Ce manifeste lance un nouveau mouvement politique européen. Nous le fondons pour l’instant à trois organisations : le Bloco de Esquerda portugais, Podemos l’espagnol et la France insoumise. D’autres nous rejoindront bientôt. Le titre de notre manifeste européen, « Maintenant le peuple », ancre pour ses auteurs la visée politique du projet. L’acteur et le bénéficiaire de l’action est le peuple, sujet de l’histoire contemporaine. Le sous-titre précise : « Pour une révolution citoyenne en Europe ». On sait combien les mots comptent pour nous. Ceux-là sont les bons. De même le cadre politique. Il est dans la dénonciation sans concession de cette Europe. Et il ne mâche pas ses mots dans la logique de la méthode plan A Plan B. La formule rassemble. « L’heure est arrivée de rompre avec le carcan des traités européens qui imposent l’austérité et favorisent le dumping fiscal et social. » C’est bien le contraire des discours fumeux selon lesquels, à traité constant on pourrait changer l’Europe et en faire une Europe sociale, écologique et que sais-je encore. J’arrête ici mon propos pour cette fois-ci. Je donne la parole à Younous Omarjee, eurodéputé insoumis des Outre-mer pour raconter la démarche entreprise.
« Dans la multiplicité des tâches auxquelles le combat nous appelle, toutes importantes, il en est, par leur capacité immédiate à entrainer et modifier l’ordre des choses, qui revêtent immédiatement une dimension supérieure. C’est la conviction que nous avons d’avoir vécu un moment historique à Lisbonne où fut signé par Jean Luc Mélenchon pour la France Insoumise, Pablo Iglesias pour Podemos et Catarina Martins pour Bloco de Esquerda, une déclaration commune : “Maintenant le Peuple ! Pour une révolution citoyenne en Europe”. Une déclaration qui porte la création d’un mouvement européen dont l’acte de naissance est fort de symboles. Le symbole d’une refondation qui prend ses bases dans la révolte des peuples du Sud et qui a vocation à s’élargir dans toute l’Europe.
Car dans cette Union européenne devenue celle des lobbys et des multinationales, dans cette Europe où la démocratie n’existe pas, dans cette Europe où partout sont mis en cause les services publics et les droits sociaux, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les peuples sont indifférenciés et subissent tous avec une égale violence les politiques régressives de la Commission européenne. Le symbole aussi d’un appel lancé depuis Lisbonne où nous avons par cet acte réparé l’affront du Traité de Lisbonne.
Oui, les symboles sont importants et sans doute expliquent-ils aussi l’émotion qui s’est emparée de nous tous au moment de la signature du manifeste. Ce manifeste est la concrétisation de mois, d’années de travail en commun pour œuvrer en faveur d’une Union européenne tournée vers les aspirations populaires, et de tant de combats menés déjà ensemble, comme autour du plan B, pour que les intérêts de nos peuples respectifs ne soient pas sacrifiés par la Commission européenne sur l’autel d’une Europe ultra-libérale, d’une Europe ordo-libérale pensée à Berlin, qui a fini par soumettre l’ensemble des politiques européennes aux nécessités et bénéfices d’une seule économie.
Bien sûr, on n’arrive pas à ce résultat sans efforts, car chacun de nos pays à sa singularité ; chacun de nos mouvements est confronté à une situation nationale particulière ; mais chacun pourra noter à la lecture de la déclaration, que nous retrouvons la totalité de nos marqueurs dans notre engagement européen respectueux de la souveraineté des peuples.
J’ai la conviction que la création de ce mouvement européen s’inscrit dans l’histoire des forces progressistes en Europe et que d’évidence il y aura désormais un avant et un après 12 avril 2018. C’est un moment charnière qui correspond à un dépassement. Une étape a été franchie. Dans les jours et semaines qui viennent, chacun pourra voir sa portée, son effet déclencheur de nouvelles initiatives et son élargissement. Dans la bataille qui s’annonce pour les européennes, pour une campagne qui sera aussi européenne car nous croyons dans la solidarité des luttes, ce mouvement, puissant, trouvera toute sa place.
