J’écris ces lignes dans l’avion du retour.
En Guyane pour l’élection législative partielle, « La France Insoumise » a fait le choix de soutenir la candidature de Davy Rimane. Nous avons donc été trois députés à nous rendre sur le terrain pour appuyer sa campagne : Younous Omarjee, eurodéputé insoumis, Danièle Obono et moi. Soutenir Davy Rimane correspond à une analyse approfondie de ce qui se passe sur le territoire guyanais depuis l’insurrection du mouvement social en mars 2017. Seul candidat à le faire, j’avais lu à l’époque, devant le public au meeting de Rennes, la lettre des Guyanais insurgés. Mais dans la précipitation des investitures de juin 2017, nous n’avions pas su identifier à temps la candidature de Davy Rimane. Il s’agit d’un des principaux animateurs de la lutte de 2017. Syndicaliste de l’énergie, sa candidature se présentait donc dès juin comme le débouché politique du respect de « l’accord de Guyane ». Il s’agit là du document signé à l’issue du mouvement avec le gouvernement. Il a fédéré toutes les catégories sociales de la Guyane ainsi que les amérindiens. C’est la forme la plus achevée pour l’instant d’un processus de révolution citoyenne en France. Ses motivations continuent de travailler en profondeur la société guyanaise. Notre choix est qu’elle trouve avec Davy Rimane à l’Assemblée une expression politique directe. D’une certaine façon, la candidature de Davy Rimane incarne le mouvement politico-social que nous voulons être.
La singularité de cette élection partielle en Guyane se confirme dans tous les aspects de ce premier tour. La participation a augmenté de dix points par rapport à juin dernier. Ce n’est pas banal. C’est là le signal d’une implication plus grande due à la perception d’un enjeu politique national. Cela se comprend après la visite si controversée du président Macron et sa remise en cause de plusieurs points essentiels de « l’accord Guyane » au fil de ses rencontres dans la rue. Le résultat montre une polarisation de l’élection entre le candidat LFI et celui de LREM car les deux totalisent 80% des suffrages exprimés.
Après cela, la performance de Davy Rimane est spectaculaire. En effet il a plus que doublé son nombre de voix par rapport à juin dernier. Et il a augmenté son score de quinze points ! C’est ce résultat qu’un fin analyste de BFM a osé qualifier « d’échec ». Il est vrai que les « journalistes » de la presse parisienne, qu’heureusement personne ne lit en Guyane, se sont vite alignés sur le camp macroniste. Jusqu’au Canard Enchainé. On le vit cette fois-là prompt à fermer les yeux sur les exploits très spéciaux du candidat macroniste en personne. Mais comme il s’agissait de flétrir Davy Rimane (et moi bien sûr), le Canard rappelait les déboires judiciaires d’un de ses soutiens, le maire de Saint Laurent du Maroni. L’AFP répéta en faisant par-dessus le marché un comparatif du « diplôme de Science Po » du macroniste et son statut de startupper face à au « syndicaliste Rimane ».
Les arrogances de caste se rejoignent. Bien sûr, aucun de ces implacables enquêteurs n’alla jusqu’à s’interroger sur le parcours du macroniste ni sur ses liens locaux et régionaux. Leur surprise fera plaisir à voir le moment venu. Aucun ne se demanda quoi que ce soit sur les motifs d’annulation, ni sur les dépenses de campagne actuelles, ni sur les ressources de celle-ci. Enfin, ces parangons de morale et de vertu ne cillèrent pas un instant devant certaines bizarreries des résultats.
En effet, le candidat de Macron nous creuse un écart de six cent voix avec Rimane dans un seul village enclavé, Grand Santi. Admirable ! En effet, au même endroit, pour l’élection présidentielle, on s’était abstenu à 92 %. Cette fois ci au contraire, alors que toute la Guyane votait à 30 %, on se rua sur les urnes avec 64% de participation ! Et tout cela avec une admirable détermination politique : 95,5% des suffrages au même candidat, le macroniste ! Et c’est vrai que c’est là un renfort de grand poids. Car la moitié de l’avance du macroniste sur notre candidat est réalisée à cet endroit. Donc voilà un cas d’école : une population pour laquelle l’élection essentielle de la vie politique est l’élection législative partielle quand il y en a une ! Et qui vote en masse pour un candidat dont le chef politique vient de les prévenir formellement qu’ils n’auront ni route, ni hôpital, ni rien en général sinon les bonnes paroles d’un député invalidé qui n’a eu aucune activité en six mois de mandat. Oui vraiment, c’est un cas d’école que le candidat macroniste devrait étudier pour finir son diplôme de Sciences Po.
Cependant, à mon avis, contrairement à mes camarades guyanais je ne crois pas que nos chers champions médiatiques de « l’enquête indépendante » et de « la transparence » s’intéressent à tout cela. Et même après les accusations extrêmement graves prononcées par un candidat divers droite, José Makébé. Parce que le seul problème de ces médias c’est leur rage contre tout ce que fait ou soutient « la France Insoumise ». En atteste leur indifférence quand nous progressons de quinze points et que s’effondre à 1,8 % le Front National. Marine Le Pen était pourtant deuxième à la présidentielle derrière moi en Guyane il y a tout juste sept mois ! Pas un mot ! Pourtant les mêmes tartuffes jettent de grosses larmes sur la poussée de l’extrême droite en Italie et blablabla.
Le deuxième tour se présente donc mieux pour Davy Rimane qu’en juin dernier puisque même les résultats bizarres ne l’empêchent pas d’avoir réduit l’écart par rapport à juin dernier. Selon moi, mieux vaudrait que les bizarreries ne se reproduisent pas au second tour. Dans le contexte guyanais d’après la visite présidentielle et dans la foulée du mouvement social de 2017, la candidature de Davy Rimane incarne une issue positive du processus citoyen. Son étouffement par des résultats bizarrement acquis ouvrirait une nouvelle époque de frustrations dans une société guyanaise déjà excédée. Ce que personne ne devrait souhaiter.
Élections générales en Italie. Le fiasco est assuré pour l’ordre établi européen. La liste des pays en crise politique s’allonge. L’Europe toute entière plonge dans un chaos politique mou qui place toutes les situations sous la pression de la poussée d’extrême droite qui se généralise. Après l’Espagne, cinq mois sans gouvernement, puis un nouveau naufrage dans les mains de Rajoy et de son équipée catalane sans horizon. Après la France et son président élu « par effraction » avec 23% selon ses propres termes. Après l’Allemagne sans gouvernement pendant sept mois et sa grande coalition poussive formée sur le suicide politique du PS. Au total, les quatre premières économies de la zone euro sont touchées. Touchées en profondeur. Touchées sans trajectoires alternative ouverte. Au contraire : elles sont embourbées jusqu’aux essieux dans leur trajectoire morbide. Les « élites » politico-médiatiques de tous ces pays rament énergiquement pour rester dans le même cap, les mêmes objectifs, avec le même vocabulaire, les mêmes méthodes.
