J’écris ces lignes dans l’avion du retour.
En Guyane pour l’élection législative partielle, « La France Insoumise » a fait le choix de soutenir la candidature de Davy Rimane. Nous avons donc été trois députés à nous rendre sur le terrain pour appuyer sa campagne : Younous Omarjee, eurodéputé insoumis, Danièle Obono et moi. Soutenir Davy Rimane correspond à une analyse approfondie de ce qui se passe sur le territoire guyanais depuis l’insurrection du mouvement social en mars 2017. Seul candidat à le faire, j’avais lu à l’époque, devant le public au meeting de Rennes, la lettre des Guyanais insurgés. Mais dans la précipitation des investitures de juin 2017, nous n’avions pas su identifier à temps la candidature de Davy Rimane. Il s’agit d’un des principaux animateurs de la lutte de 2017. Syndicaliste de l’énergie, sa candidature se présentait donc dès juin comme le débouché politique du respect de « l’accord de Guyane ». Il s’agit là du document signé à l’issue du mouvement avec le gouvernement. Il a fédéré toutes les catégories sociales de la Guyane ainsi que les amérindiens. C’est la forme la plus achevée pour l’instant d’un processus de révolution citoyenne en France. Ses motivations continuent de travailler en profondeur la société guyanaise. Notre choix est qu’elle trouve avec Davy Rimane à l’Assemblée une expression politique directe. D’une certaine façon, la candidature de Davy Rimane incarne le mouvement politico-social que nous voulons être.
La singularité de cette élection partielle en Guyane se confirme dans tous les aspects de ce premier tour. La participation a augmenté de dix points par rapport à juin dernier. Ce n’est pas banal. C’est là le signal d’une implication plus grande due à la perception d’un enjeu politique national. Cela se comprend après la visite si controversée du président Macron et sa remise en cause de plusieurs points essentiels de « l’accord Guyane » au fil de ses rencontres dans la rue. Le résultat montre une polarisation de l’élection entre le candidat LFI et celui de LREM car les deux totalisent 80% des suffrages exprimés.
Après cela, la performance de Davy Rimane est spectaculaire. En effet il a plus que doublé son nombre de voix par rapport à juin dernier. Et il a augmenté son score de quinze points ! C’est ce résultat qu’un fin analyste de BFM a osé qualifier « d’échec ». Il est vrai que les « journalistes » de la presse parisienne, qu’heureusement personne ne lit en Guyane, se sont vite alignés sur le camp macroniste. Jusqu’au Canard Enchainé. On le vit cette fois-là prompt à fermer les yeux sur les exploits très spéciaux du candidat macroniste en personne. Mais comme il s’agissait de flétrir Davy Rimane (et moi bien sûr), le Canard rappelait les déboires judiciaires d’un de ses soutiens, le maire de Saint Laurent du Maroni. L’AFP répéta en faisant par-dessus le marché un comparatif du « diplôme de Science Po » du macroniste et son statut de startupper face à au « syndicaliste Rimane ».
Les arrogances de caste se rejoignent. Bien sûr, aucun de ces implacables enquêteurs n’alla jusqu’à s’interroger sur le parcours du macroniste ni sur ses liens locaux et régionaux. Leur surprise fera plaisir à voir le moment venu. Aucun ne se demanda quoi que ce soit sur les motifs d’annulation, ni sur les dépenses de campagne actuelles, ni sur les ressources de celle-ci. Enfin, ces parangons de morale et de vertu ne cillèrent pas un instant devant certaines bizarreries des résultats.
En effet, le candidat de Macron nous creuse un écart de six cent voix avec Rimane dans un seul village enclavé, Grand Santi. Admirable ! En effet, au même endroit, pour l’élection présidentielle, on s’était abstenu à 92 %. Cette fois ci au contraire, alors que toute la Guyane votait à 30 %, on se rua sur les urnes avec 64% de participation ! Et tout cela avec une admirable détermination politique : 95,5% des suffrages au même candidat, le macroniste ! Et c’est vrai que c’est là un renfort de grand poids. Car la moitié de l’avance du macroniste sur notre candidat est réalisée à cet endroit. Donc voilà un cas d’école : une population pour laquelle l’élection essentielle de la vie politique est l’élection législative partielle quand il y en a une ! Et qui vote en masse pour un candidat dont le chef politique vient de les prévenir formellement qu’ils n’auront ni route, ni hôpital, ni rien en général sinon les bonnes paroles d’un député invalidé qui n’a eu aucune activité en six mois de mandat. Oui vraiment, c’est un cas d’école que le candidat macroniste devrait étudier pour finir son diplôme de Sciences Po.
Cependant, à mon avis, contrairement à mes camarades guyanais je ne crois pas que nos chers champions médiatiques de « l’enquête indépendante » et de « la transparence » s’intéressent à tout cela. Et même après les accusations extrêmement graves prononcées par un candidat divers droite, José Makébé. Parce que le seul problème de ces médias c’est leur rage contre tout ce que fait ou soutient « la France Insoumise ». En atteste leur indifférence quand nous progressons de quinze points et que s’effondre à 1,8 % le Front National. Marine Le Pen était pourtant deuxième à la présidentielle derrière moi en Guyane il y a tout juste sept mois ! Pas un mot ! Pourtant les mêmes tartuffes jettent de grosses larmes sur la poussée de l’extrême droite en Italie et blablabla.
Le deuxième tour se présente donc mieux pour Davy Rimane qu’en juin dernier puisque même les résultats bizarres ne l’empêchent pas d’avoir réduit l’écart par rapport à juin dernier. Selon moi, mieux vaudrait que les bizarreries ne se reproduisent pas au second tour. Dans le contexte guyanais d’après la visite présidentielle et dans la foulée du mouvement social de 2017, la candidature de Davy Rimane incarne une issue positive du processus citoyen. Son étouffement par des résultats bizarrement acquis ouvrirait une nouvelle époque de frustrations dans une société guyanaise déjà excédée. Ce que personne ne devrait souhaiter.
Élections générales en Italie. Le fiasco est assuré pour l’ordre établi européen. La liste des pays en crise politique s’allonge. L’Europe toute entière plonge dans un chaos politique mou qui place toutes les situations sous la pression de la poussée d’extrême droite qui se généralise. Après l’Espagne, cinq mois sans gouvernement, puis un nouveau naufrage dans les mains de Rajoy et de son équipée catalane sans horizon. Après la France et son président élu « par effraction » avec 23% selon ses propres termes. Après l’Allemagne sans gouvernement pendant sept mois et sa grande coalition poussive formée sur le suicide politique du PS. Au total, les quatre premières économies de la zone euro sont touchées. Touchées en profondeur. Touchées sans trajectoires alternative ouverte. Au contraire : elles sont embourbées jusqu’aux essieux dans leur trajectoire morbide. Les « élites » politico-médiatiques de tous ces pays rament énergiquement pour rester dans le même cap, les mêmes objectifs, avec le même vocabulaire, les mêmes méthodes.
