Les premiers jours de l’année auront été animés par trois séries d’annonces qui soulèvent de grands problèmes propres à débattre. Il s’agit d’abord des déclarations du président de la République sur le contrôle de la diffusion des « fausses nouvelles ». Notre proposition de « Conseil déontologique » prend tout son sens dans ce contexte. Ensuite, il s’agit des déclarations de guerre aux chômeurs que le gouvernement a faites. Enfin, c’est aussi la trouvaille de François de Rugy de nous demander le vendredi 28 décembre pour le 4 janvier d’approuver toutes sortes de lubies et de réformes du Parlement et des principes républicains au motif de l’anniversaire du traité de l’Elysée des années soixante sur les relations franco-allemandes. Je traite de tout cela pour me remettre sérieusement à mon clavier hebdomadaire.
L’année reprend pour nous avec une série de petits bashings qui favorisent le trafic des pompes à clics. Cette fois-ci, ce sont mes comptes de campagne présidentielle qui permettent de jeter un peu de fiel et de doutes sur moi. Pourtant, mes comptes ont été rendus à l’heure. Et ils ont été validés par la Commission, je veux le souligner. Pour cela, j’ai dû répondre par écrit à des centaines de questions qui arrivaient par paquets au fil des semaines pendant trois mois. Je dis bien des centaines. Celui qui rapporte sur mes comptes est payé pour poser des questions sans reculer devant aucun détail. Il trouve sa paye insuffisante. C’est son droit. Personne autour de moi n’est payé par la Commission pour répondre, quel que soit le temps que prend la recherche de la réponse précise demandée.
Mes comptes ont été validés, je le répète. Mais le rapporteur de mon dossier a démissionné. Il aurait souhaité qu’on me rembourse un million et demi de moins. Une paille ! Je ne sais pas de quelle dépense il est question et, d’ailleurs, ce n’est pas mon affaire. Peut-être d’autres rapporteurs ont-ils démissionné de même ? On ne nous le dit pas. J’ignore absolument quelles dépenses ce rapporteur jugeait non remboursables et, dans ces conditions, je ne peux donner mon avis sur ses impressions. En tous cas, les échelons au-dessus de lui ont jugé comme c’est leur rôle. Et il n’a pas été suivi. Ce n’est pas de ma responsabilité. J’ai déclaré toutes mes dépenses sans exception car c’est une obligation de le faire. Le but de telles déclarations est certes le remboursement des frais jusqu’au plafond de 9 millions. Mais c’est surtout de montrer qu’on n’a pas dépassé le maximum de dépenses permises qui est fixé à 16,851 millions d’euros pour le premier tour de l’élection présidentielle.
J’ai donc déclaré absolument tout, tout jusqu’au détail, de ce que j’ai dépensé dans cette campagne, non dans l’espoir de voir tout remboursé mais pour prouver que j’ai respecté la loi. Mais c’est à la Commission de savoir ce qu’elle décide de rembourser ou non, je n’ai aucune part à ce type de décision. C’est une affaire qui concerne la Commission, ses normes, son fonctionnement et peut être les préférences politiques des rapporteurs (le mien a été directeur de cabinet du ministre PS Louis Mexandeau). Je ne suis nullement personnellement concerné. Mais Le Parisien m’a placé comme cerise sur un gâteau pour le reste totalement indigeste et assez ténébreux. Pour amorcer la pompe à clics, rien de mieux que mon nom. Aussitôt, la meute s’est mise en mouvement et on finirait par croire que la sincérité de mes comptes est en cause, que je suis concerné personnellement par le différend entre ce rapporteur et ses supérieurs dans cette Commission. Je le rappelle : mes comptes ont été validés. Et personne ne les met en cause. Nous allons donc maintenant éplucher chaque parution sur le sujet conformément à notre stratégie pour faire sanctionner la diffamation et tâcher de le faire payer aussi cher (au propre et au figuré) que possible à ceux qui auront participé si peu que ce soit à de la diffamation sur ce sujet. Je demande donc aux lecteurs de relever tout ce qu’ils voient passer sur ce sujet sur les réseaux, que cela vienne aussi bien de sites que des personnes privées, car la loi permet de punir les personnes privées qui prennent l’initiative de colporter de fausses nouvelles, diffamations et ainsi de suite, comme nous l’avons prouvé dans le passé en obtenant la condamnation de gugusses de ce type. À bon entendeur, salut !
