Ce sera la semaine qui aura donné au quinquennat sa couleur. Avec le vote de la loi contre la SNCF et les délires sur les pauvres qui reçoivent trop, le président des riches est devenu aussi l’ennemi des pauvres et celui du peuple en général. Sa politique économique, fiscale et sociale est désormais publiquement une de ces politiques d’ajustement structurel digne de ce qui a été fait à la Grèce, à l’Espagne et à d’autres. Comme cela a été infligé à n’importe lequel des pays d’Amérique latine jusqu’à ce que la révolution citoyenne y fasse son œuvre. Les niveaux d’accumulation de fortune et de hauts salaires font de notre pays une sorte de paradis des riches, des fraudeurs du fisc, de l’égoïsme social et du pillage des biens publics. Du coup on peut déjà dire que notre victoire impliquera de lourdes tâches de reconstruction de ce qui a été détruit. La liste connue dans ce domaine s’allonge. Le nouveau régime de la SNCF va beaucoup détruire. La pagaille va s’étendre, les disfonctionnements se multiplier, les incidents se répéter. Tout remettre en ordre et en état de marche sera donc un défi. Il en va de même à l’hôpital et dans de nombreux domaines de l’éducation pour ne parler que cela.
Pendant ce temps, la crise politique se répand d’un pays à l’autre dans l’Union européenne. Au point de départ, on trouve toujours la politique économique asphyxiante imposée par l’Allemagne aux divers pays d’Europe. La situation italienne, puis celle de l’Espagne ont montré comment l’un après l’autre les pays touchent le fond de l’impasse. Mais à l’Est, rien ne va s’améliorant. On va voir bientôt se tendre les relations de l’Allemagne avec ses vassaux autrichiens, hongrois, tchèque et polonais. C’est d’ailleurs engagé. Une crise s’est donc ouverte dans la droite allemande entre CSU et CDU à ce sujet. Du jamais vu. Évidemment, les eurobéats à la française, les candidats « bons élèves » de l’Europe ne voient rien, n’entendent rien et réclament toujours « plus d’Europe » sans s’interroger plus avant.
La lutte contre la pauvreté était mon thème de discours d’entré en campagne à la fête de l’Humanité en Septembre 2016. C’est le thème de la campagne en cours à « La France Insoumise ». Jamais je n’aurais pensé que Macron s’attaquerait aux pauvres de cette façon frontale. Aujourd’hui, la pauvreté concerne 14% de la population du pays. Sans les aides sociales, la pauvreté engloutirait 22 % de la population. Plus d’une personne sur cinq en France. C’est le moment que choisit le président pour les mettre en cause. La phrase lui a fait très mal et il est probable qu’il se demande pourquoi.
« Ça coûte un pognon dingue et c’est inefficace », a-t-il dit ! Le pognon « dingue » c’est 25 milliards. Comparons. C’est à peine plus qu’un pour cent de la richesse produite par le pays en une année. Mais c’est la valeur gagnée par le seul Bernard Arnault en 2017. Si l’on compte plus largement en y incluant les prestations familiales et la CMU, ça fait certes 56 milliards. À mettre en rapport avec les 140 milliards alloués « aux entreprises » et les 80 milliards d’euros de fraude fiscale. À mettre en rapport aussi avec le fait que les aides sociales concernent 11 millions de français tandis que la fin de « l’exit tax » touche 300 personnes, la suppression de l’ISF (4 milliards) quelques petits milliers. Ces comparaisons permettent de n’oublier jamais de quelles masses financières et de population on parle. Pour les 10% de la population qui ont le moins de revenus, « les prestations sociales représentent 47,6% du revenu disponible ». Et seulement 0,5% pour les ménages les plus aisés qui ont accès à des prestations sociales universelles. Les aides sont donc bien ciblées pour ne concerner que les ménages ayant les revenus les plus faibles.
Il ne faut pas laisser passer le discours de Macron sans réagir. Ce discours fonctionne comme une offre de pensée. Une pensée dominante pour protéger les dominants. Car comme ça « vient d’en haut » et que ça sonne comme une évidence du café du commerce, ce serait vrai. Ces formules fonctionnent pour donner bonne conscience à ceux qui les acceptent au moment ou un véritable coup de massue va être donné sur la tête des plus pauvres de ce pays. Pied à pied, il faut démontrer l’arnaque. Premier temps : ça coûte cher. Non ce n’est pas vrai. Deuxième temps. Ça coûte cher « Et les gens ne s’en sortent pas »… Autrement dit ça ne sert à rien. Archi faux ! Ces aides, en dépit de la modestie des sommes en cause dans chaque cas, maintiennent quatre millions et demi de personnes au-dessus du seuil de pauvreté. Les supprimer en fera donc basculer des millions dans des situations infiniment pires que ce qu’elles sont aujourd’hui.
