aussi d’écrire ici quelle déroute est pour l’Union européenne cette situation. Au moment de la crise, Juncker se trouvait en Guyane aux côtés de Macron. Si sa présidence avait un sens, au lieu d’exprimer sa part de mépris pour les Guyanais, il aurait dû plutôt passer son temps à de discrètes navettes entre les parties prenantes pour éviter le choc frontal auquel nous voici rendus. Au lieu de quoi c’est sur la base d’un mandat d’arrêt européen que le président de la généralité de Catalogne et ses conseillers ont été emprisonnés ! Dans ce contexte, on voit plus nettement que jamais l’état d’extrême abaissement moral de l’institution européenne. Que ce soit encore dans cette semaine là que le Parlement européen ait décerné son prix Sakharov à l’opposition violente du Venezuela scelle le grotesque de ces équipages !
Dans cette situation, pour un responsable français, il est indispensable de faire preuve de retenue et de peser soigneusement ses mots et ses propositions. La première raison est que cette situation a lieu à notre frontière. Si elle devait dégénérer en affrontements violents, elle nous impliquerait complètement. Que cette hypothèse ne soit pas pour l’instant la plus probable est heureux. Mais on ne saurait croire la paix définitivement acquise pour autant. Le devoir de vigilance s’impose et les précautions qui vont avec. La seconde raison est que la maladie qui pousse à l’atomisation des États-nations se répand assez et suffisamment vite ces temps-ci pour qu’on prenne acte de la contagion et qu’on s’interroge sur ses causes. Son origine évidente à mes yeux est dans la politique qui a vidé les nations de leur sens. Le pouvoir supranational de la politique libérale de l’Union européenne a poussé méthodiquement chacun contre tous dans les nations au détriment de tous les devoirs de solidarité qui sont leur raison d’être.
Dès lors, chaque communauté voit sa meilleure protection en elle-même, sans et, s’il le faut, contre les autres. L’esprit de chacun pour soi, qui est le cœur du libéralisme, ouvre les nouvelles plaies sur les vieilles cicatrices. L’acide de l’égoïsme ethnique s’infiltre par les innombrables failles du tissu de la solidarité sociale. Dès lors, les plus riches ne veulent plus partager avec les autres. Les régions les plus favorisées ne veulent plus être solidaires de celles qui le sont moins ou pas du tout. Cette situation se constate dans assez de cas pour être devenue évidente. Mais, je le répète, elle n’est elle-même qu’une variante d’un phénomène plus profond. La dislocation passe par des zones de fracture qui préexistent de longue date et s’enracine dans des réalités culturelles ou historiques issue du temps long. Quand l’élan commun qui poussait à faire cause commune nationale est brisé par une compétition qui opposent les équipiers entre eux, alors reviennent au premier plan des solidarités plus anciennes ou mieux ancrées.
Car, bien sûr, la tendance profonde du capitalisme de notre époque est à « dissocier » les animaux sociaux que nous sommes, comme l’analyse si bien l’économiste Jacques Généreux. Mais cela ne suffit pas à annuler la pression des groupes humains à vouloir « faire société » pour survivre et se prolonger. Les régionalismes, les indépendantismes ont leur racines profondes dans ce phénomène. La dislocation des nations fait partie des conséquences désastreuses du libéralisme. Elle s’ajoute à la liste des dégâts qu’un pouvoir populaire devra réparer. Pour autant, ce qui a été défait ne peut être reconstruit par la force. Telle est, en tous cas, la leçon de l’Histoire. La Catalogne espagnole n’a été arrimée à l’Espagne que de vive force par le franquisme. La liberté revenue, la politique libérale pour obtenir le recul de l’État a frappé partout. La crise bancaire et les politiques de coupes claires dans les budgets publics ont profondément déchiré le tissu des liens sociaux nationaux espagnol. La corruption des membres du pouvoir central a délégitimé son autorité. On ne retrouvera pas le chemin de l’unité si facilement après une gestion pareille de la crise en Catalogne.
Attention, je ne dis pas que toute résistance à la dislocation de l’État social passe par le choix de communauté de substitution. J’observe que c’est le cas aujourd’hui, qu’il s’agisse de communautés culturelle, ethnique ou religieuse. D’autres choix sont évidemment possible et parfois on y est contraint. Moi qui ne pratique aucune religion et ne suis de nulle part, je n’ai d’autre choix que celui de combattre pour un intérêt général humain auquel l’universalisme écologique républicain me rattache sans mal. Mais tout le monde n’en est pas là. Quoi qu’il en soit, si mes lecteurs partagent ce diagnostic, ils savent qu’il faut en tirer des leçons pour nous même, en France.
