C’était premier mai à Marseille et de nouveau la formule du décloisonnement entre forces syndicales et politiques a fait merveille. La marche du 5 mai à Paris se présente donc dans les meilleures conditions. Elle va ouvrir une période qui peut être celle d’une jonction généralisée des forces à laquelle nous travaillons depuis des mois, à la fois contre l’indifférence et les préjugés mais aussi contre le harcèlement de la petite union des gauches qui se satisfait de son entre soi, fusse au prix de flops retentissants qui affaibliraient la mobilisation si n’avait pas été organisé un évènement massif préparé de longue main comme la marche du 5 mai. Que ces lignes fonctionnent comme un ultime appel avant l’action elle-même.
Sinon je suis allé à un match de l’OM après une sérieuse mise à niveau. Je m’ébahis du nombre des commentaires que cela a provoqué. Du coup j’en parle à mon tour ici et dans mon style. Je donne aussi des nouvelles de notre coalition européenne ave Podemos et Bloco de Ezquera.
Je crois que nous tenons le bon bout dans notre camp. En déclarant « une date commune de mobilisation, pourquoi pas ? », le secrétaire général de la CGT offre une perspective de fédération des luttes et des forces en action contre la politique sociale de Macron. Elle est conforme à ce que nous croyons nécessaire depuis le début de l’action : permettre à toutes les composantes de la société, salariées ou pas, de se mobiliser aux côtés de ceux qui sont en première ligne dans la lutte actuelle. Bref, la fédération des luttes est en vue et la nouvelle union populaire qui l’exprime peut se concrétiser.
Ne l’oublions jamais. Ce qui se joue, c’est un bras de fer avec la nouvelle droite que construit Macron sur les décombres du PS et de la droite traditionnelle. Lui a pour projet de réussir « jusqu’au bout » ce que Sarkozy et Hollande avaient commencé : la mise aux normes libérales de la société française. Les gens sentent que c’est l’enjeu. Dans ce contexte, à l’heure actuelle, « La France insoumise » est la référence politique d’innombrables participants dans les luttes. Sans doute est-ce le cas de la majorité d’entre eux. Être cette référence nous oblige à réfléchir et agir dans un registre de responsabilité particulier. Nous ne pouvons limiter notre attention aux palabres « unitaires » des groupes et partis de l’ancienne gauche. Non seulement parce qu’elles sont totalement hors-sol mais surtout parce qu’elles proposent une formule d’union totalement inefficace et particulièrement restreinte. On a vu la capacité de mobilisation de telles formules avec le flop du meeting « unitaire » place de la République la veille du premier mai. Ce fut un mauvais coup porté à la mobilisation. Nous travaillons à autre chose. Mais avant d’en parler il faut rappeler les fondamentaux.
Le devoir du moment politique est de tout faire pour aider le mouvement social à atteindre ses objectifs, à la SNCF, dans la fonction publique, et partout où le bras de fer a lieu avec ce pouvoir macronien qui se voudrait thatchérien. Pour cela, il faut continuer à travailler pour garder l’opinion publique de notre côté, apporter du soutien matériel autant que possible, élargir sans cesse les milieux mobilisés et enraciner la volonté de combat. Il n’y a pas d’autres objectifs. La bataille n’est pas le moment des compétitions entre organisations ni dans le champ politique l’heure des manœuvres électorales en vue des européennes ou des municipales. Ce n’est pas non plus le moment des gesticulations. Chaque forme de mobilisation doit être pensée et organisée méthodiquement pour réussir. L’organisation de fiasco annoncé comme ce prétendu meeting unitaire de la place de la République le lundi veille du premier mai sont des erreurs qui coûtent cher au mouvement tout entier. Pas seulement aux organisateurs qui se ridiculisent ! Ils ont pourtant été prévenus cent fois du risque d’un rassemblement convoqué en quatre jours dont les orateurs et les rarissimes oratrices se désistent tous l’un après l’autre.
Il faut aussi déjouer les pièges du parti médiatique très actif depuis le début des conflits contre les grévistes. En effet ni « La République en marche » ni « Les Républicains » n’ont le moindre militant sur le terrain pour défendre la politique gouvernementale. Tout l’effort de combat contre les grévistes repose donc sur le « service public », premier militant du pouvoir, et sur les chaînes privées qui ne le sont pas pour rien. Celui-ci a traditionnellement deux arguments : la démoralisation (« le mouvement s’essouffle ») et l’exaltation de la division (entre les syndicats, entre les partis, entre les personnalités). Nous devons avoir tout cela à l’esprit pour réussir le 5 mai une belle marche de l’Opéra à la Bastille pour dire « stop Macron ».
