Étrange semaine. La suite du mouvement contre la réforme des retraites s’est entrelardée d’épisodes cocasses, symptômes d’une présidence en pleine turbulence dans des épisodes délétères. Ainsi de la scène équivoque dans les rues de Jérusalem. Les commentateurs se sont préoccupés de la sincérité du jeu de Macron. Personne n’a songé à se demander ce qu’il fallait penser du comportement de la police israélienne recommençant le numéro d’intimidation déjà tenté contre un autre président français. Pour ma part, accent ou pas, j’approuve Macron de ne pas s’être laissé impressionner par les sicaires de Netanyahou. Mais, laïque en toutes circonstances, je désapprouve formellement qu’un président de la République française aille faire des prières au mur des lamentations avec une kippa sur la tête.
La semaine c’était aussi ce moment de capitulation politique devant le président des USA à propos de la taxe sur les Gafa. Une erreur que le gouvernement anglais n’a pas commise alors qu’il est plus que Trumpoïde. Et comment oublier l’épisode burlesque de la réception à l’Élysée du putschiste vénézuélien Juan Guaido qui ne représente pourtant même plus l’opposition antichaviste qui le rejette ? Le gouvernement espagnol ne s’y est pas abaissé. Et Macron tweete pourtant qu’il le reçoit en tant que président de l’Assemblée nationale de ce pays alors même que Guaido ne l’est plus, battu qu’il a été par un autre candidat antichaviste ! Tout ça, c’est le bruit de fond entre ridicule et ridicule. Mais il y a eu pire.
Dans la semaine où le régime décide de passer en force et de présenter sa loi sur les retraites, le Conseil d’État essore le texte, dénonce la méthode et invalide la plupart des arguments de la propagande gouvernementale et des éditorialistes macronistes. Au même moment parait une étude d’impact de la loi qui, à peine disponible, est aussitôt taillée en pièce par ceux qui l’ont lue et qui ont détecté un vice de forme qui condamne toutes les évaluations que cette étude comporte. Le rôle de l’âge pivot/ d’équilibre n’y est pas pris en compte ! Une paille ! Enfin, le ministre en charge du projet reconnait qu’il s’agit d’une loi « à trous ». Et il annonce que les évaluations sur les cas particuliers ne seront pas prêtes avant le vote de la loi. Pour finir, Macron et ses proches déclenchent eux-mêmes un débat sur le caractère dictatorial ou non de sa présidence. Les pauvres robots qui lisent les éléments de langage écrit par les gorilles de l’Élysée s’en prennent aussitôt à moi parce que j’ai l’audace de souhaiter publiquement que Macron soit battu en 2022. Sans se rendre compte du fait qu’ils confirment mon propos où j’annonçais leur manipulation. Et sans se rendre compte qu’ils justifient ainsi leur refus de perdre une élection ce qui est étrange pour de soi-disant démocrates.
Ces bavardages et bruitages n’ont pas infléchis un seul instant le cours de l’extension du soulèvement social en cours. Une manifestation géante et une retraite aux flambeaux dans tout le pays ont réduit à néant le refrain sur « l’essoufflement » du mouvement. Conjointement, le nombre des professions qui entrent dans la lutte et les formes de l’action se diversifient dans une ambiance festive qui marque les observateurs les plus distants. L’obstination de Macron n’en est que plus étrange. Comment peut-il croire qu’il va gagner ? En toute hypothèse rien de sa loi ne s’appliquera avant qu’on ait eu le temps de l’abroger a la prochaine élection générale, celle que lui et les siens vont perdre.
Autour de moi, deux thèses sont présentes. Pour les uns tout est calculé et voulu par le régime, ses principaux organisateurs et son chef. Le signal autoritaire et l’organisation du choc frontal avec la société serait un choix délibéré. Pour les autres, la tête unique du régime est définitivement hors sol. Et la débandade au sommet aurait commencé avec l’accumulation des erreurs aussi grossières que l’épisode Conseil d’État ou le ridicule du sketch à Jérusalem. Il y a de l’importance à évaluer ce moment pour comprendre l’état du rapport de force. À cette heure, il nous est favorable dans la durée. Combien de temps faudra-t-il pour que toutes les données observées fusionnent en un processus unique de prise de conscience politique ? Il est certain que le régime s’est coupé des classes moyennes dont les enseignants et les avocats sont les représentants les plus significatifs. Par le mouvement à la RATP et chez les traminots dans le pays, il a provoqué une agrégation entre la population des banlieues et les secteurs syndiqués, par et dans la lutte, comme il n’y en avait jamais eu dans le passé.