Que la situation en Catalogne espagnole éclaire notre propre chemin. Ne nous cachons pas ce qui est notre situation réelle. Quand une île française élit trois députés sur quatre parmi les autonomistes, il est devenu vain d’ignorer que quelque chose de très profond et peut-être d’irréversible s’est produit. Telle est la situation de la Corse. Après plusieurs décennies de combats ouverts, souvent très violents, d’assassinats odieux commis par les uns et de répression légale méthodique appliquée en retour, nous en sommes là. Le jacobin que je suis doit le répéter pour qu’on cesse de confondre le jacobinisme et l’autoritarisme bonapartiste : aucune patrie commune n’est possible sans le consentement de tous. La nation républicaine ne peut être une camisole de force. Et ce consentement a ses conditions. Celles qu’ont affirmées une majorité des électeurs en Corse ne sont clairement plus celles du passé. Ceux qui sont attachés à l’unité de la République Française ont une chance : les nationalistes en Corse sont dirigés par les autonomistes. Ceux-ci réaffirment dans la plateforme électorale de leur liste aux prochaines élections territoriale leur volonté d’inscrire leur projet d’autonomie institutionnelle de la Corse dans le cadre de la République française une et indivisible. Et cela alors même que cette liste comporte des indépendantistes avérés.
À mon avis, il faut faire le pari de le croire. En toute hypothèse on ne peut faire vivre ensemble des gens qui ne le veulent pas ou ne le veulent plus aux anciennes conditions. Encore une fois, le vote des législatives est un tournant dans la vie politique de l’île. Et donc cela doit nous appeler à changer notre regard sur la situation. Je le dis d’autant plus tranquillement et ouvertement que j’ai été hostile au projet Jospin pour l’île en son temps et que j’ai milité pour le « non » au référendum à l’époque. J’ai même écrit, étant ministre de Jospin, une tribune dans L’Évènement du jeudi de l’époque pour dire que mieux vaudrait l’indépendance de la Corse que d’être obligé de vivre dans une république des particularismes. Depuis, l’État central a fait pire en matière d’exaltation des particularismes que tous les particularistes corses réunis !
J’ajoute que la diversité institutionnelle de la République est devenue la règle : gouvernement local à Tahiti, collectivité unique en Martinique, collectivité territoriale à Mayotte, congrès du territoire en Nouvelle-Calédonie, le foisonnement marche de pair avec l’insularité. Est-ce si étonnant ? La République est-elle moins unie pour autant ? La République doit rester une et indivisible mais de quelle façon si la façon actuelle ne convient plus a tous ceux qui ont à s’unir ? Le caractère abstrait de la discussion sur ce point butte dorénavant sur une volonté populaire clairement et fortement exprimée par les électeurs de l’île. C’est de cela dont il faut partir si l’on veut prendre les devants et ne pas se préparer une impasse catalane.
C’est pourquoi je déplore que la liste du PCF et des anciens communistes en Corse joue une misérable usurpation de notre sigle. Car oui, une fois de plus, cette méthode de l’usurpation d’identité est utilisée. Il s’agit de cette façon de nous « obliger à soutenir la liste » comme le confient les manipulateurs aux représentants du journal du PCF, L’Humanité. Cette pauvre tambouille tourne le dos à toutes les grandes questions qui se posent en Corse à partir du vote des législatives. J’admets que le PCF et ses alliés fassent leur liste. C’est bien leur droit le plus strict. Mais pourquoi vouloir faire croire que « La France insoumise » en est partie prenante comme l’a déclaré le porte-parole du PCF au nom de la direction de ce parti, aggravant par une nouvelle provocation le divorce déjà consommé entre nous ? C’est une fois de plus une détestable méthode. Je crois que les électeurs en Corse sanctionneront cette façon de tenter de les duper. Pour ma part, refusant cet enfermement lamentable, je rencontrerai bientôt les députés autonomistes Corse pour échanger avec eux et comprendre leur démarche. Le sérieux de la situation Corse mérite de ne ménager aucun effort de pour comprendre et avancer dans le but de continuer la vie commune. Car ce doit être là la seule obsession.
