Une certaine hollandisation du pétulant Macronisme semble s’installer. Sur tous les sujets surgis dans l’actualité, une gélatineuse inaction semble s’être étendue. Lactalis, prisons, Carrefour, EHPAD, et tutti quanti ? « On verra, ça va se régler, prenons le temps d’entendre les conclusions de la commission Théodule, notre méthode est la concertation ». Le manège tourne donc à nouveau. Tout bouge sans changer de place et les passagers sautent pour attraper le pompon en vue d’un tour de plus.
Mais nonobstant les foules en délire à Dakar, dans les deux circonscriptions métropolitaine, Macron s’est pris une taule électorale. La sanction est nette, quel que soit le côté par lequel on examine le résultat. C’est un évènement. Il est parlant. Ici la sanction touche plus profond qu’il y parait. Car au-delà des aspects partisans, la réalité sous-jacente de ce contexte compte autant que le résultat lui-même. La voici : jamais de toute la cinquième République des élections partielles survenant si près de l’élection présidentielle n’ont atteint un tel niveau d’abstention.
Sur ce plan, le deuxième tour a été pire que le premier. Comme si le duel entre deux droites ne concernait plus une bonne partie des électeurs du premier tour déjà peu nombreux et donc très politisés. Vu de plus haut que l’instant, tout cela signifie que les élections d’avril dernier n’ont pas purgé les tensions politiques du pays comme c’est le cas d’ordinaire en démocratie. La société reste en « état sur-critique » comme on le dit d’une pente neigeuse menacée d’avalanche. Un évènement fortuit peut devenir déclencheur. C’est inéluctable. Certes, la défaite quasi sans combat de masse sur les ordonnances a eu de lourdes conséquences sur le champ social. Mais ce ne fut pas pour autant la déroute psychologique qui frappa le ciel social anglais dans la lutte de Thatcher contre la corporation emblématique des mineurs.
En France, l’examen de la carte sociale montre de nouveau un semis serré de points rouges sur le terrain. Et les causes de lutte arrivent encore, comme une marée. La question de la fonction publique sera évidemment centrale. Il s’agit des salariés les mieux structurés du pays et de ceux qui ont le plus à perdre dans la révolution libérale dont ils sont la véritable cible sociale essentielle. Avec la fin de la fonction publique, la société sera vide de contre-modèle face à celui de la précarité généralisée qui est la signature sociale de l’ère libérale. L’environnement parle du même côté. La bataille pour les 28 heures menée outre-Rhin par le syndicat IG-Metall a son écho. Une certaine époque d’inertie sociale allemande prend fin. Cela assainit l’air du temps.
Vous l’avez peut-être constaté. Ce jeudi 1er février, les insoumis étaient mobilisés de tous côtés, sur tous les fronts. Notamment à l’Assemblée nationale pour présenter leurs cinq propositions de lois. Cette journée, longuement et méthodiquement préparée a été suivie toute la journée par des émissions et des débats sur les réseaux sociaux. On peut retrouver tout cela sur le site des insoumis. Pourtant je veux faire encore quelques remarques au sujet de ce jour-là. Nos textes étaient inscrits dans une sorte d’hégémonie intellectuelle. Un sondage a montré que chacun d’entre eux dépassait les 60 % d’opinions favorables. Et chacun d’eux portait un débat de société en lui. La couverture médiatique a donc été à la hauteur. Ce fut le cas sur certains textes davantage que sur d’autres mais, au total, ce fut l’occasion de nombreux plateaux et micro-trottoir bien revigorants. À vrai dire, une bouffée d’oxygène que d’entendre parler du Parlement autrement, en phase avec des préoccupations populaires graves et profondes.