Le pire pour lui est que Macron soit tenu pour responsable des violences de rue alors même qu’il avait tout misé sur le fait qu’elles seraient imputées aux grévistes comme hier aux gilets jaunes. C’est une défaite majeure. L’entrée de Ségolène Royal dans la dénonciation de la « dérive autoritaire » du régime rompt l’isolement où nous étions jusque-là dans cette appréciation. Macron a aussi réussi à provoquer une convergence des luttes et des secteurs politiques dans la solidarité avec le mouvement que rien n’a pu rompre, même le dépôt maladroit par la gauche traditionnelle d’un texte commun sans précision de date de départ en retraite ni nombre d’année de cotisations.
Globalement, en adoptant des modes d’action nouveaux et festifs, le mouvement entre dans une phase où il peut se donner des moyens nouveaux pour une durée et une contagion politique solides. Il se construirait alors sur le modèle de ce qui s’observe dans les autres processus de révolution citoyenne dans le monde. En fait, les conditions sont en train de se réunir pour fédérer dans un même rejet tous ceux qui ont des raisons de ne pas vouloir permettre à Macron de réaliser le projet de société que son texte projette. Notre stratégie d’action doit le prendre en compte. Nous devons tacher d’entrainer dans l’action quelle qu’en soit la forme tous les secteurs concernés.
J’ai mis en application ce conseil en appelant le patronat des secteurs productifs de l’économie. Je l’ai fait a trois reprises et j’ai noté que cela n’a pas été relevé. Ni par les commentateurs ni par les répondeurs automatiques de LREM. Je vais donc devoir recommencer. Le fait est que la réforme des retraites est faite au service des secteurs financiers de la banque et des assurances. De plus, ils ne perdent pas un euro dans le choc actuel : les traites et les agios continuent de courir et les salariés empruntent pour faire face aux couts de la grève. Tous les autres cotisent pour eux en quelque sorte avec les marchandises qui ne se vendent pas, qui ne sont pas produites ou qui sont bloquées dans les ports. Ils ne disent rien sinon contre les grévistes. Donc cela nous prouve qu’ils ont de la réserve. Il faudra s’en souvenir. Ou qu’ils sont trop lâches pour dire son fait à Macron qui les enfoncent dans les difficultés. Cette âme de mouton nous intéresse aussi. En ce moment chacun va au bout de lui-même. Et montre ce qu’il est. On apprend donc pour la suite. Identifier les tigres de papier est utile.
En attendant, devant le coup de force législatif que le pouvoir entreprend, une nouvelle ligne de résistance doit être organisée. Celle-ci doit être construite dans l’assemblée. Dès lors le groupe parlementaire Insoumis a proposé de nouveau le dépôt d’une motion de censure. Mais cette fois ci la proposition est faite à tous les groupes d’opposition. Pourquoi ? C’est pour tenir compte de ce qui est mis en cause avec la méthode que Macron a utilisé. En effet c’est tout le système de la représentation parlementaire dont le travail est mis cul par-dessus tête. L’avis du Conseil d’État est clair à ce sujet compte tenu de l’insécurité constitutionnelle du texte de loi et des lacunes, qu’il affiche.
Mais c’est aussi le cas avec le rapport d’étude d’impact biaisée de mille pages qui a été déposée. On ne peut ignorer quelle violence cela porte. C’est une présentation insincère et manipulatoire du projet de loi. Mais aussi du fait des délais d’amendements intenables qui ont été fixés. L’Assemblée doit rappeler par la censure la prééminence des droits du Parlement dans l’ordre constitutionnel démocratique. Il ne s’agit donc pas de proposer une appréciation commune du texte de loi et de ce qu’il faudrait faire à sa place. Nous ne serions d’accord ni avec la droite ni avec le PS. Il s’agit d’organiser un sursaut commun de la démocratie parlementaire face aux abus de pouvoir de l’exécutif. L’Assemblée ne doit pas laisser passer sans dire mot une dérive autoritaire où son rôle est bafoué dans la production de la loi. Il faut ouvrir la séquence parlementaire par un acte clair de refus du coup de force qu’est toute cette entreprise. Et par là-même faire la démonstration de la place d’un Parlement dans une situation de crise sociale et nationale comme celle que nous vivons à cette occasion.
