Cette note a été publiée sur le blog de Martine Billard
Toute force politique qui présente des candidat.e.s aux élections connaît bien la difficulté du choix provoquant souvent des claquages de portes.
Dans les partis traditionnels, cela se règle en général à coup de négociations entre les diverses tendances existantes, chacune essayant d’imposer ses candidat.e.s avec parfois des statuts qui prévoient une répartition à la proportionnelle, voire une instance nationale de négociation, la commission des candidatures, à partir de candidatures proposées à un échelon local.
La France Insoumise, n’étant pas structurée en parti avec tendances constituées, devait inventer un mode de désignation spécifique. La tâche a été confiée à un comité électoral majoritairement tiré au sort avec appel public à candidater sur la plateforme et sans présidence ni tête du comité comme j’ai pu le lire ici ou là. Chacun.e siège à égalité. Si le tirage au sort avait été truandé nous n’aurions pas eu la surprise de voir un de nos membres tiré au sort se répandre dans la presse contre le comité et contre la FI.
Nous avons privilégié le consensus, ce qui nous a amené à tenir beaucoup plus de réunions (12 souvent tout le week-end) que ce que nous avions prévu afin de ne pas trancher au forcing.
Pour la France Insoumise, un appel à candidater a été lancé nationalement par l’intermédiaire de la plateforme. Il a abouti à 637 candidatures. Nous pouvons donc dire que nous n’avons pas manqué de candidatures que ce soit pour les femmes ou pour les hommes.
Il nous fallait définir des critères pour choisir les 79 candidat.e.s. Alors oui il y a un désaccord avec Djordje Kuzmanovic pour qui cela aurait dû être Le soutien des militants, la compétence et l’ancienneté – trois critères simples de légitimité – ont d’emblée été écartés
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Nous avons effectivement refusé de lancer les Insoumis.e.s dans des compétitions de soutien aux candidat.e.s. Vous imaginez l’ambiance que cela aurait créé ? Et les Insoumis.e.s auraient été les premiers à protester et à juste titre que cela revenait à un résultat connu d’avance : les plus visibles, les plus connus sont celles et ceux qui obtiennent le plus de soutien.
On ne peut pas non plus exiger le renouvellement, se réclamer du dégagisme et prôner une sélection à l’ancienneté. Outre qu’avoir des années de militantisme n’a jamais garanti de faire un bon élu. Enfin pour la compétence, il peut y avoir 36 définitions différentes avec le risque de faire une sélection par les diplômes aboutissant à ne sélectionner que des CSP+. Avec de tels critères combien de nos député.e.s actuels auraient été retenu.e.s comme candidat.es ?
Alors oui le comité n’a pas voulu de cette vision élitiste qui ne pouvait aboutir qu’à désigner des candidat.e.s provenant de partis politiques.
Tous les candidat.e.s ont signé une charte qui précisait notamment « Faire campagne sur la base du programme national « L’avenir en commun » et défendre son programme européen ». A partir de là, le comité n’avait pas à rechercher quelle nuance pouvait défendre l’un ou l’autre. Toutes et tous se sont engagés à défendre le même programme. Le comité électoral a-t-il éliminé « les figures aux convictions républicaines et souverainistes » ? D’abord c’est absurde car dans ce cas aucun des deux n’auraient été retenus sur la liste dès le début. Ensuite c’est totalement insultant vis à vis des autres candidat.e.s car cela revient à insinuer qu’ils et elles n’ont pas de convictions républicaines. Mais c’est aussi nier le fait que le programme de la FI revendique la souveraineté populaire.
Le comité n’a donc relégué personne en position dite non éligible en fonction de nuances politiques qui existeraient entre les membres de la FI. Cette vision, qui voudrait qu’on fasse des quotas en fonction de supposés différends politiques, revient de fait au fonctionnement des partis traditionnels où les chefs de tendances se répartissent les places pour leurs affidés.
Djordje Kuzmanovic et François Cocq, qui avaient tous deux fait connaître leur souhait d’être élus, sont convaincus de détenir la juste ligne politique de la FI et d’en être les garants contre d’autres qui essaieraient de la faire dévier, de la dénaturer. Deux justiciers politiques ? C’est peut-être un peu présomptueux ?
Une campagne se mène collectivement. Je ne connais aucune force politique qui accepte de partir en campagne avec une partie de ses candidat.e.s qui médie sur une autre partie de son mouvement. Nous l’avions dit à tous les deux, une fois candidat et la campagne démarrée, ce qui est le cas, il n’était plus possible de continuer à taper à bras raccourcis. Il y a déjà bien assez de monde hors FI qui se charge de nous invectiver avec vigueur La décision n’a donc rien d’une sanction politique sur le fond. Souverain sur la constitution de la liste jusqu’au vote final, le comité a pris ses responsabilités en constatant qu’aucun des deux n’acceptaient le fonctionnement collectif
Ensuite nous avons choisi de mettre en œuvre le non cumul de mandats pour les candidat.e.s potentiellement éligibles. C’est scandaleux nous dit-on, car cela n’a pas été appliqué au moment des législatives. Outre qu’il faut bien commencer à un moment, le fait d’être candidat.e dans une élection au scrutin uninominal avec une inconnue totale quant au résultat puisque la FI n’avait pas de député sortant, n’a rien à voir avec une position sur une liste donnant l’assurance d’être élu.e. Ainsi l’exemple de Eric Coquerel, conseiller régional d’Ile-de-France au moment de son élection en tant que député est souvent avancé. Mais il n’avait aucune certitude d’être élu (19% au 1er tour), se présentant dans une circonscription historiquement PS et avec un candidat PCF en face. Or nous étions bien incapables de savoir qui passerait devant aux législatives même si nous étions convaincus qu’il y avait une attente politique plus favorable pour la FI que pour le PCF.
