Lundi 18 décembre, la séance plénière à l’Assemblée nationale examinait un projet de loi autorisant la ratification d’un accord de « coopération renforcée » entre l’Union européenne et le Kazakhstan. Pourtant aucune discussion n’était d’abord prévue sur cet accord. Inscrit en « procédure simplifiée », le texte devait passer en vote sans débat dans l’hémicycle. Le gouvernement ne voulait pas qu’on s’appesantisse sur les relations entre l’Union européenne, ce pays et le nôtre. Mais la discussion a pu avoir lieu. En effet je l’ai obtenue de droit ainsi que j’en ai le pouvoir en tant que Président de groupe.
Ce fut un moment terrible et honteux. L’épouvantable mauvaise foi des contempteurs de la démocratie au Venezuela s’est donnée en spectacle sans vergogne. Car au moment de décider une « coopération renforcée » il a bien fallu supporter ma dénonciation du régime en place au Kazakhstan. Beaucoup dans l’hémicycle découvraient de quoi et de qui il s’agissait. Les députés de « La République en Marche » dont le grand chef et président avait dénoncé comme « dictateur » Nicolas Maduro, le président du Venezuela, ont dû regarder ailleurs et lever le bras pour voter à ce qui revient à une amnistie en faveur d’un abominable tyran, Noursultan Nazerbaïev, président à vie du Kazakhstan. Le tout sans prononcer un mot de critique ni de réserve. Pire : en s’abaissant à lui adresser des compliments indignes de députés d’un pays libre.
Car le régime politique du Kazakhstan qui dure sous l’autorité de la même personne depuis 1984 est bien éloigné du bla-bla bien-pensant de tous ces amis des prétendues « valeurs » de l’UE qui demande aujourd’hui une « coopération renforcée » avec lui. L’OSCE considère qu’aucune des élections organisées au Kazakhstan depuis la chute de l’URSS ne peuvent être considérées comme libres. Lors des dernières élections, face à 3 concurrents choisis par ses soins, Nazerbaïev a réalisé le score de 95% des voix. Un progrès car, la fois précédente, il n’avait obtenu que 90% des suffrages. Dans ce pays, les brutalités policières sont la règle. 163 cas de tortures ont été recensés pour la seule année 2016. Et 17 infractions sont toujours passibles de peine de mort. Les communications électroniques et internet sont publiquement et systématiquement contrôlées par le gouvernement. En effet depuis une loi passée en 2016 un « certificat national de sécurité » est imposé pour tous les utilisateurs d’internet. Tout cela n’empêche pas l’article 235 de l’accord négocié par l’Union européenne de rappeler « l’attachement des parties aux droits de l’homme ». C’est clair ? Nous signons un accord où nous reconnaissons que l’autre partie a le même attachement que nous aux droits de l’homme….
À la tribune de l’Assemblée, cet accord a donné lieu à une écœurante défense du régime dictatorial de Nazarbaïev. Plusieurs députés « En Marche » ou de la droite se sont enfoncés dans une ignominie assumée qu’il faudra savoir leur rappeler quand ils reviendront prendre leurs grands airs à propos du Venezuela. Ainsi, le député LR Jean-Luc Reitzer m’interpelle directement à la tribune pour me faire remarquer que « certains progrès ont été accomplis récemment ». Pour lui, on peut fermer les yeux sur les crimes du tyran puisqu’il a « assuré une certaine stabilité au Kazakhstan ». L’orateur de la majorité, le député Pierre Cabaré a présenté Noursoultan Nazarbaïev comme un ami de la démocratie. Il a pu affirmer que « le Président Nazarbaïev a loué les valeurs françaises, dont il s’inspire ». Pour lui, le régime en place, bien que dénoncé par toutes les ONG, « s’inspire très largement des principes et des valeurs prônées par la Charte des Nations Unies ».
De même, il n’a semblé problématique à aucun des députés des autres groupes que les articles 240 à 243 de l’accord de « coopération renforcée » se réclament de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. Pourtant le Kazakhstan est classé 131ème sur 176 en matière de corruption par l’association Transparency international. Ses dirigeants sont soupçonnés d’avoir corrompu des Français dans le cadre d’une vente d’hélicoptère. La justice française enquête en ce moment même, saisie de faits de « blanchiment en bande organisée », « corruption d’agents publics étrangers » et « complicité et recel ». J’ai donc soulevé tous ces points à la tribune de l’Assemblée en espérant convaincre. En vain. Tous les groupes, à par la « France Insoumise », ont voté pour l’accord. Seul le député Denis Sommer de « la République en Marche » s’est abstenu.