J’ai décrit dans mon précédent post les enjeux de cette mobilisation. J’y reviens brièvement. La date du 5 mai prend sa place dans une série de mobilisations qui forment autant d’étapes dans la construction du rapport de forces en cours. Là encore l’objectif est de nourrir le soutien au mouvement social. Là encore, il s’agit de mettre en place un cadre aussi décloisonné que possible pour y parvenir. Des progrès considérables ont été faits. À l’initiative d’Attac et de la fondation Copernic, un cadre de travail commun national a été mis en place sur le même mode qu’à Marseille. Syndicats, associations et partis s’assoient à la même table. Cela ne veut pas dire qu’ils soient d’accord. Mais on se parle, au même moment, tous. Nous y voyons un résultat décisif auquel « la France insoumise » a pris sa part en choisissant de placer son action sous le pilotage de ce collectif.
Nous ne voulions pas répéter la situation de septembre dernier. Là le parti médiatique s’était régalé. Il nous opposait au mouvement syndical. Pendant ce temps la « petite union de la gauche » nous tirait à vue. Dans ce petit monde régnaient encore les jalousies d’une campagne électorale commencée par eux sous l’égide des « primaires de toute la gauche ». « La France insoumise » avait renversé cette table politique et conquis une estime populaire qui ne s’est jamais démentie depuis. C’est pourquoi dès le début de la bataille du rail et des services publics, le groupe parlementaire de la France insoumise s’est réuni avec les responsables du Mouvement. Comment faire vivre notre conception d’une force parlementaire un pied dans les institution un pied dans les luttes ? Comment se rendre utile ? Que proposer dans le registre qui est le nôtre, celui qui doit parler et proposer à toute la société ? Le groupe a donc longuement réfléchi en plusieurs séances. Entre un appel direct du Mouvement et une formule « citoyenne » comme l’a défendue François Ruffin, nous avons été vite convaincus de suivre cette dernière idée.
Dès lors, nous avons décidé que cette marche ne nous « appartienne » pas. Elle s’appartient depuis son lancement à la bourse du travail à l’appel de François Ruffin, de Frédéric Lordon et de nombreux syndicalistes. Certes, nous l’avons voulue. Certes nous l’avons accompagnée et soutenue dès qu’elle a été amorcée. Bien sûr, les Insoumis y sont profondément insérés. Mais nous refusons d’en être l’image. Ce n’est pas le plus simple à faire quand on est cependant la première force matérielle et militante. Mais c’est un choix volontaire. Le but est de retirer tout prétexte à l’obstruction. Il est aussi un test. Nous allons voir ce que valent les diverses signatures. De notre côté, nous faisons ce qu’il faut pour être à la hauteur de la nôtre.
Réunie le 7 avril, l’assemblée représentative du mouvement « la France insoumise » a décidé de prendre en charge sa part de travail pour faire de cette date une réussite. Ses 5 000 comités se sont mis au travail, chacun à son rythme et avec son propre plan de marche. Un mois après, nous avons nos chiffres. Plus de cent cars, deux départs en train, 500 000 autocollants, des dizaines de milliers d’affiches, plus d’un million et demi de tracts. Et ainsi de suite. Nous ne ménageons pas nos moyens. Ni notre engagement militant. Les vacances de toutes les équipes ont été raccourcies pour que tout le monde soit à son poste de combat en dépit des ponts et autres congés traditionnels. Aucune autre organisation politique qui appelle au 5 mai ne met le dixième de cet effort dans le combat. Je le dis pour que tout le monde sache comment nous tenons nos engagements. Notre responsabilité est d’être exactement en phase avec les besoins de la mobilisation. La situation, notre taille, notre destin gouvernemental font que nous ne pouvons avoir aucun intérêt distinct de ceux du mouvement en général.
Le 5 mai doit être une réussite pour donner de la respiration au mouvement social en cours. Et aussi parce que c’est le moyen d’avancer sur le chemin de la nouvelle stratégie qui nous importe. C’est une façon de rappeler que nous construisons dans et par la mobilisation en cours les outils utiles aux combats. C’est pourquoi nous avons mené la bataille pour cette fameuse date commune et marche nationale. Ce qui se dessine ce n’est pas encore le raz de marée. On ne pourra l’envisager qu’avec une vraie fédération des efforts de toutes les composantes de la bataille actuelle. La dispersion actuelle ne le permet pas. Mais c’est aussi pourquoi nous avons voulu trouver une formule concrète pour répondre au besoin concret d’un rapport de force que la « France insoumise » ne peut ni construire ni incarner seule.
Cette formule est nécessairement politico sociale. C’est-à-dire qu’elle doit fédérer les forces disponibles et engagées dans les secteurs politique, syndical et associatif. Loin d’être une chimère de colloque savant, cette formule émerge d’ores et déjà. On l’a vu à Marseille. Ce n’est pas le fumeux cartel des partis de la petite gauche. Ce n’est pas la seule unité syndicale qui laisse aussi en dehors de l’action tous ceux qui ne sont pas salariés dans la jeunesse et les divers âges. Ce ne sont pas non plus les seules assemblées citoyennes qui le peuvent à cette étape. C’est la méthode Marseillaise qui, pour ce moment, représente le pas à accomplir.