Deux candidat.e.s conseillère et conseiller régionaux avaient postulé pour être éligibles :
– Liem Hoang Ngoc, conseiller régional d’Occitanie a été candidat aux législatives dans la meilleure circonscription de Haute-Garonne mais n’a pas été élu
– Corinne Morel Darleux, conseillère régionale Auvergne Rhônes-Alpes.
La 8ème place dans leur genre (femme/homme) leur avait été proposée. Ils ont tous les deux considéré que ce n’était pas à la hauteur de ce qu’ils représentent.
Au final, si nous prenons les personnes qui se sont retirées avec fracas, Liem Hoang Ngoc, Sarah Soihili, François Cocq, Djordje Kuzmanovic, plus Corinne Morel Darleux qui a annoncé quitter la FI, tous les 5 voulaient être dans les 10 premiers. Mais à un moment il faut bien faire un choix. Ces 5 personnes, si elles étaient sûres d’être élues, auraient-elles les mêmes critiques publiques contre la France Insoumise ? Je ne le crois pas.
D’autres aussi auraient bien voulu être dans ces 10 premières places, mais bien que déçu.e.s ne se comportent pas de la même façon et au contraire mènent une campagne très active et très collective. Merci de tout cœur à elles et eux qui font passer l’intérêt collectif avant leur déception personnelle.
Il nous a fallu concevoir la liste globalement, à la fois en imaginant qui serait député.e et quelle serait la spécificité de chacun.e dans une équipe. Nous devions combiner connaissance des mécanismes et dossiers européens, maîtrise d’une thématique spécifique à ce niveau, aptitudes à intervenir dans les conditions très spécifiques du Parlement européen, capacités à construire un regroupement autour de Maintenant le peuple et enfin disposition pour être auprès des luttes en France. Il est bien évident que chaque personne ne peut pas concentrer l’ensemble de ces aspects. Il fallait donc réfléchir le collectif de député.e.s à venir avec l’ensemble de ces critères.
Il nous fallait aussi penser le déploiement de la campagne sur l’ensemble du territoire national. Mais non il n’y a pas de quotas de candidat.e.s par région. Il suffira d’ailleurs de regarder le résultat. Mais oui nous avons évité de concentrer tout.e.s les candidat.e.s en région parisienne. Que n’aurait-on pas eu comme critiques, justifiées d’ailleurs, si nous l’avions fait ? La campagne va se dérouler partout en France et les candidat.e.s seront ou des porte-paroles à l’échelle d’un territoire ou bien sur une thématique précise.
Suite à la première publication de liste en juillet, nous avons eu plusieurs remarques :
– une insuffisance de candidat.e.s venant des catégories et quartiers populaires.
– un manque de jeunes
– une liste avec des noms avec peu d’indications pour se faire une idée
Nous avons donc veillé à remédier à ces faiblesses, tant par la composition définitive que par l’amélioration de la présentation des candidat.e.s avant le vote définitif.
Depuis le début nous avions annoncé que nous souhaitions avoir des personnalités d’ouverture, associatives, syndicales, du monde de la culture. C’est ce que le comité s’est attelé à respecter dans la deuxième phase de sa mission.
A partir du moment où nous proposons à des personnes de venir sur la liste de la France Insoumise sur la base d’un accord avec l’Avenir en Commun, il est bien évident qu’il ne pouvait être question de toutes les placer en fin de liste, après les 66 candidat.e.s de la FI. Elles ont donc été intégrées tout au long de la liste, ce que nous avions d’ailleurs annoncé dès le début. Vous le voyez dans la première liste de 20 candidat.e.s annoncé.e.s avec la présence de Christian Benedetti, metteur en scène. Nous avons aussi pris en compte la décision d’Emmanuel Maurel et des militant.e.s regroupé.e.s dans « Après » de quitter le PS et de converger avec la France Insoumise pour défendre le même programme à l’occasion de ces élections européennes. Nous avons donc Anthony Gratacos, qui plus est avec un profil que nous n’avions pas sur la liste.
Défendre l’idée que la FI doit rassembler le peuple et qu’elle doit se projeter dans sa capacité à gagner la majorité dans ce pays aurait été contradictoire avec le fait de présenter une liste totalement FI, repliée sur elle-même. Il ne s’agit pas de minimiser la qualité des Insoumis et Insoumises qui avaient candidaté. Il s’agit de construire un collectif tourné vers un objectif commun, porter notre projet au niveau européen dans le cadre de Maintenant le Peuple le 26 mai 2019 et de nous projeter dans les échéances suivantes.