L’impasse ne se présente pas seulement sous la forme de l’opposition massive des peuples qui s’exprime par des votes d’opposition frontale de toutes sortes. L’impasse vient d’un second plan du réel. En détruisant partout l’État, en abrogeant les services publics, en acculant des populations entières au chômage de plusieurs générations, l’ordre libéral dissout la société elle-même. Et il est incapable d’en assumer les conséquences. Jacques Généreux a parfaitement décrit cette situation dans son livre La Dissociété. Nous sommes aujourd’hui plus de dix ans après sa publication. Le pronostic s’est totalement vérifié. Un spectacle hideux s’est installé. Des zones entières de non droit, d’économie parallèles, de tribalisation décomposée existent partout. La violence des gangs organise de vastes territoires. La drogue est un commerce de masse. Au point d’ailleurs que son trafic est dorénavant comptabilisé dans l’évaluation de la richesse de notre pays. La suite de cette situation est connue. La société s’effondre dans la violence, elle se segmente dans des ghettos de riches et de pauvres strictement cloisonnés. Dans certaines circonstances, l’effondrement est total.
C’est ce qui arrive en ce moment à Mayotte où l’incurie de l’État, l’abandon des populations, la gestion exécrable de l’immigration comorienne et l’absence de toute visée stratégique locale et régionale a plongé tout le pays dans un chaos. Les femmes de Mayotte, les filles de celles qui luttèrent pour maintenir Mayotte dans la France, se sont mises en mouvement. Le pouvoir macroniste envoie aussitôt les escadrons de CRS et de gardes mobiles pour mater l’insurrection populaire ! Incroyable déraison. La métropole a tort de croire que ce sont là des questions exotiques. L’un après l’autre, les DOM et les TOM entrent en ébullition et en insurrection.
Les causes qui les y conduisent sont très exactement à l’œuvre dans tout le pays. Les différences se présentent comme des étapes à l’intérieur d’un même processus. Dans cette façon de voir, on peut dire que la révolution citoyenne est commencée en France depuis la mobilisation de la Guadeloupe contre « la profitation » en 2008. Le processus lent et multiforme passe d’un territoire à l’autre. En Guyane, il a atteint en 2017 une forme quasi chimiquement pure. En effet, dans ce cas, le mouvement social, largement insurrectionnel, s’est conclu sur un processus où le peuple s’est fédéré autour de ses revendications regroupées dans un document unique signé par tous et avec l’État. C’est « l’accord Guyane », programme commun du peuple dans toutes ses composantes sociales et ethniques en Guyane. À mes yeux c’est un modèle. Une méthode généralisable. Une réponse politique ordonnée au chaos qui s’avance.
Examiné du point de vue d’un adversaire de ce monde-là, rien n’est plus encourageant que l’obstination des castes dirigeantes de l’Union européenne, quoiqu’il en cuise à tous. Par exemple, voir le retour dans la campagne italienne de Berlusconi sous les applaudissements des eurocrates est une déchéance significative. En cette année de centenaire de la Révolution d’Octobre, il est frappant de voir comment l’oligarchie n’a rien appris de l’Histoire. Les classes sociales dominantes n’apprennent pas davantage de leur propre histoire (tant mieux) que de celle qu’elles dominent (hélas). Lénine résume les moments de cette sorte dans son énoncé des quatre conditions d’une situation « pré-révolutionnaire ». Une de ces conditions décrit si bien le moment que nous vivons : « en haut on ne peut plus, en bas on ne veut plus ». Quand cette conjoncture se met en place, un incident fortuit déclenche l’avalanche dont la pente des évènements est grosse.
Chaque révolution commence de cette façon. Puisque j’en suis à 1917, rappelons que c’est une manifestation de femmes contre la guerre qui effondre le régime tsariste. Un mouvement qui tint trois jours de suite au grand dam de tous les partis. La dynamique dégagiste de l’époque était fondée là-dessus : arrêter la guerre, ramener les hommes dans leurs familles. Tous les gouvernements suivants se contorsionnèrent autour de cette question. Tous continuèrent la guerre. Si les bolcheviks prirent le pouvoir c’est d’abord parce qu’il était à portée de main. En dépit de leurs multiples fautes de commandement et d’évaluation du rapport de force, s’ils y parvinrent c’est d’abord parce que les foules russes le leur donnèrent de bon cœur. Elles le firent parce qu’ils étaient les seuls à n’avoir trempé dans aucune tambouille pour continuer cette guerre.
Mais tout processus destituant n’est pas voué spontanément au meilleur. Robespierre note « Il est dans les révolutions des mouvements contraires et des mouvements favorables à la liberté, comme il est dans les maladies des crises salutaires et des crises mortelles ». Ainsi dans le registre inverse de l’octobre rouge des Russes, si les islamistes ont été à deux doigts de l’emporter en Tunisie comme ils l’ont fait en Turquie ou en Iran, cela n’a rien à voir avec l’action de Dieu. Mais tout avec l’épuisement absolu du système antérieur et avec le réseau tentaculaire de ceux qui, dans tous les partis, avaient eu à faire avec les régimes pourris. Des régimes maintenus à bout de bras comme « moindre mal » par ceux qui en profitaient sur place et davantage encore à l’étranger. En dépit de tout, les vagues dégagistes à l’œuvre ne sont pas épuisées dans ces pays comme ailleurs et elles s’emparent des matériaux qu’elles trouvent pour frapper, fussent d’abord les plus improbables. Ne perdons pas de vue qu’en Turquie comme en Iran, les régimes dictatoriaux luttent d’abord pour leur survie.
D’où l’importance pour les nôtres d’évaluer correctement les rapports de force, de ne jamais s’abandonner aux provocations de l’ennemi, même meurtrières comme celles des assassinats de nos camarades Chokri Belaïd ou Mohamed Brahmi en Tunisie, de rester en vie et de se rendre disponible à la colère populaire en passant par les chemins de crête pacifiques du refus des arrangements avec le système. Car tous les régimes « démocratiques » de notre continent travaillent sous nos yeux ardemment à leur propre destruction. Tout tombera aussi soudain que le mur en son temps. Le régime économique ordo-libéral à l’allemande, ses institutions politiques et ses « élites » sont dans la même osmose et la même rigidité que feu le régime « socialiste ». Le même type d’auto-aveuglement étouffe la pensée de ses élites : « Ça ne marche pas ? C’est parce que nous n’en faisons pas assez dans la “bonne direction” ». Ils sont donc condamnés à creuser avec enthousiasme la fosse commune de l’Histoire dans laquelle finit toujours ce genre d’obstination.