L’impasse ne se présente pas seulement sous la forme de l’opposition massive des peuples qui s’exprime par des votes d’opposition frontale de toutes sortes. L’impasse vient d’un second plan du réel. En détruisant partout l’État, en abrogeant les services publics, en acculant des populations entières au chômage de plusieurs générations, l’ordre libéral dissout la société elle-même. Et il est incapable d’en assumer les conséquences. Jacques Généreux a parfaitement décrit cette situation dans son livre La Dissociété. Nous sommes aujourd’hui plus de dix ans après sa publication. Le pronostic s’est totalement vérifié. Un spectacle hideux s’est installé. Des zones entières de non droit, d’économie parallèles, de tribalisation décomposée existent partout. La violence des gangs organise de vastes territoires. La drogue est un commerce de masse. Au point d’ailleurs que son trafic est dorénavant comptabilisé dans l’évaluation de la richesse de notre pays. La suite de cette situation est connue. La société s’effondre dans la violence, elle se segmente dans des ghettos de riches et de pauvres strictement cloisonnés. Dans certaines circonstances, l’effondrement est total.
C’est ce qui arrive en ce moment à Mayotte où l’incurie de l’État, l’abandon des populations, la gestion exécrable de l’immigration comorienne et l’absence de toute visée stratégique locale et régionale a plongé tout le pays dans un chaos. Les femmes de Mayotte, les filles de celles qui luttèrent pour maintenir Mayotte dans la France, se sont mises en mouvement. Le pouvoir macroniste envoie aussitôt les escadrons de CRS et de gardes mobiles pour mater l’insurrection populaire ! Incroyable déraison. La métropole a tort de croire que ce sont là des questions exotiques. L’un après l’autre, les DOM et les TOM entrent en ébullition et en insurrection.
Les causes qui les y conduisent sont très exactement à l’œuvre dans tout le pays. Les différences se présentent comme des étapes à l’intérieur d’un même processus. Dans cette façon de voir, on peut dire que la révolution citoyenne est commencée en France depuis la mobilisation de la Guadeloupe contre « la profitation » en 2008. Le processus lent et multiforme passe d’un territoire à l’autre. En Guyane, il a atteint en 2017 une forme quasi chimiquement pure. En effet, dans ce cas, le mouvement social, largement insurrectionnel, s’est conclu sur un processus où le peuple s’est fédéré autour de ses revendications regroupées dans un document unique signé par tous et avec l’État. C’est « l’accord Guyane », programme commun du peuple dans toutes ses composantes sociales et ethniques en Guyane. À mes yeux c’est un modèle. Une méthode généralisable. Une réponse politique ordonnée au chaos qui s’avance.
Examiné du point de vue d’un adversaire de ce monde-là, rien n’est plus encourageant que l’obstination des castes dirigeantes de l’Union européenne, quoiqu’il en cuise à tous. Par exemple, voir le retour dans la campagne italienne de Berlusconi sous les applaudissements des eurocrates est une déchéance significative. En cette année de centenaire de la Révolution d’Octobre, il est frappant de voir comment l’oligarchie n’a rien appris de l’Histoire. Les classes sociales dominantes n’apprennent pas davantage de leur propre histoire (tant mieux) que de celle qu’elles dominent (hélas). Lénine résume les moments de cette sorte dans son énoncé des quatre conditions d’une situation « pré-révolutionnaire ». Une de ces conditions décrit si bien le moment que nous vivons : « en haut on ne peut plus, en bas on ne veut plus ». Quand cette conjoncture se met en place, un incident fortuit déclenche l’avalanche dont la pente des évènements est grosse.
Chaque révolution commence de cette façon. Puisque j’en suis à 1917, rappelons que c’est une manifestation de femmes contre la guerre qui effondre le régime tsariste. Un mouvement qui tint trois jours de suite au grand dam de tous les partis. La dynamique dégagiste de l’époque était fondée là-dessus : arrêter la guerre, ramener les hommes dans leurs familles. Tous les gouvernements suivants se contorsionnèrent autour de cette question. Tous continuèrent la guerre. Si les bolcheviks prirent le pouvoir c’est d’abord parce qu’il était à portée de main. En dépit de leurs multiples fautes de commandement et d’évaluation du rapport de force, s’ils y parvinrent c’est d’abord parce que les foules russes le leur donnèrent de bon cœur. Elles le firent parce qu’ils étaient les seuls à n’avoir trempé dans aucune tambouille pour continuer cette guerre.
Mais tout processus destituant n’est pas voué spontanément au meilleur. Robespierre note « Il est dans les révolutions des mouvements contraires et des mouvements favorables à la liberté, comme il est dans les maladies des crises salutaires et des crises mortelles ». Ainsi dans le registre inverse de l’octobre rouge des Russes, si les islamistes ont été à deux doigts de l’emporter en Tunisie comme ils l’ont fait en Turquie ou en Iran, cela n’a rien à voir avec l’action de Dieu. Mais tout avec l’épuisement absolu du système antérieur et avec le réseau tentaculaire de ceux qui, dans tous les partis, avaient eu à faire avec les régimes pourris. Des régimes maintenus à bout de bras comme « moindre mal » par ceux qui en profitaient sur place et davantage encore à l’étranger. En dépit de tout, les vagues dégagistes à l’œuvre ne sont pas épuisées dans ces pays comme ailleurs et elles s’emparent des matériaux qu’elles trouvent pour frapper, fussent d’abord les plus improbables. Ne perdons pas de vue qu’en Turquie comme en Iran, les régimes dictatoriaux luttent d’abord pour leur survie.
D’où l’importance pour les nôtres d’évaluer correctement les rapports de force, de ne jamais s’abandonner aux provocations de l’ennemi, même meurtrières comme celles des assassinats de nos camarades Chokri Belaïd ou Mohamed Brahmi en Tunisie, de rester en vie et de se rendre disponible à la colère populaire en passant par les chemins de crête pacifiques du refus des arrangements avec le système. Car tous les régimes « démocratiques » de notre continent travaillent sous nos yeux ardemment à leur propre destruction. Tout tombera aussi soudain que le mur en son temps. Le régime économique ordo-libéral à l’allemande, ses institutions politiques et ses « élites » sont dans la même osmose et la même rigidité que feu le régime « socialiste ». Le même type d’auto-aveuglement étouffe la pensée de ses élites : « Ça ne marche pas ? C’est parce que nous n’en faisons pas assez dans la “bonne direction” ». Ils sont donc condamnés à creuser avec enthousiasme la fosse commune de l’Histoire dans laquelle finit toujours ce genre d’obstination.