Face à ce qui est devenu un évènement, la stratégie de « La République en Marche » s’est vautrée. L’esprit de routine l’a perdu. Croyant avoir à faire à une journée de niche parlementaire comme les autres, ignorant tout du travail public qui l’avait précédé, et méconnaissant l’intérêt médiatique qui s’y attachait dès le matin, Richard Ferrand a misé sur les routines de gros bourrin habituelles. Il a déposé au nom de son groupe des motions de rejet sur chaque texte pour empêcher la discussion et les amendements. Et cela alors même que nous avions annoncé avoir accepté de voter plusieurs amendements venant de divers groupes. De son côté, le président de l’Assemblée n’a pas accordé une minute de son précieux temps pour passer en séance, comme la courtoisie l’aurait commandé pour une journée de niche parlementaire. Bref, le coup du mépris sur toute la ligne. « En marche » s’est donc comporté comme un groupe sectaire qui ne veut parler de rien et ne reconnaît jamais la valeur de quoi que ce soit si cela ne vient pas de lui.
De plus, le choix de certains orateurs a été dans le même sens. Plusieurs, étaient des « incasables » nous a-t-on dit pour s’excuser. On leur a donc donné la parole dans un moment que « En marche » croyait faiblement exposé. Plusieurs « incasables » ont donc lourdement mordu le trait et se sont abandonnés a des excès de langage ou à des argumentations finalement assez pitoyables, au grand dam d’un bon nombre d’autres députés « en Marche », plus fins, qui ont pris goût au débat et fait des interventions argumentées. Cette attitude sectaire a été un bide total. Ni les commentateurs ni les téléspectateurs n’ont compris ce comportement. Le point nous revient donc entièrement. Car les thèmes et les arguments déployés ont donné un nouveau point d’appui officiel à des causes portées de longue date par des militants associatifs nombreux et actifs sur le terrain. Leur combat sort renforcé de cette journée. Leur présence sur le plateau de notre émission, les retours des réseaux sociaux tenus informés au fil de la journée en attestent. Pour notre groupe, c’est un nouvel apprentissage et une nouvelle démonstration du lien étroit que nous voulons faire vivre entre la société et l’institution parlementaire.
Mais ce jour-là, il y avait aussi de très nombreux insoumis dans la rue. Ils étaient aux côtés des lycéens et des étudiants au moment où ceux-ci entrent en mouvement contre la loi instaurant la sélection à l’entrée de l’université.
En effet, les jeunes gens ont commencé une action générale à l’appel d’un grand nombre d’organisations de jeunesse syndicales ou politiques. Et surtout parce qu’on avait déjà observé une première mobilisation en janvier qui a fonctionné comme un signal. En ce sens, à son tour, elle semble annonciatrice d’une prise de conscience en profondeur, étendue aux parents. Pour ma part, je n’ai pu suivre les manifestations de près car je siégeais sans discontinuer pendant notre niche parlementaire à l’Assemblée nationale. En effet, notre groupe parlementaire avait décidé de me confier toutes les explications de vote sur nos cinq lois. Un rôle que j’avais déjà occupé dans la répartition des tâches sur le débat à propos des ordonnances détruisant le code du travail. J’ai donc été totalement occupé à suivre tous les débats, toutes les interventions avant de ramasser dans les deux minutes imparties notre angle d’argumentation.
Mais le Mouvement avait des points fixes dans les manifestations à Paris et en Région. Le soir venu puis le lendemain, j’ai jeté un œil rapide sur la couverture médiatique du mouvement dans la jeunesse. Rien ou presque. C’est parfait. En jouant le verrou, le parti médiatique se tire une balle dans le pied. Cette jeunesse mobilisée sur une question aussi décisive que le choix personnel de l’avenir individuel de chacun va découvrir qu’acheter un journal ne sert à rien, que regarder la télé de l’officialité, ce n’est pas ouvrir une fenêtre sur le monde qui l’intéresse. Ils seront donc disponibles pour d’autres sources d’information et ces dernières leur paraîtront plus « libres ». Les plus conscients vont se construire un mépris argumenté contre la caste médiatique, ses porte-serviettes et organe de presse. D’autant que la journée en média sur le sujet a commencé par une magnifique manipulation dont la grossièreté a été bien appréciée par ceux qui en ont entendu parler : les jeunes seraient manipulés par « la France Insoumise » et par moi personnellement. Rien de moins. Un mépris total pour leur libre arbitre et les raisons de leur mobilisation. Cela est très utile pour rendre odieux le système qui produit ce type « d’information ».
