On peut dire de ce dimanche qu’il entre dans l’histoire. Le départ du président Trump sans avoir signé le communiqué final du G7 ouvre une nouvelle page cruciale. L’affrontement entre les secteurs du capitalisme mondial va donner le rythme. Si les États-Unis en sont là c’est que la crise sous-jacente de son économie réelle anémiée et de son économie financière fragilisée vont plus mal qu’on ne le croyait. Je rattache cette situation à l’explication que j’en ai donnée dans le « cours de l’école de formation de la France Insoumise ». L’évènement est considérable. Il porte en lui un orage immense.
Bon, sinon, cette fin de semaine a été rude. On a obtenu quand même l’arrêt des débats parlementaires pour le samedi et dimanche. Ouf ! Car j’avais mal au crâne à force de parler. Entre les discours à la tribune de l’Assemblée, les heures de débats sur les textes, les rencontres à mener comme Président de groupe et les vidéos à tourner, j’ai touché le bout. Je découvre qu’il y a une limite physique aussi à la prise de parole. Je vis d’ailleurs dans un univers de gens épuisés. Dix sept jours consécutifs de séance à l’Assemblée nationale ont lessivé députés et collaborateurs au-delà de ce que tous avaient vécus jusque-là. À dix-sept seulement, la cadence est infernale. Le personnel de l’Assemblée nationale aussi n’en peut plus. Seul le méprisable Plantu, l’homme à qui le Qatar a donné un prix de « la liberté de la presse » de dix mille dollars, peut ironiser sur ce thème, lui qui vit grassement en faisant un dessin par jour. Et seul Le Monde peut publier une injure anti parlementaire aussi vulgaire sur sa une.
À mes yeux tout cela prend place dans cette ambiance si spéciale que nous vivons. Il est devenu évident que la présidence des riches pousse partout à une violence qui suffoque la société. Je ne sais pas comment cela se dénouera. Comment la situation sera purgée. L’effondrement de la cote du pouvoir, un an à peine après sa mise en place, n’est pas une anecdote. La bataille sur les comptes de campagne, commencée comme un grossier traquenard pour me démolir, se retourne en son contraire et démolit le candidat victorieux et ses séides. En choisissant de se tourner contre nous avec un signalement judiciaire et avec mon rejet de partie civile dans l’enquête contre ma tentative s’assassinat, le régime nous donne une indication sur sa manière de vouloir gérer l’opposition populaire. Il n’y aura jamais de trêve ni de limite dans sa volonté de « frontaliser ». Et il veut, comme dans bien des pays du monde, « judiciariser » son combat contre nous. Je me le tiens pour dit. Je ne suis pas le seul.
Sur le terrain des comptes de campagne Macron n’est pas en grande forme. Moi si. Les Républicains vont peut-être eux aussi sortir du bois. Je demande que tous les comptes de campagne soient revus. Je demande que la Commission de comptes de campagne respecte ses propres règles. Que son incapable de président Logerot démissionne et ne soit pas augmenté, après son double fiasco « Bygmalion », « rabais Macron ». Qu’il démissionne pour avoir été incapable de dominer son rôle et son rapporteur sur mon dossier de campagne. Il va de soit que toutes le dénonciations concernant le fonctionnement de cette commission, ses dirigeants et ses modes opératoires seront très bien reçues. En effet une équipe se forme autour de moi pour relever le gant du défi lancé par Logerot quand il a révélé mon signalement deux mois après l’avoir fait pour créer une diversion. Et cela en avouant n’avoir regardé que cette semaine ce qui se trouvait dans le compte de Macron ! Donc un mois après la décision du conseil constitutionnel ! Jamais avant ! Alors, s’il ne l’a jamais regardé, pourquoi l’a-t-il défendu publiquement ? Dorénavant tout le monde peut porter plainte contre le compte de Macron. Je forme le vœux que bien des gens mieux équipé que moi n’hésitent pas. C’est ce que vient de faire Anticorp. D’autres vont sans doute y penser. Qui sème le vent récolte la tempête. Là-dessus je retourne à ma tranchée.
Résumé. En réplique à Justin Trudeau qui le bravait, Trump ne signe pas le communiqué final de la réunion du G7. Pour nous c’est une série de bonnes nouvelles en grappe. D’abord parce que c’est l’échec d’une structure que nous n’aimons pas, le G7, sorte de directoire mondial se substituant à l’ONU. Suivante bonne nouvelle : les États-Unis s’isolent. Trudeau plus l’Europe, cela signifie les Amériques et l’Europe. Car dans son attitude, Trudeau rejoint les président latinos qui refusaient de céder à Bush au sommet sur l’accord de commerce. Bush dût sortir par une porte dérobée pour se cacher du désastre à reconnaître pour sa diplomatie. Cette fois-ci, la confiance détruite en un tweet ne se reconstruira pas en un instant.