Pour être le recours politique dans de telles conditions, deux conditions s’imposent. D’abord franchir un seuil de crédibilité qui fasse de nous un point d’appui. Nous y sommes parvenus en deux élections présidentielle puis législatives et ensuite dans les élections partielles. Ensuite être actifs et reconnus légitime dans les luttes populaires contre le système, ses politiques, ses représentants. Le mouvement « La France Insoumise » jour après jour occupe ce terrain. Son objectif est de devenir un mouvement politico-social. Un objet politique nouveau. Mais pour rendre tout cela pérenne, il faut se trouver distinctement hors du champ des collusions avec ce système. On doit comprendre ces impératifs dans le contexte qui est le nôtre désormais. En France et en Europe. En toutes circonstances et en tous lieux le prix de notre amitié est le même : rupture totale avec tous les partis du système des traités européens. Toute l’exécution de notre projet politique passe par là dans le nouveau contexte politique du vieux continent. Le temps présent est celui d’une très grande turbulence.
La théorie de « la révolution citoyenne » repère deux temps globaux dans le déroulement des évènements qui conduisent jusqu’à elle. La première phase est « destituante », la seconde est « constituante ». Les deux sont des moments d’état de conscience collective. Certes, les deux restent assez emmêlées dans la réalité ordinaire d’une crise politique. Mais le passage de l’une à l’autre constitue le moment révolutionnaire à strictement parler.
La phase « destituante » est celle au cours de laquelle toute institution, toute autorité, tout pouvoir est discrédité jusqu’au point qu’un mot d’ordre commun s’impose comme motif exclusif et fédérateur de l’action : « qu’ils s’en aillent tous » ; « dégagez ! ». Il est vain de croire que cette injonction serait réservée aux seuls puissants du moment. Elle frappe tout le champ politique et social. La délégitimation est générale. Le fond commun de cette évolution des esprits est, sous une forme ou une autre, l’incapacité des pouvoirs constitués ou des institutions de la société, au sens le plus large, à répondre aux nécessités de base de l’existence quotidienne du tout venant. Nécessités matérielles ou morales. Les deux étant le plus souvent vécus comme les deux faces d’une même réalité insupportable. Le débouché inéluctable de cette phase est la rupture fortuite de la chaîne des consentements à l’autorité sur laquelle reposent toutes les sociétés complexes.
C’est pourquoi le plus souvent les déclenchements révolutionnaires passent par deux chemins constants. D’un côté une action des femmes. Pour le montrer, je prendrai mes exemples dans les situations historiques de référence traditionnelles, alors même que peu nombreux sont ceux qui l’ont vu comme je le présente. Car n’en déplaise, ce fut le cas pour la révolution de 1917, je l’ai noté déjà. Mais ce fut le cas aussi dans le processus de la grande Révolution française. Le passage de la révolution à sa phase radicale est à mes yeux le cortège des femmes qui ramènent de force le roi, la reine et compagnie depuis Versailles jusqu’à Paris, mettant fin à la majesté inviolable du corps du roi.
Sans multiplier les exemples, on peut comprendre qu’étant le premier maillon de l’organisation sociale, les femmes sont la dernière ligne de cohésion de l’ordre social quand bien même fonctionne -t-il tout entier à leur détriment. Dès lors, elles forment aussi l’élément le plus conscient des limites d’un système quand il refuse ou attente au minimum vital à partir duquel tout effort et tout dévouement s’épuise en vain. La liste des accusés du procès qui se fit contre les marcheuses de l’expédition de Versailles, ou bien celle des intrépides d’abord mitraillées par les cosaques en atteste : ce sont des femmes du commun, les bras chargés de gosses, en lutte pour la survie.
Pour autant, ce serait une erreur d’évaluation de n’y voir qu’une forme de sursaut de survie aveuglé. Les entrées en révolution des femmes sont plutôt toujours concentrées sur le point stratégique qui dénoue une situation. Les femmes qui affrontent la cosaquerie tsariste, celles qui vont à Versailles au choc sans reculer devant les gardes royales, dont elles tuent deux ou trois et mangent même un cheval, vont directement au point nodal de l’écheveau des faits qui forment une situation révolutionnaire. Pour la Commune de Paris encore, le bataillon de femmes qui, avec Louise Michel, va prendre les canons disposés à Montmartre dénoue le cœur de l’intrigue entre les versaillais et le peuple en révolte. De là part la bascule des évènements. Ce n’est pas pour rien que l’Église réactionnaire a fait construire sur cette colline cette horreur de « Sacré Cœur » voué à l’expiation des « crimes de la Commune » ! On notera qu’à Mayotte ce sont les femmes qui forment le cœur du mouvement en cours.
L’autre constante des commencements d’incendies politiques est la question de la sécurité. Elle met mal à l’aise nos familles politiques tant c’est une question qui a été instrumentalisée par les pires démagogues de droite extrême. Mais en Guyane comme à Mayotte, le déclencheur aura été la résistance populaire à l’insécurité. Insécurité ressentie partout comme la forme la plus insupportable d’abandon par l’État. Les amateurs de comparaison historique se réfèreront au rôle des « grandes peurs » dans l’aggravation du processus révolutionnaires de 1789 jusqu’à la formation des milices populaires à qui Robespierre remis à Paris la bannière portant devise « Liberté-Egalité-Fraternité ».
Au total, l’évènement fortuit qui déclenche l’avalanche du moment « destituant » est par définition imprévisible dans sa survenue comme dans son intensité. Mais il comporte assez de caractéristiques constantes dans l’Histoire pour en faire une liste qui illustre comment on peut passer du point « en haut on ne peut plus et en bas on ne veut plus » au point « qu’ils s’en aillent tous ! ». « Ils » étant alors reconduits jusqu’à la porte de sortie à coup de pieds dans les fesses. La violence du processus destituant est d’autant plus grande que le régime est rigide et ne comporte pas d’échappement. La démocratie permet au contraire de « purger » les situations de tensions en permettant à l’énergie « destituante » d’ouvrir un nouveau chemin de déploiement à la société. En théorie. En pratique il en va tout autrement en ce moment. Ici le mot « démocratie » ne concerne pas exclusivement le processus formel par lequel elle s’exprime. Pas seulement les élections elles-mêmes. Mais tout l’arc des moyens par lesquels la société exprime ses attentes et ses certitudes.