En toute hypothèse, la nouvelle séquence va nous voir tenir les deux barricades (le mot barricade devrait faire baver les chiens de garde) : la rue et l’Assemblée. Pour les Insoumis c’est un signal de combat ardent.
L’avis rendu par le conseil d’Etat a valeur de claire sanction de l’amateurisme gouvernemental dans la méthode de travail, de sanction publique de ses mensonges, de démenti de quelques-unes des assertions les plus répétées dans les éléments de langage des porte-paroles gouvernementaux et de certains éditorialistes. En voici quelques morceaux choisis qui en disent long ! Faites tourner sur les réseaux ce « best-of », ces morceaux choisis qui claquent comme des gifles.
Sur l’insuffisance des projections financières. « le Conseil d’Etat constate que les projections financière ainsi transmises restent lacunaires et que, dans certains cas, cette étude reste en deçà de ce qu’elle devrait être » (§3, page 4).
Sur les conditions d’élaboration du texte. « Le Conseil d’Etat souligne qu’eu égard à la date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu’aux nombreuses modifications apportées aux textes pendant qu’il les examinait, la volonté du Gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois semaines ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de l’examen auquel il a procédé. Cette situation est d’autant plus regrettable que les projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l’une des composantes majeures du contrat social. » (§6, page 5).
29 ordonnances. « Le Conseil d’Etat souligne que le fait, pour le législateur, de s’en remettre à des ordonnances pour la définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité. » (§7, page 6).
Sur la prétendue instabilité du système. « Le projet de loi intervient dans un contexte de relative solidité du système français de retraite (…) » (§9, page 6).
Contre l’argument de rupture d’égalité parce qu’il y aurait trop de régimes différents : « le Conseil constitutionnel juge inopérante l’invocation du principe d’égalité à propos des différences entre régimes de retraite (notamment décision 2013-683 DC du 16 janvier 2014, § 24) » (§10, page 7).
Sur l’universalité du nouveau régime. « Toutefois, le projet de loi ne crée pas un ‘régime universel de retraite’ (…) Est bien créé un « système universel » par points applicable à l’ensemble des affiliés (…) mais à l’intérieur de ce « système » existent cinq « régimes ». (…) A l’intérieur de chacun de ces régimes créés ou maintenus, des règles dérogatoires à celles du système universel sont définies pour les professions concernées. En termes de gestion, sont maintenues plusieurs caisses distinctes (…) ». (§12, page 8).
Le Conseil d’Etat dézingue la contraction budgétaire. « Le Conseil d’Etat constate que le projet a pour objectif de stabiliser la dépense liée aux retraites à 14% du PIB. Or le nombre de personnes de plus de soixante-cinq ans étant appelé à augmenter de 70% d’ici à 2070, il appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité, pour le cas où le maintien du niveau relatif des pensions individuelles serait assuré par une élévation de l’âge de départ à taux plein, d’appréhender l’impact de telles évolutions sur les comptes de l’assurance-chômage, compte tenu du faible taux d’emploi des plus de 65 ans, et les dépenses de minima sociaux, toutes données qui sont absentes de l’étude d’impact du projet de loi. » (§13, page 8).
Un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous : un mensonge. « Le Conseil d’Etat relève enfin que l’objectif selon lequel ‘chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous’ reflète imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation ou d’ouverture de droits définies par le projet de loi. » (§28, page 16).
Les promesses de revalorisation des enseignants et chercheurs tombent à l’eau, elles étaient floues et inconstitutionnelles. Aucune promesse inscrite dans le texte donc. « Le Conseil d’Etat écarte les dispositions qui renvoient à une loi de programmation, dont le Gouvernement entend soumettre un projet au Parlement dans les prochains mois, la définition de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants et chercheurs ayant la qualité de fonctionnaire une revalorisation de leur rémunération afin de leur assurer un niveau de pension équivalent à celui de fonctionnaires appartenant à des corps comparables. Sauf à être regardées, par leur imprécision, comme dépourvues de toute valeur normative, ces dispositions constituent une injonction au Gouvernement de déposer un projet de loi et sont ainsi contraires à la Constitution ». (§29, page 16).