Le calendrier à venir est donc celui des tensions. Le baratin d’après lequel Trump veut faire une démonstration de force avant la rencontre avec le Coréen du Nord est une histoire inventée par les services nord-américains et pieusement relayée par la presse française de l’information en continu qui est certainement la plus atlantiste du monde. Dans cette tension, nous avons à gagner. Car l’esprit public va se saisir d’une autre image des USA, une mauvaise image, propice à notre discours contre l’OTAN et ses alliés dans le monde.
Un regret : le ridicule numéro de copinage de Macron avec Trump ne laisse aucun rôle à la France. Justin Trudeau a eu la main. Tant mieux, car sa position géographique lui trace des lignes de non retour avec les USA. Le commentaire fielleux de Macron contre Trump (« soyons dignes de nos peuples » etc.) en dernière minute ne lui sera pas pardonné par les gringos. Ça, Macron ne peut pas le comprendre. Il les a trop admirés, trop inconditionnellement toute sa vie pour savoir de quelle violence ils sont capables. Dommage. Merkel a repris la main. Elle émerge une nouvelle fois comme la leadeure de l’Europe des gros bonnets. Déterminée, c’est elle qui a mis Trump dans les cordes en refusant de céder. Une autre Allemagne s’est révélée à elle-même dans cette épisode. Trudeau n’a plus eu qu’à monter sur ses épaules.
Macron est un bleu. Ses conseillers ne valent pas un clou. Ils l’ont emmené dans le mur. L’occasion de devenir le leader du monde qui n’aime pas Trump est passée. Pour lui aussi, l’heure de vérité approche. Ses Conventions Europe ne tournent pas. Même en France ! En Europe c’est pire. Dix pays se sont ligués contre les propositions françaises. Merkel va clouer le cercueil d’ici peu. L’épisode du « travail détaché » et du « glyphosate » lui a montré un président français aussi faible que les précédent et prêt à faire passer une défaite pour une victoire. Ça ne trompe que les journalistes français, propagandistes eurobéats sans consistance. Bref, un bon moment au total. Mais une situation dangereuse pour le monde. Si les BRICS manœuvrent bien, tout peut changer dans le monde. Si la crise affole la sphère financière tout est à craindre car la bulle est dans son état le plus explosif depuis 2007… C’est l’heure des caractères.
Certes c’est un sujet technique. Mais il est de vaste conséquence. Quand nous gouvernerons le pays, notre intérêt est qu’il soit le plus autonome possible. Donc ses infrastructures matérielles et industrielles nous sont chères. Le rachat de STX, anciens chantiers navals de l’Atlantique, par le constructeur naval italien Fincantieri entre dans nos interrogations. Va-t-il être maintenu ? Les conséquences en matière d’emplois, de savoir-faire industriel et de souveraineté sont considérables. Or les conditions de cette reprise sont pour le moins opaques. Un premier accord avait été négocié. Mais l’arrivée aux affaires d’Emmanuel Macron l’avait d’abord bloqué. Les attaches de son directeur de cabinet ont été mise en cause à ce propos. Puis tout reprit comme prévu. Pourtant, d’après ce que l’on sait, les conditions du nouvel accord ne sont guère différentes du premier. Pourquoi ce revirement ? Ça sent le soufre.
La situation de conflit d’intérêts d’Alexis Kohler révélée dernièrement par Mediapart jette le doute sur cette opération. Ancien directeur de cabinet de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron à Bercy, aujourd’hui secrétaire général de l’Élysée, Monsieur Kohler a travaillé entre temps comme directeur financier du croisiériste italo-suisse MSC, propriété de son cousin Gianluigi Aponte. Or, MSC est un des grands clients de STX ; l’État français a assuré ses contrats qui s’élèvent à environ un milliard et demi d’euros ; MSC est aussi un client de Fincantieri. Mais il s’était également positionné pour la reprise des chantiers français.
Mais la perplexité grandit encore lorsqu’on apprend en même temps le « rapprochement » de Fincantieri avec Naval Group, fleuron de l’industrie française maritime. Car Naval group est aussi un garant de notre indépendance nationale. Sur ce processus pourtant crucial, très peu d’informations parviennent à filtrer. Auditionné par la commission d’enquête sur la politique industrielle, Bruno Le Maire a concédé que cette opération est étroitement liée à la vente de STX. Quoi ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? On se passe beaucoup de choses sous la table dans cette affaire.
