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Intervention de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale le 9 octobre 2018 :
« Monsieur le ministre, collègues,
La loi était attendue comme une loi sur l’entreprise. Nous voyons, nous, l’entreprise comme un collectif humain réunissant des qualifications au service d’une production socialement utile et écologiquement soutenable. C’est tout autre chose dont il a été question au fil de la discussion de cette loi. Mais, le moment venu – autant le dire dès maintenant, – nous, nous appellerons les entreprises à prendre leur place dans le cadre de la planification écologique indispensable qui est aujourd’hui la tâche supérieure de la civilisation humaine.
Au lieu de quoi nous avons eu une loi indifférente socialement. Vous avez abaissé des seuils sociaux. On sait pourquoi. Mais le moment était venu pourtant, je crois, de mettre un terme à ces mauvaises habitudes des écoles qui enseignent le management par la peur dont le résultat est aujourd’hui sous nos yeux. Ce n’est pas une circonstance annexe que celle de la vague des suicides qui affectent les entreprises. Est-ce que nous sommes conscients du fait que s’il y a 50 suicides sur le lieu de travail à la SNCF, c’est qu’ici et là, des seuils ont été franchis dans la manière de mener les équipes humaines ?
Mais admettons que ceci encore soit mis de côté. Pourquoi n’y a-t-il absolument rien sur l’encouragement à participer à la transition écologique qui est attendue, aujourd’hui, de l’appareil productif et de la manière de consommer dans le pays.
Au lieu de quoi, que voit-on ? Je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre. Vous n’avez été soucieux que d’une seule et unique chose : brancher plus étroitement le tissu des entreprises avec la planète finance, ce qui est exactement le contraire de ce qu’il faut faire. Connexion avec la planète finance lorsque vous augmentez la part de la participation dans la rémunération des travailleurs. Parce que cette participation, c’est une manière comme une autre de sortir le salaire du partage de la valeur. Et c’est une manière comme une autre d’aller abreuver les fonds de pension. Il en coûtera 400 millions d’euros à la Sécurité sociale déjà bien des fois dévalisée. Et ce sera encore une masse de finance qui va aller élargir la sphère financière. C’est une erreur totale.
De la même manière, c’est une erreur de privatiser les derniers grands instruments, dont dispose le pays, qui sont une source de revenus pour l’État et sont en même temps une protection pour le collectif République française. Vendre un aéroport aussi important que Charles de Gaulle, vendre la Française des jeux qui est une source de rendement pour l’État, mais aussi une manière de se prémunir contre des addictions que l’État peut contrôler et que le privé ne contrôlera jamais, c’est une erreur. C’est une erreur de ne pas comprendre que la planète finance, qui s’étend sans arrêt toujours plus profondément dans la production la condamne à mort. Qu’elle l’étouffe ! Que la finance étouffe la production. Que lorsqu’on observe qu’il y a 99 000 milliards dans les caisses des fonds de pension et des fonds d’investissement qui n’interviennent en aucune manière d’après les objets produits ou les réalisations faites dans les entreprises mais exclusivement sur les taux de rendements qui peuvent être obtenus, alors on sait que la production se condamne elle-même à mort en supportant la finance.
Nous vous avons fait des propositions qui, bien sûr, ne pouvaient pas remettre en cause totalement le cadre de la loi. Mais qui, du moins, lui apportaient une correction significative dans ses préoccupations. Et sur ce point particulier de la finance, je n’ai pas entendu déjà, lorsque je me suis adressé à vous à l’occasion de la première lecture, quelle était la réponse sur notre proposition lorsque nous vous disons que si vous corrélez les pouvoirs de vote des actions dans les entreprises à la durée d’un investissement, vous ne prenez pas une mesure de type communiste, vous prenez une mesure qui s’est appliquée déjà dans un certain nombre de pays avec un certain succès. Mais surtout, vous empêchez les LBO et les autres fonds d’investissement spéculatif d’intervenir dans les grandes entreprises, d’y faire un actionnariat réputé « actif » dont le seul but est de dépecer lesdites entreprises.
Voilà, monsieur le ministre. Je n’imagine pas qu’à cette heure on puisse vous convaincre de revenir sur ce que vous pensez déjà acquis. Mais il fallait que cela soit dit ici. Le pire ennemi de l’entreprise, c’est la finance. Le pire ennemi de la production, c’est l’indifférence aux travailleurs. »