La diffusion de fausses nouvelles, « fakes news » en anglais, est la nouvelle obsession des puissants en Europe et aux USA. Bizarre. Car les questions soulevées ne sont pas vraiment neuves. La discussion à propos de la part du vrai et du faux dans les médias n’a pas commencé ces temps-ci. Le président Macron à son tour entre dans la danse. À première lecture de ses propos, dans le contexte médiatique français et mondial actuel, le risque d’une législation liberticide est évident. Les propos présidentiels ne visaient que l’information en ligne. Les têtes à claques, ici, ce sont les deux médias financés par la Russie : Russia Today et Sputnik. Le Parlement européen, où toutes sortes de lobbies sont très influents, s’est déjà distingué par des résolutions très violentes où sont explicitement visé ces médias russes. En effet la Russie et bientôt la Chine peut-être ont compris le rôle du « soft-power ».
À l’ère du peuple, de la fusion de l’industrie du spectacle et de l’information, de l’image et du discours, le contrôle de l’opinion est dorénavant considéré comme aussi important que celui des frontières. Peut-être s’agit-il de la même chose dans l’esprit des maîtres du monde. Les deux médias russes donnent donc un bon prétexte. En prévoyant de les taper, ce qui est considéré comme utile par les USA, les mêmes pourront taper plus large et atteindre d’autres cibles. Car on ne fera jamais une loi pour des cas particuliers. Pourquoi essayer de le faire croire ? En fait, les médias qui diffusent de l’information en ligne se retrouvent seuls pointés du doigt comme les seuls propagateurs de « fausses nouvelles ». En effet, les sanctions évoquées par le président ne concernent que l’usage d’internet. Elles frappent forts : fermeture de site ou de comptes utilisateurs sur les réseaux sociaux.
Pourtant, des médias traditionnels sont tout aussi capables de « fake news » que les autres. Par exemple, le 7 décembre 2016, le journal de 20h de « France 2 » diffusait un reportage sur un café à Sevran prétendument « interdit aux femmes ». Avec cette fausse information « France 2 » avait déclenché sans objet un débat général au fort relent de racisme. La chaîne avait fait le même coup avec la viande hallal en 2012, tuant d’autres débats bien plus importants, en pleine présidentielle. L’information était en fait fausse, comme l’a démontré par la suite un média en ligne. En fait plusieurs médias avaient mené une campagne dont le but évident était de faire progresser le Front national en vue d’une prise en otage de l’opinion publique du type de celle que nous avons connu avec le « choix » Le Pen-Macron. On peut donc entendre le président quand il pointe du doigt que d’une façon générale, le délabrement moral de l’information dite de « service public » est un problème grave pour la dignité des citoyens qui le financent. Il est évident aussi que dans le secteur public, le système de l’externalisation généralisée des productions et le recours à des emplois d’intermittents permanents surexploités est une source d’abus financiers et sociaux innombrables et intolérables dont les conséquences ne se limitent pas aux seuls arrangements entre amis sur tel ou tel cas.
On ne peut que le rejoindre quand il parle de ceux qui ne visent qu’à salir à n’importe quel prix dans le but de faire marcher la pompe à clic qui est surtout une pompe à fric. « La France insoumise » en sait quelque chose puisque sans interruption ses députés, ses porte-paroles ont subi ces derniers mois leur lot abject de nouvelles absolument fausses, délibérément mensongères, et ceci dans tous les types de supports, qu’ils soient radiophoniques, télévisuels, papiers ou en ligne. Il n’y a pas que nous qui sommes spécialement maltraités. Un effet de système est à l’œuvre. Il privilégie « le scandale », la « révélation » et le zèle pour plaire au pouvoir.