Les défauts graves du système à points. Il « pénalise en revanche les carrières complètes pendant lesquelles les assurés connaissent des années d’emploi difficiles, associées au versement des cotisations nettement moins élevées que sur le reste de leur carrière, dont la règle de prise en compte des 25 meilleures années, applicable au régime général et dans les régimes alignés, supprimait les effets pour le calcul de la pension de retraite. Enfin, il retire aux assurés une forme de visibilité sur le taux de remplacement prévisible qui leur sera appliqué, dans la mesure où la pension n’est plus exprimée à raison d’un taux rapporté à un revenu de référence mais à une valeur de service du point définie de manière à garantir l’équilibre financier global du système. » (§37, page 18).
‘Âge d’équilibre’ = Travailler plus pour gagner autant. « il contraint les assurés qui disposent de la durée du taux plein dès l’âge d’ouverture du droit à retraite, donc ayant commencé à travailler jeunes et accompli une longue carrière, à reporter leur départ pour ne pas diminuer la pension servie. Au total, l’introduction de l’âge d’équilibre se traduirait, selon les estimations du Gouvernement, par un recul de l’âge effectif de départ qui attendrait 65 ans et 2 mois pour la génération 2000, contre 64 ans et 6 mois à droit inchangé. » (§38, page 18).
Source : Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi retraites
Si engloutis que je sois par la lutte contre le projet de réforme des retraites, je ne veux pas laisser passer le travail qu’accomplissent les insoumis sous la conduite de Mathilde Panot à propos d’un fléau social mal connu et souvent méprisé : les punaises de lit qui gâchent la vie de millions de gens dans notre pays. Pour ma part, j’avais commencé à parler du fléau des punaises de lit dans la dernière campagne présidentielle. À l’époque, les réactions fluctuaient entre le scepticisme et la moquerie. Depuis, c’est Mathilde Panot qui mène le dossier au groupe des insoumis à l’Assemblée nationale. Elle connait bien le sujet. Avant d’être élue, elle était militante associative dans un quartier populaire de l’Essonne où sévissait le fléau. C’est elle qui à l’époque m’avait sensibilisé au problème. Des gens riaient déjà dans les milieux politiques.
Maintenant, plus personne n’a envie de rire. Tout le monde s’est rendu compte de l’ampleur du problème. En un an seulement, entre 2017 et 2018, le nombre de désinsectisations recensées par la chambre syndicale de désinfection, désinsectisation et dératisation a augmenté de 100%. Des bâtiments publics comme des bibliothèques, des écoles ou même des salles de cinéma ont été infectés. Des situations inextricables ont été déclenchée faute d’avoir pris à temps des mesures contre la propagation du phénomène. À l’étranger, comme à New York aux USA, c’est par millions que se comptent les victimes de la contamination. Lutter est devenu un impératif. Encore faut-il faire admettre la nature du problème posé.
Notre premier objectif est de faire rentrer dans toutes les têtes que l’invasion de punaises de lit n’est pas un problème d’hygiène personnelle. C’est une question de santé publique. C’est le but de la campagne lancée en commun le 3 juillet dernier avec les associations Droit au Logement (DAL), Confédération Nationale du Logement (CNL), Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) le collectif marseillais La Cabucelle. Pour l’instant, les punaises ne sont pas considérées comme un sujet de santé publique par l’État parce que ces petites bêtes ne transmettent pas de maladies. Mais c’est en train d’être remis en cause par une étude d’un professeur de La Timone à Marseille qui a mis en évidence que la punaise pouvait transmettre une bactérie provoquant des attaques cardiaques. De toutes façons, c’est un problème lourd de trouble de la santé mentale. La présence chez soi de punaises de lit engendre des crises d’angoisse, un état d’hyper vigilance, des insomnies ou de la paranoïa.
