Comme je le fais parfois ici, sur ce blog, je publie un entretien de presse qui me semble bien rendre compte du sujet sur lequel je me suis exprimé. Dans cet échange avec le groupe de presse Centre France, publié dans l’ensemble des journaux du groupe à l’ouverture de la Convention de Clermont-Ferrand, j’ai trouvé que les questions étaient aussi significatives que les réponses que j’ai faites.
L’une des ambitions de cette convention est de structurer le mouvement, mais craignez-vous de le dénaturer au passage ?
Notre première convention a adopté le programme. La deuxième a désigné nos candidats et cette troisième n’a pas pour but de structurer, mais de stabiliser ce qui a bien fonctionné. Oui, il existe une forte pression, de la part de certains des nôtres comme d’observateurs, pour retrouver les structures familières des partis. Ce qu’on fait est déroutant, je le sais bien, cela casse les codes actuels. De plus, on compte sur le numérique pour évacuer les délégations de pouvoir. Chez nous, pas de délégué général par exemple. C’est un mouvement à têtes multiples. Et tout cela fonctionne très bien grâce à un dénominateur commun : notre programme.
Vous n’êtes pas le chef ?
J’ai une autorité morale, bien sûr et je suis président du groupe. Rien de plus. Notre mouvement est composé de nombreuses strates, entre ceux qui ont adhéré avant, pendant, après les élections…Cette diversité doit être respectée. Un mouvement n’est pas un parti.
Au risque d’une certaine cacophonie… Ce n’est pas un souci ?
Notez que pour l’instant on voit bien qu’il y a des cultures diverses, mais jamais de couac entre nous et, au bout du bout, c’est notre programme qui fait foi. Au groupe parlementaire, aussi, on est différents. Mais chacun a fait preuve de sang-froid. L’essentiel est que tout le monde vote de même. Au Mouvement il n’y a pas de lutte de personne ou d’acrimonie. Enfin le programme, la stratégie et l’organisation étant réglés on a les mains libres pour agir.
L’opposition, c’est vous ?
Oui. Nous avons une position particulière. Notre voix est écoutée, nos jeunes leaders sont connus. Cela nous crée des devoirs. Nous ne pouvons pas rester une petite équipe vaillante qui va la fleur au fusil. Il faut entrainer tout le peuple.
La mobilisation dans la rue face aux ordonnances n’a pas été d’ampleur…
C’est un paradoxe car on sent un fort refus de la politique de Macron. Pourtant, la mobilisation a été très en dessous. En cause la division des syndicats et leur dogme d’une action syndicale sans convergence avec le politique. Cet émiettement n’incite pas les gens à se mobiliser. Je suis pour la création d’une véritable plateforme de résistance car d’autres réformes nocives arrivent. Le président des riches prépare un monde très dur.
Vous avez pourtant concédé récemment que le point était pour Macron. Mélenchon est-il un homme fini ?
Mon devoir est de regarder la réalité en face pour la corriger. Je ne suis pas un exalté qui passe son temps à voir des révolutions là où il n’y en a pas. Et puis, c’est la troisième fois qu’on me fait le coup de la déprime. Je regrette cette tendance actuelle à psychologiser la politique. Je vais bien, merci.
Quels sont les premiers retours des consultations d’adhérents entreprises par la France insoumise ?
Notre mouvement est très divers. Les uns s’impliquent, d’autres se contentent de s’informer ou de suivre. On ne doit pas donner aux résultats dont on prendra connaissance samedi le sens d’un choix de ligne. C’est un plan d’action. Mais le but c’est la mise en mouvement du peuple. Voilà pourquoi nous misons beaucoup sur la méthode Alinski, qui permet l’auto-organisation des personnes dans les entreprises, dans les quartiers… L’ancienne gauche s’est effondrée en laissant des ruines. Des quartiers populaires entiers, la jeunesse dans les universités ont été abandonnés. Partout, c’est souvent un désert militant. Il faut tout reconstruire.
L’anniversaire de Mai 68 approche, vous rêvez d’une révolte de la jeunesse ?
Je souhaite que la jeunesse entre en action, mais au vu des conditions précaires de beaucoup d’étudiants, il leur est difficile de s’auto-organiser.
Certains de vos silences ont pu être interprétés comme des ambiguïtés. C’est une méprise ?
À quoi faites-vous allusion ?
À votre rapport au Front national et à ses électeurs par exemple. Faut-il une clarification idéologique ?
Lorsque je dis “Pas une voix pour le Front national”, et qu’il y a deux candidats, il me semble que c’est clair. Je n’ai pas prononcé le nom de Macron pour ne pas être assimilé a lui. J’avais fait de même avec Hollande. Mais il reste que je suis le seul leader à être allé affronter Marine Le Pen à Hénin-Beaumont. Bref, l’accusation d’ambiguïté était une ruse pour nous pourrir la législative. Elle n’a pas convaincu grand-monde.
Vos rapports avec les médias sont compliqués… Tous dans le même sac ?
C’est eux qui ont un problème avec moi ! Un buzz par semaine ! Je parle d’un « parti » médiatique, tant l’homogénéité idéologique en faveur des thèses libérales y est forte. Bien sûr, il y a des différences. La presse régionale est moins vulgaire que la presse parisienne. Mais dans notre pays, j’affirme que les médias ne sont ni libres, ni indépendant. Notre révolution citoyenne devra changer tout ça.