C’est une histoire de la vie comme elle va désormais quand le libéralisme règne en maître. Le quatrième paquet ferroviaire européen, voté au Parlement européen, prévoit que la libéralisation des lignes régionales commencera en 2019. Des zélés prennent les devants. Vendredi 20 octobre, le Conseil régional Provence Alpes Côte d’Azur mettait à son ordre du jour une délibération pour préparer l’ouverture à la concurrence de ses lignes régionales de chemin de fer. Pourquoi attendre 2019 ? Le Conseil régional souhaite aller le plus vite possible pour ouvrir à des entreprises privées les TER. C’est pourquoi il lance dès maintenant cet « appel à manifestation d’intérêt ». Déjà, depuis le début de l’année, la région a rompu la convention qui la liait à la SNCF. Les présidents de région Christian Estrosi puis Renaud Muselier n’ont eu de cesse de montrer du doigt l’entreprise publique pour la qualité du service qu’elle apporte. Il est vrai que les retards sur les TER sont excessifs en région PACA. Encore faut-il en examiner les causes.
D’abord, la moitié des retards s’explique par des évènements naturels auxquels la région est plus exposée que d’autres. Par exemple les incendies. Ensuite, le réseau TER de la région PACA compte parmi les lignes les plus saturées du pays, comme celle qui relie Cannes à l’Italie. C’est même le deuxième réseau régional le plus fréquenté après celui de l’Île-de-France. Et, comme partout, il souffre du sous-investissement depuis 25 ans dans le réseau ferroviaire de proximité. En effet, la plupart des investissements publics se sont concentrés sur le développement du TGV. 38% des investissements y ont été consacrés ! Pourtant ce réseau ne concerne que 2% des des trajets. Résultat : si on exclut les lignes à grande vitesse, le réseau ferré français a été réduit d’un cinquième. Le manque d’investissement est donc davantage responsable de la dégradation de la qualité que ne l’est la gestion par une entreprise publique.
Le Royaume-Uni offre un bon exemple de ce que donne la gestion du train par le privé. Dans ce pays, le réseau ferroviaire a été ouvert au privé en 1996. Depuis, la situation n’a cessé de se dégrader. La proportion des trains qui arrivent en retard est supérieure de 50% à celle de la SCNF. Entre avril 2015 et mars 2016, dans le réseau sud de l’Angleterre, seul un train sur cinq arrivait à l’heure. Le coût pour les usagers a considérablement augmenté : trois fois plus rapidement que les salaires. Lisez ça : le coût moyen du trajet du domicile au travail représente 14% du revenu des familles britanniques ! En France aussi on a pu mesurer l’inefficacité de la libéralisation par exemple dans le domaine du fret ferroviaire. Sous l’effet des directives européenne, la France a ouvert le transport de marchandises ferroviaires en 2006. Alors ? Depuis, la part du train dans le transport de marchandises a diminué d’un cinquième !
Dans son intention de courir au devant des consignes de la commission européenne pour tout libéraliser, Renaud Muselier a de bons alliés : le Président de la République et son gouvernement. Dès la campagne présidentielle, Emmanuel Macron déclarait : « l’État doit permettre aux régions de recourir à la concurrence dès qu’elles le souhaitent et dans de bonnes conditions ». C’est le résumé de l’orientation tracée par la future loi ferroviaire qui sera présentée par le gouvernement en 2018. Macron permettra ainsi à la région PACA de vendre l’exploitation des lignes régionales au plus offrant, et le plus rapidement possible. De même, toutes les dispositions que présentera le gouvernement dans cette loi sur la destruction du statut des cheminots n’auront qu’un seul but. Celui de préparer l’ouverture à la concurrence et donc à des compagnies privées de toutes les lignes ferroviaires. En effet, il faut pour cela que les travailleurs du rail, aujourd’hui agents de la SNCF, puissent passer dans des contrats de droit privé afin d’être embauchés par d’autres entreprises. Macron aurait prévu pour y contraindre la SNCF de lui faire un chantage à la dette : abandon de ses caractéristiques de service publique contre un allègement de sa dette.
