Encore ! Pour la quatrième fois depuis la crise sanitaire le président de la République nous parle. La dernière fois, c’était pour nous vendre des voitures. Cette fois-ci peut-être allait-il annoncer une tournée dans les bistrots et restaus réouverts à fond les ballons. Mais rien. Juste un collage soporifique de grands mots empruntés à toutes les familles politiques et débités comme on enfile des perles. Le président a parlé de tout mais n’a rien dit. On verra en juillet, a-t-il promis. Mais alors pourquoi avoir parlé cette fois-ci ? Un véritable feuilleton de bavardages nous est infligé. Mais, admettons-le : en juillet les macronistes auront besoin d’effacer très vite leur bilan des municipales. On doit donc s’attendre à voir l’annonce du nouveau dispositif présidentiel. Une fois déployé il formera la base de la campagne macroniste pour 2022. C’est utile de le comprendre.
Avant de spéculer sur cette hypothétique remise en ordre macroniste, il faut pourtant étudier de près le flot de ses mots. Car il faut vaille que vaille trouver les réponses apportées aux grandes questions soulevées par le moment que nous vivons. Même s’il ne s’agit de rien de précis, nous connaitrons au moins la pente prise par l’esprit du président.
D’abord à propos de la stratégie de sortie du confinement économique. Le propos présidentiel se résume à peu de choses : « il va falloir travailler plus ». La stratégie macroniste se résume à cette seule indication concrète. Tout le reste est fait de vœux pieux et de généralités. Bien sûr, nous connaissons déjà ce qui a été décidé au fil des jours, sans vision d’ensemble ni de cohérence. Ainsi a-t-il été attribué 7 milliards à l’industrie automobile alors que 17 % seulement des véhicules vendus en France sont produit sur place et 83% sont importées. 15 milliards ont été attribués a l’industrie aéronautique. Mais Air France passe une commande de 4 milliards à Bombardier qui produit au Canada. On en passe et des meilleures. Toutes vont dans le sens d’une absence de stratégie globale. Où sont là-dedans les objectifs d’indépendance et de souveraineté ? Où est la relocalisation ? Et la reconstruction écologique ? Il n’y a aucune contrepartie d’exigée par l’État auprès des bénéficiaires de ces aides. Donc « travailler plus ». Pour quoi faire ? Ce qui s’annonce, c’est une contraction générale de l’activité. Comment l’empêcher ? Augmenter le temps de travail est absurde. Si l’on veut jouer sur le temps de travail comme paramètre de lutte contre le chômage il faut alors baisser le temps de travail individuel et augmenter la masse de travail totale. Il faut donc travailler moins chacun pour travailler tous et produire davantage. La seule idée concrète de Macron est donc une sottise. Quel que soit l’objectif politique poursuivi, la réanimation du tissu économique passe par l’existence d’une consommation populaire solvable. Les gens doivent gagner mieux et être assuré de leur lendemains. C’est la demande qui fait tourner la machine, pas l’offre de produits sans acheteur !!!!!!!!
Ensuite il y a le sujet de violences policières et du racisme dans la police. L’intervention du chef de l’État venait au bout de la séquence de la manif à République. Un paroxysme crucial. Tout l’énergie de l’officialité médiatique a consisté a transformer la crise de la police en dénonciation du communautarisme, voir du racisme anti-blanc. Du coup le président a limité son propos dans des conditions plus que discutables. Il a assigné à résidence « séparatiste » tous les manifestants anti-racistes. Pas un mot pour la volonté de vivre ensemble manifestée par l’énorme Marseillaise chantée sur la place de la République ni pour les paroles sages et fortes d’Assa Traoré après le grotesque pseudo incident « antisémite » gonflé par la préfecture de police. Une honte qui montre le jeu dangereux auquel joue le président depuis qu’il a trouvé ce mot de « séparatiste » pour faire diversion, déjà, en pleine crise de la réforme des retraites. On le voit construire avec des mots un apartheid de fait. Le séparatisme, ce serait les musulmans et les populations des quartiers pauvres et pas celui des riches qui font sécession par l’exil fiscal et la construction de quartiers forteresses.