Le président n’aborde pas cet aspect de la réalité dans la dynamique particulière de la « fausse nouvelle ». On doit pourtant s’interroger sérieusement. Un tel effet de système n’est pas neutre pour une démocratie. Répandre en permanence des informations visant à montrer les élus comme des personnages suspects, corrompus et cupides conduit, toujours et depuis tout le temps, à ce que, pour finir, la démocratie elle-même soit mise en cause. Aucune personne informée et cultivée ne peut ignorer cela compte tenu de l’expérience acquise dans ce domaine dans le monde entier. Si le président n’en souffle mot, c’est peut-être parce qu’il pense y trouver son compte. On se souvient du mois de juillet et de la loi sur la confiance bla-bla : quinze jours non-stop à dénigrer les parlementaires. Et il a dans sa ligne de mire la réduction du nombre des parlementaires, autre manière de continuer la réduction du rôle du Parlement.
Ce n’est pas le seul manque criant de son discours. Alors même qu’il affirme vouloir renforcer la qualité de l’information le président ne dit rien des conditions sociales de ceux qui la fabriquent. C’est pourtant décisif. Il ne dit rien non plus des conditions intellectuelles de cette production. L’indigence et le formatage des « écoles de journalistes », l’absence de diplôme national de la profession et le règne de « la bonne adresse de l’école », rien de cela n’entre en ligne dans le discours contre la propagation des « fausses nouvelles ». Et rien non plus sur le problème que soulève « l’information automatique » sans intervention humaine, en particulier avec l’arrivée des robots journalistes et des agences de production de l’info en ligne.
Cibler les médias en ligne n’a donc pas grand sens s’il s’agit de lutter contre la « désinformation ». Cela comporte par contre un très grand risque. Internet constitue un espace de diversité et de pluralité face à un champ médiatique particulièrement concentré. La plupart des médias privés, audiovisuels ou papier appartiennent à quelques grands groupes de presse, eux-mêmes possédés par un petit nombre d’actionnaires qui sont aussi propriétaires des plus grandes entreprises du CAC40. Menacer l’information en ligne par des mesures liberticides, c’est donc prendre le risque de faire disparaître cette diversité éditoriale. Le pluralisme, déjà bien contingenté, pourrait tout simplement disparaître.
Dans ce domaine, il faut voir que la conjonction de plusieurs mesures qui sont dans l’air pourrait avoir un effet déflagrateur. Par exemple, aux USA, Trump a aboli la neutralité du net. En Europe, cette question est déjà sur le tapis depuis de nombreux mois, via les débats au Parlement de Strasbourg. De quoi s’agit-il ? Cela signifie que tous les sites ne seront pas connectés à la même vitesse d’utilisation. Les uns iront bien vite pour s’ouvrir et passer d’un point à un autre en lien hypertextuel, les autres rameront comme sur de vieux ordi dans les zones de fracture numérique… Qui ira vite, qui ira moins vite ? C’est l’argent qui décidera. Vers qui vous-même vous dirigerez-vous en priorité entre les lents et les rapides ? Devinez ? Mes lecteurs les plus anciens se souviendront que je suis déjà intervenu sur ce sujet, à la suite des lanceurs d’alerte associatifs, au Parlement européen.
Après le discours du président, un point encore mérite spécialement discussion. Qualifier une nouvelle de « fausse » est une chose moins simple qu’il y paraît. De nombreuses affirmations, fournies comme des « informations » reposent d’abord sur des préjugés, des opinions, des points de vue ou des interprétations. Distinguer l’énoncé d’un fait et son commentaire n’est pas souvent chose facile. C’est une question d’opinion. Or, la liberté d’expression ne peut accepter un contrôle a priori. Les lois qui l’encadrent sont précises et argumentées, principielles, et leur champ d’application n’est pas extensible sans débat. Elle fait partie des droits de l’Homme fondamentaux. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme stipule par exemple que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. ».
