Ce mardi 2 avril je me suis rendu à l’hommage organisé par le collectif des morts de la rue. Un rassemblement à la mémoire des 566 personnes décédées en 2018 parce qu’elles n’avaient pas de toit. Morts dans la rue. Mort de la rue. Leur âge moyen était de 48 ans. Parmi ces morts, 13 étaient des enfants. L’association des morts de la rue réalise un travail essentiellement mémoriel d’alerte humaine et sociale. Son recensement des femmes et des hommes morts dans la rue n’a pas prétention à être un pointage définitif. Son but est de rompre l’anonymat de ces morts silencieuses, pas de faire des statistiques. Au demeurant, une étude réalisée il y a quelques années à partir des données du centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès faisait une autre évaluation du nombre des morts de la rue. Elle évaluait à 2000 par an leur nombre. En réalité, on ne connait pas avec certitude le nombre réel. Tout comme on ne connait pas le nombre exact des sans-abris puisque l’INSEE ne les a plus recensés depuis 2012. A l’époque, ils étaient 141 000. Un chiffre en augmentation de 50% depuis 10 ans.
Face à cette explosion de la misère, les gouvernements français n’ont pas été à la hauteur, c’est le moins qu’on puisse dire. Les associations déplorent une gestion du problème « au thermomètre ». En hiver, des places d’hébergement sont ouvertes dans l’urgence. Il s’agit surtout d’éviter le scandale que l’abandon au grand froid déclenche dans l’opinion. Cette politique n’a pas autant d’évidence qu’il y parait. Les pics de morts recensés par le collectif des morts de la rue ont lieu l’été et en octobre. L’enjeu n’est pas de fournir provisoirement aux sans-abris un toit dans un hôtel ou un centre mais bien de leur permettre d’accéder à un logement pérenne, comme cela devrait être le droit de tous. Ainsi, le ministre du Logement a annoncé la semaine dernière que sur les 14 000 places d’hébergement ouvertes pour l’hiver, 8000 allaient être fermées avec le retour du printemps. Avec quelle solution pour ceux et celles qui les occupaient ? On ne le sait.
Il n’y a aucune volonté pour tarir l’augmentation des expulsions locatives. Les derniers chiffres dont nous disposons datent de 2017. Cette année-là, la justice avait prononcé 126 000 expulsions et la police prêté main forte pour 16 000 d’entre elles. Ce dernier chiffre représente une augmentation de 46% en 10 ans. Mais ce n’est pas encore assez de souffrances pour les macronistes. Ils ont refusé toutes nos propositions pour mettre fin à ces drames. Ainsi lorsque nous avons avancé par amendement un encadrement des loyers à la baisse dans les grandes villes. Ou bien la création d’une caisse de sécurité sociale du logement qui pourrait prendre le relai lorsqu’un locataire subit un événement qui l’empêche de payer son loyer et ainsi éviter l’expulsion. Ou encore, l’interdiction pure et simple des expulsions sans relogement. Toutes ces mesures, issues de L’Avenir en Commun, ont été traduites en amendements par notre groupe parlementaire, notamment lors de la lecture de loi ELAN qui contenait la privatisation du logement social.
Bien sûr, l’Union européenne a, là encore, sa responsabilité dans cette misère. Le logement n’est pas censé être de sa compétence. Cependant, elle s’est saisie de la question au travers de la politique de concurrence et pour aller dans le sens du démantèlement des politiques sociales du logement des États membres. En effet, elle a considéré à partir de 2005 que lorsque le logement social était développé et ouvert à de larges parties de la population, il constitue une concurrence déloyale pour les bailleurs privés. Ainsi, elle a forcé les Pays-Bas à revoir leur politique de logement social dont l’accès était universel. La Suède a dû simplement arrêter de subventionner les organismes locaux de logements sociaux.
Par contre, la sévérité de la Commission européenne pour punir les États-membres qui ne respectent pas les règles de la concurrence libre et non faussée ne s’appliquent pas au respect des droits fondamentaux des personnes sans-abris. Ils peuvent être piétinés sans problème. En 2018, la Hongrie de Orban a adopté une révision constitutionnelle qui criminalise le fait même de dormir dans la rue. Ceux qui n’ont pas de toit risquent donc la prison dans la Hongrie d’extrême-droite. Mais cela n’a provoqué aucune réaction particulière des institutions européennes. Quant à lui, le gouvernement français serait bien en mal de dire quoi que ce soit. Sa politique basée sur le mythe du marché équilibrant par sa main invisible les moyens et les besoins conduit à une impasse déjà palpable. Le nombre de logements construits qui devait s’envoler grâce aux remèdes des rebouteux libéraux est en voie d’effondrement. En 2019 on prévoit de passer sous la barre des 400 000 logements construits, toutes catégories confondues. Le libéralisme ça ne marche pas. C’est inefficace, cruel et absurde.