C’est donc au total une bonne séance de formation politique à tous points de vue. Comme ce sont les députés macronistes qui fournissaient la matière première sur les plateaux de télé et qu’ils sont déjà presque aussi détestés que l’étaient les PS il y a peu, on peut dire que sur le plan politique c’est carton plein. Quant à la suite de cette mobilisation, je dois me contenter de dire que je la souhaite, que mes amis y contribuent, notamment les très nombreux jeunes insoumis liés directement ou non à LFI. Car les insoumis n’ont pas de cartes et ne reçoivent pas d’ordre pour la raison qu’ils n’en ont pas besoin pour se mettre en action et savoir quoi faire. C’est eux qui dirigent leur action avec leurs camarades sur le terrain. Ni la FI, ni moi n’avons aucune part à leur décision. Notre Mouvement dans ce cas comme dans tous les autres cas est au service de ceux qui agissent. Il ne les dirige pas. Le Mouvement LFI est « éclaireur » du chemin en fournissant à ceux qui sont impliqués toutes les informations qui sans cela ne leur parviendraient pas. Le Mouvement LFI est en cela « déclencheur » car une fois informés, ceux qui sont « Insoumis » savent qu’ils doivent se mettre en action de leur propre chef.
Quant au groupe des députés, ce n’est un secret pour personne qu’il a mené sa bataille parlementaire sur le sujet quand le texte est passé devant les députés. Le groupe, relayé par les réseaux sociaux du Mouvement a donc aussi fourni un maximum de vidéos d’argumentation. De son côté, la campagne du mouvement a permis la diffusion d’un million de tracts. Point ! L’appel à la journée d’action n’est pas notre fait, ni les lieux de rendez-vous, ni les mots d’ordre, ni aucun des décisions de l’action. Mais tout ce qui a été décidé et fait par les jeunes nous convient. Le texte est à présent au Sénat. Bientôt il reviendra à l’Assemblée. Ce sera un moment de vérité. Deux journées d’action sont convoquées par les organisations étudiantes lycéennes cette semaine, mardi et jeudi. De son côté, le pouvoir s’est rendu compte du risque qu’il court de voir le feu prendre à la plaine. Il accélère donc tant qu’il peut le calendrier. Il est ainsi prévu que le vote final des navettes parlementaires se situe pendant les vacances scolaires de février… Mais encore faut-il que le Sénat ait fini dans les délais souhaités par Macron.
Il faut que l’affaire Lactalis ne tombe pas trop vite dans les oubliettes médiatiques. L’affaire est énorme. Car il est donc établi à présent de l’aveu même de son PDG que du lait pour les nourrissons, contaminé, a été vendu pendant une décennie. L’enquête et les indemnisations prendront sans doute une nouvelle décennie. Soit. Et quoi ? Car tout le monde ne savait-il pas déjà à quoi s’en tenir avec sur les causes qui conduisent à de tels désastres ? L’affaire de la vache folle n’avait-elle pas montré ce qu’il en coûtait de confier les contrôles sanitaires à des organismes privés dont les ressources dépendent de ceux qu’ils contrôlent ? Ne savait-on pas déjà ce que produit la destruction des moyens d’agir de l’État ? Si. On le savait. On le sait. Et maintenant ? Rien. La vie continue.
Et la situation s’aggrave parce que la nature des risques évolue avec les technologies. En voici un exemple. Ce sera bientôt un de ces dossiers noirs qui font désespérer les naïfs qui croient ce système capable de « s’autoréguler ». Il y a de quoi. Le 23 janvier dernier, l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a porté plainte contre 9 industriels de l’agroalimentaire et des cosmétiques. En effet, l’association a fait des tests sur une vingtaine de produits de consommation courante à la recherche de nanoparticules. Résultat : 100% des produits testés en contenaient. Ce qui n’est pas interdit. Par contre, seulement 3 produits annonçaient sur leur étiquette la présence de ces nanoparticules manufacturées. Or, depuis 2014, la loi oblige les industriels à le signaler sur l’étiquette. Pourquoi ces gens-là se sont-ils dispensés de le dire ?