Tout cela est renforcé par le modèle économique et social dans lequel évoluent les populations concernées. D’abord, l’extrême et soudaine prolifération des punaises est causée par le tourisme de masse qui semble être un des plus puissants diffuseurs du fléau. L’apparition des Airbnb, ces appartements où les touristes se succèdent sans que des professionnels ne passent nécessairement entre les séjours comme dans un hôtel. C’est aussi un résultat de la chute de la biodiversité. Les prédateurs des punaises de lit sont de moins en moins nombreux et donc leur expansion n’est plus régulée.
Cette crise sanitaire a aussi des racines sociales. Une désinsectisation coûte entre 250 et 1000 euros. Sans compter les frais de lavage voir d’éventuels rachats de meubles à faire ensuite. Pour les familles pauvres, c’est tout simplement impossible. Le plus souvent, elles essaient de traiter elle-même le problème. D’abord cela donne de mauvais résultats et favorise donc la contagion. Ensuite, elles utilisent souvent des produits chimiques sans protection, ce qui est dangereux pour la santé. Enfin, on constate aussi de nombreux cas d’abandon dans la rue de meubles infectés.
Le 25 novembre 2019, Mathilde Panot a présenté à Marseille une proposition de résolution qui demande la mise en place d’un plan global de l’État pour lutter et éradiquer les punaises de lit. Ce plan comporte d’abord la revendication d’une reconnaissance comme problème de santé publique. Cela doit permettre une meilleure surveillance du sujet par les services de santé, ou encore des indemnisations pour les victimes. La vice-présidente du groupe des insoumis a déjà écrit plusieurs fois à la ministre de la Santé dans ce sens. Avec pour seule réponse pour l’instant que celle-ci a commandé un rapport.
Mais notre action n’est quand même pas sans effet puisque depuis, les députés LREM ont créé un groupe de travail spécifique sur le sujet. Le but est bien sûr d’empêcher notre identification avec la résolution d’un problème aussi présent dans le pays. Pourquoi pas, s’ils reprennent nos propositions ! Voici donc les autres. Il faut bannir des méthodes utilisées contre les punaises les produits chimiques. Non seulement ils sont dangereux pour l’homme mais ils ont déjà rendu 90% des punaises résistantes à leurs effets. L’État doit donc développer des interventions à la chaleur sèche, qui est une autre méthode très efficace contre les punaises. Par ailleurs, nous demandons l’encadrement des prix des interventions de désinsectisation et la création de services publics municipaux qui pourraient intervenir gratuitement quand il y a besoin. De cela il ressort qu’il n’est pas possible de régler le problème sans commencer par prendre en compte ses dimensions économiques et sociales. La santé publique reste une question sociale et politique dans tous ses aspects. Et le fléau des punaises de lit n’y échappe pas.
La corruption néolibérale est la conséquence logique de l’appropriation privée de l’Etat. Dans cette forme de capitalisme, l’accaparement, par toutes les méthodes, de la sphère publique par quelques intérêts privés est une façon courante pour le capital d’ouvrir de nouveaux marchés, de faire de nouveaux profits. Une partie de l’accumulation primaire recyclée à l’infini dans la bulle financière provient du démantèlement de l’Etat social. Il est donc normal que l’accès à ceux qui dirigent l’Etat, fonctionnaires et élus, soit devenu une activité aussi importante et vitale pour les capitalistes modernes. On le voit par exemple en mesurant la part du patrimoine des milliardaires proches du pouvoir politique ou dont l’activité dépend de l’accès à des ressources contrôlées par l’Etat. Entre 1996 et 2014, il a augmenté partout dans le monde pour atteinte 33% du patrimoine total des milliardaires du Liban ou 20% en Europe.
La corruption n’est donc pas, contrairement à un préjugé, réservée à des contrées lointaines, étranges ou périphériques. Elle ronge au cœur du capitalisme mondial et donc en France. La publication récente d’un rapport l’a montré de façon éclatante. Le 9 janvier 2020, le Groupe d’Etats Contre le Corruption (GRECO) a rendu un jugement sévère sur notre pays. Ce groupe d’experts qui analyse les politiques étatiques pour lutter contre la corruption et formule des recommandations dépend du Conseil de l’Europe (un organisme indépendant de l’Union européenne). Son rapport est passé largement sous les radars des médias français. En effet, il est au vitriol contre notre gouvernement en général et contre les habitudes prises sous Macron en particulier. Le bilan de son action est accablant. Seules 35% des recommandations du groupe pour lutter contre la corruption sont mises en œuvre intégralement par Macron.