Je demande une seconde lecture de votre part sur ces trois lignes. Puis rapportez-les à ce qui se discute à l’initiative du président et vous verrez que nous sommes en plein sur le terrain de la discussion d’un droit fondamental. Ce que certains peuvent considérer comme des « fausses nouvelles » peut être considéré par d’autres comme une interprétation acceptable. Laisser le juge apprécier ce qui est « vrai » en matière d’information, comme semble le souhaiter M. Macron, n’est donc pas forcément une bonne idée. Si la loi de 1881 contre la diffusion des fausses nouvelles est si peu fréquentée, ce n’est pas pour rien. Dans la tradition juridique française, la liberté d’expression n’est limitée que pour des cas de diffamations ou d’incitations à la haine. La loi punit des actes, pas des intentions ou des opinions. Il n’existe qu’un seul cas ou la loi définit la vérité, c’est celui de la loi Gayssot. Cette loi interdit que l’on nie la réalité de la Shoah. Elle considère ainsi que cette négation est une incitation délictueuse. Impossible bien sûr, de généraliser cet exemple. Qu’est-ce que ça pourrait bien donner dans le compte rendu de la vie quotidienne de tel ou tel secteur de la société ? Est-ce possible, tout simplement ? Par exemple, les journalistes sont censés être protégés par le secret des sources. Seront-ils forcés, au nom de la lutte contre les « fausses nouvelles », de briser le secret sur l’identité de leurs sources devant le juge ? Ce serait une atteinte évidente aux libertés de la presse.
Les précautions extrêmes s’imposent donc. Car les sanctions évoquées par Macron sont très lourdes. Il s’agit d’aller jusqu’à la fermeture de sites internet ou de comptes d’utilisateurs des réseaux sociaux après une procédure judiciaire « en référé ». Ce type de procédure signifie que le juge doit statuer dans l’urgence et provisoirement, dans l’attente d’une décision sur le fond. Cette procédure est jusqu’à aujourd’hui utilisée pour protéger les libertés. Notamment pour interdire un acte qui pourrait être attentatoire à une liberté fondamentale. Ici, c’est le contraire : le président propose que le juge puisse, en quelques jours, décider d’interdire l’accès à un site internet, c’est-à-dire à préjuger contre l’exercice d’une liberté fondamentale.
Émettre ces critiques sur les propositions du président, ce n’est pas nier qu’il y ait des problèmes dans notre système d’information. Les fausses nouvelles en sont un. La calomnie et la flétrissure permanente, nommée « bashing » en anglais, est un problème que nous connaissons bien à « La France Insoumise ». Par exemple, quand en dépit de démenti argumenté, mise en demeure et ainsi de suite, le journal Capital décide de prolonger la diffusion de diffamations sur mon compte à propos de l’acquisition d’une permanence il y a vingt ans, il ne reste d’autre issue qu’un procès qui ne sera pas tranché avant des mois. Quand des diffuseurs en ligne comme Orange et MSN affichent les calomnies délibérées de Capital, ils supposent que les faits annoncés sont fondés. Ils ne vérifient pas. Mais si on peut s’adresser à la « rédaction » d’Orange et obtenir le retrait de la diffamation, par contre MSN n’a pas d’adresse en France, pas d’interlocuteur qui réponde. L’agence qui pond l’info mise en ligne vous répondra de son côté qu’elle n’est pas responsable de ce que le site décide de mettre en ligne. Et ainsi de suite. Il faut relire Hannah Arendt pour comprendre le mécanisme de dilution de la responsabilité morale dans une procédure technocratique et on verra qu’il n’y a pas de limite au mal qu’un tel mode d’organisation peut générer.
Emmanuel Macron a raison : il y a un problème pour la démocratie avec la sphère médiatique. Nous avons proposé pour y remédier de créer un « conseil de déontologie des médias ». C’est une solution qui est préférable aux propositions émises par le président de la République. D’abord, un tel conseil permet de confier le problème des informations de mauvaise qualité, non vérifiées ou mensongères à un organisme indépendant de l’État. Dans les pays où ces conseils existent, ils fonctionnent sous forme associative, gérés par des membres de la société civile et du monde des médias. Je crois qu’on pourrait convenir qu’étant donnée le caractère fondateur pour la démocratie des principes de liberté d’opinion, de liberté d’expression et de liberté de la presse, il est préférable que l’État ne puisse pas dicter ce qui est une « vraie » ou une « fausse nouvelle ». Il est trop dangereux d’imaginer une « vérité vraie » officielle.