Les nanoparticules sont des particules chimiques dont la taille est inférieure à un milliardième de mètre. C’est-à-dire environ 50 000 fois plus petit qu’un cheveu. Il en existe dans la nature. Les éruptions de volcans peuvent par exemple émettre des nanoparticules. Mais depuis quelques années, il est aussi possible de les manufacturer. Elles sont utilisées comme additif dans l’industrie agroalimentaire ou cosmétique pour colorer un produit, le rendre plus brillant etc. Une des propriétés que leur confère leur petite taille est qu’elles pénètrent très facilement l’organisme et franchissent les barrières biologiques.
Leur effet sur la santé humaine reste pour l’instant mal connu. Mais le doute est suffisant pour qu’on en impose l’étiquetage. Le consommateur est ainsi censé pouvoir choisir des produits sans nanoparticules. L’arrêté de mai 2017 qui rappelait aux industriels la règlementation en vigueur la justifiait d’ailleurs par « les incertitudes qui subsistent concernant l’impact sur la santé humaine ». L’institut national de recherche agronomique (INRA) a montré que les nanoparticules de dioxyde de titane provoquaient sur des rats des lésions précancéreuses et des troubles du système immunitaire. Pauvres rats cobayes vivants ! N’empêche, cette nanoparticule est notamment utilisée comme colorant pour des confiseries industrielles. Bien sûr, cela ne constitue pas une preuve de leur nocivité pour l’homme mais c’est une invitation à la prudence. Et, au minimum, au respect de la règlementation : il faut prévenir, il ne faut pas cacher leur présence quand il y en a.
Les laboratoires de l’UFC-que choisir ne sont pas les seuls à avoir pratiqué des tests de cette sorte. L’État l’a fait lui aussi. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a réalisé des tests sur 40 produits cosmétiques et 74 produits alimentaires. 87% des premiers et 39% des seconds contenaient des nanoparticules. Pourtant, un seul de ces produits l’annonçait sur son étiquette. Malgré ces résultats, l’État a décidé de ne pas systématiquement poursuivre les industriels qui ne respectent pourtant pas la loi. Dans sa déclaration, la DGCCRF disait qu’elle allait « rencontrer dans les prochains jours les professionnels concernés pour partager ces résultats et décider ensuite des mesures appropriées ». Une démarche qui ressemble à la « société de confiance » et au « droit à l’erreur » qu’offre dorénavant aux entreprises le gouvernement avec l’adoption de la loi sur le thème ces jours-ci à l’Assemblée.
Le nombre et la répétition des fraudes révélées tant par l’UFC que par les contrôles de l’État impressionne. Elle inquiète à juste titre. Car depuis quelques décennies les gouvernements néolibéraux successifs ont méthodiquement détruit la capacité de contrôle de l’État. Cela s’est vu de manière spectaculaire dans l’affaire Lactalis. Dans le département de la Mayenne, où se trouve l’usine Lactalis, le nombre de fonctionnaires chargés de contrôler que les produits alimentaires respectent bien les règlementations est passé de 14 à 6 en quelques années. Le Secrétaire Général de Solidaires-CCRF explique : « Le travail qu’on pouvait faire il y a quinze ans, on ne peut plus le faire aujourd’hui ». Aujourd’hui, les services de la répression des fraudes comptent en moyenne 4 enquêteurs par département. Et Emmanuel Macron a encore supprimé 45 postes en 2018.