C’est oublier que la dette ferroviaire est principalement issue de la reprise de vieilles dettes des compagnies privées qui pré-existaient à la SNCF et des investissements très lourds dans le développement du TGV. Les conditions salariales des cheminots n’y ont aucune responsabilité. L’exploitation des lignes va donc être confiée à des sociétés privées. Bruno Le Maire a annoncé que l’investissement dans les infrastructures serait aussi désormais ouvert au privé : « au delà de l’argent public, ce qui compte à nos yeux c’est d’attirer les financements privés pour construire les infrastructures de demain. ». Cette orientation est contraire aux principes d’intérêt général qui devraient commander nos investissements dans des infrastructures de transport. Y introduire des investisseurs privés signifie que c’est la rentabilité qui primera avant tout dans les choix. Sale temps en vue pour les usagers devenus des clients !
Hors campagne électorale, je ne crois pas qu’il y ait eu dans le passé récent une telle hargne médiatique d’aussi longue durée contre un mouvement politique d’opposition. Celle qui nous frappe sans relâche n’a aucune limite ! Ce soir-là c’étaient des enfants qui étaient appelés à témoigner contre moi, sur le plateau de « C’est à vous ». Cette émission est un haut lieu du dénigrement contre « La France Insoumise » sous la houlette de l’opportuniste Ali Badou. Lequel Badou, oubliant de couper son micro après le passage d’Adrien Quatennens, avait déjà régalé tout le plateau de ses commentaires méprisant contre « le vrai petit apparatchik » que serait Adrien. Bref un journaliste « indépendant » comme tant d’autres. Ce soir-là, devant Apathie goguenard, Badou fait dire à deux enfants que je n’étais pas « leur meilleur souvenir de leur vie et même le contraire », que j’étais « méchant » et « dangereux ». Il s’agissait de leurs souvenir d’une émission enregistrée en …mars 2017, sept mois plus tôt ! Aussitôt repris en cœur par divers sites internet. Par exemple celui de RTL titre :« “Au tableau !” : les enfants ont un bien mauvais souvenir du “méchant” Mélenchon. » Consternant. Et ça s’appelle du « journalisme » ! Des amis qui ne se laissent pas faire se sont fait un devoir de rechercher ce que « les enfants » avaient dit à l’époque où cette émission avait été diffusée. Ils avaient dit le contraire ! Il en a été fait une petite vidéo que je vous recommande.
On voit là que même manipuler des enfants est une méthode acceptable pour ces « journalistes ». Comme on n’a pas la même morale, on ne dira rien du critère de choix des deux petits perroquets bien dressés exhibés sur le plateau. Un tel procédé n’a choqué aucune de vaches sacrées de la corporation pourtant si prompte à beugler en cadence dès qu’il s’agit de ses « devoirs d’informer » et autre sauf conduit de la bonne conscience des faiseurs de ragots. Ce silence est évidemment une complicité. On l’a vu quand le journal Minute a titré « Mais qu’on la fasse taire, bordel ! » s’agissant de Danièle Obono. Il n’a pas titré « qu’elle se taise ! ». Non, le titre est une injonction. Donc un appel à la violence. Silence total des indignés permanents. Taubira c’était classe. Obono… Et cela la semaine où l’on apprenait que des dingues d’extrême droite envisageaient un mauvais coup contre des mosquées, Castaner et moi. La caste approuve. « Faites-les taire » est la consigne, le but. Pour cela chaque semaine depuis notre entrée au Parlement l’un ou l’autre des médias de la bande des 9 milliardaires qui contrôlent 90% des médias du pays monte un buzz de cette nature aussitôt repris par toute la boucle des médias sur internet. Confort : pendant qu’ils choisissent de parler de ça, ils s’évitent de devoir mentionner quoique ce soit de nos combats. Leur but n’est pas d’aider à penser en informant mais d’empêcher de le faire en détournant l’attention.
La caractéristique commune de ces campagnes est de viser les personnes en tant que telles. De détruire l’image et la réputation des personnes. À tour de rôle, outre votre serviteur, Danièle Obono, Clémentine Autain, Alexis Corbière, François Ruffin, Danielle Simonnet ont été exposé sur ce pilori médiatique. Tous les prétextes ont été bons, de la chemise de Ruffin hors de son pantalon au refus d’Obono de se mettre à crier « vive la France » sous le fouet. La longue saloperie contre les logements de Corbières puis Simonnet, l’abominable harcèlement contre Raquel Garrido nous ont bien montré qu’il n’y avait pas de limite.