Après cela, le plus stupéfiant reste quand même les silences sur tous les sujets qui ont pourtant occupé des heures de débats dans la période précédente. Où est passé l’abandon de la retraite par points, ou celle de l’assurance-chômage ? Et la volonté affichée naguère d’arrêter les accords de libre-échange et de relocaliser la production. Et la fin de l’état d’urgence ? Pourquoi maintenir les interdictions de rassemblement en dépit de la décision du conseil d’État ? Qu’est devenu le fameux mea culpa du 12 mars dernier : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer à d’autres notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, est une folie. » Et ainsi de suite car la liste est bien longue.
Une nouvelle fois, le rassemblement anti-raciste de la place de la République a été l’objet de toutes les provocations possibles de la part du gouvernement. Apres avoir donné son accord à une marche en sortie de la place de la République, le préfet de police a retiré soudainement cette autorisation et fait nasser les manifestants. Il s’agissait pour lui de pouvoir gazer, tirer au FlashBall et grenades, matraquer, interpeller, étrangler et garder à vue autant que de plaisir. Il va de soi que le refus de laisser passer vers l’amont du boulevard à l’heure exacte du démarrage de la manifestation alors que la place était comble était destiné à exaspérer les gens avec l’espoir d’avoir des incidents. L’IGPN avait déjà préparé les tampons : RAS. Yeux crevés, main arrachées, mort au balcon ? RAS. Le dispositif était d’autant plus condamnable qu’à cette heure le préfet de police et le gouvernement savaient depuis la veille que le conseil d’État avait rétabli la liberté de manifester. Toute l’officialité était déjà arcboutée pour faire passer toute la situation dans un récit raciste : dénoncer le « communautarisme » et le prétendu « racisme anti-blanc » des manifestants.
Pourtant rien ne s’est passé comme prévu par la macronie et ses marionnettes policières.
D’abord la provocation des « identitaires » sur le toit d’un immeuble a lamentablement échoué. Quoiqu’ils aient pu agir sans aucune réaction ni avant ni pendant leur pitoyable action, la foule est restée de marbre. Le salut nazi depuis le toit pourtant bel et bien photographié n’a donné lieu à aucune déclaration ni remarque de la police, ni de la justice, ni des officines spécialisées dans la dénonciation du prétendu antisémitisme des manifestants. Les voisins et un seul acrobate ont eu raison de cette momerie raciste. Les prétendues « forces de l’ordre » préféraient réserver leurs coups aux piétons sans défense de la place. Mais ils ont dû exfiltrer eux-mêmes les jeunes bon chic bon genre qui se faisaient des selfies dans le car de police tout sourire, joues roses et émotion de première communion. Immédiatement relâchés pour aller rejoindre le pot de fin de rallye à Versailles. Les pandores émus ont dû sécher une larme de bonheur en les relâchant : « Ah les braves petits ! ». Ça devait être la fête sur les sites Facebook des racistes officiels ! Ni garde à vue, ni mise en examen, ni perquisitions. Le parquet de Paris a déjà assez de travail avec les Insoumis, les gilets jaunes, les Antifas et les enquêtes préliminaires à la chaine.