Je l’ai dit en commençant ce billet : sans ces aides sociales, la pauvreté toucherait 22% de la population. Une immense quantité de gens n’ont la tête à peine hors de l’eau que grâce a ces dispositifs. Car il faut aussi rappeler ce qu’est la situation « aujourd’hui ». La pauvreté est un phénomène de masse en France. Et contrairement aux idées reçues les gens « n’abusent » pas des aides. C’est le tout premier constat et le plus incroyable vu de loin. Les gens ne demandent pas les aides auxquelles ils ont droit. 40% des personnes qui ont le droit au RSA ne le demandent pas, 34% des personnes qui devraient bénéficier de la CMU, 31% des personnes qui devraient toucher les allocations familiales. Ce sont donc des quantités considérables de gens qui sont concernés. Nous le savons bien nous qui faisons chaque année une « caravane des droits » et aidons des milliers de gens à découvrir et toucher leurs droits.
Le point central de la situation c’est l’extension de la pauvreté dans le pays. C’est cela que le discours macroniste masque et enterre. Il y a 9 millions de pauvres en France. C’est-à-dire 14% de la population. Un enfant sur cinq vit dans une famille pauvre.
Ce qui coute vraiment un pognon fou ce sont les riches. On leur donne sans cesse et ils ne font rien d’utile avec ce qu’on leur donne. Les riches n’investissent pas dans l’économie. Entre 2010 et 2016, la part des profits du CAC40 qui auront été réinvestis dans l’appareil de production a été divisés par 2. Plus on leur donne, moins ils investissent. Du coup, certes, la France est au premier rang pour la rémunération des actionnaires et le nombre de millionnaires. Mais elle est au 18ème rang pour le niveau d’automatisation dans son industrie derrière la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, le Japon ou la Suède. Donc la masse des « dégrèvements », « allégements de charges » et ainsi de suite n’ont atteint aucun des objectifs que ces mesures prétendaient servir ! Ça nous a coûté un pognon fou. Et cela a enfoncé un maximum de gens dans les problèmes. Car ces aides sociales aux riches ont couté un maximum au pays puisqu’il a fallu compenser les pertes de recettes par des prestations sociales et des services publics de moins !
Le propos du président macron et les mesures qu’il s’apprête à prendre constituent une bascule pour le modèle social de la société française. Il se propose de raboter sept milliards de dépenses d’aide sociales. La somme est considérable. Elle va précipiter un nombre important de gens en dessous du seuil de pauvreté et parmi les pauvres, elle va entrainer une marée de gens vers le fond, celui de l’extrême pauvreté.
Trump savait très bien ce qu’il refusait en retirant sa signature du communiqué final du G7 au Canada. Les propos de Trudeau qui motivèrent son retrait furent un prétexte et rien de plus. Trump ne pouvait pas donner son accord aux traditionnelles logorrhées libre-échangistes de ce type de réunion. Surtout quand elles apparaissaient comme un reniement et une condamnation de ses propres prises de position. Voyez plutôt ce texte de communiqué. « Nous soulignons le rôle crucial d’un système commercial international fondé sur des règles et continuons à combattre le protectionnisme. Nous ferons tout notre possible pour réduire les barrières tarifaires, les barrières non-tarifaires et les subventions. » On comprend que cela ne peut être du Trump. Il y a même une certaine provocation à avoir essayé de lui faire signer ça !
Quoi qu’il en soit, un seuil a été franchi. Il est aussi important a mes yeux pour l’ordre du monde que l’a été en son temps la décision de Nixon le 15 août 1971 de ne plus lier la valeur du dollar a une référence matérielle, l’or en l’occurrence. Les États-Unis réclament le droit de reconstituer leur base productive nationale. Ils le font à la sauvage et dans le rapport de force brutal conformément à ce qu’est l’histoire de ce pays violent. Dès lors, ils ouvrent un front contre le capitalisme européen et surtout contre son centre : l’Allemagne. C’est bien pourquoi Trump a remis sur la table la question des taxes douanières sur le secteur automobile. Elle avait déjà été évoquée par l’administration américaine le 23 mai dernier sous forme d’une taxe de 23% sur les importations automobiles. Suivez mon regard.