Ainsi, alors que les quelques contrôles effectués montrent que la majorité des industriels fraudent à propos des nanoparticules, l’État ne dispose plus des moyens de les contrôler. Bientôt les gens vont le comprendre : démanteler l’État ça coûte cher pour tout ce qui compte dans la vie ordinaire. S’abandonner au marché pour faire les choses, détruire les contrôles sous prétexte de lutte contre la bureaucratie et compter sur les médias qui vivent de publicité pour montre du doigt des annonceurs coupables, tout cela va bientôt apparaitre pour ce que c’est : un monde voué à l’argent au mépris de toute considération pour la vie humaine, et pour cela de plus en plus dangereux.
J’y suis retourné pour la troisième fois. Et comme les deux précédentes, j’ai pris le même coup à l’estomac en suivant le déroulement de la matinée. Car la présentation du rapport annuel de la fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement est un moment très particulier. Il y a les interventions et les rapports. On y apprend beaucoup. Et il y a aussi les vidéos. Et là, ça percute autant que les rapports et souvent même davantage. L’an passé, j’ai vu un vieil homme qui se faisait soigner le pied en mauvais état. Il était à la rue et passait sa journée assis sur un banc. Son bonheur était que le bistrot du coin acceptait de garder ses affaires dans la journée et qu’il savait sous quel porche retourner le soir pour dormir. Un an après, l’image me poursuit encore. L’analyse se concentrait alors sur les personnes sans domicile fixe ou vivant dans des taudis.
Alors que la solution parait si simple, année après année, le constat fait par la fondation s’aggrave : le nombre de personnes touchées par le mal-logement augmente. Or, le logement n’est pas seulement une question parmi d’autres. C’est un droit qui conditionne l’accès à toutes les autres dimensions de l’existence : l’accès au travail, à une vie de famille. « Pour pouvoir rêver, il faut savoir où dormir » disait le collectif Jeudi-Noir. Il y a quelques années il occupait des bâtiments vides pour alerter sur la crise du logement. Avec Jean-Baptiste Ayrault, le DAL (droit au logement) de son côté n’a jamais baissé les bras ni cessé son juste combat. C’est lui qui lutte pour faire ouvrir les bâtiments du Val-de-Grâce, aujourd’hui vide, aux sans-abris qui risquent de mourir de froid dans la rue.
Cette année, la fondation Abbé Pierre a centré son alerte sur le surpeuplement de certains logements. Commençons par situer le problème. L’INSEE considère qu’il faut minimum, en plus de la pièce à vivre et des sanitaires, une chambre par couple du foyer, une chambre pour deux enfants âgés de moins de 7 ans ou de moins de 19 ans s’ils sont du même sexe. Un logement est considéré comme surpeuplé quand une pièce manque par rapport à cette norme. C’est déjà une situation quand même plus que tendue que de vivre dans ces conditions. Pourtant 7,6 millions de personnes sont dans cette situation. Mais il y a encore pire. 934 000 autres personnes sont dans une situation dite de « surpeuplement accentué ». La fondation Abbé Pierre donnait des exemples terribles lors de sa présentation. Celle d’une famille marseillaise qui vit à 5 dans 30 m2. Celle d’une mère et ses trois enfants qui partagent une pièce de 11 m2 avec deux autres personnes en banlieue parisienne. Dans ces conditions, la vie est rendue infernale.
Tant d’aspects de la vie quotidienne sont refusés aux familles qui ne trouvent pas de logement assez grand pour se loger. Entassés dans un logement minuscule, il est impossible de stocker de la nourriture, des vêtements ou des documents administratifs. On vit au jour le jour. Impossible aussi, bien souvent, le rituel simple du repas en famille. Tout simplement : aucune intimité n’est possible. Dans un logement surpeuplé, on est toujours avec les autres. On n’est jamais avec soi. On est toujours dans un espace inférieur aux seuils à partir desquels les animaux humains se sentent agressés par une intrusion. L’absence totale d’espace d’intimité provoque du stress, de la nervosité, de l’angoisse. Parfois, il n’y a pas assez de chambres. Parfois, il n’y a en a pas, tout simplement. Dans les deux cas, cela engendre mécaniquement des troubles profonds du sommeil, c’est-à-dire sur sa durée et sa qualité.