Pour être le recours politique dans de telles conditions, deux conditions s’imposent. D’abord franchir un seuil de crédibilité qui fasse de nous un point d’appui. Nous y sommes parvenus en deux élections présidentielle puis législatives et ensuite dans les élections partielles. Ensuite être actifs et reconnus légitime dans les luttes populaires contre le système, ses politiques, ses représentants. Le mouvement « La France Insoumise » jour après jour occupe ce terrain. Son objectif est de devenir un mouvement politico-social. Un objet politique nouveau. Mais pour rendre tout cela pérenne, il faut se trouver distinctement hors du champ des collusions avec ce système. On doit comprendre ces impératifs dans le contexte qui est le nôtre désormais. En France et en Europe. En toutes circonstances et en tous lieux le prix de notre amitié est le même : rupture totale avec tous les partis du système des traités européens. Toute l’exécution de notre projet politique passe par là dans le nouveau contexte politique du vieux continent. Le temps présent est celui d’une très grande turbulence.
La théorie de « la révolution citoyenne » repère deux temps globaux dans le déroulement des évènements qui conduisent jusqu’à elle. La première phase est « destituante », la seconde est « constituante ». Les deux sont des moments d’état de conscience collective. Certes, les deux restent assez emmêlées dans la réalité ordinaire d’une crise politique. Mais le passage de l’une à l’autre constitue le moment révolutionnaire à strictement parler.
La phase « destituante » est celle au cours de laquelle toute institution, toute autorité, tout pouvoir est discrédité jusqu’au point qu’un mot d’ordre commun s’impose comme motif exclusif et fédérateur de l’action : « qu’ils s’en aillent tous » ; « dégagez ! ». Il est vain de croire que cette injonction serait réservée aux seuls puissants du moment. Elle frappe tout le champ politique et social. La délégitimation est générale. Le fond commun de cette évolution des esprits est, sous une forme ou une autre, l’incapacité des pouvoirs constitués ou des institutions de la société, au sens le plus large, à répondre aux nécessités de base de l’existence quotidienne du tout venant. Nécessités matérielles ou morales. Les deux étant le plus souvent vécus comme les deux faces d’une même réalité insupportable. Le débouché inéluctable de cette phase est la rupture fortuite de la chaîne des consentements à l’autorité sur laquelle reposent toutes les sociétés complexes.
C’est pourquoi le plus souvent les déclenchements révolutionnaires passent par deux chemins constants. D’un côté une action des femmes. Pour le montrer, je prendrai mes exemples dans les situations historiques de référence traditionnelles, alors même que peu nombreux sont ceux qui l’ont vu comme je le présente. Car n’en déplaise, ce fut le cas pour la révolution de 1917, je l’ai noté déjà. Mais ce fut le cas aussi dans le processus de la grande Révolution française. Le passage de la révolution à sa phase radicale est à mes yeux le cortège des femmes qui ramènent de force le roi, la reine et compagnie depuis Versailles jusqu’à Paris, mettant fin à la majesté inviolable du corps du roi.
Sans multiplier les exemples, on peut comprendre qu’étant le premier maillon de l’organisation sociale, les femmes sont la dernière ligne de cohésion de l’ordre social quand bien même fonctionne -t-il tout entier à leur détriment. Dès lors, elles forment aussi l’élément le plus conscient des limites d’un système quand il refuse ou attente au minimum vital à partir duquel tout effort et tout dévouement s’épuise en vain. La liste des accusés du procès qui se fit contre les marcheuses de l’expédition de Versailles, ou bien celle des intrépides d’abord mitraillées par les cosaques en atteste : ce sont des femmes du commun, les bras chargés de gosses, en lutte pour la survie.
Pour autant, ce serait une erreur d’évaluation de n’y voir qu’une forme de sursaut de survie aveuglé. Les entrées en révolution des femmes sont plutôt toujours concentrées sur le point stratégique qui dénoue une situation. Les femmes qui affrontent la cosaquerie tsariste, celles qui vont à Versailles au choc sans reculer devant les gardes royales, dont elles tuent deux ou trois et mangent même un cheval, vont directement au point nodal de l’écheveau des faits qui forment une situation révolutionnaire. Pour la Commune de Paris encore, le bataillon de femmes qui, avec Louise Michel, va prendre les canons disposés à Montmartre dénoue le cœur de l’intrigue entre les versaillais et le peuple en révolte. De là part la bascule des évènements. Ce n’est pas pour rien que l’Église réactionnaire a fait construire sur cette colline cette horreur de « Sacré Cœur » voué à l’expiation des « crimes de la Commune » ! On notera qu’à Mayotte ce sont les femmes qui forment le cœur du mouvement en cours.
L’autre constante des commencements d’incendies politiques est la question de la sécurité. Elle met mal à l’aise nos familles politiques tant c’est une question qui a été instrumentalisée par les pires démagogues de droite extrême. Mais en Guyane comme à Mayotte, le déclencheur aura été la résistance populaire à l’insécurité. Insécurité ressentie partout comme la forme la plus insupportable d’abandon par l’État. Les amateurs de comparaison historique se réfèreront au rôle des « grandes peurs » dans l’aggravation du processus révolutionnaires de 1789 jusqu’à la formation des milices populaires à qui Robespierre remis à Paris la bannière portant devise « Liberté-Egalité-Fraternité ».
Au total, l’évènement fortuit qui déclenche l’avalanche du moment « destituant » est par définition imprévisible dans sa survenue comme dans son intensité. Mais il comporte assez de caractéristiques constantes dans l’Histoire pour en faire une liste qui illustre comment on peut passer du point « en haut on ne peut plus et en bas on ne veut plus » au point « qu’ils s’en aillent tous ! ». « Ils » étant alors reconduits jusqu’à la porte de sortie à coup de pieds dans les fesses. La violence du processus destituant est d’autant plus grande que le régime est rigide et ne comporte pas d’échappement. La démocratie permet au contraire de « purger » les situations de tensions en permettant à l’énergie « destituante » d’ouvrir un nouveau chemin de déploiement à la société. En théorie. En pratique il en va tout autrement en ce moment. Ici le mot « démocratie » ne concerne pas exclusivement le processus formel par lequel elle s’exprime. Pas seulement les élections elles-mêmes. Mais tout l’arc des moyens par lesquels la société exprime ses attentes et ses certitudes.
Quoiqu’il en soit, dans un cas comme celui que nous vivons « l’échappement » est bouché. Il a été occulté à double tour par le cadenas du parti médiatique et l’aveuglement des dirigeants. Quand Juncker dit « il n’y a pas de démocratie possible hors des traités européens », il dit qu’il n’y a pas de démocratie du tout. Pas d’échappement. Le moment que nous vivons montre la panne des moyens de purge. Les crises politiques des quatre premiers pays de l’Union européenne le montre sans fard. En France, le deuxième tour qui rend ultra majoritaire un candidat qui ne fait pas un quart des suffrages du premier tour est une caricature de purge empêchée. Et donc différée. L’évènement fortuit est donc inéluctable quoiqu’imprévisible. Mais la dynamique qui l’aura rendu possible ne s’épuisera pas aussi longtemps que ces conditions initiales n’auront pas été purgées. C’est pourquoi les « avalanches » se succèdent par vagues successives en temps de révolution. On repère notamment ces formes de « répliques » à l’exaspération des « modérés » de toutes les époques et de tous les pays. Ceux qui, dans la révolution de 1917 en Russie, celle de France en 1789 ou celle de Tunisie récemment ne cessent de décréter que « maintenant c’est fini, il est temps de faire une pause », « il faut consolider les acquis » et ainsi de suite.