C’est une menace directe contre l’Allemagne. Car son secteur automobile représente 25% des exportations allemandes aux États-Unis. Et les constructeurs allemands accaparent 90% du marché américain des automobiles haut de gamme. Comme je l’ai rappelé dans mon livre Le Hareng de Bismarck, ce n’est pas une petite affaire que l’automobile pour le capitalisme allemand. Le secteur automobile représente 20% de l’activité industrielle de l’Allemagne. C’est énorme et c’est une grande faiblesse de ce soi-disant « modèle ». L’Institut allemand IFO a calculé que les tarifs douaniers évoqués par les États-Unis coûteraient 5 milliards d’euros à l’économie allemande. Ce n’est pas tant que ça dans l’absolu mais c’est une très sérieuse entrave. Pour le vieux continent, le coup se note. Mais c’est loin d’être l’effet le plus notoire de cette nouvelle situation.
On ne peut jurer que la décision américaine et le psychodrame du G7 n’auront aucun impact de court terme sur l’une quelconque des protubérances de la bulle financière. Car elle s’est regonflée au point d’être aujourd’hui à un niveau supérieur à ce qu’elle était en 2008 lors de la crise des surprimes. Ici ou là dans la myriade des titres pourris qui circulent, dans les millions de titres de prêt inter-entreprises, qui sait où pourrait se nicher des montages gagés sur l’aluminium ou l’acier dont le commerce est voué à se ralentir dans les filets des droits de douane américains. Un nouveau coup de grisou n’est donc nullement improbable. À tout moment.
Dans le moyen terme, il n’en reste pas moins certain que les outils du libéralisme triomphant de la précédente époque vont vite se gripper. Quand un pays comme l’Italie refuse le CETA, on comprend que les accords de libre-échange ont mangé leur pain blanc lorsque le fond de l’air est au trumpisme. Au demeurant, si les accords de libre-échange vont aller bien mal de ce côté de l’Atlantique, les désaccords encore davantage. Car les désaccords allaient avant devant une juridiction de l’organisation mondiale du commerce, instance suprême de vigilance et de sauvegarde des règles du libre-échange dans le monde. Désormais, l’organisme central de cette machine est mis en panne également par les Nord-Américains.
Le journal Les Echos nous apprend de bien bonnes sur le sujet. « Son instrument le plus actif est un tribunal où les États portent plainte les uns contre les autres pour non-respect des règles commerciales. Sept juges nommés pour quatre ans composent cet “organe de règlement des différends”. Or, les États-Unis ont décidé d’y bloquer toute nomination. Trois magistrats ont quitté leurs fonctions au terme de leur mandat. Un quatrième fera ses valises après l’été, et deux autres suivront l’an prochain. » Comme ce machin doit fonctionner avec au moins trois juges, il ne pourra plus rendre de décision à partir du 11 décembre 2019. Sic transit gloria mundi. Tout cela tenait donc à si peu de choses ! En tous cas en détruisant les organes chargés en quelque sorte de protéger la dérégulation, les USA ont fait ce qu’il fallait pour que leur protectionnisme sauvage impérialiste ne puisse plus être sanctionné. À partir de là, il est vain et stupide de prendre pour un « coup de sang » incontrôlé la décision de Trump contre le communiqué du G7.
Une nouvelle ère géopolitique commence. Si l’on suppose qu’elle puisse se construire sans un évènement fortuit dévastateur, les faits de réorganisation vont être lourds. Et de longue portée. Peut-être trop de gens ont-ils méconnus que le volume des échanges mondiaux réels n’a retrouvé leur niveau de 1929 qu’en 1974. L’histoire économique ne s’écrit pas seulement au rythme de la nano-seconde des transactions de la sphère financière. En tous cas pas celle de l’économie productive réelle. Si la nouvelle donne se confirme, on entre dans une autre époque. Les flux d’investissements ne seront plus les mêmes. On ne pourra plus se décider d’après le seul critère du coût de la main d’œuvre. Ou implanter une usine ou même un centre de recherche si une batterie de droits de douane rend la marchandise insortable du jour au lendemain ? Dans ce cas, la seule façon de limiter les risques consiste à rapprocher la production de la consommation. Le contraire de ce qui a été fait pendant les trois dernières décennies. Ce moment, c’est celui de nos solutions. Au protectionnisme impérialiste, nous opposons le protectionnisme solidaire c’est-à-dire la coopération plutôt que la compétition pour organiser la production et l’échange entre les nations et les peuples.
