Le journal « Le Monde » a, sur la politique latino-américaine, une ligne éditoriale totalement alignée sur la droite du parti Démocrate des États-Unis d’Amérique et les agences d’influence diverses qui entourent cette fraction du pouvoir aux États-Unis. C’est bien son droit. S’il prévenait ses lecteurs de ce parti-pris ce serait mieux. Ceux-ci méritent de savoir qu’ils ne sont pas informés mais orientés dans ce domaine.
Ainsi de l’entretien très étrange que le quotidien consacre au putchiste Juan Guaido. Je mets le lien pour que tout le monde puisse profiter du niveau intellectuel des arguments de ce personnage déchu. Mais après lecture, une question reste : pourquoi le grand quotidien ne dit-il pas à ses lecteurs que ce monsieur n’est plus président de l’Assemblée nationale depuis le mois de janvier dernier ? En effet la droite anti-chaviste a choisi un autre candidat et l’a élu dans une assemblée où les chavistes sont minoritaires. Ils l’ont fait parce qu’au Venezuela, comme dans tous les pays du monde, personne n’aime les politiciens qui appellent les forces étrangères à intervenir dans leur pays et les sanctions commerciales à être renforcées alors que le peuple souffre déjà cruellement des menaces de l’une et de la réalité de l’autre.
Rendre compte de ce qui se passe au Venezuela pour aider à comprendre nécessite au cas présent de de se demander pourquoi juan Guaido n’est arrivé a rien en dépit du « soutien » et de la reconnaissance de 50 pays sur injonction des USA. « Le Monde » plus qu’un autre devrait le faire lui qui avait conclu « rien ne s’est passé comme prévu » à la suite du fiasco du retour de Guaido depuis la Colombie. Surtout au moment où on apprend que le parti d’Evo Morales serait en tête des intentions de vote pour la prochaine élection présidentielle. Là encore rien ne se passe comme prévu non plus. Après un coup d’État, l’arrestation de tous les membres du gouvernement et l’exil forcé du président Morales, il était question d’une « libération ». Qu’est ce qui cloche : la réaction des peuples ou bien la grille de lecture des amis des USA ?
Le placage sur la réalité latino-américaine de la grille de lecture appliquée à la Corée du Nord donne un résultat intellectuellement toujours en échec puisque les faits ne s’y conforment jamais. S’agissant du Venezuela, pourquoi perdre de vue que cela fait maintenant plus de dix ans que l’opposition se divise sur la même ligne de fracture que les agences de sécurité nord-américaines. L’ancien candidat à la présidentielle contre Chavez, le nommé Capriles, n’est pas resté longtemps sur la ligne néo-putschiste de l’extrême droite vénézuélienne. Lui et pas mal d’autres ont joué le jeu des élections et en ont reconnu les résultats. Pourquoi ? Précisément parce que ceux qui sont sur le terrain connaissent les limites de l’alignement sur les méthodes violentes de certaines agences nord-américaines. Celles qui ont monté le coup lamentable en Bolivie avec le résultat que l’on connait. Celles qui se sont coupées de tout le monde en prônant un embargo violent au Venezuela.
Il reste donc aux grands journaux à s’intéresser à ce qui se passe vraiment aux vraies discussions y compris dans l’anti-chavisme. Je me souviens trop bien de cette « correspondante sur place » du « Monde » qui rapportait sur le Venezuela depuis la Colombie, un peu comme si un journaliste habitant Stockholm racontait le quotidien de Paris. Tout cela ne montre qu’une chose : l’ignorance et l’arrogance. Les peuples d’Amérique du Sud ne sont pas des ramassis d’indigènes folkloriques. Ils sont complexes, éduqués et socialement plus divers que les caricatures de salle de presse occidentale.
De notre côté quelles que soient nos sympathies idéologiques, nous devons nous tenir informé et réfléchir avec acuité pour apprendre. Tout ne se passe pas non plus « comme prévu » pour nous bien des fois sur ce continent. Malheureusement pour apprendre il faut être bien informé. « Le Monde » ne nous sert à rien dans ce domaine. Il faut donc enquêter par soi-même à partir des sites de la presse souterraine et des témoignages sur Facebook et les réseaux sociaux.
Quant au « Monde » : dommage. Si le bobard est de cette taille sur un sujet de cette sorte qu’en est-il des autres où je suis moins bien informé ? Tout alors devient suspect. Dommage. L’info et le débat méritent mieux que ce genre de manipulation du lectorat.