Puis sans crier gare la police chargea et inonda de gaz lacrymos la place selon sa tradition pour terroriser les gens et obtenir de images de violences pour France 2 et France Info. Maigres résultats. Tout l’appareil de la propagande était mobilisé dans l’attente de pouvoir procéder à la flétrissure. Était prévu le bouquet utilisé contre les gilets jaunes : violences provoquées par la police comme avec le nassage des gilets jaunes à l’Arc de Triomphe, éléments d’extrême droite infiltrés (aussi comme à l’Arc de Triomphe). Puis deuxième lame : l’accusation d’antisémitisme à l’aide de débiles racistes, peut-être soudoyés, comme celui qui a répété « sale juif » jusqu’à être certain qu’on le filme. Et dont tout le monde a pu voir ensuite qu’il n’était pas vraiment à jeun…
Rien n’y a fait. Le comité Adama et les organisateurs ont réussi à tout maintenir mobilisé en ordre et calme. La foule savait qu’elle serait provoquée. Elle avait vu le déploiement policier et les caméras de l’officialité télévisée. Les consignes de calme circulèrent sans difficulté. La délégation des parlementaires LFI répartie partout sur la place constatait avec plaisir cette discipline. Nos réseaux sur la place étaient actifs pour aider de toutes les façons possibles consignes et info à passer le mur de CRS, camions, peloton de motos voltigeur massés par dizaines aux alentours de la place. Notre propre service d’ordre, nombreux sur zone avait observé ce déploiement et préparé les voies de repli. En prévision des violences policières prévisibles. Au moment où éclata une magnifique Marseillaise chantée a plein poumons, l’échec de la macronie et son divorce avec la jeunesse antiraciste du pays tourna à la déroute morale totale. La France chantait la Marseillaise, la macronie gazait les jeunes et sa police réclamait le droit d’étrangler les gens.
Vigilance à présent car le désir de vengeance du pouvoir et des ses divers appendices va être terrible. Mais ce qui se construit est d’une exceptionnelle signification pour le pays à la veille de la vague de débâcle économique qui s’annonce. Notre peuple peut résister uni plutôt que déchiré par le racisme. Un bien très précieux.
Le 28 juin, c’est le second tour des élections municipales. Partout où des insoumis sont engagés, je vous appelle à vous mobiliser. Vous apporterez ainsi votre appui à des programmes d’intérêt général présentés par des gens engagés dans la vie civique associative et sociale. Les listes insoumises maintenues au second tour ne le sont jamais sans de solides raisons. Face aux bureaucraties locales qui redoutent l’entrée des Insoumis au conseil municipal, nos amis choisissent le courage d’exister par le seul appui des électeurs.
Pour ce deuxième tour, les insoumis sont présents dans près de 170 communes sous les formes variées que le mot d’ordre de « fédération populaire » autorise. À titre de comparaison, le RN reste en liste dans une centaine de communes. LREM se maintient dans un peu plus de 200 communes, souvent en alliance avec la droite.
Nous sommes donc bien présents. Mais aussi bien placés. Au second tour, de nombreuses victoires sont possibles grâce au travail des Insoumis.
À Toulouse, la liste Archipel, initiée par un collectif de citoyens avec l’appui de LFI et d’EELV, a réalisé 27,57% au soir du 1er tour. Après sa fusion avec la liste PS-PCF, elle peut l’emporter le 28 juin face au candidat LR également soutenu par Macron. Les insoumis seraient alors nombreux au conseil municipal.
À Lyon, notre liste a réalisé le beau score de 10% au premier tour. Pour le second elle a accepté un accord avec EELV, le PS et le PCF. La victoire est à portée de main. Nathalie Perrin-Gilbert intégrerait alors l’exécutif et nous pourrions disposer d’un groupe dans le futur conseil municipal. Ce serait un bel évènement pour cette grande ville que toutes les cultures politiques lyonnaises soient enfin représentées au conseil municipal.
Au Havre, les insoumis sont engagés au côté d’un collectif citoyen sur la liste conduite par le député communiste Jean Paul Lecoq. Toutes nos forces sont mobilisées pour l’emporter face au Premier ministre le 28 juin prochain. Je me trouverai sur place le 19 juin prochain.
À Bagnolet, en région parisienne, la liste citoyenne soutenue par LFI et le PCF a été rejointe par les candidats écologistes en vue du second tour. Face au candidat PS, la victoire est là aussi possible.