La géopolitique continue sa mutation accélérée. Car, au même moment, se tenait un sommet de l’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS) dans la ville chinoise de Qingdao. Il faut savoir que cette organisation regroupe la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et des États observateurs : Afghanistan, Iran, Mongolie, Biélorussie. Cela représente 60% de la surface du continent eurasiatique, 43% de la population mondiale, 20% des ressources mondiales de pétroles, 38% des réserves de gaz naturel. Et surtout 20% du PIB mondial, à peine moins que l’Union européenne, avec un potentiel de croissance bien supérieur. Les meneurs de la réunion ont pu s’en donner à cœur joie. Ils ont affiché une mesure et un sens des responsabilités impressionnant, digne de leur nouveau leadership. Xi Jinping a critiqué Donald Trump : « Nous devons rejeter la mentalité de guerre froide et de confrontation entre les blocs, et nous opposer à la recherche effrénée de sécurité pour soi-même aux dépends des autres. » On comprend que, de son côté, Vladimir Poutine ait donc pu qualifier le G7 de « babillage inventif ». Ces mots seuls valent plus qu’eux-mêmes. Si le monde n’a pas encore changé de base, il n’en n’est pas moins en train de le faire.
C’est à peine croyable mais c’est vrai. Macron a accepté une mission militaire à la demande des Émirs du Moyen-Orient. Les États-Unis eux-mêmes avaient rejeté ce projet. Il s’agit de déminer le port d’al-Hodeïda au Yémen alors que les forces « progouvernementales » du Yémen disent avoir repris l’aéroport de cette ville. Ce port est la cible de la bataille menées par les troupes yéménites, aidées par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Il s’agit pour eux tous de reprendre aux rebelles « houthistes » réputés pro-iraniens la possession de cette ville stratégique sur la mer Rouge.
Tout cela nous est appris par un article du Figaro le 16 juin. Ce quotidien a sans doute la meilleure rubrique internationale du moment. Il note : « Comme l’engagement français dans cette guerre oubliée est source de contestation, le ministère des Armées avance sur des œufs. “Il n’y a pas d’action militaire française aujourd’hui dans la région de Hodeïda”, a fait savoir la Grande Muette, peu après les révélations de Reuters ». Pourtant, aux États-Unis, un responsable émirien venait d’affirmer le contraire. Du coup le ministère français des Armées a dû reconnaitre les faits. Mais il précise, comme si c’était une circonstance atténuante, que ce déminage « est actuellement envisagé après la fin des opérations militaires ». Certes, il faut en effet que la ville soit reprise ! Ce n’est pas fait. Cela promet un combat dur et intransigeant. 600.000 personnes y subissent les horreurs d’une guerre sans merci et beaucoup cherchent à fuir les affrontements, comme on le devine. De leur côté les houthistes ont creusé des tranchées et positionné des snipers sur les toits. Tout cela va à nouveau déplacer des milliers de personnes vers les camps pitoyables où s’entassent des milliers d’autres.
Mais le plus grave pour les Français eux-mêmes est l’information que donne Le Figaro. « Deux sources militaires contactées par Le Figaro révèlent également que des forces spéciales françaises sont présentes aux côtés des Émiriens au Yémen ». Que nos forces spéciales soient sur place et participent à leur façon au combat est un problème très sérieux. Je suppose que les Forces spéciales françaises opèrent dans le cadre des accords de défense signés avec les Émirats arabes unis. Je voudrai en avoir la preuve. Mais en toute hypothèse, je suis à peu près certain que ce type d’accord n’implique pas de participer à une guerre d’occupation !
Et si les Forces spéciales sont sur place depuis 4 mois dans le cadre d’une telle guerre, alors pour le coup c’est un problème grave de non-respect de la Constitution et de son Article 35 qui fixe les conditions dans lesquelles le Parlement est saisi de telles opérations. Dans une démocratie normale on verrait déposer une motion de censure. Le groupe « La France insoumise » n’en a pas le pouvoir puisqu’il ne compte que 17 députés sur les 59 qu’il faudrait avoir pour cette action. Et nous sommes en monarchie présidentielle. Nous ne pouvons donc faire ce que font ces lignes : alerter. Après quoi peut-être pouvons nos espérer des réactions et peut-être des surprises.
Il y a trois ans, j’alertais sur les dangers de la vente d’un fleuron industriel français comme Alcatel à une multinationale étrangère : Nokia. Aujourd’hui, la mise en péril de notre souveraineté par cette opération boursière se confirme. En effet, la multinationale de la téléphonie a annoncé vouloir se séparer de sa division câbles sous-marins Submarine Networks Solutions. En fait, il s’agit de l’ancienne division d’Alcatel, Alcatel Submarine Networks (ASN).