Pourtant aucun d’entre mes amis, je dis bien aucun d’entre eux, n’a commis quelque acte que ce soit illégal, ou moralement condamnable. Il a fallu trois semaines de pilori et une mobilisation des internautes écœurés pour que le décryptage de Libération s’intéresse au sujet et disculpe nos amis. Tous les autres ont regardé en silence déferler les mensonges et pleuvoir les calomnies sans broncher. Chacun d’eux a naturellement jeté lui-même quelques pierres propices à déclencher des clics rémunérateurs. Et bien sûr dans chaque cas, à chaque occasion, mon nom, ma photo a été associé aux supposées turpitudes des malheureux crucifiés.
En fait ils ont payé leur amitié et leur partage de mes combats. Car mon nom, ce sont des clics de plus sur une page comme me l’a expliqué un de ces gestionnaires de site. Les clics doivent correspondre à un nombre de vues garanties aux annonceurs. Sitôt que le nombre de clics baisse, il faut un buzz pour faire repartir les clics. Sans aucune considération pour mes amis, pour leur famille, pour leur honneur, pour l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes, ils ont été trainés dans la boue inlassablement. Parfois s’ajoute encore l’infamie des coups tordus. Ainsi quand le PCF exige que notre amie Daniele Simonet quitte son appartement pourtant à loyer libre. Car, bien sûr, aucun élu communiste, aucun dirigeant n’occupe de son côté non pas un logement a loyer libre mais un logement social ! Aucun très éminent dirigeant du PCF en poste n’en occupe ni n’en a occupé ! Et bien sûr, il faut oublier ces années où c’était une recommandation politique d’habiter en HLM pour « rester proches de ceux qu’on représente ». Voilà à quel niveau est tombé la direction de ce parti qui, parvenu à 2% de vote, se donne le temps de délibérer sur le logement des dirigeants de la FI.
Le résultat, on le connaît : la peur chez plus d’un. Des camarades moins connus, ou tout à fait inconnus se confient « je ne veux pas que mon nom apparaisse, c’est trop risqué ». D’autres : « je me cache, je ne veux pas d’histoire avec la presse ». Les hauts fonctionnaires favorables se cachent ou agissent sous pseudonymes. Les journalistes amis s’excusent de devoir cotiser au devoir de dénigrement. Tout le monde sait de quelles ignominies peut se payer l’engagement politique à nos côtés. Telle est l’ambiance, sciemment entretenue par la caste : « faites-les taire ». Voilà leur but. Mais c’est aussi un indicateur fort de l’état de tension et de fragilité du système. C’est pourquoi je crois important d’en parler.
En ce qui me concerne, c’est la deuxième fois avec ce sketch des enfants que j’ai le droit à une falsification pure et simple. Ainsi quand j’avais mis en garde contre le harcèlement du dénigrement contre nous sur le thème de notre soi-disant complaisance avec les islamistes. Je disais que cela pourrait nous mettre en danger à cause des violents. Qu’avais-je fait là ! Je me suis vu reprocher, sur divers plateaux et même dans le « Canard Enchainé », d’avoir menacé en fait les journalistes. Et cela au mépris de mon propos réel pourtant écrit, publié et lisible par tous. Le procédé est simple : le premier dit, le suivant répète sans vérifier et bientôt tout un plateau caquète sur un thème qui n’existe pas. Il fonctionne sans interruption désormais.
L’épisode des enfants qui se plaignent du « méchant Mélenchon » m’a paru un pic d’immoralité de cette campagne de dénigrement permanent. Peu importe les raisons d’agir de ceux qui l’ont imaginé. Ils doivent sans doute faire tellement plaisir à leurs amis de classe dans les déjeuners et diners en ville. Ce qui compte c’est le résultat. Tout ce bruit étouffe le travail concret que nous accomplissons. De nos 400 amendements à la loi de finances, pas un n’a été traité de près ou de loin. De même pour ceux de la loi de financement de la Sécurité sociale. Mieux : après nous avoir étouffé et dénigré, les bons esprits reviennent à la charge pour dire que nous « n’avons pas de propositions » ou même que nous sommes « absents ». C’est ce que rapporte Le Canard Enchainé de la bouche d’olivier Faure, président du groupe PS à l’Assemblée, sans que le palmipède se préoccupe de savoir si c’est vrai ni combien parmi les 32 députés PS étaient dans le débat et les votes et combien les 17 de la FI.