Et cela a de lourdes conséquences sur la santé physique et psychique de ceux qui subissent cette situation. L’impact est particulièrement sévère sur les enfants. En effet, les hormones de croissance ne se secrètent que pendant le sommeil. L’organisation mondiale de la santé a montré que le manque de sommeil chez les enfants avait aussi des conséquences lourdes sur le développement du système nerveux ou de la mémoire. Priver des enfants de sommeil réparateur, c’est donc altérer leur futur. Au demeurant, les enfants en bas âge ont besoin d’espace pour explorer, se déplacer. À défaut, leur développement psychomoteur peut en être entravé. Ainsi, dès le départ, les enfants des familles pauvres sont handicapés. De quoi faire relativiser les discours des libéraux marcheurs sur « l’égalité des chances » initiale des jeunes. D’autant que les embuches se prolongent après les premières années. La scolarité des élèves qui vivent en logements surpeuplés est un parcours du combattant. Comment réviser un examen lorsque l’on vit dans une pièce avec quatre ou cinq autres personnes ? Les statistiques répondent très crument. Ces jeunes ont 40% plus de risques d’accuser un retard scolaire.
La santé de tous les occupants de ce type de logement en prend un coup très rude aussi. Une étude de l’OFCE montre que les personnes vivant dans des logements surpeuplés ont 40% plus de risques de se déclarer en mauvaise ou très mauvaise santé. C’est mécanique. Par exemple, le surpeuplement provoque de l’humidité dans des logements qui sont, en outre, souvent mal aérés. Cette humidité provoque sans mystère des pathologies respiratoires et dermatologiques. Le lien entre l’état de santé mental ou physique et l’état du logement qu’on occupe est nettement prouvé.
Après la Libération, le surpeuplement a largement décru dans notre pays. Certes, c’était une situation banale des familles en 1945, à la sortie de la guerre. Mais dans les décennies suivantes, grâce à un plan volontariste de construction, les familles ont accédé à des logements agrandis. La vie a alors gagné en confort. Ce fut une révolution de la vie quotidienne pour des millions de familles populaires. Mais c’est un fait dorénavant avéré : le recul du surpeuplement s’est interrompu depuis 2006. Désormais, pour la première fois depuis un demi-siècle, c’est à nouveau le surpeuplement qui progresse. Bien sûr, pas pour tout le monde. Les classes supérieures continuent de voir la taille de leurs logements s’accroître. Pour les milieux populaires, par contre, c’est le décrochage. Le surpeuplement est 10 fois plus répandu chez les 10% les plus pauvres que chez les 10% les plus riches. En Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de métropole, un quart des logements sont surpeuplés. Dans les départements d’Outre-mer, c’est pire : 40% des logements en Guyane.
Cette situation génératrice de misères et de malheurs n’est pas une fatalité. C’est le manque de logements abordables qui pousse les pauvres à mal se loger. Les loyers du secteur privé ont explosé dans les années 2000, jusqu’à +50% dans les grandes villes. Pendant ce temps, le nombre de logements HLM construits ne suffisait pas à subvenir aux besoins. Une situation qui va aller de mal en pis en raison des coupes budgétaires opérées par Macron dans le budget des organismes HLM. Ces derniers ont déjà prévu qu’ils devraient annuler des programmes de construction à cause de ça. Combiné à la baisse des APL pour tous les allocataires, ce coup de rabot a été qualifié par la Fondation Abbé Pierre de « saignée historique ». Le projet de loi logement qui vient renforcera les conditions de la crise du logement. Il fait une confiance aveugle au marché privé et favorisera la spéculation qui écarte les pauvres du logement décent.