En septembre 2017, trois groupes de travail avaient été créés pour préparer ce rapprochement. Mais l’État français, semble-t-il, ne siège que dans un seul d’entre eux. Ce n’est pas tolérable. Car le risque de voir la France se défaire une fois encore de capacités industrielles stratégiques revient sur la table. Et on le sait : le régime macroniste est absolument imperméable à ce type de préoccupation. Pour lui, la finance est tout. Le reste, et notamment l’industrie, n’est qu’un nid d’embrouilles subalternes.
Les députés que nous sommes ont beau alerter et demander des précisions, le pouvoir ne fournit que son habituelle communication mielleuse et enfumante : le mythe des « coopérations gagnant-gagnant ». Il oublie que nous sommes échaudés par l’histoire industrielle récente des fusions d’entreprises. Au total les « gnant gnant » comptent plus de fiascos que de « success stories ». Les éléments de langage invoquant un « Airbus maritime » ou un « mariage entre égaux » sont si ridicules qu’ils effraient. On a déjà entendu cette légende avec l’Airbus de la sidérurgie par exemple. C’était Arcelor, vendu ensuite à Mittal. Et combien d’autres romans à l’eau de rose de cet acabit ! De plus, les arrangements financiers qui ont permis le décollage d’Airbus sont aujourd’hui interdits par les dispositions des traités sur la concurrence libre et non faussée.
Fondamentalement, la stratégie qui consiste, au nom de la défense européenne, à mettre en partage des savoir-faire techniques et industriels qui relèvent de la souveraineté est une naïveté qui finit par coûter cher. Du reste, entre Fincantieri et Naval Group il n’y a pas d’égalité. Les compétences de l’Italien sont beaucoup plus restreintes que celles du Français. Naval Group est en effet en capacité d’agir sur l’ensemble du spectre des besoins de la marine nationale, en particulier par exemple la délicate question de la propulsion nucléaire. Son indépendance est une condition indispensable au maintien de la souveraineté de la France. Or, le rachat de STX est à peine acté que Fincantieri pose déjà des conditions pour prendre l’ascendant sur des marchés étrangers dans lesquels Naval Group est bien implanté, notamment en Amérique latine. Alors que Thalès est le fournisseur principal de l’électronique pour Naval Group, Fincantieri privilégie sa coopération avec Leonardo. Qu’en sera-t-il après ce rapprochement ? On le devine !
Le milieu très feutré des industries de défense laisse donc filtrer un faisceau de signaux alarmé qui donnent toute raison d’être inquiets.
La France devrait retenir les leçons du scandale Alstom. Un désastre industriel déjà imputable à Emmanuel Macron. Donner le TGV à Siemens et les éoliennes à Général Electric est un scandale industriel à nos yeux ! Macron n’en a cure. Pour lui, si l’opération est stable financièrement, tout est bien. Macron ne comprend rien à l’indépendance nationale industrielle. Pourtant, il est temps que les pouvoirs publics se dotent d’une autre stratégie globale en faveur de l’industrie. Il s’agit de sa protection et son développement contre le modèle d’une économie de services dont rêvent les libéraux. Cela plutôt que le seul intérêt financier immédiat. Il est temps que cessent la naïveté et la collusion entre dirigeants économiques étrangers et responsables politiques français. Il est temps qu’un gouvernement protège la souveraineté nationale. Pour cela, l’opération de rapprochement entre Fincantieri et Naval Group doit être abandonnée.
Ici je me suis engagé sur ce thème depuis des années. Notamment sur le dossier Alstom. Mes lecteurs les plus réguliers savent que j’ai toujours disposé d’informations sûres et vérifiées que j’ai manié sans catastrophisme ni sensationnalisme. Une nouvelle fois, je ne vous alerte pas pour effrayer inutilement. Mais je vous alerte. Cette opération est une nouvelle mauvaise action contre notre pays. Un jour ou l’autre le sens et les causes réelles de ces décisions absurdes viendront en lumière, comme pour Alstom. Mais ce sera trop tard. La France sera abaissée et son industrie détruite ou dominée de bout en bout.
Dans quelques semaines, à la fin du mois, se tiendra le quatrième congrès du Parti de Gauche (PG) à Villejuif. Cette organisation boucle sa dixième année d’existence. Elle est issue d’un regroupement d’organisations, groupes et personnalités de tous horizon de la nébuleuse venus de la campagne pour le « non » au référendum sur le traité Constitutionnel européen de 2005. La scission du Parti Socialiste que je menais alors avec François Delapierre et Marc Dolez en était la composante la plus nombreuse. C’était aussi, dans le contexte particulier de 2008, l’évènement le plus important lié à cette fondation. Éric Coquerel, l’un des fondateurs avec le mouvement MARS qu’il animait depuis sa sortie du MRC, a écrit un livre sur cet épisode et François Delapierre de même.