Par contre après une grosse campagne diffamante sur Simonnet, on sait tout de son logement, de son salaire. Notons qu’elle intéressait moins les mêmes impertinents quand elle dénonçait le rôle de Lafarge dans le financement de Daech. Mais ceci explique peut-être cela. En tous cas, la preuve est faite qu’il n’y a pas de limite. Un « grand » journal a même cherché à savoir dans quelle école seraient inscrits désormais les enfants de Corbière… Aucune de ces pratiques honteuses ne reçoit le moindre correctif des professionnels. Tous sont d’accord puisque tous se taisent. Beaucoup participent. Nous restons donc sans recours. Car répondre, protester déchaîne de véritables crises d’hystérie corporatiste.
Tout cela répond à une technique aussi ancienne que la caste : « pas vous, pas ça ». Sans changement depuis Jaurès, invariant sur l’ensemble des continents où notre courant existe, le truc consiste à nier ce que nous sommes, qui nous sommes pour nous rendre clivants et suspects. Je n’attends aucune pause dans cette campagne. Au contraire, plus l’exécutif dévale la pente des sondages, plus le danger s’accroît pour le cœur de la caste des riches : que le pays veuille vraiment d’une tout autre politique. L’agression sociale en cours est si évidente, si ostensible ! Elle est tellement entourée de paroles de mépris de classe ! La charge explosive s’est donc encore accrue depuis le grand signal d’alarme qu’a été le niveau d’abstention dans les élections législatives.
Dans ce contexte, le ciblage permanent des figures de « la France insoumise » est une opération à double tranchant. Certes, elle radicalise le rejet des milieux bien-pensants. Catégorie flottante en toute hypothèse. Mais elle éduque et endurci la masse de ceux qui partagent nos idées et ne s’en laissent pas compter. Ce qui leur restait de naïveté disparait. La détermination augmente. Un ample secteur d’opinion se renforce dans ses conviction et par cela même étend son influence. La leçon ne doit pas être perdue de vue. Le parti médiatique est en lutte. Nous aussi. Les campagnes de calomnies sont la dernière armes dont disposent ces gens qui savent combien la bataille morale est déjà perdue pour eux seulement six mois après la fin de la présidentielle. Le mépris présidentiel, la politique des grandes faveurs pour les riches a fait son effet.
Le rendez-vous syndical du 16 novembre s’approche. Ce jour-là, de nouveau, nous serons dans la rue à l’appel des syndicats. Si j’ai bien compris, nous défilons contre les ordonnances mais aussi les autres aspects anti-sociaux de la politique du pouvoir. Cet appel à l’action doit être entendu. Il faut se joindre à l’action proposée autant que faire se peut. Mais il ne peut effacer le questions qui se posent. Comme on ne peut l’ignorer, j’ai dit que « Macron a le point » dans la bataille sociale sur les ordonnances. « Pour l’instant » ai-je précisé. En vain. La machine à buzz s’est aussitôt enclenchée du côté du plus agréable au pouvoir, comme d’habitude. J’ai eu droit à une tournante médiatique sur « ma déprime » après avoir « perdu la bataille » face à Macron. J’ai même entendu un « commentateur » dire de moi que je « n’en peux plus ». Et un autre que je serai en réalité « bipolaire ». Pour lui la maladie est une disqualification. Le Figaro s’est offert une première page sur le thème. La volonté de nuire du grand journal de droite atteste de sa conversion récente désormais assumée en faveur de Macron.
Je me lasse de ces glapissements sans originalité. On m’a déjà fait le coup de la « déprime » deux fois au moins avant celle-là, dont une fois à la Une de Libération en 2013 ! Je veux, bien-sûr, rassurer cette fois-ci encore, ceux que cela aura inquiété : je ne suis ni malade, ni dépressif. Ceux qui me lisent ou m’écoutent savent que c’est tout le contraire. Si les « commentateurs » s’intéressaient à la politique, ils auraient vu ce que de jeunes collègues de la rédaction internet de « Marianne », qui ne sont pourtant pas de nos partisans, ont repéré dans mon propos : l’ouverture d’un débat inédit sur la séparation du politique et du syndical et associatif. Mais ce débat n’est possible qu’à condition d’admettre le point réel où nous en sommes dans la bataille pour chercher ensuite les causes de cette situation. Quand on décide délibérément de diviser les forces entre politiques et syndicats puis quand les syndicats eux-mêmes se divisent, quel rapport de force peut-on imaginer créer avec le pouvoir et le Medef ? Comment en est-on arrivé là ?