D’ailleurs, ce premier mai, j’étais à Marseille. J’ai marché dans le carré de tête du défilé traditionnel. Ici la jonction entre l’action politique et l’action syndicale se fait naturellement et volontairement, sans les procès d’intention et les rivalités artificielles entretenues ailleurs. Donc ce qui se fait à Marseille n’en a que plus de portée. La méthode marseillaise a déjà montré ses fruits le 14 avril dernier. C’était alors une marche fédérée à l’appel des syndicats, en pleine coordination avec les organisations politiques qui se reconnaissaient dans le combat contre la politique de Macron sur les services publics. Nous fûmes nombreux et très divers. Très nombreux, très divers. Cet exemple a fait réfléchir. Nombreux sont les secteurs professionnels et les lieux où l’idée fait son chemin depuis. C’est un enjeu décisif que cette contagion de la méthode. Certes, elle ne résout pas le problème de la division syndicale. Mais elle règle celui du cloisonnement des forces politiques, associatives et syndicales. C’est notre objectif stratégique numéro un. Et en ce sens, elle prépare l’avenir puisqu’elle facilite les jonctions de demain. Et qu’elle reste ouverte à tout moment à qui veut venir. Beaucoup, donc, travaillent dans ce sens partout en France.
La marche du 5 mai doit être la belle respiration qui permet de retrouver son souffle. Le moment de fraternité tranquille dont on a besoin pour cheminer d’un pas ferme sur de longues distances. Le moment de faire la seule chose qui compte : adresser un message clair à Macron et aux milieux économiques qui l’entourent. Celui de la détermination et de la volonté de ne rien céder. Car c’est le fil conducteur du moment : qui, de Macron ou des salariés en résistance, sortira plus fort ou plus faible de la lutte en cours ? Pas dans les commentaires des médias : on peut les écrire d’avance. Dans la conscience collective. Dans ce que le peuple pensera ensuite du futur qu’il se souhaite. Car notre objectif au plan politique n’est pas limité aux conséquences sociales du combat, si décisives qu’elles soient évidemment. Il est inscrit dans la durée et dans la perspective du changement complet de projet de société.
Comme chaque semaine sauf imprévu, j’étais à Marseille. Je suis donc allé participer au match de l’OM contre Salzbourg. Ça s’est su ! On glosa. Comme s’il pouvait en être autrement ! Je me devais au match comme tout Marseillais, qu’on le soit de longue date ou d’adoption récente, comme moi. De toute façon, le nouveau député d’une ville peut-il ignorer un évènement de cette nature ? Car la ville attendait le match avec fébrilité. Le premier succès avait presque glacé les gens. Y aurait-il une suite ? Je les voyais attendre le grand jour avec l’angoisse d’une veille d’examen. Juste un peu de respect pour mes concitoyens habités d’une passion qui ne nuit à personne me conduisait donc naturellement au stade. Cependant, il y avait davantage pour moi dans cette circonstance. J’avais hâte de voir le public.
Toutefois, je m’ébahis du nombre de commentaires que ma présence a pu produire. La presse parisienne m’a bien brocardé. Il est vrai que la plupart des journalistes parisiens sont supporters du PSG et acceptent des places gratuites du club qatari. Premier prix du front le plus bas au Figaro qui affirme, avec tout le panache de l’info qui n’en est pas une, que « ma conversion comme supporter de l’OM ne convainc pas ». Et que je me pose « en premier fan de l’OM » Ah ! Ah ! Ces types s’inventent un sujet pour amorcer la pompe à clics. À Marseille, je ne suis candidat à rien et en tout cas pas à ce titre de « premier fan ». Mais d’où tirent-ils que cela ne convainc pas ? Un sondage dans leur bureau ? En tous cas, cette couverture de presse inattendue m’a bien amusé. Mais je comprends le souci. Vous imaginez l’aubaine dans une actualité creuse ? Qui aurait été lire un article : « Wauquiez va voir l’OL ». Personne. L’OL branche peu. Et Wauquiez encore moins. Deux mâchons froids. Tandis que l’OM et Mélenchon, ce sont deux clivages passionnels bien balisés. À Marseille, il n’y a que les panisses qui soient tièdes !