« Quelle histoire » dirais-je à mon tour pour paraphraser le titre du livre de François. En effet la naissance du PG a bien sûr été accompagnée des commentaires fielleux que l’on imagine. Les socialistes, alors tout-puissants, et leurs relais médiatiques nous aspergèrent abondamment. On ne trouvera donc rien dans les archives médiatiques qui mette cet évènement à sa place pourtant essentielle. Oui, essentielle. Car ce petit parti est né en écho avec les développements de la gauche alternative mondiale. On ne peut le penser en dehors de ce contexte. En France, il aura été le déclencheur de deux formules politiques qui ont marqué l’espace politique : la création du Front de Gauche et la création de « La France insoumise ». Ces deux démarches sont directement liées aux évolutions de l’alternative mondiale à la social-démocratie et sa dilution dans le social libéralisme et les « grandes coalitions ». « Front de gauche » et « France insoumise », sont les deux seuls concepts stratégiques nouveaux mis en œuvre dans la récente période après la chute du mur de Berlin et la faillite de la social-démocratie. Et ces deux concepts sont nés dans les congrès et conseils nationaux de ce parti.
C’est aussi le Parti de Gauche qui aura proposé ma candidature à l’élection présidentielle de 2012 puis à celle de 2017. Deux candidatures qui auront arraché notre famille idéologique au néant pour la conduire au seuil du pouvoir. En média, le PG fut évidemment décrit comme un simple faire valoir de ma personne puisque j’étais le dirigeant le plus connu des médias. On me chercha quelque challenger. Ceux-ci refusèrent de faire la sale besogne. On franchit donc sans encombre le moment attendu de la dispute interne et de la scission, délices guettés avec gourmandise à l’extérieur. Ce fut tout. Le reste n’intéressa pas les rubricards, si bien que nous avons pu tranquillement essayer, tester, et faire des changements d’équipe et de stratégie sans bruits inutiles. Et même voir tout notre système décapité par la mort de plusieurs de ses animateurs centraux comme Alain Billon et Bruno Leprince et notamment François Delapierre au cœur de notre relève générationnelle et théoricienne. Nous avons encore une fois relevé le défi en quelques mois.
Pour finir, nous sommes donc parmi les rares organisations à avoir réussi un changement quasi-total d’équipe dirigeante sans vague ni déchirement. De ma co-présidence avec Martine Billard à la co-coordination Éric Coquerel et Danielle Simonet, le relais de direction a été pris sans un jour d’interruption de l’action et de la clarté de l’animation. Sans une dispute, sans une victoire des innombrables infiltrations venimeuses dont le Parti a été l’objet. Depuis, les nouveaux dirigeants du PG sont eux-mêmes des personnalités politiques connues et reconnues sur la scène publique. Peu d’autres formations ont réussi à le faire. En fait, aucune. Mais qui peut ne pas s’interroger sur cette merveilleuse école de formation. Car c’est de là que viennent les députés Quatenens, Bernalicis, Panot et Lachaud par exemple, désormais connus de tous. Au quotidien, le Parti de Gauche continue à former les vagues de jeunes générations dirigeantes du futur. On les a vu en particulier se déployer sur la scène électorale des élections législatives. On les verra de nouveau dans les quatre prochaines élections avant 2022 dont ils seront les premières lignes.
Mais ce n’est pas simple d’être le parti qui a inventé « la France insoumise ». Rançon du succès ! Car tous ses cadres sont investis dans le Mouvement. Mais ils ont pour consigne de ne pas se l’approprier. Chaque jour dans la pratique peuvent surgir des problèmes concrets de vie mitoyenne ! Parfois cela est mal vécu par les pégistes qui peuvent se sentir frustrés. Et le caractère flou des structures du mouvement n’est pas moins perturbant pour eux que pour bons nombre d’observateurs extérieurs. La forme incertaine de nos frontières d’organisation est en effet parfois angoissante. Elle pèse sur tous, au Mouvement comme au Parti.
Membre de l’un et de l’autre comme l’un des fondateurs dans les deux cas, obsédé par l’objectif de la transmission, témoin sidéré de l’essor puis de la déchéance du PS, parti dont j’ai été membre pendant 32 ans, je suis un témoin informé de la vanité des constructions politiques. Et comme tout un chacun, je me sens moi aussi incertain quand il faut mettre en œuvre une direction de travail dans ce nouveau contexte sans avoir de « bureau politique ». Une structuration originale en est spontanément résulté. Le groupe parlementaire a surgi en quelque sorte comme la direction du court terme, des communiqués et de la réaction immédiate aux plans du pouvoir. Et le Mouvement de son côté gère le temps long, celui des campagnes de fond, du quadrillage du terrain.