Le rapport cite dans son introduction le cas emblématique de l’affaire Benalla, des passe-droits et des protections dont il a bénéficié, de son usurpation de la fonction de policier ou des liens qu’il entretenait avec des hommes d’affaires étrangers quand il travaillait encore à la présidence. Il vise d’ailleurs directement le cabinet de la présidence de la République comme étant l’un des lieux les plus opaque de l’Etat en matière de corruption. Pour ses auteurs, « le cabinet de la Présidence n’est pas exempt de risque de corruption » et il faudrait par conséquent soumettre les collaborateurs à des règles de déontologie et de transparence. Des règles, qui n’existe pas pour le moment.
Les experts du conseil de l’Europe citent explicitement la pratique du « pantouflage » comme étant génératrice d’une corruption importante. Pour ceux qui ne le savent pas, ce mot désignent des élus ou des hauts-fonctionnaires qui passent dans des fonctions dirigeantes de grandes entreprises privées, emportant avec eux leur carnet d’adresse. Puis, éventuellement, revenant ensuite dans l’Etat et effectuant ainsi plusieurs allers-retours. Banale en macronie, le rapport juge très sévèrement cette habitude : « les allers-retours entre les secteurs privé et public sont de plus en plus fréquents et peuvent donner lieu au délit de prise illégale d’intérêts ». En clair, le pantouflage conduit à un pillage permanent de l’Etat et à la construction de privilèges toujours de plus en plus extravagants. C’est une grave atteinte à l’esprit républicain. Pourtant, Macron n’a rien trouvé de mieux que de l’encourager avec enthousiasme. Dans sa réforme de la fonction publique, il a diminué les prérogatives de la commission de déontologie en cas de départ d’un haut fonctionnaire vers le privé. Il ne se cache pas non plus de vouloir recruter de plus en plus les dirigeants des administrations publiques sous la forme, non de fonctionnaires titulaires, mais de contrats temporaires. C’est-à-dire recruter aux manettes de la grande machine de l’intérêt général, des mercenaires.
L’influence des lobbys est aussi pointée du doigt par le rapport du groupe d’experts du Conseil de l’Europe. Les obligations de transparence sont en la matière très faible pour les membres de l’exécutif français. Quant à celle de rendre des comptes, elle est inexistante. Lorsque ce sont les ministres qui sollicitent des réunions avec des lobbys des multinationales, personne n’a aucune obligation de le déclarer. Quant au contenu de ces réunion, contrairement aux recommandations du Conseil de l’Europe, il n’y a aucun moyen pour les citoyens d’en avoir connaissance. On ne sait donc jamais d’où viennent, de quelle réunion avec quel lobby voire de quelle faveur accordée viennent telle ou telle lubies néolibérales. Jamais, sauf quand c’est trop gros pour qu’on ne le devine pas. Comme par exemple dans le cas de la réforme des retraites. Ce projet favorise grossièrement les fonds de pension qui vont pouvoir vendre beaucoup plus de plans de retraites par capitalisation. Comme par hasard, on découvre que le haut-commissaire qui la portait était aussi membre d’un conseil d’administration dans un institut du monde de l’assurance privée. Et que le président du plus grand fond de pensions du monde, BlackRock, a rencontré, à huis-clos Emmanuel Macron dès son élection. Ou encore que le président de la branche française de ce même fond de pension fît partie du conseil d’experts qui conseillait le gouvernement sur la réforme de l’Etat.
Les auteurs du rapport abordent ensuite le cas des conflits d’intérêts. Dans ce domaine également, ils constatent qu’il n’y a rien pour les limiter : « il n’existe pas de mesures visant à interdire, à proprement parler, la détention d’intérêts financiers par les hauts responsables publics » écrivent-ils. En effet, ces dernières années regorgent d’exemples de ce type. Ainsi, l’ancienne ministre de la culture de Macron, Françoise Nyssens, était en même temps responsable des subventions aux maisons d’édition et elle-même propriétaire d’une maison d’édition. Le secrétaire général de l’Elysée en personne est soupçonné de corruption passive et de prise illégale d’intérêts pour avoir peut-être avantagé une entreprise dont il a été le directeur financier et dont la cofondatrice est de sa famille dans le dossier industriel STX. Les différentes formes de corruptions pointées par le rapport, lobbying, pantouflage ou conflits d’intérêts illustrent bien l’enjeu central de la corruption : dépecer l’Etat et ses immenses ressources tournées vers l’intérêt général pour en faire des machines à fric.