Quoiqu’il en soit, dans un cas comme celui que nous vivons « l’échappement » est bouché. Il a été occulté à double tour par le cadenas du parti médiatique et l’aveuglement des dirigeants. Quand Juncker dit « il n’y a pas de démocratie possible hors des traités européens », il dit qu’il n’y a pas de démocratie du tout. Pas d’échappement. Le moment que nous vivons montre la panne des moyens de purge. Les crises politiques des quatre premiers pays de l’Union européenne le montre sans fard. En France, le deuxième tour qui rend ultra majoritaire un candidat qui ne fait pas un quart des suffrages du premier tour est une caricature de purge empêchée. Et donc différée. L’évènement fortuit est donc inéluctable quoiqu’imprévisible. Mais la dynamique qui l’aura rendu possible ne s’épuisera pas aussi longtemps que ces conditions initiales n’auront pas été purgées. C’est pourquoi les « avalanches » se succèdent par vagues successives en temps de révolution. On repère notamment ces formes de « répliques » à l’exaspération des « modérés » de toutes les époques et de tous les pays. Ceux qui, dans la révolution de 1917 en Russie, celle de France en 1789 ou celle de Tunisie récemment ne cessent de décréter que « maintenant c’est fini, il est temps de faire une pause », « il faut consolider les acquis » et ainsi de suite.
L’art de maitriser les répliques fait partie de l’intelligence de ce type de situation. L’octobre rouge, comme la proclamation de la République après la fuite du roi à Varennes et la défaite de l’invasion allemande de Valmy, pour rester dans les comparaisons déjà faites, sont d’abord des répliques qui visent à achever le travail commencé par le processus destituant et l’évènement fortuit qui l’a débondé.
La seconde phase du processus de révolution citoyenne est la phase « constituante ». Celle au cours de laquelle plusieurs processus de l’étape précédente arrivent à maturité. Ils changent alors de nature. Je n’ai pas l’intention de reprendre la démonstration classique selon laquelle dire « non » à une chose c’est en même temps dire « oui » à une autre. Mais c’est bien de ce processus dont il s’agit. L’affirmation populaire passe de sa forme « destituante » à sa forme constituante dans ce moment où elle rejette définitivement ce qui est. C’est à dire qu’elle le fait en installant une alternative à ce qu’elle rejette. C’est ici l’épisode le plus décisif du processus de la révolution citoyenne. À vrai dire, si la révolution citoyenne est un tout qui inclut toutes les phases antérieures aux crises ouvertes qui se manifestent en son sein, cette transition est celle qui commence la révolution en tant que tâche concrète pour ses protagonistes. Un matin le bazar recommence au-delà du point atteint la veille et il faut faire quelque chose d’autre sur le champ pour en sortir.
Si la société n’est pas capable d’enfanter un fonctionnement alternatif, alors le processus destituant ne produira qu’une demande de retour à l’ordre. Ou n’importe quelle solution où l’autorité serait rétablie pour garantir les besoins fondamentaux. Pour une conscience avertie, la façon de faire émerger le nouvel ordre ne s’improvise donc pas. Car s’il tarde à naître, il peut avorter. Il peut surtout provoquer une inversion du sens des évènements comme on le ferait en se promenant à la surface d’un anneau de Moebius. Du même pas, au même rythme, du dessus au dessous, du positif au négatif, sans aucune rupture de parcours.
Donc disais-je, le processus constituant commence à se déployer au sein même des évènements qui le précèdent. On dit oui à une chose en disant non à son contraire. Mais quand le processus est à maturité, c’est que la demande du neuf est devenue claire et tangible, qu’elle apparaît comme la solution concrète immédiate au problème posé. On sait quoi faire et comment y arriver. Cette métamorphose ne démêle à vrai dire jamais de soi-même son contenu paradoxal du oui et du non siamois. C’est pourquoi la stratégie fondamentale de la révolution citoyenne propose un mode opératoire pour accomplir ce franchissement de seuil de croissance de l’expression politique populaire. Il s’agit de la revendication, puis de la convocation, et la tenue d’une Assemblée constituante. Les pays de l’Amérique du sud comme aussi la Tunisie qui l’ont pratiqué ont franchi de cette façon très pacifiquement et très profondément des seuils très complexes de réorganisation de la vie de la société. Car la définition en commun des règles de vie produit à la fois les droits de chacun et du coup le devoir de tous les autres de les respecter. Et par là-même est atteint un premier résultat : le consentement à l’ordre, celui que vient d’instituer l’Assemblée constituante. Cela opère un tri démocratique entre ceux qui le soutiennent et ceux qui veulent le changer. L’arc des possibles se dessinent sous les yeux de chacun, la phase destituante négative est close.
Ce n’est pas le seul résultat concret. Un autre tout aussi considérable doit être compris. Car en devenant constituant, le peuple s’institue lui-même. Il dit qui il est, il se reconnaît en nommant les droits dont il est le sujet. La stratégie de la Constituante est donc celle qui produit en même temps qu’un nouvel ordre son acteur politique : le peuple révolutionnaire constituant.
Cette vision des choses permet de comprendre un autre aspect de la méthode que nous mettons en œuvre avec le mouvement « La France insoumise ». Nous ne nous donnons pas pour but de créer un « parti révolutionnaire » au sens avant-gardiste que ce mot a pris au vingtième siècle. Ni même un « mouvement révolutionnaire » dans le sens ou ses actions viseraient à déclencher je ne sais comment une révolution qu’il voudrait diriger. Notre but est de constituer un peuple révolutionnaire, le peuple de la révolution citoyenne, celui qui renverse la table en s’appropriant collectivement la commande de la société et sa subordination à l’intérêt général humain. Nous empruntons à la tradition de pensée du matérialisme historique l’idée qu’il s’agit là de l’accomplissement d’une nécessité. Le mot « nécessité » veut dire ici « qui ne peut pas ne pas être ». Autrement dit, il s’agit d’une classe de phénomènes dont le développement est une conséquence spontanée du mode d’organisation du système. Les conditions initiales du déclenchement des évènements qui conduisent à l’effondrement de ce système sont nichées dans les contradictions internes du mode de production, de consommation, et d’échange d’une part et d’autre part de tout cela avec la limite des capacités de la nature à le supporter. Je suis désolé de la formulation abstraite de ce raisonnement. J’en interrompt le cours en me proposant d’en rédiger la suite pour mon prochain post sur ce blog.
Dans le temps où j’ai fait campagne en Guyane, je suis allé à la rencontre de plusieurs chefs coutumiers amérindiens. Et parmi eux la seule cheffe coutumière de Guyane. Ma stupeur d’abord ce fut le sentiment d’abandon total qui les désespèrent. Une vieille dame me dit « vous êtes le premier “blanc” officiel qui vient ici ». Quoique je ne me définisse pas moi-même comme « blanc » j’ai compris ce que cette dame a voulu me dire. De son côté, la cheffe ensuite me décrivit avec amertume les difficultés avec les jeunes. Elles sont parvenues au point où une vague de suicides parmi eux se note. Elle est même étendue dorénavant aux territoires de la côte où elle ne s’observait pas jusqu’à présent. Et fait l’objet de la sidération que l’on devine. Il y a eu un rapport sénatorial sur le sujet en 2015. C’est un souci obsédant des parentèles dans les nations amérindiennes. On dit « nations » parce que c’est ainsi qu’eux-mêmes se nomment. Chacune des nations a sa langue et son aire langagière.