Je sais depuis le début de « la France insoumise » que c’est un objet de type radicalement nouveau. L’Ère du peuple l’annonce mais ne le décrit pas. Ce que nous faisons dans ce domaine est d’ailleurs regardé dans le monde entier par les équipes de « la gauche radicale ». Cela nous fait devoir. Seuls les commentateurs politiques français, prompts à bailler béats devant « Podémausss », dont ils montrent assez souvent qu’ils ne savent rien, ne s’intéressent ni de près ni de loin ni à la doctrine ni à la pratique de ce que nous entreprenons. Tant mieux d’ailleurs. Leurs bavardages ne nous polluent pas. Tout cela est connu de mes lecteurs. Mais on ne doit pas oublier que le PG aussi est une forme et un organisme nouveau dans le paysage français (dix ans seulement en novembre). Sa singularité est d’être le seul parti qui aura été porteur victorieusement d’une ligne stratégique et théorique nouvelle. Le Mouvement en est l’enfant. Mais comme il s’agissait d’un objet nouveau fondé sur un diagnostic nouveau, nous n’avons eu qu’une formule pour nous guider : « le mouvement est au peuple ce que le parti était à la classe ».
Dès lors, notre devoir dans le processus de construction in vivo du Mouvement était d’empêcher la rigidification du fonctionnement de « La France insoumise ». D’autant que tout ce qui nous était proposé alors ne faisait que reproduire peu ou prou ce qui existait déjà dans les formes traditionnelles. Nous avons préféré faire l’expérience de l’invention constante. De là un sentiment permanent de flou et d’approximations successives. Il est bel et bien fondé dans une réalité. Il a aussi pour conséquence une difficulté pour les militants. Je fais le pari que nous dominerons cette difficulté, et quelques autres tout aussi notoires, en avançant. C’est-à-dire en nous posant à chaque étape des problèmes concrets auxquels nous apporterons des réponses concrètes suffisamment en amont pour être praticables.
Pour le PG, l’objet précieux est le Mouvement qui est son projet et son œuvre. Peut-être est-ce au parti surtout de définir des modes opératoires, bien mis en mots pour organiser sa relation au mouvement. Le Mouvement est incapable de le faire de par sa nature même. Autrement dit : le PG doit être une structure qui doit aider le mouvement à se penser lui-même. Et par le biais de ses militants qui y sont engagés, il peut être une source d’inspiration des modes et des thèmes d’action. De son côté, le mouvement doit organiser les points d’entrée des propositions. Comme vous le savez, la façon de tenir la deuxième Convention et l’installation de l’assemblée représentative ont déjà bien avancé cet aspect. Mais il reste beaucoup à faire.
Il me semble à cette étape que le Parti a une nouvelle tâche théorique et pratique devant lui. Certes, le Mouvement est là : il fonctionne comme un label commun pour des actions et des campagnes indépendantes et autonomes. Il n’est pas vraiment équipé pour organiser la participation d’organes politiques traditionnels en son sein. Une structure avait été mise en place : « l’espace politique ». Mais celui-ci a vite compris après la campagne qu’il devait se donner sa propre utilité pour contribuer à la vie du Mouvement sans se donner le rôle étroit d’une sorte de « tour de contrôle politique ». Avec Francis Parny comme coordinateur, on se dirige vers la formation d’un « Forum politique » fonctionnant comme l’Agora des débats politiques qui agitent la vie politique du pays et donc du mouvement lui-même.
Ceci posé, n’y a-t-il pas aussi un rôle spécifique pour le Parti de gauche face aux défis du moment ? Et notamment vis-à-vis de l’impasse stratégique du moment : la faiblesse de « la gauche » électorale, l’émiettement de « la gauche » politique et la hargne des dirigeants de ces groupes et partis contre « La France insoumise » qu’ils jalousent et rêvent de détruire. La création même du PG était une forme de réponse à ce même problème tel qu’il se présentait il y a dix ans, trois ans après le référendum fondateur de 2005. Il faut de nouveau ouvrir ce chantier. À côté de la construction du Mouvement, par nature indépendant et autonome, n’y a-t-il pas place pour une refondation du « Parti de Gauche » ? Ses dirigeants actuels n’y sont pas fermés. Ils se méfient à juste titre des improvisations qui permettraient le recyclage sans renouveau de vieilles structures environnantes. Et il va de soi que le regroupement ne peut être une fin en soi.