Donc, au Vélodrome, j’étais venu voir le public en action : « le douzième homme » comme disent les commentateurs un peu courts. Mais je dois reconnaître combien je me suis aussi fait happer par le match. Le goût de la stratégie me faisait avoir un avis sur chaque déploiement. Au fond, c’est normal. Pour la coupe du monde avec Zidane, c’était pareil, par contagion avec l’engouement de mes amis, adultes retournés en adolescence, qui collectionnaient même des vignettes Panini. Je ne vais pourtant pas commenter le match : je ne suis pas assez connaisseur pour ça. Mais j’ai des yeux pour voir. J’ai trouvé qu’il y a eu des moments de vacances sur le terrain. Facile à dire, je le sais. Ce n’est pas moi qui cours pendant 90 minutes entre les buts. J’ai trouvé l’équipe de l’OM élégante et même gracieuse, mais les Autrichiens lourds et brutaux. Pourtant je n’ai que des préjugés raisonnables à propos des Autrichiens en général. Et comme Salzbourg est la ville natale de Mozart, j’étais prêt à beaucoup leur pardonner. Jusqu’au premier croche pied.
En tous cas, je suis arrivé en avance pour bien profiter de toute la séquence. Dès 18h30 je repérais ma place dans la tribune présidentielle, la 16 du rang 19. Avant d’y aller j’avais fait le point « chez Roger » sur le Vieux-Port. Un maître en anthropologie footballistique s’était mis à ma disposition : Gilles Perez. Je connais Gilles depuis qu’il m’a fait parcourir l’expo sur le foot au Mucem, il y a quelques mois. J’avoue donc là une minutieuse préparation à mon premier match. Certes, ce fut à ma manière, un peu livresque j’en conviens.
Bien sûr, ma présence fut interprétée comme un geste à vocation municipale. C’est le maximum de ce qu’une cervelle de commentateur parisien peut imaginer. Il est vrai que j’ai reçu de nombreux encouragements sur ce point, venant de tous les horizons, jusque dans les salons du stade où pourtant il y avait Muselier et même l’Amiral lui-même, Jean-Claude Gaudin, promenant un sourire amusé sur les vagues et les mouettes jalouses qui pullulaient dans ce salon.
Mais moi, à la base, j’étais là pour observer le public. J’avais tellement entendu parler de lui ! Je m’étais fait expliquer la composition des tribunes dans le détail. Les « Fanatics », les « Winners », les « Marseille Trop Puissants » (MTP) et les autres m’étaient connus avant d’arriver dans la loge où le club m’avait si courtoisement invité. Je voulais voir tout cela de mes propres yeux. Je voulais vérifier ce que je crois comprendre de cette ville qui m’a accueilli si vite et si bien. Marseille est une ville à part en ceci que ses habitants sont « fiers d’être Marseillais ». Oui fiers. Cela peut paraitre banal. Cela ne l’est pas. J’ai assez couru le pays pour le savoir. J’ai connu des villes de banlieue où les gens ne savaient pas se nommer. Et des villes d’ennui si profond qu’on s’ignore soi-même. Je ne suis pas certain que les Castelroussins sachent tous qu’ils le sont. Ici, personne ne doute d’être Marseillais. Et « fiers de l’être ». Je crois que l’idée d’en être « fier » ne fait que surligner une seule idée importante. Les gens ressentent très fortement leur lien à la ville. Et parce qu’ils l’aiment, ils s’aiment eux-mêmes. Etre fier de quelque chose c’est s’aimer dans une attitude, non ?
La fierté marseillaise est un phénomène énorme. Dans ce monde devenu intégralement nomade, les uns se vident d’eux-mêmes quand les autres se remplissent dans les passages. Marseille se remplit. Sans fin, sans pause, sans se dissoudre, depuis 2600 ans. Je le sais d’expérience. J’ai touché la terre espérée à mon tour en juin dernier, après un long voyage depuis cet été où j’avais commencé mon odyssée comme petit pied noir. Et cette fois-ci, quand je suis arrivé on a mis mon couvert sans aucune question.
Du coup, quand nous nous demandons pourquoi ils sont tellement marseillais, cherchons à savoir comment ils le deviennent. Je fais donc le tour des creusets où se fondent les métaux si divers dont est faite cette cité. Une recette bien rodée qui navigue les temps depuis presque trois millénaires ! Pour faire l’enquête, le premier venu vous le dira il faut commencer par le stade Vélodrome et l’OM. J’ai vu fonctionner ça. D’autres me saoulent avec Notre-Dame de la Garde, qui est la tour Eiffel de ce coin-ci, en tout respect pour l’un et l’autre de ces bâtiments sans usage concret.