Une question que certain refusent de se poser. Par exemple quand L’Humanité, le journal du PCF, affirme que le problème ce n’est pas, comme je le pointe, la Charte d’Amiens à laquelle se réfèrent les syndicats pour refuser toute action commune avec les forces politiques. Pour le journal du PCF, le problème c’est que je prônerai un « tous derrière Mélenchon »… Ce pauvre coup de pied de l’âne est présentée avec des guillemets sous couvert d’une source syndicale anonyme. La totale : la ligne « tout sauf Mélenchon » de la direction du PCF appuyée par une source syndicale « anonyme » totalement bidon ! Le journal fondé par Jaurès transformé en courroie de transmission !
Mais la manie des autres commentateurs de psychologiser tout choix politique jusqu’au ridicule est-elle un calcul conscient ? Pas sûr. Je crois qu’il faut aussi tenir compte de l’inculture politique désormais dominante. Comme certains passent d’un plateau à l’autre, ils n’ont ni le temps de lire ni de préparer. Ils répètent donc de l’un à l’autre, sans vérifier, jusqu’à la nausée. Ainsi quand j’ai analysé les raisons pour lesquelles « pour l’instant, Macron a le point » ils ne comprennent pas ce que je dis. Ils ne se souviennent pas que j’ai dit la même chose à TF1 quinze jours plus tôt. Naturellement ils ne lisent souvent rien. Donc ils n’ont pas pu connaître mon raisonnement pourtant en ligne depuis une semaine avec mon post hebdomadaire. Certes, mes post sont longs. Mais précisément ils sont aussi présentés par chapitres de 5000 signes présentés séparément pour faciliter la lecture. Encore faut-il lire ! Et quand j’explique de nouveau mon analyse, en la détaillant comme je l’ai fait la semaine passée ici même, ils restent encore scotchés dans leur psychologie à deux balles, passant à côté d’un débat qui est pourtant au cœur de notre famille politique : celui de la disjonction du politique et du syndical.
J’ai soulevé une question d’ampleur. Celle de la nécessité de réorganiser le champ du rapport de force social. Exception faite de l’organe central du PCF, nombre de gens se posent des questions sur l’état du rapport de force social et sur ses causes. La preuve, quelques jours plus tard, le secrétaire national de la CFDT à son tour s’interroge publiquement sur le sujet dans le journal Libération. Naturellement ses conclusions ne sont pas les miennes, comme on le devine. Mais son diagnostic ne manque pas de gravité. D’ailleurs Libération titre cette interview avec une phrase de Laurent Berger : « les syndicats sont mortels comme les partis politiques ». Pourtant personne ne parlera de la « déprime » du secrétaire national de la CFDT. Et dira-t-on de Laurent Joffrin, chef a Libé, qu’il « a le blues » ou qu’il se mélenchonise dans son édito du même jour, quand il titre « Crise d’identité sociale » à propos de la situation ?
Je veux le citer : « Ce sont les méthodes de lutte, la stratégie qui créent la crise d’identité. L’échec de la protestation contre les lois Pénicaud, qui succède aux déconvenues rencontrées dans le combat contre le projet El Khomri et surtout à la défaite en rase campagne dans la bataille de la réforme des retraites malgré la mobilisation de millions de manifestants, montre que la protestation à la française, défilés de rue nombreux assortis de débrayages plus ou moins massifs, a fait long feu. Elle n’a en tous cas donné aucun résultat tangible depuis une dizaine d’années ». Ici même, ai-je posé un diagnostic très éloigné ? Non. Le même. Encore une fois, la différence porte sur les conclusions que l’on tire de ce constat. C’est normal. C’est sain. Ça s’appelle un débat. C’est ce débat que refusent absolument ceux qui psychologisent l’enjeu sur les plateaux de télé. Soit-il n’y comprennent rien, soit ils en ont peur. Peu importe. Ce débat est pourtant l’urgence pour la cause du peuple au moment où l’offensive libérale déferle. Comme c’est mon devoir, je suis allé plus loin que le constat. J’ai fait une proposition : faire cause commune syndicats, partis et associations pour certaines batailles. Il faut être patients et opiniâtres. Ce débat aura lieu. Et il sera tranché. Car notre capacité d’initiative est intacte et nous entendons bien en faire usage.