Le PG est construit sur un concept nouveau et un manifeste désormais traduit en une vingtaine de langues : « le manifeste de l’écosocialisme ». Ce texte est le cœur de la doctrine qui vertèbre le Parti de gauche. Il structure aussi très largement le programme L’Avenir en Commun. Il devait donc être central comme base du regroupement. Il pourrait en être la base de discussion. Peut-être pourrait-il ainsi ouvrir une issue positive aux divers groupes et organisations percutés par le succès de la stratégie « L’Ère du peuple » et intéressés par ce que nous avons entrepris ? En les accueillant et en partageant les acquis mutuels de chacun, ne pourrait-on pas faire naître cet organisme dont tout le monde, dans notre sphère, clame la nécessité. Il est possible que cela n’ait aucun écho. Ou bien que cela serve de nouveau de prétexte à quelques salves sectaires dont les « unitaires » ont le secret.
La preuve : ce que j’ai déjà dit sur le « Front populaire » dans Libération a reçu un vent de réponses négatives ou indifférentes venant du microcosme de la « gôche ». Libération, à qui j’avais confié cet appel à projet en quelque sorte, n’en a rien fait non plus. L’idée n’a pas été discutée, même dans ses colonnes auprès des autres invités du journal. Elle aura été seulement aussitôt condamnée et d’abord dans Libération par Alain Duhamel au prix d’une réécriture de l’histoire de Léon Blum et du Front Populaire aussi sidérante que risible. Pour autant, il ne faut pas renoncer à avancer dans la direction du regroupement des gens honnêtes en sachant que la vie passera par bien des chemins de traverses.
Une refondation fusion du Parti de Gauche peut être un de ces points de passage. Son projet de motion d’orientation ne ferme pas cette piste. Le code génétique du Parti de gauche est fait de cette sorte de dépassement. C’est pourquoi le prochain congrès du PG n’est pas un moment neutre. C’est pourquoi j’en parle. Et ce n’est pas la dernière fois. Et pas pour le plaisir de la conversation.
Grosse agitation médiatique et même la une du Figaro et du Monde. Mazette ! Puis Pchitttttt ! Plus rien. Certes, la loi a été discutée. Mais elle n’a pas été votée. Stupeur ! Les médias qui ont senti le vent du boulet sont rentrés dans leur coquille sans un mot, trop contents d’avoir échappé aux délires des macronistes. Officiellement, conformément aux normes habituelles de la désastreuse organisation des débats à l’Assemblée, le temps aura été insuffisant pour aller au bout de la procédure. En effet, il s’agissait de la niche parlementaire de la République en Marche. Ce temps spécial a une organisation spéciale : on ne peut débattre au-delà d’une heure du matin. C’est comme ça que notre proposition de « loi pour le droit de mourir dans la dignité » a été évacuée. À une heure du matin, il restait une foule d’amendements. Tout fut clos. Malaise ! Étrange quand même, non ? Sont-ils nuls à ce point ? Ça parait curieux.
Aussitôt a fleuri une hypothèse. Comme les macronistes ont compris que le tollé sur le sujet n’allait pas décroître, ils ont eux-mêmes organisé l’impasse. En effet, s’ils tenaient tant que ça à ce texte, pourquoi ne pas l’avoir mis en premier plutôt que celui sur l’interdiction des portables à l’école ? Cette organisation des débats aurait donc eu pour objet de permettre l’élimination du texte sans le dire. D’où le silence des médias eux-mêmes le lendemain de cet exploit grotesque. Conclusion, ils se sont moqués de nous. Moqués du Parlement. Ils nous ont contraints à passer une journée et un débat sans objet. Ne reste que le plaisir de les avoir ridiculisés dans l’argumentation et de les voir détruire eux-mêmes leur travail initial.
Comme vous le savez, le président des riches a l’intention à présent de s’attaquer aux petits droits des pauvres pour financer les faveurs qu’il compte encore faire aux dodus de la finance. Une loi contre les pauvres va donc être bientôt proposée. Dans la novlangue du pouvoir, elle s’intitulera sans doute « loi pour libérer l’énergie des pauvres sans être bridés par les aides sociales ». Ou quelque chose dans le genre. Quel que soit le titre et le contenu, on forme des vœux pour que le régime ne décide pas d’enfiler encore ce texte de plus dans le train sans fin des lois qui naviguent déjà entre les deux assemblées. Car on se perd entre les annonces provocatrices, les projets de lois qui pleuvent sur les assemblées et le chaos de « l’organisation » du travail parlementaire, nuit et jours. Les macronistes aussi d’ailleurs, car ils ont fini par se prendre les pieds dans le tapis avec leur loi sur les fake news qu’ils n’ont pu faire adopter dans les délais.