Il y a six nations amérindiennes en Guyane française : Kalina’a, la plus nombreuses avec 4000 individus, Palikurs, Wayanas, Wayampis, Arawak, Tékos. Les villageois élisent leurs chefs coutumiers, un par village. Ces chefferies suivent des lignées familiales quoique cela ne s’impose ni au village ni aux individus de la lignée qui peuvent choisir de ne pas vouloir se proposer pour chef. Ici, mon propos se limite aux amérindiens. Mais il y a aussi six nations dites « Bushinengués » : Aluku, Djuka, Saramaka, Paramaka, Matawai, Kwinti. Il s’agit des descendant des esclaves en fuite. Ceux-là s’étaient constitués en village libre dans la forêt. Cette histoire admirable est une occasion de plus de se souvenir que l’histoire de l’esclavage est aussi celle de la révolte permanente des esclaves contre leur condition. Ici elle aura conduit plusieurs groupes humains à se libérer dès le XVII siècle et à s’installer sous la protection de la forêt où ils ont créé leur propre culture, en contact étroit avec les amérindiens.
Sans entrer dans le récit d’une histoire que je suis loin de maitriser à cette heure, je donne cependant des informations à mes lecteurs sur la situation actuelle. En février 2018, un « Grand Conseil Coutumier » a été mis en place en application d’un article de la loi égalité réelle outre-mer (EROM) de 2017. Cette création était une des préconisations défendues par le rapport parlementaire de 2015 contre le suicide des jeunes amérindiens en Guyane. Elle vient remplacer le Conseil consultatif des populations amérindiennes et Bushinengués. Cependant, il reste tout aussi consultatif que le précédent et on devine qu’il n’est pas si simple de faire autrement. Ce Grand Conseil Coutumier est constitué de six chefs coutumiers amérindiens et de six chefs coutumiers Bushinengués appelés « capitaines », puis deux représentants des associations amérindiennes, et deux représentants des associations Bushinengués. Enfin deux experts nommés par l’État.
Les associations représentatives des peuples amérindiens de la Guyane cherchent à obtenir du gouvernement français la reconnaissance de leurs identités comme « peuples distincts ». C’est une question lourde d’enjeux. Car la difficulté que l’on imagine est de trouver le moyen d’articuler la loi et les droits personnels, inaliénables, contenus dans nos législations, avec l’exercice du droit coutumier qui procède tout au contraire de logiques diamétralement inverse où le droit traditionnel du collectif s’impose à celui de l’individu. Pourtant, nous n’avons pas d’autres choix que d’ouvrir un chemin commun où nos droits respectifs seraient respectés.
La République peut reconnaître la pluralité des peuples sur son territoire dans certaines circonstances à vrai dire exceptionnelles. C’est ce qui a été reconnu avec les accords de Nouméa sur la Nouvelle-Calédonie. En reconnaissant le fait colonial, notre pays a rompu un mythe dans ce cas. Mais s’agissant des droits individuels, la synthèse est impossible. La République reconnaît des droits de l’homme « inaliénables ». Cela ne se marchandera jamais. Supposer que les amérindiens ou qui que ce soit puisse en être dispensé serait affirmer un mépris de leur condition humaine par laquelle tous nous sommes « semblables », et dès lors, égaux en droits. Il faut donc prendre la question par un autre bout, déconstruire les points de vue pour les transposer sur le terrain du concret, de ses demandes. En prenant par cette entrée, on peut découvrir d’amples convergences d’objectifs.
Prenons un exemple : le foncier. Depuis quelques années, les peuples amérindiens de la Guyane cherchent à obtenir du gouvernement français des « droits territoriaux ». La France ne reconnaissant pas de droits territoriaux collectifs, les territoires amérindiens ont été classés comme domaines privés appartenant à l’État (ou propriétés dites domiennes [DOM]). Ainsi, des zones de droit d’usage existent aux abords des villages dont les villageois peuvent tirer leur subsistance. L’État a toujours un droit de regard. Les constructions ne sont pas autorisées, la chasse et la pêche y sont autorisées mais dans le strict respect des règles en vigueur sur les berges de l’Oise comme sur celles du Maroni. On devine facilement que ce n’est pas le plus simple. Car la législation sur les espèces protégées entraîne par exemple un quota pour le prélèvement de prises d’œufs de tortues. Or les indiens entendent en consommer à leur guise considérant qu’ils n’ont jamais fait de prises qui aient menacé ces espèces. Des amérindiens ont donc été condamnés pour avoir prélevé au-delà des quotas. Des plumes d’oiseaux protégées retrouvées sur des ornements ont aussi créé des polémiques avec les associations de protection des espèces.
Revenons au strict foncier. Les « accords de Guyane », conclus à la fin du mouvement « social » de 2017 en Guyane, prévoient la rétrocession de 400 000 hectares aux populations amérindiennes et « Bushinengués ». Des experts sont donc passés. Mais les terres à rétrocéder ne sont toujours pas localisées. Au demeurant, leur usage futur est controversé. Les Kalina’a souhaitent que ces terres soient gérées collectivement par un seul organisme et transformées en réserve protégée. Les autres ethnies souhaitent que ces terres soient divisées entre elles et que le choix de l’usage leur revienne. Ce n’est pas la même chose du tout. Notre candidat, Davy Rimane, se prononce pour une entité unique gérant ces terres. Il reste ainsi dans la préoccupation collectiviste qui anime la revendication initiale. Elle nous intéresse tous. Car il y a un enjeu commun. La propriété collective devra être le régime juridique des biens communs dans le régime de la règle verte des gouvernements insoumis.
C’est pourquoi nous allons à la rencontre d’une revendication essentielle des associations amérindiennes. Celles-ci demandent la ratification de la convention n°169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation internationale du Travail de 1989. C’est le seul instrument juridique contraignant assurant une véritable protection aux membres des peuples autochtones. Car elle consacre notamment le droit collectif à la terre, en gestion autochtone. Tous les États ont ratifié. Pas nous Français, compte tenu du principe d’indivisibilité de la République. Il n’autorise pas, en effet, à créer un statut particulier que ce soit pour les peuples autochtones ou pour des locuteurs d’une langue. Mais mieux ne vaudrait-il pas mieux admettre que la question se pose différemment sur les berges du fleuve Maroni et en Bretagne ?