Ensuite, Emmanuel Macron a choisi une approche uniquement répressive et de censure. Pourtant, sur ce sujet, des sanctions symboliques suffiraient. En effet, ce qui fait perdre son efficacité à des fausses nouvelles c’est précisément qu’elles soient reconnues comme telles. Cela serait la mission du conseil de déontologie. Il pourrait aussi avoir une vertu pédagogique et faire évoluer notre système d’information dans le bon sens en enquêtant sur la fabrication des informations mensongères et les causes de leur diffusion. Car c’est bien une réflexion d’ensemble sur la presse et son modèle qu’il faut avoir. Sur internet, la chasse aux « clics » dont le nombre détermine le revenu publicitaire pousse au sensationnalisme plutôt qu’à l’exactitude. La précarité d’un grand nombre de journalistes ne permet pas la rigueur dans la vérification des informations. Le conseil de déontologie pourrait mettre à jour et éclairer la responsabilité tous ces mécanismes pervers. Leur connaissance éduquerait le public et contraindrait les responsables de tous niveaux à la rigueur professionnelle
Plus de 170 000 personnes ont déjà signé la pétition sur change.org pour créer ce conseil déontologique. L’idée présente l’avantage de respecter les libertés fondamentales et de proposer une évolution positive pour notre système médiatique. Nous avons fait le pari du dialogue avec le président sur ce thème. Nous partons de l’idée qu’il agit peut-être impulsivement et que l’échange devrait permettre d’aboutir à des solutions raisonnables et protectrices des libertés face aux problèmes posés. Le rendez-vous est demandé. On verra s’il aboutit.
La presse a révélé la semaine dernière le plan du gouvernement pour contrôler et punir les chômeurs. Les déclarations de cet automne de M. Castaner sur ceux qui « touchent les allocations chômage pour partir deux ans en vacances » ou du député macroniste Damien Adam sur les chômeurs qui « partent en vacances aux Bahamas » n’étaient donc pas fortuites. Elles préparaient une grande offensive. Le but est de pointer du doigt les chômeurs, de faire croire qu’ils sont responsables de la persistance du chômage de masse dans notre pays. Pourtant, lorsqu’ils sont contrôlés – ils le sont déjà – Pôle Emploi constate que 86% d’entre eux sont bien en recherche active d’emploi. Et sur les 14% restant, près des deux tiers ne perçoivent aucune indemnité.
Pour Macron, cela n’est pas encore suffisant. Il a confirmé depuis ses vacances qu’il préparait bien un renforcement des contrôles et des sanctions. Il est question d’un bilan mensuel d’activité dont les chômeurs devront s’acquitter auprès de Pôle Emploi. Si la recherche d’emploi est jugée insuffisamment active par l’administration, ou si la personne refuse une formation ou deux offres d’emploi, elle pourra voir son indemnité réduite de 50% pendant deux mois, puis supprimée pour la même durée. Pourtant, ce n’est pas la charité qui indemnise les chômeurs. Ils le sont parce qu’ils ont payé des cotisations sociales sur leurs précédents salaires. Le gouvernement compte multiplier par cinq les effectifs de ceux qui contrôlent les chômeurs pour augmenter le nombre de sanctions. Il refuse par contre de créer les 3000 postes de contrôleurs fiscaux qui permettraient de revenir aux effectifs de 2010. Ceux-là pourraient pourtant récupérer 80 milliards d’euros de fraude et d’évasion fiscale. À titre de comparaison, la fraude aux allocations chômage représente chaque année 58 millions d’euros, soit 1380 fois moins.
Dans les pays où il a été adopté, le contrôle renforcé des chômeurs n’a eu aucun effet sur le retour à l’emploi. Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, on a constaté que les obligations administratives renforcées sur les chômeurs pouvaient au contraire avoir pour effet de les décourager. En Suisse, cela a contraint les chômeurs à accepter des offres d’emploi de mauvaise qualité et très précaires. Et donc d’accroître leur retour au chômage dans un délai rapide. Tandis que sans la menace d’une baisse ou d’une suppression de leur indemnité, les personnes auraient pu davantage se concentrer sur l’obtention d’un emploi stable.
Le mythe de la responsabilité des chômeurs face à leur situation provient de la thèse des emplois non pourvus que nous avons plusieurs fois déconstruite ici même. J’y reviens une fois de plus. Selon Pôle Emploi, environ 190 000 offres d’emploi ne sont pas pourvues en une année. Un chiffre qu’il faut rapporter aux 24 millions d’offres qui le sont. Au total, 99,6% des offres d’emplois sont pourvues. Il ne reste donc qu’une offre non pourvue pour 44 chômeurs. Et encore, c’est considérer que toutes les offres publiées le sont pour être pourvues. Mais l’expérience montre que des employeurs publient des offres pour accumuler des CV et qu’ils publient parfois aussi la même offre via d’autres canaux que Pôle Emploi. Si l’on prend cette fois le nombre d’offres qui sont retirées du marché faute de candidat adéquat, on obtient le chiffre d’une offre pour 300 chômeurs. Tout cela est dérisoire !