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semons la concorde
Les initiatives d’action populaire sont formidables et je félicite tous ceux qui y participent . De même je trouve intéressant que des élus ou des tirés au sort réfléchissent et décident au nom de la France Insoumise. Mais pour moi, il manque le lien internet qui fera le ciment entre toutes ces initiatives. Le peuple ne sera soudé que s’il participe à tout. La politique à l’ancienne est vouée à l’échec. Je sais qu’il n’est pas facile de trouver la bonne formule, mais nous avons l’extraordinaire privilège d’avoir les outils techniques pour faire vivre une démocratie réelle et participative. Qu’attendons-nous ?
PIETRON
D’accord sur l’existence « des bonnes vieilles méthodes socialistes ». En effet le PS a toujours été retors, pour le moins. Le problème c’est que le PC (sous pression populaire qui voulait des ministres communistes, je l’admets) s’est fait piéger en 81. Puis la casse de l’URSS a achevé le boulot de Mitterrand et du PS. Mais hélas le PC (ses directions, Hue et suivants) a abandonné ce qui faisait sa belle raison d’être du combat de classe afin de préserver son réseau d’élus.
Alors Mélenchon a le dos large (maudit ex PS), la FI et son programme l’avenir en commun anticapitaliste relégué aux oubliettes par les vertueux dirigeants du PCF, pour ne plus parler que de « l’arrogance » de son porte parole et du sectarisme présumé de la FI, bigre. La politique de classe menée par Macron et son équipe mérite un PCF des idées « actives » car les travailleurs souffrent. La FI, objectivement, mène ce combat. Mélenchon, comme tant d’autres, veulent ce combat. Il est temps de sortir de la…
Jean Cibot
Ce que je viens de lire, texte de Mélenchon et commentaires, me redonnent le courage de lutter après le marasme post-électoral et les campagnes médiatiques et politiques (PCF) sordides qui nous sont infligées. J’aurai bientôt 82 ans, mais reste bien décidé à continuer à me battre à vos côtés jusqu’au bout. Ne lâchons rien !
J.lou
La proposition de Jean-Luc « de faire cause communes syndicats, partis et associations pour certaines batailles » ne me déplait pas à priori, si cela s’appuie sur l’idée d’unir les forces d’opposition contre la politique de marchandisation dans tous les domaines, en France et en Europe. Cette proposition doit cependant laisser, à mon avis, chacun dans sa définition et son champ d’action. Les partis comme espace de réflexions pour conquérir le pouvoir, les syndicats pour défendre les intérêts d’une catégorie socio-professionnelle, et les associations pour aider les personnes dans une situation particulière. A chacun donc son particularisme mais ensemble dans l’action. Il serait néanmoins souhaitable que tous les partis traditionnels de gauche soient présents pour cultiver ainsi ce qui les unit, plutôt que de rester sur les vielles divisions entre réformistes et révolutionnaires, qui n’ont fait que desservir, dans le passé, la cause des besogneux.
Buonarroti
Merci à nos députés ! Exemplaires lanceurs d’alerte, lucides et résistants, affrontant pied à pied le déni irresponsable de l’holocauste qui vient. La catastrophe annoncée du dérèglement systémique planétaire atteindra à moyen terme sa courbe exponentielle et personne ne pourra s’y soustraire. La stratégie mortifère du capitalisme atteindra et son acmé et son anéantissement. La masse critique inertielle d’évènements incontrôlables avec la révolution des pôles magnétique transformera la planète en cloaque des vanités. Résister aujourd’hui est encore possible, demain il sera trop tard !
Albert
Article un peu long (comme tous), mais c’est vrai que c’est dur de faire face à tant d’abjections en 50 lignes. (Presque) toujours d’accord !
pichenette
Les dix sept personnes qui nous représentent à l’Assemblée Nationale sont véritablement la France Insoumise, diversité sociale, combattivité appuyée par un immense investissement exemplaire porteur des intérêts communs, la belle intelligence de la lucidité ouverte ! Puisse la Convention aboutir à une construction créatrice d’espoir pour le pays s’appuyant sur l’implication réelle de toutes les sincères bonnes volontés dans la réalisation de « l’avenir en commun » !