« Nous défendons une autre façon de vivre »
À peine ai-je eu le temps de poser le sac. Ma semaine a été bien chargée à l’Assemblée nationale et j’ai passé du temps à sa tribune. Une discussion générale sur le budget de l’État, une explication de vote sur la loi sur l’enseignement et la recherche puis une motion de rejet du texte de loi « sécurité globale », autant de moment vifs et prenants.
Mais huit jours avant, ce 8 novembre, le lancement de ma troisième candidature à l’élection présidentielle a été une réussite politique de l’avis des connaisseurs. Un bel environnement graphique par visuels et affiches, puis l’enchainement avec un face à face médiatique intéressant sur BFM, tout cela a formé une séquence dynamisante. Du coup, l’objectif fixé de réunir 150 000 signatures de parrainage a été atteint en quatre jours au lieu du mois et demi prévu. J’ai donc pu demander que l’on « passe la deuxième couche » en direction des trois cent mille signatures.
Nous avançons depuis au rythme de 1300 signatures par jour et nous comptons que ma rencontre sur France 3 le dimanche soit une bonne occasion de capter l’attention et de provoquer de l’adhésion. J’alimenterai ici le récit du déroulement de la campagne en utilisant le matériel qu’elle génère. Je pense aux entretiens de presse que je réalise en cours de route où l’on m’interroge sur les sujets d’actualité et sur cette campagne. Ici j’ai réalisé une fusion de deux entretiens de cette nature, réalisés la semaine suivant mon passage à TF1, l’un avec Le Huffington Post, l’autre avec le quotidien La Provence. J’en ai supprimé les réponses en doublon en gardant ce qui me paraissait le plus clair.
La Provence : Le choix du moment est assez inattendu.
Quel serait le bon moment? Beaucoup pensent qu’en période de crise la vie politique se met entre parenthèses. Nous pensons le contraire. La situation crée des dizaines de débats: les libertés publiques, les circuits courts d’alimentation, le vaccin, le manque de lits à l’hôpital. On avait du mal à porter ces thèmes auparavant. C’est au contraire le bon moment pour intéresser à notre programme et créer de l’adhésion à ses solutions.
Nous avions anticipé la deuxième vague et la difficulté de faire campagne avec des épisodes de confinement. Il nous faut du temps pour convaincre et enraciner l’idée que la rupture avec l’ordre des choses est possible et crédible. (Le HuffingtonPost)
Mais il y a raison plus profonde. Voyez les angoisses du lendemain provoqués par le confinement et la crise sanitaire, notamment dans les milieux populaires. Annoncer une candidature, c’est permettre à chacun de se projeter de nouveau sur l’avenir. (La Provence)
HuffingtonPost : Vous avez fait des consultations pendant deux mois avant de prendre votre décision de vous présenter. Qu’est-ce qui vous a convaincu?
J’ai traité cette question avec scrupule. J’en ai longuement parlé avec les responsables Insoumis. J’ai demandé au groupe parlementaire si quelqu’un d’autre voulait y aller. Personne. Tous disent qu’avec mon expérience et ma notoriété, je suis le mieux placé. Et, quoiqu’il arrive, le programme « L’Avenir en commun » est notre candidat, au-delà de la personne. On le nourrit tous ensemble avec soin depuis trois ans. Notre équipe est superbe. Prête à gouverner. (La Provence)
La Provence : les 150 000 signatures sont-elles avant tout symboliques ?
Pas seulement. Ca lance la campagne pour le droit d’investiture citoyenne. Elles existent dans 4 ou 5 pays d’Europe. C’est Lionel Jospin qui avait lancé cette idée, appuyé ensuite notamment par Roselyne Bachelot. Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs dit qu’il la mettrait en œuvre s’il était élu en 2012. Le filtre des 500 élus pour être candidat c’est un reste de la IVe République. J’ai déposé une proposition de loi en ce sens. Elle sera soumise au vote de l’Assemblée Nationale en mai. (La Provence) J’ajoute que le compteur ne va pas s’arrêter à 150.000. (HuffingtonPost)
La Provence : Pensez-vous réussir à rassembler à gauche, même si l’union n’est pas un programme comme vous dites ?
Je rappelle que je ne suis pas l’homme d’un camp mais d’un programme. J’ai pris le temps de vérifier ce que les autres voulaient faire. Les écologistes ont déjà trois candidats. Les socialistes autant. On voit s’avancer François Hollande. Il a une capacité à incarner une forme de centre-gauche et il n’a pas été un sortant battu. Aucun ne propose de renoncer, pas même entre eux ! (La Provence)
Clairement: la dispersion peut desservir. Mais la confusion encore plus. Je ne serai jamais l’homme d’une tambouille de positions contradictoires. (HuffingtonPost)
HuffingtonPost : Pourquoi ne pas avoir travaillé sur le programme avec les autres forces de gauche, avant de vous déclarer candidat?