Alcatel Submarine Networks est passé sous le contrôle de Nokia lors de son rachat d’Alcatel en 2015. Cette entreprise est un sommet du savoir technique de notre pays. En effet, ASN est le numéro un mondial en matière de production, d’installation et de maintenance des câbles sous-marins. Elle possède aujourd’hui 47% des parts de marché dans ces domaines au niveau mondial. Son usine de Calais est la plus grande usine du monde de production de ces câbles. En 2015 et 2016, l’entreprise a battu des records historiques de vitesses de transmission sur ses câbles transatlantiques. Grâce à sa technologie, le débit de ces câbles sont aujourd’hui 13 000 fois supérieur à ce que l’on connaissait en 1995.
Les câbles sous-marins jouent un rôle essentiel dans le monde moderne. Ils sont au cœur des communications mondiales. Ils permettent 99% des communications intercontinentales, qu’elles soient téléphoniques ou internet. Ces gigantesques câbles sont les infrastructures physiques sur lesquelles repose l’essentiel de la révolution communicationnelle des trente dernières années. Mis bout à bout, ils représentent 800 000 kilomètres soit plus de 20 fois le tour de la terre.
Ils sont donc évidemment d’une importance vitale pour les sociétés. Couper l’accès d’un pays à l’un de ces câbles et vous le plongez littéralement dans le noir. C’est ce qui est arrivé à l’Égypte qui, suite à un accident sur un câble en 2008, fut privée de la moitié de son réseau internet pendant plusieurs jours. Aujourd’hui, la plupart des activités d’un pays ne peuvent pas fonctionner sans accès au réseau internet ou téléphonique.
Il est probable que ces installations soient donc un jour des cibles militaires. C’est pourquoi le code de la défense français classe l’entreprise ASN comme un « opérateur d’importance vitale ». Ce qui signifie que les dirigeants de cette entreprise doivent être formés en matière de cybersécurité, que le préfet de département élabore des plans de protection pour ses installations ou encore que les prestataires utilisés par elle doivent être homologués par l’État.
En dehors de la guerre, la question des câbles reste très sensible puisque toutes nos communications passent par eux. Leur maîtrise est donc un enjeu de souveraineté pour notre pays. Nous savons par exemple depuis 2013 et les révélations d’Edward Snowden que la propriété américaine sur certains de ces câbles ou sur les entreprises capables de les faire fonctionner ont joué un grand rôle dans le dispositif d’espionnage des États-Unis.
Et justement, ce sont aujourd’hui les géants américains d’internet et de l’informatique qui investissent gros dans ces infrastructures. Au début de l’année, Google a annoncé qu’il allait construire et poser 3 câbles sous-marins supplémentaires. La multinationale possédera ainsi en 2019 entièrement ou partiellement 11 câbles. Facebook et Microsoft ont eux aussi investi dans leur propre câble. Ce faisant, ils accroissent leur influence sur le monde virtuel, contrôlant à la fois la production des contenus et leur diffusion. Évidemment, ceci est dangereux pour la neutralité du net : Facebook ou Google, les principales plateformes qui relient des millions d’êtres humains acquièrent la possibilité technique de ralentir ou couper l’accès de tout un pays au réseau mondial. D’autant plus que la proximité de ces entreprises avec les agences d’État des États-Unis est largement documentée.
Pour toutes ces raisons, l’existence d’une entreprise comme Alcatel en France, capable de prouesses dans ces domaines, était un atout considérable pour notre pays, pour sa souveraineté, pour son indépendance. Elle a été progressivement dépecée. Au nom d’une idéologie absurde, elle a été sommée de se recentrer sur son « cœur de métier », c’est-à-dire progressivement vendue à la découpe, perdant ainsi de sa puissance. C’est encore l’argument utilisé par Nokia pour vendre la branche câbles sous-marins. C’est exactement l’inverse que font les géants américains.
Emmanuel Macron, encore une fois, a une responsabilité directe dans ce désastre. C’est lui qui, en 2015, en tant que ministre de l’Économie, a autorisé la vente d’Alcatel. Il aurait pu prendre ses dispositions pour protéger ce qui restait vital. Il ne l’a pas fait. Il pouvait légalement l’empêcher et ne l’a pas fait. Ses phrases creuses sur la « French tech », sur la volonté de bâtir des « géants européens » capables de rivaliser avec les Google, Facebook ou Microsoft pèsent peu face à un tel abandon. Son libéralisme dogmatique prive la puissance publique des outils nécessaires pour élaborer une réelle stratégie industrielle.
L’État français doit avoir son mot à dire dans cette vente. L’essentiel des activités d’Alcatel Submarine Networks est encore en France. Nous ne pouvons pas laisser céder l’usine de Calais, le savoir technique accumulé par des générations de travailleurs français et en partie financé par l’État français à n’importe qui. Le risque serait trop grand de voir arriver un investisseur rapace qui pillerait la trésorerie de l’entreprise puis délocaliserait la production.