Ces habitudes de non-respect pour l’Etat républicain, de ses règles, de sa vertu nécessaire en haut de la hiérarchie offrent un spectacle dont les mauvaises habitudes « ruissellent » sur les agents de base. La corruption se développe alors d’autant plus dans des secteurs où les puissants sont prêts à offrir l’impunité aux petits… Le rapport cite à ce sujet la police. C’est l’autre secteur, avec l’exécutif, étudié par le rapport. Là encore, il note le décalage total entre les moyens déployés pour lutter contre la corruption dans ce corps et son importance. En effet, la lutte contre la corruption dans les forces de police est confiée à un service de l’IGPN. On imagine le résultat. Les auteurs ne peuvent comme nous que constater les énormes violations de la confidentialité des informations auxquelles ont accès les policiers. Et la faiblesse des sanctions.
Ce rapport émanant d’une institution comme le Conseil de l’Europe devrait sonner comme une alerte pour la France. Il faut sortir la tête du sable, arrêter de faire l’autruche. La corruption est, aussi chez nous un mal endémique. Elle constitue pour une caste détachée du reste de la société un ensemble de méthode systématiques, récurrentes et banalisées de vol de l’Etat. Un coup de balai ample et profond s’impose pour nettoyer l’Etat des pratiques qui le détruise. Les insoumis y sont prêts. Ils ont fait de très nombreuses propositions à l’Assemblée nationale pour mettre fin au pantouflage et bannir les lobbys de nos institutions. D’ailleurs, le jour venu, il faudra aussi créer une commission chargée d’examiner les différentes privatisations des décennies passées pour déterminer qui s’est enrichi indûment dans ces épisodes.
La crise d’autoritarisme du régime s’approfondit. Elle ruisselle du haut vers le bas sur toute les hiérarchies directement liées au pouvoir dans la variété des fonctionnaires d’autorité nommés en conseil des ministres jusqu’aux hiérarchies intermédiaires. Dans l’éducation nationale, des recteurs aux proviseurs on entend claquer les talons. Une vague d’autoritarisme inconnue balaie l’Éducation nationale.
Il faut dire que la base du secteur est rentré en soulèvement contre le Macronisme. La réforme des retraites cruelle pour les enseignants et le saccage du baccalauréat par Blanquer ou fait déborder un vase rempli depuis des années par les conditions de travail dégradées par les coupes budgétaires. Du coup, ça bouge. Les journées de grèves contre la réforme des retraites ont enregistré des taux de grévistes historiques pour l’Éducation nationale. Et lundi dernier, 40% des lycées étaient mobilisés contre les épreuves de contrôle continu du bac.
Hier dans « Le Monde », une poignée de proviseurs de lycées publiait une tribune pour défendre la « liberté d’enseignement ». C’est-à-dire, en novlangue macronienne, la liberté pour les profs de subir en se taisant. Ils justifient explicitement le « recours aux forces de l’ordre » comme manière de mater la révolte dans les lycées. Ce genre de comportement est heureusement minoritaire dans l’Éducation nationale. L’écrasante majorité des proviseurs ont à cœur que leur établissement reste un sanctuaire pour le savoir et non un endroit où l’on peut faire intervenir la troupe, surtout dans le contexte actuel de violences policières où le risque d’éborgnement ou de mutilation serait particulièrement catastrophique.
On pourrait dire la même chose des recteurs. La plupart d’entre eux sont dévoués à leur mission de service public, non à la défense politisée d’un pouvoir en particulier. Mais d’autres, se sentant pousser des ailes et en quelques sorte autorisés par le comportement des ministres ou par le modèle choyé du du préfet de police de Paris, dépassent gravement la limite. Le recteur de l’académie de Aix-Marseille, M. Bernard Beignier a adressé une lettre la semaine dernière à tous les professeurs sous son autorité. J’en ai lu une partie lors de mes vœux de lutte à Marseille. Dans cette lettre, il qualifie le fait de faire grève de « faute professionnelle avec toutes les conséquences disciplinaires qui en découlent ». Il menace même les enseignants insoumis de sanctions pénales. Enfin, il lance un appel général à la surveillance et à la délation vis-à-vis des fonctionnaires qui seraient rentrés dans « une logique de rébellion ».