La cause du chômage de masse est avant tout une pénurie d’emplois. On ne peut contourner le débat sur l’origine politique du chômage de masse. Ce fléau ne peut cesser qu’à condition d’un plan de relance publique vers des activités productives et écologiquement responsables : transition énergétique, économie de la mer, construction de logements, services publics, etc. Le gouvernement sait que sanctionner les chômeurs n’aura pas d’effet sur le niveau du chômage. Son seul objectif est de satisfaire l’opinion de cette part de la droite anti-populaire aigrie qu’il courtise pour s’imposer comme représentation politique de ce secteur de l’opinion. La haine du pauvre, le mépris pour le chômeur est un poncif récurrent de ce secteur. Le moment venu le gouvernement affichera de petites économies faites sur le dos des plus déshérités et de ceux qui en bavent le plus. Un ou deux titres de presse coutumiers publieront une « enquête » ou deux arabes et trois marginaux seront dénichés et montré du doigt comme figure emblématique de la triche et les conversations de comptoir feront le reste. Le seul effet sera donc d’accroitre la misère et la division parmi les victimes du système.
Car le chômage engendre une grande misère pour ses victimes. Il tue même. Une étude a estimé à 14 000 le nombre chômeurs qui meurent par an à cause de leur situation sociale. La mortalité est trois fois plus élevée chez les chômeurs que chez ceux qui ont un emploi à cause des suicides, de la dépression, du manque de sommeil, du stress. C’est le coût du malheur que le gouvernement ignore quand il décide, par exemple, de supprimer 200 000 emplois aidés qui permettaient à autant de personnes de reprendre pied. Si le gouvernement veut vraiment s’attaquer à ce problème, il peut reprendre une proposition de L’Avenir en commun : les contrats coopératifs. Elle s’inspire d’une expérimentation conduite par l’association ATD quart monde : « territoires zéro chômeurs ». L’idée est de partir des besoins sociaux pour résoudre le problème du chômage. De nombreux besoins sont en effet non pourvus, faute de financements, dans les associations et dans les services publics. Le dispositif des contrats coopératifs permet de financer une partie du salaire correspondant à ces emplois grâce à l’argent des aides versées au chômeur. Il ne s’agit pas d’obliger le chômeur à accepter n’importe quelle offre mais de lui en proposer une dans le secteur non marchand, dans une dimension de service d’intérêt général. Une telle politique, en réduisant par deux entrées le chômage, créerait aussitôt une remontée de consommation populaire et donc des emplois qui en dépendent, allégeant partout la facture sociale du chômage de masse et la pression à la baisse des salaires par la compétition pour le même emploi.
Vendredi 29 décembre dernier, monsieur de Rugy adressait aux groupes parlementaires de l’Assemblée nationale deux textes à signer pour la date limite du 4 janvier. Il s’agit d’un accord entre le Bundestag et l’Assemblée nationale d’une part et d’une résolution commune en direction de nos gouvernements respectifs en France et en Allemagne. Cela en vue de l’anniversaire du traité de l’Elysée qui a ouvert la nouvelle période amicale des relations franco-allemandes. Compte tenu de l’importance de ces textes et du bref délai consenti, quand bien même étions-nous tous en pause, nous les avons évidemment immédiatement étudiés vendredi, samedi, dimanche 31, le lendemain et ainsi de suite, bien sûr ! Évidemment, ces textes ne sont pas amendables, ils ont été écrits sans nous et nous sommes invités à signer pour approbation ou à ne pas le faire.
Nous ne signerons pas.