Tous les autres grands esprits et indignés permanents des causes recommandées par les USA ont prouvé là ce qu’ils sont en réalité : de pauvres perroquets ou des ignorants irresponsables. Quant aux médias, on n’est guère surpris par leur silence. Mais pour le plaisir de stigmatiser le niveau honteux auquel ils peuvent s’abaisser, on doit les mettre au défi. On attend donc avec intérêt de voir Madame Salamé interroger sur le Kazakhstan qui elle veut parmi les responsables des partis qui viennent de voter une « coopération renforcée » avec ce pays et son dictateur. Sans oublier Apathie, Cohen et tous les indignés à géométrie variable. Ils ne le feront pas davantage que pour l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Ukraine et n’importe lequel des États dictatoriaux et corrompus qui conviennent aux États-Unis. Et qui arrosent le monde médiatico-politique de faveurs diverses. Car le Kazakhstan est en cause dans une affaire de rétro-commission sur des officiels français. Mais il exporte aussi beaucoup vers la France. De l’uranium. Celui du nucléaire qui nous rend indépendant paraît-il. De l’argent, beaucoup d’argent, circule autour du Kazakhstan. Dès lors, on comprend que l’Union européenne « qui nous protège », incapable de défendre les valeurs dont elle se réclame en Pologne, Hongrie ou Autriche, propose aussi des « coopérations renforcées » avec les pires dictatures.
Et pendant ce temps, toujours au nom des « valeurs » dont se réclament ces amis du régime tortureur de Nazarbaïev, le Parlement européen vote des sanctions contre le Venezuela. Et il accorde à l’opposition du Venezuela son prix « Sakharov » attribué aux défenseurs de la liberté. Que cette opposition soit en réalité multiple et divisée, qu’elle se livre des guerres mortelles entre elle, ne dérange aucun de ces grands esprits. Et donner des violents en modèle d’opposition ne les dérange pas davantage.
Pourtant, ce mardi 19 décembre, Oscar Perez, opposant violent au régime, s’est vanté publiquement de l’attaque d’une caserne de la Garde Nationale Bolivarienne. Il s’y est emparé de 26 fusils AK-103 avec 108 chargeurs et 3 pistolets 9 mm et 3 chargeurs. Des armes de guerre, pour quel débat ? Et d’abord, qui est cet Oscar Perez, opposant héros des européens ? Un ancien policier qui revendique le renversement du gouvernement Maduro par les armes. Il s’est fait connaître le 27 juin dernier, au milieu d’une vague de manifestations contre le président Maduro. Ce jour-là, Perez et d’autres amis de l’Union européenne et de Léa Salamé avaient survolé Caracas à bord d’un hélicoptère de la police scientifique dont ils s’étaient emparés. Ils avaient lancé démocratiquement quatre grenades sur le Tribunal de la Cour Suprême de Justice et ouvert le feu avec lyrisme sur le ministère de l’Intérieur.
Tel est le style ordinaire de l’opposition primée par l’Union Européenne qui a le mérite d’agir alors qu’elle manque de papier hygiénique comme nous l’a appris Léa Salamé. Oscar Perez est, depuis une autre attaque armée au mois d’août, accusé d’attaque terroriste et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. Une odieuse persécution, cela va sans dire. Il sera surement défendu avec ardeur sur France 2. Pourtant ce genre d’attaque n’est pas anodin. Il s’inscrit dans un renouveau généralisé du climat de violence organisée à l’initiative des USA dans de nombreux pays d’Amérique latine. Le parti médiatique, génétiquement atlantiste, fait le service après-vente par son silence, ses mascarades et ses diversions sur le Venezuela.
La fraude électorale au Honduras a provoqué 15 morts lors des affrontements de l’armée avec les partisans de la démocratie. Après quoi le président putschiste, Juan Orlando Hernandez nomme René Orlando Ponce Fonseca comme nouveau Chef d’Etat-major. Ce nom ne dit rien à personne ici, mais sur place c’est un synonyme de ce qu’il y a de pire. Car cet homme a été à la tête des escadrons de la mort une organisation paramilitaire responsable de milliers de disparus. Cela veut dire que kidnapping, tortures, exécutions sommaires vont recommencer dans ce pays. Tout le monde le sait. Le silence sur le sujet dans notre chère « Europe des droits de l’homme » et du prix Sakharov n’est sûrement pas obtenu par le gouvernement du Honduras. Il n’a pas les moyens de l’acheter. Les USA de Trump, par contre, sont en état d’ordonner et d’être obéi.
On voit de quel côté est la duplicité, la mauvaise foi, la servilité à l’égard des puissants et des pires violents. On comprend peut-être mieux l’énormité du montage qu’a été le traquenard que nous a tendu France 2 à propos du Venezuela. On comprend mieux peut-être le mépris et le dégoût que de tels gens nous inspirent. On suivra donc avec attention ce que Macron va proposer pour faire cesser « la honte nationale » qu’il a dénoncé à ce sujet.