L’art de maitriser les répliques fait partie de l’intelligence de ce type de situation. L’octobre rouge, comme la proclamation de la République après la fuite du roi à Varennes et la défaite de l’invasion allemande de Valmy, pour rester dans les comparaisons déjà faites, sont d’abord des répliques qui visent à achever le travail commencé par le processus destituant et l’évènement fortuit qui l’a débondé.
La seconde phase du processus de révolution citoyenne est la phase « constituante ». Celle au cours de laquelle plusieurs processus de l’étape précédente arrivent à maturité. Ils changent alors de nature. Je n’ai pas l’intention de reprendre la démonstration classique selon laquelle dire « non » à une chose c’est en même temps dire « oui » à une autre. Mais c’est bien de ce processus dont il s’agit. L’affirmation populaire passe de sa forme « destituante » à sa forme constituante dans ce moment où elle rejette définitivement ce qui est. C’est à dire qu’elle le fait en installant une alternative à ce qu’elle rejette. C’est ici l’épisode le plus décisif du processus de la révolution citoyenne. À vrai dire, si la révolution citoyenne est un tout qui inclut toutes les phases antérieures aux crises ouvertes qui se manifestent en son sein, cette transition est celle qui commence la révolution en tant que tâche concrète pour ses protagonistes. Un matin le bazar recommence au-delà du point atteint la veille et il faut faire quelque chose d’autre sur le champ pour en sortir.
Si la société n’est pas capable d’enfanter un fonctionnement alternatif, alors le processus destituant ne produira qu’une demande de retour à l’ordre. Ou n’importe quelle solution où l’autorité serait rétablie pour garantir les besoins fondamentaux. Pour une conscience avertie, la façon de faire émerger le nouvel ordre ne s’improvise donc pas. Car s’il tarde à naître, il peut avorter. Il peut surtout provoquer une inversion du sens des évènements comme on le ferait en se promenant à la surface d’un anneau de Moebius. Du même pas, au même rythme, du dessus au dessous, du positif au négatif, sans aucune rupture de parcours.
Donc disais-je, le processus constituant commence à se déployer au sein même des évènements qui le précèdent. On dit oui à une chose en disant non à son contraire. Mais quand le processus est à maturité, c’est que la demande du neuf est devenue claire et tangible, qu’elle apparaît comme la solution concrète immédiate au problème posé. On sait quoi faire et comment y arriver. Cette métamorphose ne démêle à vrai dire jamais de soi-même son contenu paradoxal du oui et du non siamois. C’est pourquoi la stratégie fondamentale de la révolution citoyenne propose un mode opératoire pour accomplir ce franchissement de seuil de croissance de l’expression politique populaire. Il s’agit de la revendication, puis de la convocation, et la tenue d’une Assemblée constituante. Les pays de l’Amérique du sud comme aussi la Tunisie qui l’ont pratiqué ont franchi de cette façon très pacifiquement et très profondément des seuils très complexes de réorganisation de la vie de la société. Car la définition en commun des règles de vie produit à la fois les droits de chacun et du coup le devoir de tous les autres de les respecter. Et par là-même est atteint un premier résultat : le consentement à l’ordre, celui que vient d’instituer l’Assemblée constituante. Cela opère un tri démocratique entre ceux qui le soutiennent et ceux qui veulent le changer. L’arc des possibles se dessinent sous les yeux de chacun, la phase destituante négative est close.
Ce n’est pas le seul résultat concret. Un autre tout aussi considérable doit être compris. Car en devenant constituant, le peuple s’institue lui-même. Il dit qui il est, il se reconnaît en nommant les droits dont il est le sujet. La stratégie de la Constituante est donc celle qui produit en même temps qu’un nouvel ordre son acteur politique : le peuple révolutionnaire constituant.
Cette vision des choses permet de comprendre un autre aspect de la méthode que nous mettons en œuvre avec le mouvement « La France insoumise ». Nous ne nous donnons pas pour but de créer un « parti révolutionnaire » au sens avant-gardiste que ce mot a pris au vingtième siècle. Ni même un « mouvement révolutionnaire » dans le sens ou ses actions viseraient à déclencher je ne sais comment une révolution qu’il voudrait diriger. Notre but est de constituer un peuple révolutionnaire, le peuple de la révolution citoyenne, celui qui renverse la table en s’appropriant collectivement la commande de la société et sa subordination à l’intérêt général humain. Nous empruntons à la tradition de pensée du matérialisme historique l’idée qu’il s’agit là de l’accomplissement d’une nécessité. Le mot « nécessité » veut dire ici « qui ne peut pas ne pas être ». Autrement dit, il s’agit d’une classe de phénomènes dont le développement est une conséquence spontanée du mode d’organisation du système. Les conditions initiales du déclenchement des évènements qui conduisent à l’effondrement de ce système sont nichées dans les contradictions internes du mode de production, de consommation, et d’échange d’une part et d’autre part de tout cela avec la limite des capacités de la nature à le supporter. Je suis désolé de la formulation abstraite de ce raisonnement. J’en interrompt le cours en me proposant d’en rédiger la suite pour mon prochain post sur ce blog.
Dans le temps où j’ai fait campagne en Guyane, je suis allé à la rencontre de plusieurs chefs coutumiers amérindiens. Et parmi eux la seule cheffe coutumière de Guyane. Ma stupeur d’abord ce fut le sentiment d’abandon total qui les désespèrent. Une vieille dame me dit « vous êtes le premier “blanc” officiel qui vient ici ». Quoique je ne me définisse pas moi-même comme « blanc » j’ai compris ce que cette dame a voulu me dire. De son côté, la cheffe ensuite me décrivit avec amertume les difficultés avec les jeunes. Elles sont parvenues au point où une vague de suicides parmi eux se note. Elle est même étendue dorénavant aux territoires de la côte où elle ne s’observait pas jusqu’à présent. Et fait l’objet de la sidération que l’on devine. Il y a eu un rapport sénatorial sur le sujet en 2015. C’est un souci obsédant des parentèles dans les nations amérindiennes. On dit « nations » parce que c’est ainsi qu’eux-mêmes se nomment. Chacune des nations a sa langue et son aire langagière.
Il y a six nations amérindiennes en Guyane française : Kalina’a, la plus nombreuses avec 4000 individus, Palikurs, Wayanas, Wayampis, Arawak, Tékos. Les villageois élisent leurs chefs coutumiers, un par village. Ces chefferies suivent des lignées familiales quoique cela ne s’impose ni au village ni aux individus de la lignée qui peuvent choisir de ne pas vouloir se proposer pour chef. Ici, mon propos se limite aux amérindiens. Mais il y a aussi six nations dites « Bushinengués » : Aluku, Djuka, Saramaka, Paramaka, Matawai, Kwinti. Il s’agit des descendant des esclaves en fuite. Ceux-là s’étaient constitués en village libre dans la forêt. Cette histoire admirable est une occasion de plus de se souvenir que l’histoire de l’esclavage est aussi celle de la révolte permanente des esclaves contre leur condition. Ici elle aura conduit plusieurs groupes humains à se libérer dès le XVII siècle et à s’installer sous la protection de la forêt où ils ont créé leur propre culture, en contact étroit avec les amérindiens.