À Tours, les insoumis ont mené campagne commune avec des écologistes, des socialistes, des membres de Générations. Notre liste est arrivée en tête au soir du premier tour et affrontera la coalition de la droite et d’En Marche au second tour. Les insoumis Bertrand Renaud et Marie Quinton, 3e et 6e de liste, sont bien placés pour intégrer le conseil municipal.
À Amiens Evelyne Becker, syndicaliste Goodyear et cheffe de file LFI est numéro 2 de la liste conduite par Julien Pradat qui n’appartient à aucune formation politique. Avec le soutien de nombreux partis de gauche ils peuvent l’emporter en triangulaire face à deux listes de droite. Je me trouvais sur place avec François Ruffin pour lancer la campagne électorale de nos amis.
Enfin à Grenoble, le tandem Erich Piolle – Elisa Martin, à la tête d’une liste soutenue par LFI, EELV, le PCF et des collectifs citoyens devrait gagner à nouveau après la victoire de 2014 bâtie sur cette alliance que le PCF a rejoins depuis.
Vous l’avez compris, le 28 juin pourrait marquer une nouvelle étape du développement de notre famille politique. Il est déplorable de voir comment dans toutes ces villes, la droite et les amis de Macron veulent faire de la présence des insoumis un sujet de crainte sur le mode ridicule qu’avaient autrefois les mêmes pour annoncer l’arrivée « des chars de l’armée rouge » avec la gauche de l’époque ou la gauche traditionnelle présentait des programmes locaux inspirés du « Programme Commun ». Arcbouté sur cette vision des choses, l’officialité médiatique passe d’un jour sur l’autre de la peur panique au mépris le plus aveuglé sur le mode de la méthode Coué. Ainsi quand sur « France info » Renaud Dély voit dans le positionnement de LFI aux municipales une façon de « faire l’impasse sur ce scrutin ». Et comme nous ne sommes pas vantards et que nous avons choisi de passer sous les radars des hargnes de ce type, il nous prédit un « second tour calamiteux ». Renaud Dély a donc fait son choix à Marseille, Lyon, Toulouse etc. en faveur de la droite et des macronistes. Il n’est pas le seul PS à avoir changé de camp. C’est bien son droit. Mais pourquoi en a-t-il honte ? Le 28 juin, mouchons ces prétentieux. Le 28 juin place au peuple partout où cela dépend de nos voix et de notre mobilisation.
Madame la présidente,
Vous avez demandé à débattre avec moi à l’occasion des élections municipales à Marseille. J’ai le regret de devoir refuser votre demande. Je suis bien étonné de votre démarche. En effet je ne suis pas candidat à cette élection. Madame Michèle Rubirola conduit la liste que je soutiens. Pourquoi ne pas vous adresser à elle qui est en lice plutôt qu’à moi qui n’y suis pas ? Êtes-vous misogyne, madame Martine Vassal ? Pourquoi récuser une femme comme interlocutrice en lui cherchant caricaturalement un mentor ? Imaginez que madame Rubirola fasse comme vous et qu’elle exige de débattre avec monsieur Jean-Claude Gaudin au motif que vous lui devez votre investiture ? Madame Rubirola ne me doit rien de semblable. Elle a été investie par ses amis, le PS et le PCF. Pour ce second tour, elle reçoit de plus le soutien de son concurrent monsieur Barles et celui de La France Insoumise nationale. Cela prouve sa capacité à rassembler des familles différentes sans avoir besoin de les menacer ou de les intimider comme on peut le voir parfois ailleurs.