Ces méthodes pour faire taire les professeurs était déjà apparue plus tôt cet année. Dans sa loi sur l’école, Jean-Michel Blanquer avait intégré un « devoir de réserve » au nom duquel les professeurs seraient interdit d’exprimer publiquement des critiques sur l’éducation nationale. Cette disposition avait servi d’élément déclencheur au mouvement des « stylos rouges ». Depuis, la mobilisation dans l’Éducation nationale s’est élargie. La riposte du régime, elle, s’est radicalisée. Rien ne vaut mieux que la publication in extenso de cette lettre rectorale pour montrer a mes lecteurs ce que veut dire l’autoritarisme en botte a crampon que le macronisme a déchainé dans le pays.
Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements de lycées,
Il est superflu de vous décrire l’ambiance qui règne dans plusieurs de vos établissements, au sujet des E3C.
Comme je sais que vous y œuvrez, il est essentiel de maintenir le dialogue avec les personnels de vos établissements
Néanmoins, lors de vos échanges avec les professeurs, quelques rappels simples doivent être faits.
En premier, les enseignants, de par leur statut, doivent participer à l’intégralité du déroulement des E3C : choix des sujets, surveillance, correction…
Un refus est, au minimum, un acte de grève. Il faut, si besoin, le rappeler et dire que le calcul des jours de grève ne peut que se faire selon les prescriptions du Code de l’Education. Il n’est pas plusieurs manières légales de le faire.
Mais un refus peut aussi engendrer une faute professionnelle avec toutes les conséquences disciplinaires qui en découlent. Cela touche spécialement le refus de correction, ainsi que la falsification des notes.
La manipulation des élèves (tracts, classes transformées en réunions syndicales…) est une faute caractérisée et une violation de la déontologie de l’enseignant.
Je ne veux envisager, que par pure hypothèse, des actes comme la participation (ou l’incitation) au blocage ou à l’invasion d’un établissement. Dans de tels cas, l’on quitterait le Code de l’Education pour le Code pénal.
Compte-tenu du contexte, je vous demande, dans les jours prochains, à titre préventif, de rappeler, avec pédagogie mais si besoin avec fermeté (laquelle est le sel de toute vraie pédagogie), ces principes dont certains semblent ignorés de divers enseignants entrés dans une logique de rébellion qui est la négation complète du statut de fonctionnaire. Soyez attentifs aux plus jeunes, moins expérimentés et qui peuvent, eux-aussi, être manipulés par d’autres plus âgés et qui, avec l’âge peuvent perdre et la sagesse et le courage. Qu’ils ne se mettent pas dans des situations inextricables.
Je vous demande également de nous informer (le directeur de cabinet) de tous les indices laissant présager, dans votre établissement, des tentatives de sabotage des examens. Mieux vaut une alerte vaine qu’une trop tardive.
Dans tous les cas, le jour des contrôles, vous serez d’une particulière vigilance, tôt le matin.
J’espère vivement que la raison l’emportera. Vous savez combien je suis attentif au dialogue social. Je recevrai, comme je le fais toujours, les audiences qui me seront réclamées. Je passerai le temps nécessaire à écouter une profession, dont je fais partie, et qui vit des tensions et des angoisses. Ma mission est là.
Je sais aussi compter sur votre lucidité et votre détermination. Je mesure la charge qui est la vôtre, la fatigue et même la lassitude d’être remis en cause dans votre action républicaine par ceux qui sont, d’abord, votre « équipe pédagogique ». Si la certitude de vous sentir épaulés, soutenus et relayés par votre hiérarchie peut être source de courage : je forme ce voeu.
Enfin vous savez, d’ores et déjà, que les IA-IPR, derrière leur doyen qui me tient au courant chaque jour de la situation, sont là pour vous seconder dans le choix des sujets comme ils le seront dans l’harmonisation des notes.
Soyez assurés, Mesdames et Messieurs les Proviseurs, de mes sentiments dévoués et très cordiaux,
Bernard Beignier