Sans entrer dans le récit d’une histoire que je suis loin de maitriser à cette heure, je donne cependant des informations à mes lecteurs sur la situation actuelle. En février 2018, un « Grand Conseil Coutumier » a été mis en place en application d’un article de la loi égalité réelle outre-mer (EROM) de 2017. Cette création était une des préconisations défendues par le rapport parlementaire de 2015 contre le suicide des jeunes amérindiens en Guyane. Elle vient remplacer le Conseil consultatif des populations amérindiennes et Bushinengués. Cependant, il reste tout aussi consultatif que le précédent et on devine qu’il n’est pas si simple de faire autrement. Ce Grand Conseil Coutumier est constitué de six chefs coutumiers amérindiens et de six chefs coutumiers Bushinengués appelés « capitaines », puis deux représentants des associations amérindiennes, et deux représentants des associations Bushinengués. Enfin deux experts nommés par l’État.
Les associations représentatives des peuples amérindiens de la Guyane cherchent à obtenir du gouvernement français la reconnaissance de leurs identités comme « peuples distincts ». C’est une question lourde d’enjeux. Car la difficulté que l’on imagine est de trouver le moyen d’articuler la loi et les droits personnels, inaliénables, contenus dans nos législations, avec l’exercice du droit coutumier qui procède tout au contraire de logiques diamétralement inverse où le droit traditionnel du collectif s’impose à celui de l’individu. Pourtant, nous n’avons pas d’autres choix que d’ouvrir un chemin commun où nos droits respectifs seraient respectés.
La République peut reconnaître la pluralité des peuples sur son territoire dans certaines circonstances à vrai dire exceptionnelles. C’est ce qui a été reconnu avec les accords de Nouméa sur la Nouvelle-Calédonie. En reconnaissant le fait colonial, notre pays a rompu un mythe dans ce cas. Mais s’agissant des droits individuels, la synthèse est impossible. La République reconnaît des droits de l’homme « inaliénables ». Cela ne se marchandera jamais. Supposer que les amérindiens ou qui que ce soit puisse en être dispensé serait affirmer un mépris de leur condition humaine par laquelle tous nous sommes « semblables », et dès lors, égaux en droits. Il faut donc prendre la question par un autre bout, déconstruire les points de vue pour les transposer sur le terrain du concret, de ses demandes. En prenant par cette entrée, on peut découvrir d’amples convergences d’objectifs.
Prenons un exemple : le foncier. Depuis quelques années, les peuples amérindiens de la Guyane cherchent à obtenir du gouvernement français des « droits territoriaux ». La France ne reconnaissant pas de droits territoriaux collectifs, les territoires amérindiens ont été classés comme domaines privés appartenant à l’État (ou propriétés dites domiennes [DOM]). Ainsi, des zones de droit d’usage existent aux abords des villages dont les villageois peuvent tirer leur subsistance. L’État a toujours un droit de regard. Les constructions ne sont pas autorisées, la chasse et la pêche y sont autorisées mais dans le strict respect des règles en vigueur sur les berges de l’Oise comme sur celles du Maroni. On devine facilement que ce n’est pas le plus simple. Car la législation sur les espèces protégées entraîne par exemple un quota pour le prélèvement de prises d’œufs de tortues. Or les indiens entendent en consommer à leur guise considérant qu’ils n’ont jamais fait de prises qui aient menacé ces espèces. Des amérindiens ont donc été condamnés pour avoir prélevé au-delà des quotas. Des plumes d’oiseaux protégées retrouvées sur des ornements ont aussi créé des polémiques avec les associations de protection des espèces.
Revenons au strict foncier. Les « accords de Guyane », conclus à la fin du mouvement « social » de 2017 en Guyane, prévoient la rétrocession de 400 000 hectares aux populations amérindiennes et « Bushinengués ». Des experts sont donc passés. Mais les terres à rétrocéder ne sont toujours pas localisées. Au demeurant, leur usage futur est controversé. Les Kalina’a souhaitent que ces terres soient gérées collectivement par un seul organisme et transformées en réserve protégée. Les autres ethnies souhaitent que ces terres soient divisées entre elles et que le choix de l’usage leur revienne. Ce n’est pas la même chose du tout. Notre candidat, Davy Rimane, se prononce pour une entité unique gérant ces terres. Il reste ainsi dans la préoccupation collectiviste qui anime la revendication initiale. Elle nous intéresse tous. Car il y a un enjeu commun. La propriété collective devra être le régime juridique des biens communs dans le régime de la règle verte des gouvernements insoumis.
C’est pourquoi nous allons à la rencontre d’une revendication essentielle des associations amérindiennes. Celles-ci demandent la ratification de la convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du Travail de 1989. C’est le seul instrument juridique contraignant assurant une véritable protection aux membres des peuples autochtones. Car elle consacre notamment le droit collectif à la terre, en gestion autochtone. Tous les États ont ratifié. Pas nous Français, compte tenu du principe d’indivisibilité de la République. Il n’autorise pas, en effet, à créer un statut particulier que ce soit pour les peuples autochtones ou pour des locuteurs d’une langue. Mais mieux ne vaudrait-il pas mieux admettre que la question se pose différemment sur les berges du fleuve Maroni et en Bretagne ?
Sans aller plus avant, je veux après ce coup d’œil aller à l’essentiel. Les peuples premiers des territoires français doivent être traités tout autrement qu’ils le sont à présent. Ils doivent être reconnus dans leur radicale spécificité. Celle-ci est un fait. Non un choix. Elle est le résultat d’un processus millénaire de développement séparé. Le monde entier en convient. Nous, Français, devrions montrer l’exemple plutôt que de laisser perdurer une situation en tous points inacceptable et contraire à la dignité de notre pays. Car les droits humains fondamentaux des amérindiens ne sont pas respectés. Ils n’ont accès à aucun de services de base de la société française, l’éducation de leurs enfants n’est pas assurée dans les conditions des droits de la jeune personne. Les moyens de protéger la diversité culturelle qu’ils portent leurs sont refusés. Leur survie est menacée par les conséquences de l’orpaillage qui les rendent malades et provoquent des malformations de leurs enfants. Et ainsi de suite. La protection des amérindiens de France met au défi non pas l’unité et l’indivisibilité de la République mais l’idée que nous nous faisons de notre propre civilisation au contact de ceux qui en ont une autre et ne peuvent la vivre librement. Je crois que les insoumis devraient faire de cette situation une cause de leurs combats.