Commençons par le plus important. L’objet de ma soirée. Le Vélodrome un soir de match de l’OM. Qu’il est difficile d’y mettre des mots ! Quand d’un côté à l’autre les virages du stade se répondent au cri de « aux armes », « aux armes », « nous sommes les Marseillais… » Puis quand les tifos sont révélés et que les tribunes centrales les comparent et les applaudissent à l’unisson. Puis, quand les sifflets, d’une pure mauvaise foi brûlante, fusent comme un jet d’acide sur le moindre geste de l’adversaire. Puis quand tout le monde saute sur pied en criant d’enthousiasme. Cette incroyable discipline du désordre ! Cette coordination absolue des chacun en folie ! Alors on sait. Ici, c’est le chaudron central, le creuset de Vulcain lui-même, la marmite qui fait le bouillon marseillais. C’est exactement comme un de ces meetings politiques de masse que nous avons tenus tant de fois au cours de ces deux campagnes électorales présidentielles. Et ceux de Marseille n’étaient-ils pas parmi les mieux communiants ? D’où venait ce savoir vibrer ensemble ? Peut-être aussi du Vélodrome. Et sûrement même. Fumerolles et pétards des manifs syndicalo-politiques, houles du Vélodrome, ce sont les rugissements des Marseillais. Voilà comment jaillit la lave populaire qui fabrique Marseille. Sur les flancs du volcan, à chaque irruption, elle inonde les flancs des collines et grossissent l’humus sur lequel poussent les Marseillais. Au match, on se cultive des récoltes abondantes.
J’ai lu toutes sortes de choses à mon sujet à propos du football. Que je n’y ai pas d’intérêt. C’est vrai. Je ne suis pas à l’affut des classements dominicaux et je n’entends rien aux mystères du hors-jeu dont j’ai renoncé à comprendre la nature. Je me contente de raffoler de quelques personnages du foot qui ont su percer le mur de mon éloignement. Et je me contente de détester, par pur a priori, souvent trop politique et mal placé, telle ou telle équipe. J’adorais Papin par affection pour le Cacolac dont j’ai obtenu la livraison à la buvette de l’Assemblée nationale. Bien sûr, je raffolais de Guy Roux et de ses remarques de pingre qui me remplissaient d’allégresse ! Je respecte toujours ce que dit Thuram, et Basile Boli, quoique RPR en son temps, m’est incompréhensiblement sympathique. Comme tout Français de bonne tenue je révère Zinedine Zidane et je lui pardonne tout, même le coup de tête ! Bien sûr, comme tout le monde je hais le Bayern de Munich et je garde secrètement une image de Schumacher à qui je plante des aiguilles avant chaque match où une équipe française est obligée de jouer contre ce club. Le Real de Madrid s’appelle « real » ce qui me refroidit comme partisan de la République et ennemi des Bourbons. Mais tout cela est déjà bien daté quand on en est à la génération de Payet !
Bref, ma relation au foot n’a aucun rapport avec l’art du drible, de la passe arrière, du tir au but croisé, ni d’aucune des merveilles appréciées dans ce sport. On sait aussi que je n’aime pas la place du fric dans ce milieu. Je n’ai pas changé d’avis. Ma musette est encore pleine de vacheries à ce sujet, si besoin est. Je m’amuse de voir les pécores des médias en déduire que je n’aime pas le foot à cause de ça. On voit ce que ces gens-là ont dans la tête ! Pour eux, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! Le fric ne pourrit pas que le sport. En tous cas pas autant que les médias. La paye d’un « journaliste » à 38 000 euros ou celle d’un autre à 30 000 me paraissent encore moins justifiée que celle des grands du football. Car ceux-ci continuent à jouer au ballon pour garder la paye tandis que les deux autres pour garder la paye ne font plus du journalisme depuis longtemps. Ah ! ah ! Le fait est que j’ai oublié de dire tout le mal que je pensais de ces commentateurs de foot qui enfilaient à longueur de soirée les remarques xénophobes et les plaisanteries de vestiaires. Mais à Marseille, tout cela n’a pas de réalité. Le stade est juste la cornue d’une alchimie inconnue ailleurs. À part peut-être le Red Star, où le foot enfante-t-il un peuple ?
La fierté d’être Marseillais est l’onde longue des merveilles que produit la cité par comparaison à la tribu, le droit du sol par rapport au droit du sang, l’appartenance choisie par rapport à celle qui est obligée. Encore faut-il qu’il y ait un moyen de se savoir unis, de le vouloir. Encore faut-il que la table des noces soit mise. Tels sont l’OM et le stade Vélodrome.
Bon. Pour finir, ce soir-là à Marseille, je suis reparti du stade Vélodrome le dernier. Et j’avais déjà des regrets. J’intrigue pour pouvoir aller à Lyon assister à la finale après que l’OM aura torché ce qui reste d’Autrichiens après le premier essorage au Vélodrome. Et comme les Salzbourgeois n’ont pas mis un but à Marseille, tout ce que marquera Marseille à Salzbourg sera de l’or en barre. En foot, je serai vite connaisseur. Mais pour décrypter Marseille, ça demande davantage de temps.
