Le gouvernement a obtenu du Parlement la prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Quand il a été présenté la première fois, les députés insoumis se sont prononcés contre. Cet état d’urgence donnait en même temps licence au gouvernement pour prendre plus de quarante ordonnances d’un coup. Vu que nous étions « en guerre » et de ce fait avions besoin absolument d’une « union nationale », nous avions été encouragés à ne pas trop regarder leur contenu. Évidemment, nous avons fait l’inverse. Nous avons regardé de près et voté contre. Le groupe des députés insoumis a édité un livret détaillé de décryptage de ces ordonnances, accessible à tous sur le site internet de la France insoumise.
La prolongation de l’état d’urgence sanitaire prolonge le temps de brutalisation de la démocratie. Car ces ordonnances ont un contenu violemment anti-social. Elles permettent aux employeurs d’imposer la prise de congés payés ou de RTT pendant le confinement. Pour le quart des salariés qui se rend tous les jours sur son lieu de travail, confinement ou pas, ces textes permettent la semaine de 60 heures et la suppression du repos dominical.
Et ces ordonnances ont aussi confiné la démocratie dans l’entreprise. Du 23 novembre au 6 décembre 2020, des élections syndicales devaient avoir lieu dans les très petites entreprises, de moins de 11 salariés. Elles sont repoussées à l’année suivante. Ce ne sont pas de « petites » élections. Elles permettent de déterminer le poids de chaque organisation syndicale au niveau des branches, de désigner des conseillers aux prudhommes et dans les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. C’est donc la représentation de 2,5 millions de salariés qui se joue.
Le processus électoral avait d’ailleurs déjà commencé puisque le ministère du Travail invitait à déposer les candidatures à partir du 2 mars 2020. Tout a donc été annulé. On aurait compris que cela soit suspendu pendant le confinement. Mais on parle d’une élection qui doit avoir lieu en novembre qui vient. Par ailleurs, toutes les élections dans les entreprises de plus de 11 salariés pour les instances représentatives du personnel sont aussi suspendues jusqu’à 3 mois après la fin de l’état d’urgence. Qui est désormais lui-même prolongé.
Ces informations sont pratiquement passées sous les radars de la bonne société. Peut-être parce que le milieu médiatique et politique ordinaire méprise généralement l’action syndicale. Ils ont bien tort. Les milliers de femmes et d’hommes qui donnent de leur temps et de leur carrière pour représenter leurs collègues constituent l’élite salariée du pays. Leur vigilance et leur capacité à mobiliser est plus importante que jamais dans la période d’alerte sanitaire où nous allons entrer. Sinon, qui pour déclencher l’alarme quand la reprise dans certaines entreprises menacera de faire repartir l’épidémie faute de masques, de protections, de gel ? Et qui pour organiser collectivement les salariés afin qu’ils aient leur mot à dire sur les conditions de la production ?
Chacun comprend que l’ensemble de la société a intérêt à ce que des normes de prudence soient appliquées dans les entreprises à partir du 11 mai. Les insoumis proposent que sur tous les lieux de travail, des réunions de collectifs de sûreté sanitaire aient lieu pour contrôler les conditions sanitaires de production. Déconfiner la démocratie dans l’entreprise est une nécessité de la mobilisation sanitaire.