98 commentaires
kokkino
Je connais un peu la Guyane et ses spécificités cependant je m’interroge sur le soutient à Davy Rimane de Léon Bertrand maire de Saint Laurent du Maroni avec la ribambelle de casseroles qu’il traîne et de l’élu PS de la 1ère circonscription qui a voté toutes les lois du quinquennat Hollande et fut un soutient de Valls. Que peuvent penser les électeurs guyanais de ces soutients qu’ils ne connaissent que trop bien. Une très large union c’est bien mais dans certaines limites et dans le respect de certains principes. J’ai bien entendu l’intervention de Jean-Luc Mélenchon à Saint Laurent : « qu’est ce qu’on y peut si ils nous soutiennent » en substance. D’accord mais alors qu’ils nous soutiennent modestement, dans l’ombre, si ils en sont capables ! Avons-nous vraiment à y gagner ? Cf la récent élection partielle de Belfort.
semons la concorde
On peut être de droite (ou associé comme le PS) et intelligent ! Quand la colère populaire se lève, mieux vaut retourner sa veste. La tactique électorale est toujours en vigueur et le restera, hélas, aussi longtemps que survivra cette 5e république.
oberon
Pourquoi les forces proches de LFI ne remportent-ils pas le succès électoraux ? Pourquoi les citoyens européens votent-ils extrême droite et non pour une vraie gauche ? « Au mieux » les gens s’abstiennent. LFI voudrait que le peuple se réveille. Soit. Mais LFI devrait s’ouvrir et tendre la main à d’autres mouvements proches comme celui de Hamon, du NPA.
Bob
Les classes populaires veulent des solutions claires en réponse à leurs souffrances économiques. La France Insoumise entonne une symphonie alors que les gens modestes aiment la chanson populaire. Accordons notre musique en clarifiant les avantages pour le petit peuple à voter LFI : mesures contre la mondialisation, traitement de l’immigration, mais aussi les sacrifices qu’il faudra consentir si nous quittons l’ Europe.
Diane
Quand on aura tiré les marrons du feu pour les Hamon et autre Laurent, que nous restera-t-il ? Et en plus la confusion !
Deeplo
C’est ce qui a été fait avec la campagne pour la sortie du nucléaire. Invitation à l’organisation en décembre restée lettre morte, abandon des sigles LFI, même des codes couleur de LFI, pour montrer la volonté d’ouverture et de coopération. Résultat : refus embarassé de Hamon dans une belle langue de bois. Il faudra renouveler l’approche bien sûr mais c’est sans espoir. C’est gens là veulent nous faire perdre. C’est très simple.
Berche Jean Marie
B Hamon savait bien avant les résultats officiels sa candidature au présidentielles vouée à l’échec. C’est un homme d’appareil depuis son premier engagement. Il a préféré essayer de récupérer un PS moribond, puis voyant la débâcle, créer son mouvement. Il n’a pas pas la dimension de ses ambitions. Lui et le NPA ne peuvent strictement rien apporter à LFI en termes de vision, de conviction, d’adhésion, politique, sociale, sociétale. Leur but premier est de vivre de leur mandat, de leur mandant. LFI a un programme, a des hommes pour l’incarner, le faire vivre par leur pédagogie et leur force de conviction. Fédérer le peuple çà c’est l’ambition de LFI, elle est belle.
thersite69
L’unité s’imposera d’elle-même, nous n’avons pas seuls le vérité, et la conscience est toujours rétroactive. Et il faut un long temps pour construire une conscience collectivement partagée, et avoir soi-même vécu assez longtemps pour relier les sens du texte de Pasolini en 1975 sur « la disparition des lucioles », du livre de Marcel Gauchet en 1986 sur « le désenchantement du monde », le ressenti subjectif des paroles de la chanson de Mylène Farmer datée de 1991 « Désenchantée », de la création sur Youtube de « La luciole mélenchantée » (formule excellente), en février 2016. Et tout cela sans laisser croire en mars 2017 que la FI propose encore le seul vrai et nouveau « mélenchantement » du futur. Car tous les insectes sont effectivement en disparition, comme les lucioles, les rossignols et les grillons, qui ne pourront plus être compris comme des symboles dans l’expression abstraite …
sergio
@oberon
Je crois que les effets considérables de ce que Jean-Luc Mélenchon et son équipe appellent depuis quelque temps « le parti médiatique » répondent totalement à votre question. Ne subissez-vous vous-même tous les jours du matin au soir, comme les 3/4 (voire malheureusement bien plus certainement) des Français, un conditionnement idéologique et sémantique permanent pro-macron et anti-LFI ? Voyez des titres de presse ou de radios comme « L’Europe veut accélérer les réformes » ou « Les Français contre les emplois à vie » ou « Pour une baisse des impôts » ou même « Ma vie renaît avec les centres commerciaux ouverts le dimanche ou le soir ou avec ma banque en ligne ». Ils endoctrinent durablement des millions d’esprit qui n’ont ni le temps ni l’énergie ni les moyens culturels pour décoder, démythifier et questionner ces slogans de haine cachée et de guerre ouverte. Comme une drogue constamment instillée dans les millions de consciences aliénées.
lucien
L’argument du front commun a déjà été avancé comme moyen de rassembler la gauche. Alors pourquoi la LFI ne veut plus de ce front commun électoral ? Car les expériences du passé ont montré qu’il ne s’agissait que d’une unité de façade que les citoyens français ont rejeté. La stratégie adoptée lors des élections présidentielles et législatives, où Jean-Luc Mélenchon et la LFI sont partis seuls à la bataille ont montré la justesse de l’analyse. Le front commun sur des revendications précises comme le refus de la privatisation de la SNCF, la sortie du nucléaire est tout à fait possible mais en ne mettant pas en avant les sigles des partis et mouvements qui pourraient devenir un obstacle à l’unité.
robindesvoix2
Le fief commingeois du sieur Avrignanet à tenu la barre ? Tant d’abstention. Que diantre, 70% bientôt, un record d’abstinence électorale quand la trique à Macron frappe dur sur les esprits faibles et pas que….
A quand le siphonnage de ces ex-socialos ? Pour l’instant ce sont eux qui nous aspirent le peu de voix ? La raison est fallacieuse à n’en pas douter, la macronite cette maladie contagieuse instillée par les solfériniens n’est pas prêt de nous contaminer au moins dans nos contrées giboyeuses. Notre chef à raison, le socle se maintient, et nous n’auront pas de mal à prendre les commandes du bateau avant qu’il ne coule, car force est de constater que le capitaine et ces acolytes ne s’économisent pas pour trouer la coque à l’aide d’un vilebrequin et des revues médiatiques éculées d’un fin 19ème siècle. Jaurès revient !
rage au coeur
Sortie du nucléaire, votation, j’arrive de tenir un bureau. Bien trop compliqué toute cette sophistication technique et idem pour voter en ligne. Il faut donner son n° de portable pour recevoir un code. Décourageant ! Entre ces sophistications techniques et la dispersion des forces antinucléaires. Quelle usine à gaz ! Cette campagne va faire plouf, dommage !