Mille fois sur le métier remettons notre ouvrage. La récente parution d’un rapport de l’ONU sur l’état des océans nous y appelle. On ne peut y échapper. Car notre planète est recouverte à 70% d’eau. C’est une des raisons de la présence de vie sur Terre. 95% de cette eau est salée. Elle forme l’océan mondial. Il régule à plus de 80% le climat de la Terre et génère plus de 60% des services écosystémiques qui nous permettent de vivre, à commencer par la production de la majeure partie de l’oxygène que nous respirons. Les océans absorbent 30% du dioxyde de carbone produit par les humains. Près d’un million d’espèces vivent actuellement dans les mers, et deux tiers d’entre elles restent encore à découvrir.
Mais, comme on le sait, alors même que la mer est loin d’avoir révélé l’ensemble de ses secrets, elle subit déjà de plein fouet le dérèglement climatique. Il s’ajoute donc aux terribles effets directs de l’activité humaine. Pour finir, l’ONU s’inquiète de voir se former des phénomènes de vastes « zones mortes ». Plus aucune vie n’y a cours. Il ne reste plus rien là sinon des déchets humains. L’ONU estime que près de 40 % des océans doivent être déjà considérés comme « lourdement affectés » par les activités humaines. Les poissons du Pacifique Nord ingèreraient entre 12.000 et 24.000 tonnes de plastique par an. Ces graves pollutions s’ajoutent ainsi à la destruction d’habitats côtiers tels que les récifs de coraux, les mangroves et les algues marines. La diminution des populations de poissons ainsi que l’implantation d’espèces aquatiques envahissantes terminent ce tableau d’un désastre annoncé.
En tant que membre de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, je suis co-rapporteur d’une mission d’information sur la mer et les océans. J’effectue cette mission avec un collègue de la majorité Joachim Son-Forget, passionné du sujet et bon coéquipier. De nombreuses rencontres et auditions ont lieu. Elles concernent toute la gamme de l’activité humaine en mer, des organismes du gouvernement, de la marine, des associations, des pêcheurs etc. Nous publierons dans les mois qui viennent un rapport. Je vous fais ici un point d’étape de ce travail. Les sujets que j’aborde ici ne sont cependant pas figés même si nous avons bien avancé dans les grandes lignes de ce que nous voulons dire.
La question de la préservation des ressources est déterminante. Elle est une urgence écologique mais a aussi des implications sociales. Les petits pêcheurs souffrent de l’épuisement de leurs zones de pêche par les méthodes industrielles. Ils ont donc intérêt à défendre une gestion alternative de la biodiversité marine. Le débat se structure par exemple autour du sujet des aires marines protégées. Certes, ces réserves naturelles sont très variables. Certaines sont des sanctuaires complets ou simplement avec de la pêche au casier tandis que, dans d’autres, la pêche industrielle est autorisée. Mais les petits pêcheurs insistent sur l’importance d’avoir des sanctuaires halieutiques intégraux afin d’y permettre le développement de la biodiversité. Leur existence profite bien sûr aux zones des océans proches. Protéger la biodiversité marine n’est pas qu’une affaire de pêcheurs. Car elle a aussi un effet sur la lutte contre le changement climatique. Certaines zones comme les estuaires, les vasières ou les herbiers absorbent beaucoup de carbone. Leur disparition accélère les émissions et la bascule climatique.
Mais pour régler les questions écologiques, il faut aussi parfois avancer sur la question géopolitique. Car, en haute mer, l’océan n’appartient à personne. Il est, avec sa biodiversité, un bien commun de l’Humanité. Il s’agit donc de trouver les méthodes pour régler entre les États les moyens de le gérer et d’en assurer la protection. Nous sommes ici au cœur de notre « nouvel humanisme » sur le terrain de l’idée centrale de « biens communs ». Ainsi, il n’existe par exemple aucune aire marine protégée de haute-mer. La gestion des zones communes de pêche reste marquée par la surpêche du fait de l’absence de coopération efficace. Et puis il y a le problème de l’Arctique. Il va devenir une route navigable du fait de la fonte des glaces. Or, cet espace est très peu régulé puisqu’aucun État n’y a de souveraineté. Une très large palette de problème est alors soulevée. Elle va de la propriété du sous-sol et des réserves qu’il contient aux conditions de passage des méthaniers et des gaziers, car on ne connait pas la réaction du pétrole au contact des eaux aussi froides.