Pas seulement en raison du procédé brutal et autoritaire coutumier de la présidence de Rugy qui avait pourtant promis une préparation coopérative de l’anniversaire du traité de l’Élysée. Mais parce que ces textes sont d’abord une faute à l’égard de la communauté des nations parties prenantes de l’Union européenne qu’ils méprisent en les ignorant. Le format bilatéral franco-allemand prolonge une situation totalement dépassée depuis l’époque de l’Europe des six. Il ne mentionne les autres nations que comme autant de potiches sur la cheminée de l’illusoire bon vieux « couple franco-allemand ». Ce « couple » est ressenti à juste titre comme un directoire aussi arrogant qu’archaïque. Pour entretenir la fiction de cette relation privilégiée, les auteurs en viennent à dédaigner les relations et affinités réelles de la France avec l’Europe du sud et de langue latine. En effet c’est avec elle surtout que « nous sommes le plus étroitement liés au plan politique et sociétal » comme le dit le texte qui réserve pourtant cette affinité à la seule relation franco-allemande. La France n’est pas dans son rôle quand elle écarte ses interlocuteurs historiques.
Nous ne signerons pas. Parce que le contenu de ces textes ne correspond pas aux urgences de notre temps en Europe. La paix ne vient que par la préparation commune de la guerre. L’harmonisation sociale évoquée ne comporte aucune clause de non régression des droits acquis. Les textes n’envisagent aucune amélioration concrète nouvelle, pas même l’élévation du SMIC allemand au niveau français. L’économie n’est envisagée que sous l’angle du droit des sociétés privées ou le culte des nouvelles technologies. La crise de l’écosystème n’est abordée que pour renvoyer aux documents insuffisants déjà signés et à la création d’un marché carbone. Ainsi le pays le plus émetteur de gaz CO2 d’Europe et celui qui est le plus nucléarisé n’ont rien à dire sur leurs responsabilités devant la mise en danger de mort de l’écosystème.
Au total, ces textes sont indigents soit par le niveau de généralité auquel sont limités leurs vœux soit par une obsession économique bornée aux seuls critères techniques rabâchés du libéralisme le plus éculé.
Nous ne les signerons pas aussi parce qu’ils contiennent de nombreuses dispositions contraires à la nature Républicaine spécifique de la France en tant qu’État unitaire. L’attribution aux « districts européens » de compétences élargies et même de droits « d’expérimentation législative » constitue un changement de cap institutionnel dont nous ne sous-estimons pas le potentiel destructeur. C’est une chose de prendre en considération les revendications indépendantistes lorsqu’elles existent et que le vote des peuples les affirme. C’en est une autre de propager le démembrement de la souveraineté collective du peuple en « districts » concurrents, et d’engager le processus de destruction de l’État Nation, seul cadre actuel où s’exerce cette souveraineté. Nous voulons une Europe des peuples. Nous refusons les expérimentations hasardeuses qui commencent par défaire la France.
Une fois de plus les rédacteurs de ces textes, avec leurs méthodes a-démocratiques inséparables des objectifs de leurs « résolutions », usent du passage en force pour faire endosser des positions dont le grand nombre ne voudrait jamais si on lui demandait son avis. Une fois de plus les inspirateurs de ces textes veulent faire comme si les progrès de l’Europe de l’argent, de l’armement et du relativisme écologique étaient le progrès de l’Europe elle-même. Et cela alors même que les peuples sont tenus à l’écart de la décision, que leur refus de la guerre est ignoré, leur objectif de bien-être oublié, leur priorité pour l’impératif écologique nié.
Une fois de plus deux visions du futur de nos sociétés s’opposent. Le projet de la droite allemande et du parti présidentiel en France n’est pas celui du peuple républicain écologiste et social dont nous portons la parole. Certes eux ont aujourd’hui le pouvoir de décider. Mais nous avons le devoir de résister et de proposer de faire autre chose, autrement
87 commentaires
Alain Doumenjou
C’est peut-être un peu HS mais finalement pas tant que çà. Pour une fois qu’il y a une bonne nouvelle judiciaire et qui devrait faire jurisprudence. On apprend qu’aujourd’hui même la Cour de Cassation luxembourgeoise vient de casser et d’annuler la condamnation du lanceur d’alerte Antoine Deltour (à l’origine de l’affaire Lux Leaks) condamné en première instance et en appel. L’affaire sera donc rejugée devant une Cour d’Appel autrement composée, mais la Cour de cassation en lui reconnaissant le statut de lanceur d’ alerte et l’immunité qui devrait s’y attacher (ce que les juridictions précédentes avaient refusé de faire) lui donne des armes très solides pour sa défense lors du prochain procès.