Paronetto
Je ne suis pas d’accord avec vous. Je viens de voter et je n’ai pas trouvé les démarches décourageantes. Franchement, bravo aux équipes pour le travail mis en oeuvre et l’efficacité du système pour en assurer la fiabilité.
Annedé
Mais non! ne soyons pas râleur. C’est rassurant qu’il y ait des « gardes fous ». Bravo aux équipes. Un bémol, nous n’avons mon mari et moi qu’un seul portable donc un seul vote possible. Mais nous allons trouver un portable disponible et nous voterons donc tous les 2 !
marco polo
Je ne suis pas un fan du portable, néanmoins j’en « possède » un. J’ai pu voter en ligne très facilement, il n’y a rien de décourageant. Cela donne des possibilités à des milliers de gens qui comme moi ont du mal à se déplacer. La dispersion des forces antinucléaires à le dos large, l’objectif est toujours de rassembler les gens, pas les partis ou assos réfractaires à cela. Aller, un effort et courage l’ami, tu t’exprimes via un ordi et que penses-tu de ceux qui n’en ont pas ?
Invisible
J’ai regardé-écouté votre intervention sur France 3 ce midi. Excellente. Une fois de plus, vous avez été olympien ce qui balaie tous les doutes et petits découragements qu’on a lorsqu’on est un simple spectateur de loin. Vous avez su tenir en respect les deux animateurs, respect ! Respect, c’est le mot qui ressort de cet entretien. On attend ce soir avec patience et peut-être qu’on aura une bonne surprise en Guyane dont France 2 ni France-Inter ne pipent mot, préférant se répandre sur la réélection sans surprise de MLP. On peut dire que le FN a eu sa publicité de faite toute la semaine. Il faut bien les garder au chaud !
Daniel BESSON
Sur la Guyane et les pêcheurs « illégaux » Brésiliens vous comptez faire quoi ? Relancer la « guerre de la langouste » avec le Brésil, faire ouvrir le feu sur les bateaux de pêche Brésiliens ?
Francis
Ou continuer à laisser bafouer le droit international et nos pêcheurs à l’abandon ? Il y a peut-être d’autres solutions que tirer à vue, non ? Par exemple engager une action diplomatique pour que ces incursions cessent et sinon engager une action juridique. Faire patrouiller la flotte sur les lieux de pêche n’a semble t’il pas d’effet réellement dissuasif car les navires « pirates » reviennent dès que la flotte s’éloigne. La France, grande nation spatiale ne saurait pas trouver les moyens de surveillance adéquats ?
HD
En ce qui concerne la votation en ligne. J’ai donné mon numéro de tel et après réception d’un code, une autre page s’affiche. J’ai indiqué le code postal de la commune où je suis enregistrée en tant que votante. Cette commune n’est pas reconnue. J’ai donc appuyé sur le bouton, non inscrit sur les listes électorales et là, lumière, j’ai pu voter. Si cette procédure peut vous aider.
kokkino
Je reviens sur la Guyane. Bien sûr qu’il est choquant qu’un bourg vote à 97% pour l’un des candidats. Mais à minuit passé et malgré ces 97% là Davy Rimane avait encore 1200 voix de plus que son adversaire de telle sorte que je le pensais (ou souhaitais) gagnant. Jusqu’à ce qu’arrivent les résultats de Saint Laurent, la principale ville de la circonscription dont le maire (de droite) soutenait Davy. Avec un tiers des voix seulement à Saint Laurent c’était perdu pour notre candidat. Aux municipales de 2014 Léon Bertrand avait été élu avec le même rapport des forces en sa faveur. C’est dire son discrédit depuis ! Je renvoies à ma précédente réflexion sur ce sujet que je ne pensais hélas pas être aussi pertinente…
Richard
Journaliste durant 1/2 siècle, homme de droite nostalgique de Sarkozy je ne voterais en aucun cas pour La France Insoumise, mais je partage l’avis de JL Mélenchon : « le corporatisme le plus noir des journalistes » est une insulte faite à l’intelligence de ceux qui les lisent ou les écoutent.
André
Je ne dispose pas de portable e je ne voterai donc pas. Ne va-t-on pas un peu trop vite dans l’élimination des moyens classiques d’expression démocratique ?
anne jordan
Mais ne peux tu voter dans un lieu où il y a une urne ? Moi non plus, je n’ai pas de portable (et je déplore cette obsession de la technologie, totalement en contradiction avec les objectifs de maîtrise de la consommation, énergétique ou autre, qui nous anime !)
Grégory C.
Il faudrait presque un nouveau projet encyclopédique audiovisuel (un peu comme Diderot, d’Alembert) : tous les thèmes de la vie sociale, économique, privée avec des reportages pour chacun d’eux, en demandant la coopération des auteurs de grands reportages (qui existent déjà pour la plupart), Cash Investigation, par exemple. De créer un site à cet effet avec l’autorisation de ces auteurs pour les utiliser dans cette grande aventure intellectuelle à réaliser. En effet, je pense qu’il n’y a pas un secteur de l’économie, un secteur de la vie, un secteur géographique épargné par ces s… du monde libéral. […]
Michèle B
Sans doute pouvons-nous nous rejoindre ponctuellement, comme propose Besancenot, pour recréer des rassemblements significatifs sur le plan social, vital ( SNCF, retraités, hôpitaux, antinucléaire) face aux attaques ininterrompues de la dictature actuelle. Mais comme l’a suffisamment dit Jean-Luc, sans amalgame de sigles ni d’opportunisme. Pour l’évidente raison que nous avons le seul programme socio-écologique humaniste cohérent, ce qu’aucun autre parti ne présente, des députés hors-pair, au-delà des rivalités d’égo de ces systèmes. Donc, si par ex. les députés PC votent souvent comme nous, notre message doit rester clair, surtout pour les européennes. Tant que le PC ne veut remettre en cause ni l’UE ni le nucléaire. Quand à Hamon (qui a déjà été utilisé pour nous couler) il a déjà signé avec le parti Diem 25 de Varoufakis, un leurre « réformiste » initié par les banques eurocrates contre les peuples. Sans fermer la porte, sans doute y a t’il plus de chance côté plan B.
lucien
Tout à fait d’accord. De plus, Hamon et le PC continuent à discuter avec Tsypras et Siryza alors qu’ils s’attaquent au peuple grec en obéissant aux ordres de la Troïka. Nous avons un plan A et un plan B pour l’Europe, ils se refusent à en discuter. Nous sommes pourtant les seuls à proposer une alternative à cette Europe libérale. On ne peut pas toujours continuer à se prononcer, à tout bout de champ, pour le front commun de gauche et ignorer la réalité des positions de chacun sur l’Europe.
Gaulo
Au vu des résultats des élections partielles, force est de constater que FI ne progresse pas, alors qu’une forte abstention devrait lui profiter. Moindre démobilisation de son électorat de 2017, agrégation des mécontentements face à la politique antisociale du pouvoir. Quelle analyse fait FI de ces décevantes élections partielles ?