Seriez-vous aigrie par le camouflet que les électeurs vous ont infligé en vous préférant madame Rubirola au premier tour ? Si, pour une raison que je ne connais pas vous ne vouliez en aucun cas de Madame Rubirola, nombreuses sont les femmes de sa liste qui sauraient tout aussi bien débattre avec vous. En avez-vous peur ? Peur, par exemple de madame Sophie Camard, élue expérimentée et très connaisseuses de tous les dossiers marseillais et métropolitains ? Elle a recueilli un très fort soutien électoral au premier tour dans son secteur. Votre liste y est sévèrement distancée. Dans la mesure où elle me fait l’honneur d’être ma suppléante à l’Assemblée nationale, vous pourriez vous voir ainsi en partie contentée sans offenser le droit à l’égalité de respect pour les candidatures féminines. Mais si vous ne supportez de dialoguer qu’avec des hommes, pourquoi ne pas vous adresser à Benoît Payan qui fait partie de l’équipe de Madame Rubirola ? N’est-il pas très bon connaisseur lui aussi des dossiers marseillais après ses années de présidence d’un groupe d’opposition au conseil municipal ? Ne mérite-t-il pas votre respect puisqu’il s’est effacé au profit d’une candidature féminine ? Il l’a fait, au contraire de certains de vos nouveaux colistiers qui ont préféré vous affronter rudement au premier tour !
Madame Vassal, je suis dans l’obligation de vous juger sévèrement.
Quelles sont ces procurations illégales que l’on a trouvé à votre siège de campagne ? Mesurez-vous le mal que ce comportement fait ? Quand tous les Marseillais en viennent à douter de la légitimité de tous leurs élus municipaux ? Quand toute la France est invitée à se moquer de Marseille et des pratiques de ses dirigeants ?
Quelles sont ces affiches où vous usurpez mon image et celle de madame Michèle Rubirola pour lancer, comme si c’était infamant : « des salles de shoot avec nos impôts ». Quand bien même, madame Vassal ! « Nos impôts » servent à financer le soulagement de bien des malheurs de l’existence des autres. Si vos garçons ou vos filles enfants se droguaient, nous compatirions à votre douleur. Nous serions heureux qu’ils ne soient pas abandonnés aux abus que cet esclavage rend possible. Nous accepterions d’être solidaires pour rompre la chaine des trafics qui les maintiennent en servitude. Plutôt que de financer la réparation des églises catholiques à grand bruit, sans vous intéresser à ce qu’en pensent les autres croyants et athées, souciez vous plutôt des valeurs que prônent ces églises. Acceptez une option préférentielle pour les malheureux quelle que soit la nature de leurs souffrances. Pour ma part je suis heureux de cotiser pour les soins aux victimes du tabagisme alors que je ne fume plus depuis 18 ans.
Madame Martine Vassal, au-delà même de votre personne, il est temps pour Marseille de tourner la page. Le temps est venu de l’alternance après 25 ans sous l’autorité de votre parti. Monsieur Jean-Claude Gaudin était, dans son rôle de maire pendant une génération, un très grand arbre, et vous avez poussé à son ombre. Elle vous a protégé vous et les autres de ce camp. Mais elle vous a tous rabougris aussi.
La liste de Madame Rubirola incarne le renouveau tranquille et déterminé dont Marseille a besoin pour s’épanouir et rayonner. Je souhaite ardemment sa victoire.
Jean-Luc Mélenchon
Deputé élu à Marseille.
Les insoumis l’ont déjà dit à de nombreuses reprises : le régime a utilisé la pandémie et le confinement pour accélérer son remodelage autoritaire des institutions. Après un mois de déconfinement, la dérive se poursuit. Récemment, des seuils ont été encore franchis. D’abord, il y a cette annonce incroyable : l’exécutif va créer sa propre commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire par l’exécutif. Autrement dit, le pouvoir macroniste s’attribue le pouvoir de se contrôler lui même. Il va choisir les « experts » qui diront ce qu’il a réussit ou pas. La présence de l’opposition parlementaire n’est pas prévue. Le rêve de Macron est celui-ci : enfermer le pays dans un dialogue entre lui et les « experts » pour sortir du tableau l’alternative politique.