Sans aller plus avant, je veux après ce coup d’œil aller à l’essentiel. Les peuples premiers des territoires français doivent être traités tout autrement qu’ils le sont à présent. Ils doivent être reconnus dans leur radicale spécificité. Celle-ci est un fait. Non un choix. Elle est le résultat d’un processus millénaire de développement séparé. Le monde entier en convient. Nous, Français, devrions montrer l’exemple plutôt que de laisser perdurer une situation en tous points inacceptable et contraire à la dignité de notre pays. Car les droits humains fondamentaux des amérindiens ne sont pas respectés. Ils n’ont accès à aucun de services de base de la société française, l’éducation de leurs enfants n’est pas assurée dans les conditions des droits de la jeune personne. Les moyens de protéger la diversité culturelle qu’ils portent leurs sont refusés. Leur survie est menacée par les conséquences de l’orpaillage qui les rendent malades et provoquent des malformations de leurs enfants. Et ainsi de suite. La protection des amérindiens de France met au défi non pas l’unité et l’indivisibilité de la République mais l’idée que nous nous faisons de notre propre civilisation au contact de ceux qui en ont une autre et ne peuvent la vivre librement. Je crois que les insoumis devraient faire de cette situation une cause de leurs combats.
98 commentaires
Yetty
Bonjour Jean-Luc, je lis ce blog quasiment depuis son commencement, et jusque là, je n’ai pas souhaité commenter, que ce soit pour manifester mon soutien ou mon désaccord. Mais là, je voudrais juste vous dire bravo pour cette prise de position par rapport aux Indiens de Guyane ! Reconnaître que « la position se pose différemment » pour eux est un signe d’intelligence et d’ouverture que j’approuve à 100%, et j’espère que les militants de la FI n’auront pas une réaction de raideur sur cette analyse. Je précise que je suis une « blanche » de métropole ! Merci de donner de nous à ces nations une image qui ne nous couvre pas de honte comme le font les autres (le « premier blanc » à venir voir ces gens ! Juste hallucinant !)
Pauvre2
« Une vieille dame me dit « vous êtes le premier “blanc” officiel qui vient ici » »
« Officiel », c’est une nuance, mais tout de même !
LesL
Les amérindiens, les seconds occupants du continent américain ! Buffalo Bill fut le 1er assassin de cette civilisation, tandis que Christophe Colomb les exterminait en Amérique du sud. Les incas, venus des Indes, à pied évidemment, traversèrent le détroit de Béring. Ils occupèrent le continent dans sa totalité. Ils précédèrent les amérindiens !
marcus
Au risque de déplaire, Grand Santi avait voté LREM à 95% et avec 59% de participation au second tour de la législative 2017. Peut-être que le candidat LREM est originaire de la région ? Cela expliquerait la hausse du taux de participation depuis.
Berche Jean Marie
Mr Mélenchon ne dit pas autre chose. 92% d’abstention aux présidentielles. Lui dit 64% et non 59% de participation au second tour des législatives et donc 95% pour LREM. Vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre. En tout cas çà sent la magouille comme dans un vulgaire congrès de feu le PS.
gray pierre
Si le résultat de ce premier tour interpelle, et que votre hypothèse d’un candidat local s’avérait erronée, peut-être faudrait-il s’interroger également sur le résultat du vote en 2017 ? Affaire à suivre de près par FI.
Girolles36
Après renseignement, Grand Santi est la commune du candidat et celle de sa nation Djukas. Rimane est un créole de Kourou et n’appartient donc pas à une nation bushinengue.
semons la concorde
Intéressante note de blog. Ma soeur a enseigné en Guyane et à Mayotte et les services étaient déjà très dégradés. J’imagine sans peine les grandes difficultés d’aujourd’hui. Mais nos gouvernants ne s’intéressent pas au progrès humain mais à celui du CAC 40. Ils vivent de la captation des biens publiques cédés pour rien à des capitaines d’industrie qui en plus nous font la morale. C’est proprement insupportable. Il est de plus en plus urgent de faire un début de constituante pour donner le pouvoir au peuple très rapidement. Attendre serait suicidaire. Tous les virages, tous les réglages seront faits ensuite par référendums. Les élus seront là pour parler, expliquer et appliquer les choix des citoyens. Continuer avec la fausse démocratie actuelle ne nous sortira pas de l’ornière. Hollande a capitulé, Tsipras a capitulé et nous, que ferons-nous si ce n’est pas le peuple tout entier qui décide ?
Jean Louis
Magnifique billet sur les nations et peuples amérindiens ou autre peuples de nos anciennes colonies qu’il est totalement criminel d’abandonner comme l’Etat le fait depuis des années alors que ce serait notre honneur de réussir là bas, partout. Quel en serait les coûts? Peanut par rapport à tous les budgets nationaux.
Je n’arrive pas à comprendre comment des gens quels que soient leurs problèmes puissent voter en masse pour un Berlusconi.
Le Canard Enchaîné n’est plus du tout depuis maintenant quelques années ce qu’il a pu être, moi qui depuis mes 17 ans il y a bien longtemps, ne manquait jamais un numéro je ne l’achète plus depuis au moins 5 ans, dégoûté que je suis presque au même titre qu’en écoutant les media mainstream.
Larry
D’accord sur beaucoup de points y compris sur votre écœurement face aux médias « mainstream ». Cependant, « Le média » est loin d’être exemplaire comme organe d’information. Là encore, on risque de ne pas gagner en crédibilité. Ne reproduisons pas les comportements que nous dénonçons sans arrêt dans le « parti médiatique ». Soit dit en passant, on finira par agacer à remettre le couvert à longueur de temps sur ce parti médiatique. La posture victimaire provoque assez vite un certain désintérêt.
macrophobe
@Jean Louis
Moi non plus, je ne lis plus le Canard depuis que je suis tombé sur un article au vitriol contre Isabelle Adjani qui protestait simplement contre l’obligation vaccinale destinée à accroitre la richesse des labos. Honte à ce journal !
Bob Morane
Très clair sur l’Europe. Non à la tambouille et à l’électoralisme qui cherche à mentir aux électeurs en prétendant changer l’Europe.
gapr
D’avoir endorsé un régionaliste aux idées éloignées de la FI pour pouvoir accéder au second tour alors que le candidat officiel FI avait fait 2.4% en 2017, ce n’est pas de la tambouille peut-être ?
Margenstern
Bravo, Monsieur Jean-Luc Mélencon de prendre en considération les revendications des peuples amérindiens de la Guyane. La prise en compte de l’intérêt général humain devrait permettre de surmonter la « divergence » due à l’indivisibilité de la république. Vous avez bien indiqué le chemin qui permet à ces peuples à nous de vivre dignement et dans le respect mutuel. Il est intéressant de remarquer le quasi-silence radio du service public sur le résultat du premier tour de cette élection partielle en Guyane. quand les faits s’insurgent contre le discours médiatique, les médias font le silence, en toute objectivité, n’est-ce pas ? Espérons que le second tour confirmera ce qui s’est révélé au premier.