Salabert
On peut être déçu du résultat des élections partielles qui viennent d’avoir lieu, surtout en ce qui concerne celle de la Guyane. Je pense toutefois qu’il ne faudrait pas oublier que notre mouvement ne date que de février 2016, cela fait donc juste deux ans d’existence. Qui peut penser sérieusement qu’en deux ans nous allions « renverser la table » ? Surtout quand on sait toutes les chausses trappes qui nous sont infligées par à peu près tout ce que notre pays compte de parti politique, gauche y compris et les attaques incessantes des médias de la « bienpensance ». Alors évidement nous aimerions que cela aille plus vite, mais le temps politique est un temps long, et le chemin que nous proposons n’est pas le plus facile car nous faisons appel à l’intelligence et je suis persuadé que nous finirons par éveiller les consciences.
Invisible
L’abstention est un grave problème. Il est préoccupant que les gens se désintéressent de la politique. Ils ne font plus le lien entre l’eau qui coule au robinet et la régie publique ou privée de l’eau. Ils considèrent tout comme acquis.
kokkino
Je ne pense pas que l’on puisse dire que les résultats des élections partielles soient décevants politiquement parlant (même si nous-mêmes pouvons être personnellement déçus). Les électeurs ne sont pas des adhérents, encore moins des militants. D’une manière générale la participation aux partielles est nettement moins importante qu’aux élections générales toutes sensibilités considérées et les candidats qui ont fait les scores les moins importants aux générales se voient marginalisés aux partielles. De ce point de vue il est remarquable de constater que la FI ne recule pas ou très peu et dans certains cas progresse. Après cela chaque partielle est un cas particulier qui nécessite une analyse particulière. La Guyane n’est pas la Haute Garonne évidemment.
morfin
Nous devons prendre le temps de bien analyser les résultats de ces élections et pas nous précipiter sur les interprétations du jour.
Pour le vote contre le nucléaire, c’était possible place République, à l’ancienne donc, mais j’ai commis l’erreur de bien laisser mes coordonnées et oublier de voter ! Pour les portables, oui, ils sont exigés partout, pour obtenir un billet de train grand voyageur, pour s’inscrire sur Ameli ou la CNAV, ou les impôts, bref çà devient comme un truc obligé, mais je ne cède pas personnellement, sachant que çà abîme les oreilles qui ont des acouphènes et qui fabrique cette saloperie en Afrique (des enfants esclaves pour le coltan). Que ce soit indispensable à certains pour leur job ou autre, çà ne me gêne pas, mais c’est le caractère obligatoire, mine de rien, qui est insupportable.
marco polo
Sur la campagne électorale de la FI, les délires du « Monde » continuent, relayés par « France Culture » en long en large et en travers. Lu cet article particulièrement tordu qui entretien le flou du financement avec le statut d’autoentrepreneur, entre autre. Aujourd’hui, c’est Alexis Corbières qui fait les frais de cette malhonnêteté des journalistes. Il va falloir mettre les points sur les « i » à ce journal et ces deux journalistes que je ne veux pas citer, ce serait leur faire trop d’honneur. Faut-il fournir des preuves de l’action du parti médiatique « mainstream » souteneur des oligarques qui financent une presse aux ordres. Ils en profitent au passage pour baver sur le « Média », enfin tout ce qui gêne l’oligarchie !
morfin
Au sujet du plan programmé de grève perlée de la SNCF pour trois mois, ce sont nous les travailleurs peu argentés, et aussi les intérimaires et précaires qui allons subir les retombées en terme de baisse de nos salaires, galères pour se rendre au travail et se loger, etc. sur les 36 jours prévus. P. Laurent ose parler de mettre les usagers avec les cheminots pour les convaincre du bienfait des services publics, comme si nous l’ignorions ! J’avais averti plusieurs que le plus simple et efficace est de mettre des tables dans toutes les gares, avec des cartons d’information et de votation citoyenne et bloquer l’accès aux machines à paiement et guichets pour des trajets qui se font, même encore plus, mais à titre gratuit. Le gouvernement bougera quand il verra qu’il n’a plus son fric et que les usagers sont du coté des cheminots. C’est çà le peuple !
Autrement
L’acharnement atlantiste des médias (oui, on peut les haïr pour cela, sans rien perdre de la lucidité requise) fonce tête baissée dans toutes les machinations visant à diaboliser Poutine. Sur le grotesque bobard monté par May contre la Russie, voir sur le site du grandsoir.info les articles de V. Marakhovsky et Moon of Alabama. On y apprend que la Russie, conformément à l’accord international, et contrairement aux USA, a détruit depuis longtemps son stock d’armes chimiques, et que l’inventeur du produit utilisé contre Skripal a émigré depuis 20 ans aux USA. Et que Skripal était impliqué dans les dénonciations du clan Clinton accusant la Russie d’avoir fait élire Trump. Cela, ils ne le disent pas ! Mais aux dernières nouvelles (France2), nous apprenons qu’entre autres « sanctions », le moins-que-rien qui nous gouverne se permet de boycotter le stand de la Russie au Salon du Livre ! Et voilà comment les médias s’amusent à jouer avec le feu.
kokkino
Très intéressante conférence de presse cette semaine (accessible sur le site de la FI) organisée par le groupe FI à l’Assemblée Nationale avec la présence du 1er ministre japonais en exercice au moment de la catastrophe de Fukushima. Avec des informations qui valident la faisabilité de notre programme de sortie « rapide » du nucléaire. Durant 23 mois après Fukushima le Japon s’est complètement passé d’énergie d’origine nucléaire. Alors que la consommation d’électricité a baissé de 10%, 50 des 54 réacteurs existants ont été arrêtés en 8 ans soit 90% d’un parc pratiquement de même importance que le nôtre. De quoi faire réfléchir !
malinvoy
L’UE dans sa course ultra libérale s’est attaquée partout à l’université et à la recherche. Plusieurs universités sont en ébullition en France et notamment à Toulouse. Dans un article très documenté de J.L Bouthurel paru dans Europe Insoumise de notre ami Olivier Tonneau on s’aperçoit que les universitaires allemands sont en train de revendiquer le système Français post 68 que le gouvernement français a entrepris de liquider !
educpop
Il est envisagé ici le risque de favoriser une révolte qui aboutisse au retour à un ordre conservateur. En effet le peuple souverain pense avoir droit à la sécurité et il accorde son suffrage à ceux qui semblent la garantir le mieux. La révolution citoyenne appartiendra à ceux qui détiendront une majorité dans les urnes même si ce ne sont pas ceux qui en avaient élaboré et défendu les principes, donc il faudrait considérer comme une priorité un élément du programme politique qui précise la question de la sécurité. Grosso modo il est probable que la population ne considère pas la FI comme en pointe sur ces questions. Mais peut-on dépasser un vieux tabou, une crainte légitime d’affaiblir les défenses qui nous préservent de l’adversaire historique retranché derrière sa désespérante morale réactionnaire ?