Une autre légende voudrait que la Bonne Mère à Notre-Dame de la Garde soit un marqueur marseillais. Pas de doute que, pour les touristes, c’est bien le cas. Je suis plus réservé pour ce qui concerne Marseille. En pareil cas, je creuse le thème et l’histoire. De toute façon, je suis bon gouteur du temps long. Je ne lâche pas prise facilement. Par exemple, je m’enrageais de comprendre pourquoi l’entrée de la ville antique se situait à côté d’un quai derrière les galerie Lafayette alors que la mer est plus bas. Gaston Deferre s’en foutait. Il voulait ses immeubles à la place du parking qui se trouvait là. Nul. D’un peu il faisait tout bétonner comme à la Corderie où on s’est battu en vain pour garder la carrière grecque du Vème siècle. Ici, on ne fait pas dans le détail. Décision de Ministre ou pas, manif ou pas : zou ! Pelleteuse et béton prompt. À l’époque, Malraux a mis le paquet pour qu’on ne touche pas à cette entrée de Marseille revenue à la surface au hasard d’un chantier en plein centre-ville. Gaston était furieux. Et moi aujourd’hui, perplexe.
Comment pouvait-il y avoir un quai à cet endroit ? Question sans réponse pour moi depuis la première fois où je suis venu sur le site de la bourse. La réponse est simple pourtant. En fait le vieux port continuait par un bras de mer qui tourne à gauche en quelque sorte. J’ai mis un temps fou à le comprendre. Enfin apaisé de savoir, j’ai passé symboliquement cette entrée de la ville, dans le calme du jardin où elle se trouve. Je marchais sur les pas de Pythéas le grand géographe de Marseille antique déjà accusé par ce prétentieux d’Aristote d’être un menteur. Je m’avançais avec la superbe de Caius Trébonius, légat de César, qui pris la ville aux partisans de Pompée pendant la guerre civile en 49 avant l’ère chrétienne. On a pris la photo. Elle ne rend pas compte de l’ambiance recueillie qui m’habitait, hélas. Le pouvait-elle ?
Les villes sans histoires m’échappent. Je ne les ingère pas. Si bien que je ne peux pas être tranquille tant que je ne connais pas l’histoire d’un endroit où je vis. Tout m’y ramène, parfois souvent. En tous cas, ici, ça me pique. Je suis bien content de voir la Bonne Mère le matin, quand je suis sur mon balcon quai du vieux port. Mais ça m’agace. Comme le Sacré Cœur à Paris, ce bâtiment a été édifié pour l’expiation des soi-disant péchés populaires pendant la Commune. Je n’aime pas ça du tout. Évidemment je m’apaise en pensant qu’Alger, en face, a aussi une basilique sur les hauteurs. Ces deux villes sont en miroir. Mais là-bas sur fond de faux marbre on lit « nous prions pour nos frères musulmans ». C’est quand même autre chose ! Ici c’est « Notre-Dame de la Garde ». La garde de quoi ? On imagine une bondieuserie sur le sujet. Walou ! J’ai creusé.
Le lieu s’appelait « le champ de la garde » avant la basilique. Un leg des romains. Un leg des césariens. Car, l’armé romaine resta en garnison après que la ville ait été assiégé pour avoir choisi le camp du soi-disant « grand Pompée », 49 ans avant notre ère. Pompée, c’était les patriciens, le fric, l’ordre social connu. Les patriciens Marseillais de l’époque ont choisi son camp contre celui de César dans la guerre civile. Grosse erreur. Après avoir administré une rude tannée aux importants de Marseille, la garnison romaine s’est installée sur la hauteur, histoire de créer une ambiance de travail avec ceux du bas de la colline. À présent les curés tiennent la place. Marseille, avec opportunisme, en fait son petit miel. La semaine du bac, toutes les mamies vont mettre des bougies pour le succès des petits enfants. Comme si la Bonne Mère s’intéressait aux coefficients ! Les veilles de match de l’OM : pareil. Marseille a donc ses crises de bigoterie. Mais la montagne de la Garde est haute ; surtout à pied. Trop haute ; surtout au soleil. La fierté marseillaise n’a rien à voir avec ça. Elle n’est jamais douloureuse.
« La France insoumise » a signé un bref manifeste avec Podemos et Bloco de Esquerda au Portugal dont le titre « Et maintenant le peuple », « ahora el pueblo », « agora o povo », sera sans doute le nom commun de nos listes dans tous les pays possibles. L’idée est de fonder une mouvance politique nouvelle en phase avec les grands changements qui ont modifié enfin le visage de ce qu’on appelait la gauche avant la chute du mur et ensuite la dissolution de la social-démocratie dans le social libéralisme. Il le faut pour faire face aux défis que soulève l’actuelle agonie violente de l’« Union européenne ». Le manifeste propose de tourner la page du néolibéralisme et de sortir des traités actuels. Bref, une ligne claire d’action pour la décennie qui vient.