Cette pratique ne respecte même pas l’équilibre des pouvoirs prévu par la Constitution de la cinquième République. En effet, le texte dispose bien que c’est le Parlement qui est responsable du contrôle de l’exécutif. C’est le moindre des critères qui différencie le régime démocratique de l’autoritaire. Et de fait, les assemblées ont prévu leur commission d’enquête. Celle de l’Assemblée nationale a été installée le 3 juin. Au Sénat, Gérard Larcher a annoncé qu’elle le serait d’ici la fin du mois de juin. Là où LREM a la majorité, à l’Assemblée, leurs députés seront aussi majoritaires dans la commission d’enquête. Mais cela ne suffit pas à l’Élysée apparement. Macron ne veut pas simplement que l’opposition soit minoritaire, il veut l’effacer.
Il y a aussi cette décision du Conseil constitutionnel du 28 mai dernier sur les ordonnances. À première vue, elle est technique. Pourtant, elle représente une nouvelle rupture dans la perte progressive de tous les pouvoirs du Parlement. Le Conseil a en effet acté qu’une ordonnance non ratifiée par le Parlement pouvait quand même avoir force de loi. Pour rappel, par les ordonnances, le gouvernement dispose déjà du moyen d’écrire la loi en dehors du Parlement. Les députés et sénateurs ne votent que pour habiliter le gouvernement à écrire la loi et pour ratifier à posteriori.
Macron est très friand de cette méthode anormale pour une démocratie parlementaire. Dès le début de son quinquennat, il l’a choisie pour démanteler le code du travail. Depuis la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, il a utilisé les ordonnances 55 fois. Par ordonnance, il a augmenté le temps de travail et supprimé le repos dominical dans certains secteurs. Par ordonnance, il a permis aux employeurs de forcer la prise de congés payés et de jours de repos pendant le confinement. Par ordonnance, il a prolongé toutes les détentions provisoires sans jugement. La décision du Conseil constitutionnel ouvre la voie pour une ratification « automatique » des ordonnances. Le Parlement n’aura bientôt même plus le loisir de se prononcer sur que le gouvernement a mis dans la loi.
Ce grand recul démocratique s’incarne dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire. Dès sa création, les députés insoumis ont voté contre. Nous avons mis en garde contre la tentation de prolonger l’état d’urgence de manière excessive dans le temps pour finalement le faire rentrer dans le droit commun. C’est ce que nous avons vécu avec l’état d’urgence contre le terrorisme. Là encore, on y va tout droit. L’état d’urgence sanitaire a déjà été prolongé une première fois, jusqu’au 10 juillet. Maintenant, il prétend qu’à cette date, nous en sortirons. Mais il fait quand même voter un projet de loi qui, pour 4 mois, donne prérogative à l’exécutif pour interdire des manifestations, restreindre les rassemblements des personnes et des véhicules, ordonner la fermeture de commerces, etc. C’est une prolongation de l’état d’urgence sans le nom. Sauf que les causes sanitaires disparaissent peu à peu. Le conseil scientifique de l’exécutif dit que l’épidémie est maitrisée. Une à une, toutes les restrictions prises pour contenir l’épidémie sont levées : plus de limite de 100km aux déplacements, réouverture de tous les commerces, des transports publics, des écoles.
Pourquoi alors maintenir les principales mesures de l’état d’urgence ? Dans un entretien donné à Public Sénat, le constitutionnalisée Dominique Rousseau répond à cette question. Pour lui, « la prolongation de l’état d’urgence, alors qu’on va à l’école, alors qu’on a repris le travail, alors qu’on va dans les bars, alors qu’on vote, ne trouve de justification que dans la facilité pour le gouvernement de réprimer les manifestations, de limiter les libertés de réunion et les libertés de manifestation ». L’actualité confirme ce triste constat. Le pouvoir a voulu interdire les manifestations contre le racisme et les violences policières. Il menace maintenant d’interdire celle des soignants. En fin de compte, le « monde d’après » va commencer par une bataille pour conserver et rétablir les libertés publiques.