Toutes ces questions sont mises en débat. En effet, des discussions internationales sont ouvertes depuis deux ans pour discuter de la révision de la convention internationale en cours. Les États parties de cette convention ont en effet décidé d’ouvrir des discussions pour aboutir à un accord international sur la biodiversité marine au-delà des juridictions nationales. C’est une opportunité. Mais aussi un risque si la discussion devait donner la main aux productivistes. Dans ce cadre, je crois que notre rapport sera une contribution bienvenue sur ce que peut et doit faire la France dans ces discussions. Comme vous le savez, notre pays peut être à la pointe pour répondre aux urgences écologiques liées à la mer. La France possède la deuxième zone économique exclusive du monde. Notre statut de puissance maritime implique des responsabilités. Beaucoup de documents et rapports existent déjà sur le sujet. Le travail entrepris avec mon collègue Son-Forget ne peut prétendre faire une synthèse exhaustive de ce qui existe déjà. Nous voulons plutôt pointer les domaines prioritaires dans lesquels la France a un rôle à jouer ici et maintenant.
49 commentaires
Grégory C.
Nécessité fait loi, il faut en finir avec tout ça ! Quand un désastre planétaire, humain est en jeu, il n’y a plus d’autres priorités qui vaillent. Il faut que tous les Français comprennent qu’il est vital de mettre en œuvre le programme de la France insoumise qui n’est que le premier pas à faire devant l’ampleur de la tâche qui nous incombe. Je crains qu’il ne soit trop tard si on tarde. On ne peut que vous remercier et que vous encourager et vous soutenir activement dans cette lutte. Cette lutte est la nôtre à chacun de nous, c’est à nous tous de faire un choix, maintenant. La planète nous survivra de toutes les manières. C’est notre survie qui est en jeu : nous ne sommes pas comme le croyaient les humanistes au-dessus ou en-dehors de la Nature ! La façon dont on traite l’homme et la Nature est une seule et même chose. Vous avez mon soutien inconditionnel.
Michel
Superbe ! Merci pour la clarté et la logique des propos.
viviane palumbo
Cette note de blog terminée en lecture, me revient les propos tenus ds « l’ère du peuple », un livre devenu de chevet pour moi tant il regroupe tous les problèmes causés par la mondialisation et le capitalisme devenu financier ainsi que somme toutes les solutions issues du bon sens qui caractérise toutes tes interventions. Et une de ces solutions qui nous met en relation avec le peuple qui décidera, la mise en place de la 6éme république car la cinquième nous tue a petit feu, nous les citoyens ordinaires, nous le peuple de ce pays qui a accueilli mes parents immigrés italiens fuyant le fascisme de l’Italie de 1936. Et donc pour mon père socialiste et athée, la prison dans le meilleur des cas ! Alors relevons encore une fois la tête, Mr Macron est en train de s’enterrer vivant dans la tète des gens. C’est long, encore trop long mais chasser le naturel… !
liberty sheep
Je propose que lorsque nous aurons un gouvernement dans quatre ans, nous nous utilisions les même technique par ordonnance que permet la cinquième république. Défaire au plus vite en quelques mois les lois libérales de LRM en filmant et diffusant les images de leurs signatures. Ce serait efficace, rapide et pédagogique.
Leroux
Le temps joue pour nous et Macron nous fait une démonstration « par l’absurde » du bien fondé d’une politique par et pour le peuple. Vous avez raison de montrer la démocratie comme la solution, cette lutte est menée plus qu’avec brio. Que les Allemands s’intéressent au modèle de la France insoumise est un signe de plus. Bravo !
Gérard
La crise multiforme que traverse le monde semble engendrer des monstres. La liste des souffrances, des humiliations et des dégâts irréversibles ne cesse de croître. Que faire ? écrivait Lénine face aux enjeux de son temps. Il attribuera plus tard l’échec de l’avènement d’une société communiste en Russie, entre autres causes, au niveau de compétence trop faible de la classe ouvrière la rendant incapable de gérer les affaires du pays dans la phase de transition au communisme. Il semble que notre société à dépasser ce handicap et met au contraire en évidence l’incompétence des individus aux postes de pouvoir à gérer les affaires du monde de la catastrophe écologique à la catastrophe sociale. La radicalité de la violence, policière, militaire, sociale, dans tous les pays semble-t-il (de la France à la Russie, de la Chine à la Corée, des USA au reste du monde) ouvre une alternative effrayante : un monde policier digne des pires scénarii de science fiction avec destruction de…
Serge.Z
La poignée de main entre Macron et Gattaz. Cela en dit long ! Merci pour les milliards versés sans contrepartie aux entreprises (aux richissimes entreprises), notre pognon que nous versons chaque jour à l’état sous forme de TVA payé ici et là pour ne donner qu’un seul exemple. Voilà donc le vrai « pognon de dingue » distribué aux vrais assistés de la république, Les ultra-riches. Merci Monsieur Mélenchon de nous éclairer par des phrases simples et compréhensibles par tous. Car il faut que les gens savent. Les ultra-riches ne le sont que parce que la société le permet. Et la société se construit par la politique. Il faut donc changer de politique et de vision du monde pour arrêter de prendre aux pauvres pour donner aux riches. Merci Monsieur Mélenchon pour avoir mis sur les rails La France Insoumise et son programme « L’Avenir en Commun ». Car c’est de cela qu’il s’agit, notre avenir en commun à toutes et tous. Vous avez mon soutien total. Continuez !