Aussitôt, le journal Le Monde, sans avoir le texte définitif en main, a fait le type de papier bien pourri qui tourne ensuite en boucle dans les autres médias. Ainsi va cette corporation peuplée du même type de fainéants qui ne travaillent pas sur texte mais en recopiant ce qui convient à leurs préjugés. Plutôt que de s’intéresser à la nouveauté et à ce qu’elle signifie, Abel Mestre du Monde, pressé de partir en vacances, a préféré gloser sur des divergences entre signataires ! Et bien sûr la divergence aurait porté sur un « détail »… la sortie des traités, dont le « journaliste » ignorait qu’elle figurait pourtant en toutes lettres dans le texte final qu’il n’avait pas lu.
Aussitôt, la pauvre équipe Hamon tweeta sur le thème. Jusqu’à ce que la vie se charge de faire apparaître une divergence autrement importante avec son allié Varoufakis et son « parti » européen DIEM 25 qui forme avec Génération (Hamon) et un parti polonais sans élu cette coalition. Varoufakis a en effet condamné l’intervention américaine et française en Syrie que Benoît Hamon approuve. Un détail quand il s’agit du rôle de l’OTAN dans la politique européenne… On en était là quant, avec la délicatesse habituelle de cette équipe, nous fûmes sommés au nom de la nécessaire « unité » de répondre à leur invitation pour une confrontation des idées. Car depuis qu’il avait brocardé notre plan B, Varoufakis a inventé une ligne d’action pour « un plan A un plan B et même un plan C ». Une convocation à… Lisbonne. Podemos et Bloco ont décliné séance tenante, choqués par ce genre de procédé « unitaire » qui n’est pas encore répandu dans leur pays comme en France. Le plus drôle est quand même que Hamon va devoir à présent défendre en France ces plans A, B, C, imaginés par Yannis Varoufakis. Bien sûr, Le Monde ne s’intéresse pas aux vraies divergences mais seulement à celles qu’il invente.
Depuis la publication du manifeste « Et Maintenant le peuple », les discussions vont bon train à travers toute l’Europe dans les rangs des partis et mouvement rassemblés dans l’actuel groupe GUE. Ce groupe est placé sous l’influence directe des divers Partis communistes favorables à l’Union Européenne. C’est le cas du PCF ou des anciens communistes de l’Allemagne de l’est aujourd’hui associés dans le parti Die Linke en Allemagne. C’est ce secteur de Die Linke qui préside à la fois le groupe parlementaire et le Parti de la gauche européenne (PGE). Groupe et parti où siège Syriza et l’équipe de Tsípras, le Grec. Il ne saurait être question pour « La France insoumise » de siéger avec une telle composante. Notre élu achève donc son mandat dans le groupe mais il ne peut être question d’aller au-delà. D’ailleurs, le Parti de Gauche français a demandé l’exclusion de Syriza. La réponse est venue du PCF : non ! Lue et approuvée par Grégor Gysi président du PGE et membre de Die Linke. C’est donc dans Die Linke que le débat doit avoir lieu.
La recommandation de la fondation intellectuelle de Die Linke, la « Rosa Luxemburg shiftung », considère que « la France insoumise » est la force dont l’émergence est la plus spectaculaire par son pourcentage de votes mais surtout parce qu’elle se produit dans l’un des pays centre du monde capitaliste. Elle recommande une coopération active et surtout de ne pas se mêler des problèmes qui existent entre le PCF et les Insoumis. Clairement, les dirigeants de Die Linke au Parlement européen et au PGE ont fait le choix inverse, celui d’une attitude d’hostilité à l’égard de « la France insoumise ». Mais elle ne fait pas l’unanimité dans Die Linke, loin de là. On va bientôt le voir. D’autant que la contagion des adhésions à « Et maintenant le peuple » continue. Une dizaine de partis et groupes de toutes tailles ont fait leur demande de rencontres avec le comité organisateur des trois fondateurs. Nous avons décidé d’une nouvelle rencontre le 29 mai, jour anniversaire du « non » des français au traité constitutionnel de l’Union Européenne. Sans doute pourra-t-on constater alors un élargissement du mouvement.
Dans tous les cas, la nouvelle attitude politique que nous incarnons avec des forces comme Bloco de Esquerda et Podemos avance en Europe. Et c’est une bonne chose plutôt que d’être condamné à devoir suivre soit des partis communistes de plus en plus repliés sur eux-mêmes soit des partis sociaux-démocrates quasi absorbés par la droite et clairement libéraux. Pour nous, la tâche de construction de cette alternative au niveau européen se confond avec la tâche de reconstruction de force alternative dans les pays comme l’Italie où le PC et le PS alliés ont tout détruit et fondé un parti désormais ouvertement libéral comme celui de Mattéo Renzi. C’est évidemment un travail complexe et prenant qui s’ajoute à tous les autres. Mais c’est le prix pour organiser la résistance face à la percée de l’extrême droite et au verrou de l’ancienne gauche.
