Vendredi
Pression maximale de toutes les composantes du système pour affoler les gens, effrayer, dissuader, et pour nous enrôler dans les « appels au calme » qui faisaient du peuple cet animal violent que le bourgeois voit toujours dans toutes les mobilisations populaires. La séquence avec les lycéens de Mantes la Jolie aura couronné d’ignominie cet épisode. Mais elle aura surtout fonctionné comme un accélérateur de particules émotives et insurrectionnelles. L’image des jeunes en rang à genoux a résonné amplement. Elle a donné lieu aussitôt à une vague d’imitations un peu partout dans le pays. Et cela opéra comme un appel à mobilisation pour laver l’affront.
Ces moments d’intelligence populaire spontanée, la force de diffusion des faits ressentis comme des symboles entre dans la matière première d’une insurrection comme celle que nous vivons. En tous cas, le mouvement lycéen y a trouvé un aliment de choix. Quatre cent lycées sont bloqués. Et parmi eux, nombre de lycées professionnels. Cela confirme que l’émotion populaire est passée dans sa jeune génération en dépit de la réticence des classes moyennes supérieures de droite comme de gauche dont les lycées sont à la traine. Encore un signal d’identité de ce qui se joue dans le pays.
L’après-midi, je me trouvais à Bordeaux, déjà, avant l’ouverture de la Convention des Insoumis. Il s’agissait pour moi d’aller voir l’hydrolienne installée dans la Garonne en aval du pont de pierre. L’enjeu de cette machine, une fois son fonctionnement stabilisé et optimisé, c’est évidemment la place qu’elle aura dans la transition énergétique. Cette formule est évidemment essentielle dans les territoires et départements d’outremer où il ne peut être question de rationner de nouveau avec l’augmentation de la population. Mais là-bas, les barrages hydro-électriques ne sont même pas possibles parfois. Mais il va de soi que l’opportunité impliquera le moment venu tout le territoire national.
La France a été couverte de ces hydroliennes dans le passé. Celles que l’on nommait « moulins à eau ». Il y en avait des milliers. Toute une vie sociale s’organisait d’ailleurs autour d’elles. Installer de nouveau des milliers de machines de cette sorte ne sera pas un trop grand défi sinon d’en produire le nombre nécessaire, de les installer et de les raccorder. L’équipe rencontrée sur place déborde d’enthousiasme et de cette passion technique dont le pays regorge et que seuls nous voulons mettre à profit au service de tous.
En soirée, on fait le point pour vérifier le dispositif en place pour le lendemain. Les retours de terrain nous annoncent un haut niveau de mobilisation. On s’endort confiants.
Samedi
Dès le petit matin, les contacts terrain confirment une mobilisation renforcée. Le pouvoir est pris en étau. D’un côté l’État-major policier ne veut plus se laisser ridiculiser comme la semaine précédente. Il déploie d’autres techniques. Sa volonté est d’éviter les images. De l’autre, le pouvoir et les médias sont suspendus à l’apparition des images de violences dont ils comptent se nourrir. Les « éléments de langage » des porte-paroles macronistes puent le coup monté déçu. Les litanies des plateaux de l’info en continu sont assourdissant d’impatience. Le goût du sang et l’appétit de spectacle coulent des lèvres des commentateurs hommes et femmes tronc. Pour eux, un cendrier qui fume est un incendie. Dans les locaux techniques de la Convention, rigolade générale à l’écoute des incitations à l’émeute que représentent chaque interrogation de cette nature à l’écran.
Puis, heure après heure, la certitude se fait : le mouvement est plus puissant que la semaine passée. Tous les témoignages concordent : le style bon enfant prévaut en dépit de plusieurs gazages intempestifs et de violences purement gratuites contre des gens à genoux ou debout mains en l’air. Et partout que la partie des militants et bonnes volontés s’interposent pour faire baisser la température quand les provocations la font monter. À 16 heures, il est certain que la partie est gagnée. Toute la campagne de dissuasion menée par le pouvoir est un échec. La mobilisation n’a pas baissé. La crise continue un cran plus haut en intensité politique.
Avant midi, un tour téléphonique avec les animateurs joignables me confirme la ligne à tenir à dans le discours à prononcer à 18 heures le soir. À nous de proposer le mot d’ordre démocratique de la phase qui va s’ouvrir : retour aux urnes, retour au peuple, dissolution de l’Assemblée nationale.
Dimanche, 16 heures
Retour de la Convention des Insoumis à Bordeaux. Fatigue. Ultime coordination avec tous les secteurs en action avant de monter dans le train. Les semaines sans pause sont longues. Demain lundi, discours sur le Brexit à l’Assemblée nationale. Mon équipe ne chôme guère non plus. La machine des Insoumis hérite de tout le savoir faire accumulé au fil de deux campagnes présidentielles. La tenue de cette Convention a donc été une fois de plus un bijou de mécanique horlogère du point de vue de son déroulement technique. Un sans-faute.
Politiquement, il s’agissait de tenir à la fois notre évènement sans se couper de la lutte qui se déroulait dans le pays. Là encore, la répartition des députés et des agitateurs du mouvement entre la Convention et les divers terrains a fonctionné de façon optimale. Nos porte-paroles sur Paris ont répondu aux sollicitations médiatiques et participé aux rassemblements. Sur place, magie du travail bien fait.
La tête de liste est désignée. C’est Manon Aubry. Une militante associative de haut niveau qui nous apporte sa compétence et son savoir-faire dans le domaine central de la lutte contre la fraude fiscale en Europe et en France. Sa présence en tête de file exprime un choix de la part des insoumis. Le Mouvement n’est pas une fin en soi. Sa vocation est de construire la large convergence dont le pays aura besoin comme alternative politique aux équipes néo libérales de gauche et de droite qui se sont succédées au pouvoir de Sarkozy à Hollande puis Macron.
La présence conjointe sur une liste où se trouvent à la fois Emmanuel Maurel et Manon Aubry aux côtés de tant de personnes sans appartenance de parti est un signal que nous envoyons à toutes les bonnes volontés qui, dans le pays, savent que les Insoumis sont les rassembleurs sur qui compter pour écrire la suite de l’Histoire de notre pays quand il voudra changer de cap. Et quand la période est celle de la révolution citoyenne, c’est un atout décisif !