Yan
Que pouvez t’on attendre d’un banquier dont l’argent est son dieu et sa religion à la fois.
M-R-V
Les aide sociales ne sont pas efficaces, disent ces messieurs-dames. Supprimons-les ! Ceux qui n’en bénéficieront plus s’en sortiront mieux ! Nouveau coup sur les APL, ces voyous n’ont aucune honte.
Anonyme
Il faut instaurer la logique réflexe que les riches ne le sont qu’avec l’argent qu’ils nous piquent.
Serge
Concernant les aides sociales, Il manque l’argument que cet argent retourne immédiatement dans l’économie réelle.
Ricardo
« Tout remettre en ordre et en état de marche sera donc un défi »
Et en premier lieu la presse car Macron n’existe que grâce aux journalistes et autres éditocrates qui quotidiennement le glorifie sans aucune retenue !
Lefevre
Toujours passionnant et instructif de vous lire. Heureusement que la FI est là pour soutenir les plus modestes. Merci à tous les députés qui font un gros boulot à l’AN, même si avec ces godillots qui votent à l’unisson suivant les directives de Jupiter, vos amendements ne passent pas, vous faites du bruit, on parle de plus en plus de la FI, tôt ou tard çà portera ses fruits je l’espère. Au plaisir de vous lire à nouveau.
del tedesco
Merci pour toutes vos explications claires et nettes, un régal de vous lire, quand à Macron qu’il dégage au plus vite !
Chan
Macron nous fabrique une société orwellienne : les cochons, les chiens et les moutons. Ordonnances, réformes, éducation, novlangue, some animals are more equal.
mangione
Merci Mr Melenchon pour ce texte qui aide a voir clair dans la grande complexité de l’histoire en cours !
Bien Modestement
« Ça coûte un pognon dingue et c’est inefficace » est la version actualisée de « Celui qui cherche vraiment du boulot, en trouve un… ». Chacun, dans son coin, se doit donc de continuer à faire de l’éducation populaire, aussi modestement soit-il. Soyons notre propre média !
robindesvoix2
A quand le délit d’incompétence ? Ces gens là sont en plein délire de véritables sociopathes en culottes courtes, faut croire que leurs ainés les ont élevés au biberon libéral dés leur naissance, pour qu’ils plantent ainsi leur pays à 80 à l’heure, un peu comme le coq fier de chanter les 2 pieds dans la mouise.
Bletterie Vanessa
Merci pour ces précieux éléments de compréhension et ces informations de géopolitique jamais entendues dans les médias. Monsieur Mélenchon, pourriez-vous mettre des liens hypertextes afin de pouvoir retrouver les articles par vous cités ? En exemple, celui du Figaro sur la présence des forces spéciales françaises au Yémen. D’autant plus intéressant à lire que le gouvernement dément. Merci Monsieur Mélenchon pour votre combativité qui nous transporte et nous fait nous sentir vivant.
Machine
Il n’y a qu’au chômage que le paiement du sinistre pour lequel les chômeurs ont pourtant réglé leurs primes d’assurance sous forme de cotisations, n’est pas un dû. Pas plus que n’est dû au chômeur contrairement à un salarié, la rémunération de sa mise à disposition contrainte ou astreinte à un potentiel employeur, dont-ils fait désormais l‘objet. Tout ça pour maintenir les « sans emploi » en état de marchandises subordonnées aux aléas du marché du travail, sinistré lui-même, et de créer les conditions d’utilisation gratuite ou presque des mains d‘œuvre. Si tel n’est pas le cas, pourquoi les contraindre à travailler bénévolement sans contrat de travail rémunéré ?
nicoloff
Superbe blog comme d’habitude. Je voudrais savoir combien de personnes le lise et combien sommes nous à regarder la revue de la semaine. Si quelqu’un peut l’écrire. Merci.
Alain Verce
Pour la RDLS, si tu la regardes sur Youtube, c’est écrit à gauche sous la vidéo.