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peltreau
Monsieur Mélenchon adjure les Black Blocs de cesser de détourner nos propres manifestations pacifiques. Il rejoint l’analyse d’un autre philosophe, Gille Deleuze, ayant participé à Mai 68, et qui s’exprimait ainsi dans « Dialogues », s’agissant des marginaux et de leur passion d’abolition, de destruction, des autres et de soi-même. « Ce ne sont pas les marginaux qui créent les lignes, ils s’installent sur ces lignes, ils en font leur propriété, et c’est parfait quand ils ont la curieuse modestie des hommes de ligne, la prudence de l’expérimentateur, mais c’est la catastrophe quand ils glissent dans un trou noir, d’où ne sort plus que la parole micro-fasciste de leur dépendance et de leur tournoiement : « nous sommes l’avant-garde ! » « nous sommes les marginaux ! »
Jean-Pierre Collignon
Quel régal que votre plume, Monsieur Mélenchon !
Salut et Fraternité d’un « petit belge » retraité et attentif à tout ce que vous entreprenez. Je croise les doigts pour que ce samedi de fête à Macron soit une grande réussite !
teres
Tant que vous parlerez vous aussi des petits partis de gauche comme Hamon vous jouerez leur jeu. Car pour moi il ne sont plus à gauche, car ils sont toujours la sociale non démocratique et non anticapitaliste, comme Macron que l’on nomme comme étant le parti de gauche au pouvoir. Honte à tous ! le PS même déguisé n’est pas à gauche.
rage au coeur
Quelle belle journée hier ! Que du baume au coeur, de la créativité, de l’enthousiasme, un joyeux « désordre » sans incidents (une organisation cool). Merci à François Ruffin et la FI. Quand aux médias, des commentaires bien parcimonieux sur ce succès et ils ont ramené des sondages antérieurs à cette journée pour la dévaloriser. Vivement le 26 mai !
morfin
Eh oui ! Tenter de mettre à part Ruffin et les autres ! Parler d’ambiance « bon enfant », etc. Non franchement tout le monde était content, depuis les FI, NPA, PCF, quelques « générations », jusqu’aux libertaires. A nous de persévérer à des dates pour tout le monde. Les autonomes et autres eh oui, y en a, mais pas tant que çà. Ils pensent sincèrement que des boutiques cassées c’est pas grave les assurances payeront. Ils ignorent qu’elles paient, oui, mais seulement le matériel dégradé, et pas la perte engendrée des produits de vente, etc., et les salaires de ceux et celles qui ne seront pas gardé(e)s. C’est moins grave que d’être fasciste, mais peut-être çà ressemble à un microfascisme quand même ?
Invisible
J’ai écouté hier sur Le Média le debrief de la manif et j’ai écouté avec un grand plaisir sur France Inter au débat de midi Thomas Guénolé. Une grande tenue. Une stratégie intellectuelle, une organisation de la pensée au service du mouvement (dans la nuit il aménage son propos). Loyauté, intelligence. Les écoles de la FI, magnifique. Un partenaire fiable, un second idéal en cas de gouvernement ! Et Ruffin à la culture !
Pour ce qui est des black blocs, sachez que si vous êtes pris entre les flics et eux, les lacrymo et les coups de matraques ne viendront pas des black blocs. Les coups de mains, le serum phy, les « médics », ne viendront pas de la police. Les black blocs ne s’en prennent qu’au matériel. Et dès le 2 mai, ceux-ci font (sur paris-luttes.info) une analyse critique de ce qui s’est passé et gageons qu’ils risquent de réviser leur stratégie.
christiane 60
Moi aussi je goûte fort votre plume poétique même quand vous la mettez, avec des nuances, certes, au « service » du football. Cependant vous « révérez », vous « haïssez », et c’est bien cela qui dérange. Ainsi, les valeurs de ce sport consistent à porter aux nues quelqu’un qui a fait perdre son équipe pourtant bien placée sous un prétexte personnel assez fallacieux pour un homme mur, à tel point que s’en est douteux ? Que dirait t’on d’un partenaire politique se comportant ainsi ? Cela consiste aussi à « haïr » l’adversaire ? C’est justement ce que je ne supporte pas dans l’affolement général envers le foot. Si les gens mettaient autant de convictions et de ferveur pour défendre leurs droits, on ne ramerait pas autant pour les réunir et pourtant, il s’agit de leur vie, de l’avenir de leurs enfants, au lieu de contribuer à enrichir des évadés fiscaux arrogants et capricieux. Pour l’analyse politique, par contre, tout à fait d’accord, comme d’habitude. Et merci de…