Mais dans ce moment à Lisbonne, nous avons été aussi habités par la gravité que fait peser sur nous la situation en Europe et dans le monde. La montée des idées fascistes comme les bruits de bottes et l’Europe de la guerre qui se construit en Europe avec l’Europe de la défense sont des raisons supplémentaires sinon centrales d’agir ensemble. Oui, Maintenant le peuple ! Maintenant le peuple en France, maintenant le peuple que nous voulons voir faite une entrée fracassante dans le débat européen »
Voici à présent le texte intégral signé à Lisbonne par Caterina Martins pour le Bloco, Pablo Iglesias pour Podemos et moi pour la France Insoumise.
« MAINTENANT LE PEUPLE ». Pour une révolution citoyenne en Europe »
L’Europe n’a jamais été aussi riche qu’aujourd’hui. Elle n’a jamais non plus été aussi inégalitaire. Dix ans après l’explosion d’une crise financière pour laquelle nos peuples n’auraient jamais dû avoir à payer, nous constatons aujourd’hui que les gouvernants européens ont condamnés nos peuples à une décennie perdue.
L’application dogmatique, irrationnelle et inefficace des politiques d’austérité n’a réussi à résoudre aucun des problèmes structurels causés par cette crise. Au contraire, elle a généré une immense souffrance inutile pour nos peuples. Avec le prétexte de la crise et de ses plans d’ajustement, les gouvernants ont essayé de démanteler les systèmes de droits et de protections sociales qui ont demandé des décennies de luttes pour être obtenus. Ils ont condamné des générations de jeunes à l’immigration, au chômage, à la précarité, à la pauvreté. Ils ont frappé avec une cruauté particulière les plus vulnérables, qui sont ceux qui ont le plus besoin de la politique et de l’État. Ils ont essayé de nous habituer à ce que chaque élection se transforme en un choix entre le statut quo libéral ou la menace de l’extrême droite.
L’heure est arrivée de rompre avec le carcan des traités européens qui imposent l’austérité et favorisent le dumping fiscal et social. » L’heure est arrivée que ceux qui croient en la démocratie franchissent une nouvelle étape pour rompre cette spirale inacceptable. Nous devons mettre un système économique injuste, inefficace et insoutenable au service de la vie et sous le contrôle démocratique des citoyens. Nous avons besoin d’institutions au service des libertés publiques et des droits sociaux, qui sont la base matérielle même de la démocratie. Nous avons besoin d’un mouvement populaire, souverain, démocratique, qui défende les meilleures conquêtes de nos grands-mères et de nos grands-pères, de nos pères et de nos mères, et puisse léguer un ordre social juste, viable et soutenable aux générations futures.
Dans cet esprit d’insoumission face à l’état actuel des choses, de révolte démocratique, de confiance dans la capacité démocratique de nos peuples face au projet défunt des élites de Bruxelles, nous faisons aujourd’hui à Lisbonne un pas en avant. Nous lançons un appel aux peuples d’Europe pour qu’ils s’unissent sur la tâche qui consiste à construire un mouvement politique international, populaire et démocratique pour organiser la défense de nos droits et la souveraineté de nos peuples face à un ordre ancien, injuste et en échec qui nous emmène droit au désastre
Ceux qui veulent la défense de la démocratie économique, contre les grands fraudeurs et le 1% qui contrôle plus de richesses que tout le reste de la planète ; de la démocratie politique, contre ceux qui font ressurgir les drapeaux de la haine et de la xénophobie ; de la démocratie féministe, contre un système qui discrimine chaque jours et dans tous les domaines de la vie la moitié de la population ; de la démocratie écologiste, contre un système économique insoutenable qui menace la continuité même de la vie sur la planète ; de la démocratie internationale et de la paix, contre ceux qui veulent construire une fois de plus l’Europe de la guerre ; ceux qui partagent la défense des droits humains et des principes élémentaires du bien vivre trouveront dans ce mouvement leur maison.
Nous en avons assez d’espérer. Nous en avons assez de croire ceux qui nous gouvernent depuis Berlin et depuis Bruxelles. Nous mettons la main à l’ouvrage pour construire un nouveau projet d’organisation pour l’Europe. Une organisation démocratique, juste et équitable qui respecte la souveraineté des peuples. Une organisation à la hauteur de nos aspirations et de nos besoins. Une organisation nouvelle, au service du peuple.