Dans ce tohu bohu arrive cette semaine une loi sur des sujets essentiels regroupés dans un fourre-tout auquel un communiquant a trouvé un titre chapeau qui fait croire à un dénominateur commun. Avec les macronistes c’est simple : on lit le titre et on est certains que le contenu dit le contraire. « Loi pour sauver la sécurité sociale », « loi pour sauver la SNCF », « loi pour la liberté de choisir ses études en fac », etc. Ici, il s’agit de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». On comprend qu’il s’agit au contraire d’enfermer les gens dans le monde des contrôles sans fin et la jungle des choix pré-contraints. Le texte traite de l’apprentissage pour y envoyer sans autre choix le plus grand nombre possible de gens à tout âges, de la production de diplôme régionaux qui assigneront à résidence ceux qui les passeront.
Après ce galop d’entré arrive un chapitre sur la formation professionnelle. Tarte à la crème comprise : la formation est la clef de la lutte contre le chômage. Le chômage comme résultat de l’incompétence des salariés est une vieille rengaine réactionnaire qui va être entonnée comme une tyrolienne. On va donc ressortir la vieille sottise de « la formation pour rendre adaptable et productif » et autres tautologies sous lesquelles se nichent en général la dévaluation du contenu des diplômes et la déqualification durable des salariés.
Après quoi arrive le chapitre sur l’assurance chômage qui est une toute autre question mais qui pourrait ici être vite assassinée sans trop de temps perdu à en discuter et à retenir l’attention des futures victimes. On devine qu’il s’agit d’étatiser le régime et de faire passer dans l’impôt ce qui est dans la cotisation car celle-ci « nuit à la compétitivité ». Bref, encore un cadeau aux actionnaires. Plus une pluie de contrôles de toutes sortes et de sanctions contre les chômeurs qui n’auront pas répondu à l’appel téléphonique, au mail, à l’offre d’emploi à 90 km de chez eux, dans une autre branche que la leur, pour un salaire de misère et ainsi de suite.
Même tarif au chapitre suivant, celui du travail pour les handicapés. Récemment brutalisés dans la loi logement avec l’objectif de 10% d’accessibilité là où était prévu avant un objectif de 100% ils vont être encore passés à la râpe au boulot. Évidemment ce sera dit en novlangue : « simplifier l’emploi des travailleurs en situation de handicap ». Autrement dit : pas d’obligation « excessive », pas de « contraintes asphyxiantes » donc « libérer l’énergie blablabla ». Il y aura bien sûr la touche tendance : des phrases creuses sur le sexisme au travail et l’égalité professionnelle des hommes et des femmes. Bien sûr sans « contraintes excessives » ni « d’obligations contraignantes ». Adieu l’incroyable « dénoncer et flétrir publiquement » (name and shame) et le « référent sexisme » dans l’entreprise annoncé il y a peu. Vu ? Juste libérer l’énergie et blablabla.
Le plus exogène si j’ose dire est le chapitre sur « les travailleurs détachés » que tous ces gens avaient prévu comme un temps pour célébrer leur victoire sur le sujet… et qui va nous permettre de montrer de quoi il retourne vraiment.
Je prie mon lecteur d’excuser cette litanie. Elle est tellement rébarbative par son hétérogénéité que l’on devine l’intention d’embrouiller des auteurs de cette loi fourre-tout. Chaque chapitre que je viens d’évoquer est en soi un sujet spécial et lourd de conséquences. Empilé de cette façon, il devient totalement indigeste et difficile à suivre. Passant en juin, elle est quasi imparable dans la rue ou par les organisations syndicales. Ceux qui vont souffrir dans les mois et les années qui viennent, c’est-à-dire aussi longtemps que nous ne serons pas au pouvoir pour annuler tout cela, ne sauront sans doute rien de l’affaire car leur « temps de cerveau disponible » va être gorgé par les diversions les plus diverses. Sentinelles fidèles, les députés et leurs collaborateurs seront au poste, nuit et jour pour défendre la tranché. Un peu de soutien leur ferait du bien aussi.
On se souvient des grands manifestes et autres proclamations récentes qui portaient la lutte contre l’antisémitisme en bandoulière pour mieux flétrir ceux qui ne partagent pas les obsession communautaristes du CRIF où le soutien aveugle au gouvernement d’extrême droite d’Israël. On se souvient de la ligue de défense juive faisant expulser d’une marche de deuil les députés « France insoumise » en qui ils dénonçait des « collabos des arabes ». On se souvient de l’approbation de la secte CRIF. On se souvient que ces violents furent dénoncés aux applaudissement de toute l’Assemblée nationale ? Moi je m’en souviens. Et je m’en souviendrai toujours comme d’un jour de divorce sans retour.
