En Espagne, la télévision et la radio publique sont de grossières officines du gouvernement. Une situation inimaginable en France, cela va de soi. Le journal télévisé en particulier est spécialisé dans des manipulations et reportages à charge contre l’opposition. Une situation dont on ne peut avoir idée en France non plus, même si l’on a dû déplorer un trucage condamné par le CSA et un « reportage » mensonger sur mon immunité parlementaire par la direction politique de l’information sur France 2.
Le nouveau gouvernement espagnol a donc entrepris de libérer l’information publique de l’influence directe de la droite et de l’extrême droite sur les rédactions. Aussitôt, la sainte corporation locale pousse ses cris habituels. Elle le fait avec une hargne qu’on ne peut concevoir en France. On accuse directement Podemos d’être à la manœuvre et de vouloir exercer un contrôle sur l’info. Sous-entendu : ce contrôle revient naturellement à la droite éthique, indépendante et bla bla bla.
Ici, le plus grotesque est permis. Là où la presse française à TF1 et France Infaux se contentait de dire avec humour et légèreté que je proposais de quitter l’Union Européenne pour adhérer à l’ALBA (alliance bolivarienne pour les Amériques) de Chavez, la presse libre et éthique espagnole accuse Pablo Iglesias de vouloir organiser l’émission « Aló Presidente » de Chavez à la télévision espagnole. Du coup, de façon totalement apolitique cela va de soi, toute la droite et l’extrême droite du Parlement espagnol vote contre les nouveaux commissaires proposés pour remplacer les sortants qui doivent élire le nouveau président de la télévision publique.
Car, comme nous le proposons nous-mêmes d’une façon qui montre bien notre extrémisme populiste chavézien, les institutions espagnoles prévoient que le Parlement participe à la nomination de ce personnage. Bien sûr, au cas particulier, il s’agit pourtant de candidatures de journalistes reconnus dans leur profession. Mais chacun comprend qu’un journaliste ne peut l’être vraiment s’il est dans notre mouvance culturelle anti-libérale tandis que même un fasciste ou des menteurs et truqueurs patentés le sont naturellement. Toutes ces nuances n’existent pas en France heureusement.
C’est pourquoi sans aucun doute ma proposition d’un conseil déontologique des médias présentée sous forme d’amendement dans la loi sur les fake news cette semaine sera sans doute soutenue par la profession, même si le SNJ, qui représente 53% des votes de la profession et qui le propose depuis des années, a déjà eu l’occasion de dire tout le mal qu’il pense de moi en toute indépendance. De même les syndicats qui déplorent l’instauration de conseils d’éthique dans les rédactions parce qu’ils leur reprochent d’être des moyens de contourner la charte de Munich qui devrait suffire selon eux et être introduite dans les conventions d’entreprises.
Le chef de l’État avait accepté d’en parler avec moi mais, depuis six mois, la seule date disponible pour lui a été annulée. Je le regrette car je me crois capable de le convaincre compte tenu de ce que je l’ai entendu dire. Il ne s’agit pas dans ce domaine de donner un avantage à nos thèses contre d’autres ou de nous donner un quelconque pouvoir du type de ceux qu’on observe en Espagne. Il s’agit d’un recours qui ne comporte aucune sanction financière ni professionnelle. Seulement une sanction morale publique. Bref : s’éviter de tout devoir traiter devant la justice, s’éviter de devoir subir des faux et des campagnes de bashing sans réagir. Bref de bref : avancer vers une pratique civilisée du droit imprescriptible de la critique et de la liberté des médias.