Le 29 août dernier, le député européen insoumis Younous Omarjee intervenait en Commission environnement du Parlement européen pour dénoncer le nouvel accord de libre-échange signé par l’Union européenne avec le Japon : le JEFTA. Comme il remettait en cause avec éloquence le dogme du libre-échange, l’administration de ce Parlement a essayé de l’intimider pour qu’il supprime les vidéos de ses interventions sur Twitter. « Fake news » que son propos selon la personne zélée qui essayait de l’intimider. Je vais donc montrer que cela n’impressionne aucun d’entre nous !
Le JEFTA est le plus grand accord de libre-échange jamais signé. Il dépasse l’accord entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Il couvre un tiers de l’économie mondiale et plus de 600 millions d’habitants. Sur le modèle du TAFTA ou du CETA, il dépasse les frontières traditionnelles des simples droits de douanes pour s’intéresser aux règlementations et libéraliser à tous crins.
Il va sans dire qu’un tel accord aura des conséquences majeures sur la vie des Européens. Mais comme d’habitude, c’est dans le plus grand secret et sans procédure démocratique que la Commission a choisi de le négocier et, pour finir, de l’adopter cet été. Tout est calamiteux dans cette affaire. Le secret et l’intimidation y règnent en maîtres. Par exemple, alors que le mandat de négociation de la Commission a été adopté en 2012, son contenu reste encore aujourd’hui secret. Jamais le Parlement européen n’a été consulté pendant les négociations. Pourtant, Jean-Claude Juncker a annoncé la conclusion sans crier gare le 17 juillet. Pire : le 22 mai 2018, les ministres des Affaires étrangères ont entériné une nouvelle procédure d’adoption des accords commerciaux. Elle prive les Parlement nationaux de tout rôle. Les députés français ne seront donc même pas consultés sur le JEFTA. Et cet abandon de souveraineté a été accepté par le gouvernement de Macron.
La méthode anti-démocratique est en accord avec le contenu, antisocial et anti-écologique. Le JEFTA abaisse voire supprime les droits de douanes dans beaucoup de secteurs. C’est ainsi que le Japon a obtenu une baisse des droits de douanes sur les voitures. L’Union européenne préfère donc pousser à consommer plus d’automobiles plutôt que d’investir dans la recherche pour produire des voitures moins polluantes. Car en baissant ses droits de douanes, l’UE se prive d’un moyen d’intervention publique. Ces droits représentent en effet une partie non négligeable de ses recettes propres, qui ne proviennent pas de transferts des États. Avec le JEFTA, elle se prive immédiatement de 970 millions d’euros par an et, à terme, de plus de 2 milliards d’euros. Et comme si cela ne suffisait pas, sachons que cette ouverture totale se fait vis-à-vis d’un État qui n’a pas ratifié la convention de l’Organisation internationale du travail sur l’abolition du travail forcé. Ni celle sur la discrimination au travail.
Mais l’accord ne se contente pas des droits de douanes ! Il pousse à la privatisation et à la concurrence partout. Et notamment dans le domaine des services publics. Il sera interdit aux entreprises publiques de traiter les entreprises, services ou marchandises de l’Union européenne différemment de leurs homologues japonais. Les marchés publics des grandes villes européennes se trouvent également ouverts. Une collectivité qui voudrait par ses commandes publiques favoriser des produits locaux pourrait donc se voir mettre en défaut par le JEFTA.
Sur le plan du climat, l’accord est désastreux. Lors de l’émission de radio au cours de laquelle il a annoncé sa démission, Nicolas Hulot a rappelé à quel point ces accords de libre-échange étaient contradictoires avec la lutte contre le réchauffement climatique. Le grand déménagement du monde est responsable de 15% des émissions de dioxyde de carbone dans le monde. La fondation pour la Nature et l’Homme et l’institut Veblen ont dénoncé l’accord JEFTA comme accentuant le dérèglement climatique.
La protection de la biodiversité passe aussi par pertes et profits. Toutes les taxes douanières sont supprimées sur la pêche alors que le Japon est connu pour la surexploitation des ressources halieutiques. Et surtout, comme nous l’avons rappelé, Younous omarjee et moi, chacun dans nos assemblées, le Japon pratique la pêche à la baleine, une espèce menacée pour laquelle il existe pourtant un moratoire international sur la pêche. L’accord ne fixe aucune limitation ou interdiction a ce sujet en dépit des condamnations des organismes internationaux unanimes que cette activité a valu au Japon.
Macron a accepté tout ça lors du Conseil européen du 17 juillet dernier. Il a également accepté le fait que ni le peuple ni le parlement français n’ait son mot à dire sur le sujet. Que reste-il de de sa promesse selon laquelle plus jamais on ne devait voir un accord international etre adopté comme l’avait été le CETA ? Il reste quelque chose : c’est pire à présent !