Au contraire, nous pensons que la puissance publique doit garantir le droit à un logement pour tous en réquisitionnant des bâtiments vides, en investissant massivement dans le logement public ou en régulant les loyers. C’est l’idée la plus simple qui soit. La plus facile à mettre en œuvre. Celle qui provoque une activité indélocalisable. Celle qui recourt le moins à l’importation de produits et matériaux. Un tel plan génère donc de l’activité économique, des revenus, de l’emploi sans créer de l’importation et en augmentant la richesse acquise par des actifs physiques que sont les constructions. Alors, pourquoi tout semble-t-il bloqué à des niveaux insuffisants ? Parce que la rareté stimule le marché, pousse la valeur de l’existant à la hausse et facilite l’accumulation sans cause. Bref : le capital y trouve très largement son compte. Et peu importe le reste, dans une société comme la nôtre.
63 commentaires
FABREGA Jean-Pierre
En tant qu’ancien Inspecteur de la DGCCRF je confirme que les effectifs de cette administration ont été réduits de façon drastique par une purge qui a commencé il y a déjà plus de 30 ans ! A la Direction départementale de Perpignan (Pyrénées Orientales) où j’ai terminé ma carrière, nous étions 46 agents en 1986 et 26 seulement vingt ans après en 2006 (perte de 20 agents en 20 ans). Même traitement, en moyenne, pour tous les autres départements de France bien sur. Macron n’a rien inventé puisque la purge a commencé sous l’ère de tonton François ! Etonnant non ? Dans ces conditions, il faut s’attendre au pire en cas d’une prochaine « crise » du type « vache folle » et autre joyeusetés dont les multinationales de l’agro alimentaire savent nous régaler. Et je ne parle même pas des contrôles devenus inexistants en matières de pub mensongère et trompeuse, défaut d’affichage des prix, OGM, nanoparticules, ententes marchés publics, etc. Les jeunes seraient bien inspirés de se…
André
Le plus grave étant que la suppression programmée des contrôles par tous les politicards de la gouvernance donne lieu à la légalisation organisée des « pubs mensongère et trompeuse, défaut d’affichage des prix, OGM, nanoparticules, ententes marchés publics, etc. »
AFS
Sincèrement, je me désespère quand, de temps en temps, je regarde les grands messes télévisées des journalistes sur le service public tout comme sur les chaînes privées (hormis Arte que j’apprécie en général). Je n’ai jamais vu autant les plateaux médias être envahis par le macronisme pour tout et rien. Je me désespère de l’inaction de mes semblables qui râlent à juste titre et qui ne font strictement rien d’autre. Je me désespère de ce fascisme ordinaire qui monte sans que quiconque ne trouve à redire. Je me désespère de devoir continuer à survivre avec une AAH en dessous du seuil de pauvreté et que ma retraite très bientôt me réservera sensiblement le même sort. Je me désespère de constater avec horreur, l’unique supermarché de ma commune jeter 3 fois par semaine des quantités incroyables de nourritures encore fraîches alors que la commune est la plus démunie du département. Je me désespère des 3/4 des logements sociaux et privés insalubres de cette commune…
sankara
J’ai lu les analyses de la LFI sur des sujets importants. Beaucoup sont pertinentes et bien argumentées, même si je ne les approuve pas toutes (notamment sur le suicide assisté).
Mais je suis stupéfaite dans les commentaires, de l’absence de référence à l’UE ! Macron a été placé là où il est pour appliquer le plus efficacement possible les directives de Bruxelles. Alors à quoi bon gesticuler à l’Assemblée, s’indigner, vouloir des réformes ? Il n’en n’a rien à cirer. Pourquoi ? Parce qu’il est persuadé que les Français craignent plus que tout la sortie de l’Europe, et qu’il sont donc prêts à subir les pires exactions. Le peuple se croit dans une impasse : c’est Macron ou la mort. À moins que nous décidions de récupérer notre souveraineté nationale. C’est la seule perspective qui puisse sortir le peuple de sa résignation. Mélenchon doit nous encourager à nous libérer du piège européen et montrer que « Yes we can ! », là il fera vraiment peur à Macron.
Invisible
Macron a été placé là où il est pour appliquer le plus efficacement possible les directives du patronat, du CAC 40, des banques et des multinationales, avec le soutien des journaux détenus à 80% par ces mêmes puissances.