L.Boucher
D’abord, merci pour le texte sur la Guyane et ses populations ignorées. Comme quoi, la situation amérindienne et des descendants de marrons noirs est reliée au despotisme des institutions qui défendent le système. On peut faire un lien direct avec la situation des Premières Nations au Canada. C’est toujours une histoire de destruction des droits et des identités en vue de «normaliser», d’abolir les différences pour lesquelles des droits sont revendiqués.
Partant de là, le long texte sur la révolution citoyenne a pris tout son sens. Ne vous excusez pas de cette longueur. Cela permet de suivre son contenu pas à pas, un moment de réflexion qui se prolonge, qui me permet de voir comment cela peut servir à l’analyse et à l’action dans mon propre pays, le Québec. Chez nous, il y a ceux qui vont trop lentement et ceux qui vont trop vite. Les deux n’on pas cette analyse des temps de passage à la révolution citoyenne. C’est ce qui nous manque, à mon humble avis. Merci.
Limonade
@marcus
Bien vu mais vous avez oublié le reste des chiffres.
Au1er tour, 41% de participation et 94% pour le candidat en question, la circonscription ayant un taux de participation à 26%. Au 2ème tour, 60% de participation et 97% pour ce même candidat, la circonscription ayant une participation à 35℅. Le conseil constitutionnel annule le vote début janvier car, officiellement, 2 bureaux d’une commune voisine n’ont pas eu d’assesseurs et le nombre de votes exprimés là-bas est supérieur à la différence des voix des 2 protagonistes.
Rebelle
Je pense qu’il faut se méfier d’analyse superficielle. A Grand Santi, aux législatives 2017, Adam (que je ne soutiens nullement) devance Rimane de 365 voix au 1er tour et de 536 au 2nd tour. L’élection d’Adam a été invalidée le 8 décembre 2017, et non début janvier. Les inscriptions sont donc ouvertes : il serait bon de jeter un œil à leur évolution commune par commune. On pourrait aussi évoquer le cas de St Laurent du Maroni, dont un certain Léon Bertrand (LR) est maire : Adam devance Rimane de 1072 voix au 1er tour 2017 et de 1374 en mars 2018, Adam affichant un gain de 1009 voix entre ces deux scrutins. On a vraiment besoin d’une analyse approfondie et de répondre aux multiples questions, dont « que sont devenues les voix FN ? ».
flo
Bonjour, en tant qu’étudiant en anthropologie je peux qu’être touché par votre position sur les populations amérindiennes de Guyane. Je suis persuadé que les sciences humaines et sociales pourront servir à recréer un monde plus juste et égalitaire. A la manière d’un anthropologue (ce que vous êtes un peu, homme de terrain) vous savez qu’il faut de la théorie pour comprendre (et agir sur) les pratiques humaines. Comme vous, mes maîtres sont Marx, mais aussi Bourdieu. J’espère qu’un jour dans un futur pas trop lointain, notre modèle de société actuel sera enseigné aux enfants, pas forcément de façon morale mais plutôt d’une manière distanciée, grâce notamment aux apports de l’histoire et des sciences humaines, et que ce monde (aujourd’hui causant des souffrances innombrables) sera vu et enseigné comme un témoignage intéressant d’un passé désormais révolu. Bonne soirée à vous et on continue le combat.
julie
Finalement, vous avez tort d’être si réticent aux voyages en avion, la tête dans les nuages vous inspire et nous apprenons avec grand intérêt votre lente reconversion vers un « régionalisme raisonné ». Ceci dit le problème du foncier nous concerne tous et tant que nous ne trouvons pas de solution pour nous le réapproprier en bien commun, tout nos beaux projets se heurteront au principe de la propriété privé d’un bien géré comme une marchandise qui pourtant n’est pas multipliable pour répondre à la demande. La révolution russe l’avait résolu, la gestion par la suite était moins concluante…
thierryjay45
Totalement en accord avec les commentaires précédents, votre prise de position sur les amérindiens et les Bushinengués de Guyane vous honore grandement. Je pense qu’en perspective de la future alternance, insoumise, les insoumis guyanais avec Davy Rimane seraient inspirés de travailler pleinement cette question de reconnaissance de ces spécificités dans le cadre de notre République, dans la perspective d’une constituante pour une VIème République.
Ce qui m’amène à une transition toute trouvée sur les élections italiennes dont les résultats indiquent l’implosion en plein vol du système. La gôche, bien que coalisée, est piétinée. La droite s’extrémise à fond. Et la nébuleuse à 5 étoiles va connaître d’énormes tensions faute de clarté idéologique. Qu’en sortira-t-il de cette ruine absolument tragique ?
Larry
Je ne suis pas persuadé qu’il soit productif de trop insister sur l’existence d’un « parti médiatique » dirigé par neuf milliardaires et à la solde unique de la « macronie ». Ne court-on pas le risque d’être identifiés à des partisans d’une fumeuse théorie du complot ? De surcroît, ne risquons nous pas de perdre des cœurs plutôt que d’en gagner ? Et par un retour de boomerang, Mélenchon ne risque-t-il pas d’etre accusé de rouler pour Macron en empêchant la FI d’atteindre une masse critique lui permettant de peser significativement sur l’avenir politique du pays ? Cette attitude de victime, à terme ne rapportera pas.
Francis
Ce n’est pas un complot, c’est juste la lutte des classes. Et dans celle-ci pour l’adversaire la lutte idéologique est de première importance pour démobiliser et diviser ceux qui au contraire auraient intérêt à s’unir et à agir. Que voulez-vous faire d’autre que répliquer ? Vous laisser enterrer sous des tonnes de boue ? La lutte est dure mais il faut la mener y compris dans ces médias et dans chaque espace d’expression ouvert. Ne pas répliquer c’est factuellement admettre que les adversaires ont raison. Il n’est ici question de victimisation mais de combat pour la vérité. Rappelons nous les paroles de Orwell : « Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire ».
morvan
Eh bien la barbe avec les risques d’une « théorie du complot », à quelque sauce que celle-ci soit de toutes façons mise ! Les faits sont têtus, une tripotée de médias dominants a fait émerger puis a vendu Macron, et les sondagiers qui leur sont associés (puisqu’ils sont leurs clients) ont conforté le mouvement en bidouillant de manière totalement factice leurs redressements, accentuant parfois vertigineusement l’espérance d’élection de M. Le Pen.
Voir Opinion Way, des redressements injustifiés en plus pour Le Pen et en moins pour Macron, jusqu’à 10 points de cumul + et – sur les sondés certains de voter au 1er tour (Presitrack 52 du 17/04/2017), et jusqu’à 16 points au 2ème tour (Présitracks 63 et 64 des 1 et 2 mai 2017).