olivier
Les médias, détenus par les puissances de l’argent ou par l’État, nous mentent en permanence par omission. Jamais de sujets sur le lien entre les interventions militaires au Moyen-Orient et en Afrique et le contrôle des ressources énergétiques, aucun bilan du nombre de personnes tuées par nos bombardements. Et bien sûr aucune transparence sur les objectifs cachés des rédactions et de ceux qui s’y trouvent. En permanence sur toutes les chaînes, l’apologie de la consommation et des grosses voitures. Tous ces « larbins », comme disait je crois Jean-Luc Mélenchon, de journalistes et d’éditorialistes sont là pour formater l’opinion des gens. Et les idées trop à gauche, ou trop vertes, sont soigneusement évitées sur tous les plateaux. Ce n’est pas être conspirationniste que de constater cela, c’est simplement de la lucidité.
PIETRON
Après plusieurs années d’activité professionnelle au pole emploi (Assédic puis au pole emploi de la fusion abracadabrantesque avec l’ANPE), la spirale du non sens a été une constante politique. L’Assédic présentait l’avantage d’être l’organisme payeur géré de manière paritaire (pas la panacée mais ça limitait les dégâts pour les chômeurs et le personnel). La fusion avec une structure « placière » (l’ANPE), dont les agents contre espèces sonnantes et trébuchantes ont abandonné leur statut public, a sonné le glas d’un véritable service public de l’emploi. Dans cette usine à gaz, les chômeurs sont ballottés tel un « stock » qu’il faut réduire à tout prix pour satisfaire des stats. Et surtout ceux qui sont indemnisés (1 chômeur sur 2). La fiscalisation de l’assurance chômage va aggraver la situation avec une pression totale du gouvernement et des sbires à la tete de l’organisme pole emploi (pas le dessus du panier loin de là).
L’offre capitaliste c’est la contraction de…
marie
Macron dans ses derniers propos, considère qu’il faut se méfier des intellectuels qu’il oppose au peuple, incapable de réfléchir, c’est bien connu. Une nouvelle preuve de son mépris et de son arrogance. Donc, qu’il décide du temps de parole de ses opposants est dans la même logique, celle de confisquer la parole, avec toujours et encore, l’appui des médias, sans nul doute. Il serait peut-être temps de se réveiller, non ?
koba
La censure d’internet avec Macron est ce qu’il y aura de plus grave. En même temps ce n’est pas étonnant quand on voit qu’il était le candidat des banquiers, du journal le Monde etc. qui prévoie déjà depuis plusieurs années d’être le tribunal de la raison (« décodex »).
Cela pose la question de sortir de Facebook / Twitter et de revenir à ce qu’était internet au début, un lieu où l’on partageait directement les liens, où l’on s’aventurait sans passer sans cesse par les réseaux sociaux. Car la censure d’internet a déjà commencé et elle n’est possible qu’avec le soutien de ces grands réseaux sociaux qui font déjà payer la visibilité, et font silencieusement disparaître toute opposition.
DPAT1
Merci pour ces précisions importantes concernant le % de chômeurs actifs et des non actifs. Cela ramène le % des « profiteurs » à 4%, alors que les fraudes coutent 80 milliards pour 58 millions pour la fraude chômage, soit moins de 0.1% du total de ces 2 fraudes. Les priorités deviennent claires et la manipulation de l’opinion encore plus claire. Les emplois non pourvus sont aussi un % très faibles par rapport à la masse de l’offre. Merci pour ces informations.
Invisible
Taxe inondations maintenant. Ça devient de plus en plus l’état providence. Il faut ponctionner tout le monde pour que ces messieurs les gestionnaires élus indemnisent des entreprises qui ne veulent pas payer des assurances proportionnelles à leur risque. Désormais, c’est l’entreprise l’objet de toutes les aides, cadeaux, subventions. Que les nécessiteux, eux, veuillent bien prouver qu’ils sont assez obéissants pour recevoir une obole. En AURA, Wauquiez n’arrête pas de verser des fonds pour des privés qui voient ainsi grossir leur patrimoine. Sans contrepartie.