Un sondage IPSOS réalisé pour l’Institut du judaïsme français nous rend justice des calomnies de ces furieux. Le commentaire du politologue Brice Teinturier (peu suspect de tendresse pour « la France insoumise » comme le montre une fois de plus ses incises méprisables) mérite d’être rapporté. « La question d’un antijudaïsme qui se dissimulerait derrière un antisionisme est beaucoup plus complexe que ce qu’on entend parfois. » Brice Teinturier note en particulier que « les sympathisants de la France insoumise sont – on l’a vu à propos des stéréotypes antijuifs – ceux qui sont les moins poreux à ces stéréotypes. Mais ils sont les plus critiques à l’égard de la politique de l’État d’Israël. Et quand vous regardez les liens entre ces deux dimensions, ce qui est très clair – je parle bien des sympathisants, pas des dirigeants ou de certains dirigeants – c’est qu’on ne peut pas dire que les sympathisants de la France insoumise, derrière une critique de l’État d’Israël dissimuleraient une critique des Juifs en général. Au contraire, ils clivent les choses, ils les séparent. Je pense qu’il y a un travail politique, une conscience politique, une critique politique qui est beaucoup plus forte chez les sympathisants de la France insoumise que dans d’autres catégories de la population, mais ça ne débouche pas sur des stéréotypes antijuifs accrus. »
Conclusion de Brice Teinturier : « On ne peut pas, rapidement et un peu caricaturalement, dire que l’un dissimulerait l’autre. » En effet.
Mais le CRIF est-il capable d’autre chose que de caricature tres orienté ? Le Crif s’interresse-t-il vraiment a la lutte contre l’antisémitisme ? Est-il autre chose qu’une annexe du Likoud et de l’extrême droite israélienne ? Comment ne pas s’interroger ? Car quand on annonce la visite de l’antisémite ukrainien de Svoboda, Andriy Parubiy, à de Rugy, seuls les députés Insoumis protestent. Le CRIF se tait. Pourquoi ? Il y aurait un antisémitisme acceptable s’il est géopolitiquement correct ?
56 commentaires
VeVe
Après le départ de Rafael Correa, le lanceur d’alerte et fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, est dans une situation de plus en plus critique. Les derniers propos tenus par le nouveau président, Lenín Moreno semblent suggérer que l’Equateur ne souhaite plus garder M Assange dans son ambassade à Londres.
N’est-ce pas l’occasion pour les députés FI de demander au gouvernement si la France peut donner à M. Assange l’immunité diplomatique et l’accueillir sur son sol ? Ou bien, appuyer la proposition de statut diplomatique auprès de l’ONU pour qu’il puisse quitter le Royaume-Uni. Cela permettrait d’envoyer à nouveau un signal à Washington sur la prise de distance de la France vis-à-vis des USA. Ensuite, cela permettrait au gouvernement d’affirmer sa volonté de défendre la liberté d’information et la protection des lanceurs d’alerte. En effet, sur Internet, il n’y a pas que des « fake news », il y a aussi des gens qui font un vrai travail d’information.
le Dule 39
Bravo, vraiment, bravo Jean-Luc pour ton intervention dans « questions politiques ». Je te trouve impressionnant de justesse et d’adéquation avec ce que je pense (et je ne suis pas le seul). J’y vais de ma petite phrase que je clame à l’envie: « Remplaçons l’insatisfaction dans la surabondance par le bonheur dans la simplicité ».
Oxy
D’accord avec vous et bravo à Mr Mélenchon mais le reproche qu’on peut lui faire et ce n’est pas la première fois, c’est que souvent dans les interwiew il vend la peau de l’ours avant de l’avoir tuée, à savoir de dire par exemple que « la prochaine fois c’est notre tour… » ou bien que « l’on verra aux européennes », bref être trop sûr de son fait alors que les Français sont malheureusement acquis à la cause libérale pour une bonne partie d’entre eux et donc ne réagissent pas, ertes sans doute pour le moment ?
Jacques
Certes cette demande est décalée par rapport aux autres contributions mais serait-il possible de rétablir le lien direct d’accès aux commentaires qui existait auparavant de manière à pouvoir accéder directement aux dernières contributions à la discussion ?
Buonarroti
La radio, c’est très bien pour entendre le bon discours. La radio c’est quasi du 24/24. La radio ce sont des mains à l’ouvrage pour un cerveau réceptif. J’aime bien la radio ! C’est une présence musicale qui peut être très généreuse. Il faut défendre la liberté d’expression sur la radio avant qu’elles ne deviennent toutes numériques. Moi qui n’ai ni télé, ni internet et qui n’a plus de téléphone, c’est encore avec la radio de la FI que je peux atteindre la voix de nos députés. Merci Monsieur Mélenchon !