Yves Thiébaut
De toutes façons, pourquoi prendre des gants avec cette clique médiatique ? tous les accès à l’information sont bouchés pour nous, interdits, filtrés, manipulés ! C’est une dégringolade des medias vers la même bouillie insupportable, on n’en peut plus; nous voulons de l’information,nous réclamons le respect de notre droit à l’information; ce droit fondamental de devrait-il pas être constitutionnalisé ?
jnsp
Mais pourquoi ressortir encore cette fameuse révolution de 1917 comme si elle avait encore un attrait quelconque avec les résultats que l’on connait. Mais pourquoi parler de la grande révolution française dont on aurait pu très bien se passer comme l’ont fait d’autres pays européens qui ne sont pas moins démocratiques. Il faudrait tourner la page de ces mythes porteurs de morts nombreuses que ce soit au nom du progrès et de la justice, ou pas.
Limonade
Ce n’est pas ce que je lis. Il constate le rôle déclencheur des femmes dans la mécanique révolutionnaire en s’appuyant sur les exemples de 1789, 1871 et 1917 sans oublier d’expliquer ce à quoi peut ressembler une révolution citoyenne (Equateur, le mouvement des grands frères en Guyane…). C’est justement une invitation à sortir des mythes pour travailler pacifiquement et efficacement au changement de société en ces temps si délicats pour ce qu’il nous reste d’humanité.
Jean Louis
Contrairement à vous je ne pense pas que nous aurions pu nous passer de la « grande révolution » comme vous dites et des ses fulgurances malgré les pertes humaines. Elle a éclairé le monde malgré tout, produit la déclaration universelle des droits de l’homme, inspiré tant et tant de peuples et désolé mais c’est en rien du nationalisme, fait de la France un pays singulier sur notre planète, dont d’ailleurs nos derniers présidents sont en train de plus que brouiller l’image.
Jeanff9
Complètement d’accord. La révolution française est un fait historique. Porteuse de libertés. Porteuse de massacres injustifiables aussi. Comme beaucoup de grands évènements. Regardons la, ne la glorifions pas. Les envolées stylistiques n’apportent rien. Et laissent présager des lendemains qui déchantent. Jean Luc, depuis quelques mois, ce que vos blogs gagnent en lyrisme, ils le perdent en crédibilité. De moins en moins convaincus par vos raisonnements, brillants, factuels et efficaces… avant.
kokkino
Effectivement certains historiens réactionnaires ont développé l’idée que la société française se serait développée à « moindre coût » sans la Révolution, idem pour la révolution Russe de 1917. Mais il ne s’agit pas d’un choix. Les révolutions sont des ruptures majeures dans des sociétés qui n’ont pas su maîtriser leur développement institutionnelle, économique et sociale. Elles ne deviennent violentes que lorsque les classes dominantes refusent les ajustements revendiqués par les classes dominées. La Révolution française est à cet égard exemplaire en ce qu’elle dépasse les seuls intérêts de classe en promouvant des principes universels et demeure de ce fait une référence toujours actuelle et un cas d’école quant à son déroulement…
Le Doc
J’ai effectué des réponses aux commentaires, espérant engager une discussion constructive. Serait-ce bien normal que ces réponses n’apparaissent plus à peine une heure après leur publication ? …
[Edit webmestre : C’est tout à fait normal. D’abord parce que vos interventions n’étaient pas des commentaires portant sur le billet de Jean-Luc Mélenchon, mais des attaques sournoises contre d’autres commentateurs. Ensuite parce que le ton condescendant, narquois et insultant que vous y employez était de nature à provoquer des réactions légitimes qui auraient pollué ce fil de commentaires, et qu’en aucun cas elles étaient de nature à engager une « discussion constructive ». Et finalement parce que vous vous comportez en troll. Elles ont donc été modérées.]
educpop
@jnsp
Il est probable que vous n’ayez pas compris ce dont parle Jean-Luc Mélenchon, ou que votre commentaire tende à vider ses propos du sens qu’il contient. Le soulèvement populaire est un moment qui intervient quand l’oppression est insupportable et il est souverain, seuls sont condamnables les tortionnaires qui provoquent ces bifurcations de l’histoire. Les militants qui accompagnent la révolution ne sont pas parfaits mais ils sont placés aux tournants de l’histoire pour faire avancer l’humanité. Ils doivent être remerciés et non condamnés, toute l’expression de l’auteur tend à réhabiliter une action, niée bien sûr par les réactionnaires, mais notre cœur bat fidèlement pour continuer le combat.
adinaclo
J’ai eu la chance de visiter ce magnifique département français qu’est la Guyane en compagnie d’une amie qui travaillait à Saint Laurent du Maroni. J’ai donc pu constater l’état effrayant dans lequel on laisse la population amérindienne « se débrouiller » comme elle peut, sans reconnaissance de sa richesse humaine et de sa spécificité. Merci d’inclure toute cette problématique dans l’Avenir en Commun. La France Insoumise ne doit oublier personne, surtout les plus maltraités d’entre nous.
Denis Drouet
Je pense que ce blog va (en tout cas pourrait, surtout si on pousse un peu à la roue au moyen des réseaux sociaux) susciter des sujets de thèse d’anthropologie à propos des amérindiens et des Bushinengués voire même de la population guyanaise dans sa diversité, ou d’autres disciplines dont je n’ai pas idée (moi qui étais en 1ère année de DEUG de philosophie en 67-68 et dont l’examen de DEUG 1 a été un petit « mémoire » soutenu face à la bienveillance de Clément Rosset) et qui ont dû apparaître lors de ces 50 dernières années.
iment
Merci pour toutes vos analyses.
Un point secondaire mais appréciable, les guillemets à élites. Enfin, il ne va pas de soi que les dominants soient les meilleurs (nos nouveaux aristos) ! En revanche, est-ce vraiment indispensable de dire la « cheffe » ? Nous disons depuis longtemps « ma chef » ou « ma prof ». Cette féminisation à outrance de certains termes, notamment professionnels, se comprend comme moyen volontariste de promouvoir l’égalité home-femme. Mais à terme, elle risque d’aller à l’encontre de ce qui me semble devoir être l’objectif : à savoir que l’on ne pose plus en termes sexuels ou de genres des questions qui ne sont pas affaire de sexe.
Colette LE ROUX
Curieux tu as des problème d’oreilles, mais c’est fou comme tu entends tout sur place. Quelle leçon d’histoire et de géographie de ce pays, tu nous as donné et donné envie d’y aller malgré au moins 8 heures d’avion ?
Yves Thiébaut
Encore une fois, un grand merci, Jean-Luc, pour ce long et très riche billet. Il met en forme, en mots écrits, ces idées, ces prises de conscience que, je crois, nous partageons tous, nous, la grande vague imprévue, et qui monte, des Insoumis ! Ce sont des textes à garder !
mangione
Merci pour ce magnifique et magistral cours d’éducation populaire. Je me sent beaucoup plus intelligent après cette lecture !