Ce programme ne sort pas de mon chapeau. C’est le résultat d’une ample consultation des citoyens, des associations et des syndicats, déjà validée par 4 puis 7 millions de voix en 2012 et 2017. Depuis nous sommes confortés par la société. Par exemple on y retrouve 90 % des propositions de la convention citoyenne des 150 tirés au sort sur le climat. Enfin, ce programme n’est pas à prendre ou à laisser: il est remis en ligne. Nous allons en parler avec tous les partis et les rencontrer au cours des prochains mois pour en débattre. La discussion restera ouverte jusqu’à octobre 2021. (HuffingtonPost)
HuffingtonPost : C’est nouveau ça ?
Oui. Les organisations politiques et syndicales, les associations seront consultées. Sauf évidemment l’extrême droite puisque nous n’avons rien à nous dire et LREM puisque nous sommes en opposition avec eux depuis 2017. (HuffingtonPost)
HuffingtonPost : Même avec LR?
Par courtoisie, pourquoi pas! D’ailleurs je leur proposerai plutôt un débat public, car nos projets sont bien distincts. Nous irons voir tout le monde, le NPA, le PS, EELV, le PCF, etc. (HuffingtonPost)
HuffingtonPost : Dans votre programme, on a bien identifié la 6e République, mais sur le plan économique et social, quelles seraient vos trois mesures-clés?
En trois points! Bigre ! Il y a sept points dans le programme. Nos idées avancent. Parfois de façon imprévue. Voyez la reconstitution du Commissariat au plan. Nous saurons lui donner toute son ampleur le moment venu. L’annulation de la dette? Quand j’en parlais, on me traitait de gauchiste. À présent de grands noms de l’économie portent l’idée. Résumons: nous luttons contre l’inégalité pour que la richesse circule. Nous défendons une autre façon de vivre: l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. (HuffingtonPost)
La Provence : Arnaud Montebourg peut-il être un concurrent gênant ?
Je regarde les autres sans sectarisme. Mon intérêt est qu’il y ait le plus de laboureur pour mon champ.Montebourg avec un discours proche du nôtre, nous aide en ce sens qu’il ramène du monde autour de notre philosophie. La politique c’est aussi l’art de construire une ambiance dominante. (La Provence)
HuffingtonPost : La scène des perquisitions en 2018 restera par exemple. La regrettez-vous?
Cette fois-là l’abus de pouvoir venait de Macron. Je serais sidéré de voir que cinquante ans de vie politique soient jugés sur cinq minutes d’images truquées puisqu’à la fin quand je peux enfin entrer dans mon local les images montrent que je dis au juge « allez-y, faites votre travail ». Pourquoi ne s’est-on pas demandé pourquoi j’ai réagi comme ça ? J’ai fait mon devoir en protégeant notre siège. Je l’ai payé au prix fort. Un policier m’a menacé et je lui ai rappelé que « la République c’est moi » à cet instant. J’avais raison. Je suis un Méridional, mon visage parle aussi. Mais c’est bien superficiel de me juger là-dessus. (HuffingtonPost)
HuffingtonPost : Vous fustigez le monarque présidentiel, qui nous dit que vous ne serez pas de ceux-là?
On n’est jamais la garantie de rien dans la vie. Voyez, comparez: je propose une assemblée constituante pour abolir la monarchie présidentielle et un référendum pour pouvoir révoquer n’importe quel élu. Les autres ne proposent rien de tout cela. Marine Le Pen ne veut plus changer la constitution, Nicolas Dupont-Aignan la trouve géniale, Emmanuel Macron l’adore. Le PS s’y fait très bien et les Verts n’en parlent pas. Les trois candidats déclarés, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Emmanuel Macron incarnent trois variantes d’une vision autoritariste de l’État. Avec tous ceux-là, la monarchie présidentielle est garantie. (HuffingtonPost)
Dimanche, sitôt qu’il fut question de ma déclaration de candidature, dès dix heures du matin, le porte-parole du gouvernement monsieur Gabriel Attal déclara que décidément ce n’était pas « le bon moment » compte tenu du Covid et du terrorisme. Aussitôt, et sans aucune originalité, éditocrates et experts en bavardages de plateau télé répétèrent à l’envie la sentence gouvernementale. Pas un ne pensa – au moins pour se donner l’air impartial – questionner l’autorité du représentant d’un gouvernement qui fit sortir du pouvoir son ministre de la Santé pour la présenter a l’élection municipale parisienne en pleine crise du Covid. Et pas un ne s’interrogea sur le fait qu’à chaque passage média on m’a demandé, des mois durant si je comptais être candidat. C’était donc alors « le bon moment chaque fois » ? Et quand les mêmes continuent à le faire avec le général De Villier, Xavier Bertrand et combien d’autres à chaque occasion est-ce parce qu’ils jugent que c’est pour ceux-ci « le bon moment » ?
Et puis, comment des gens dont la communication est le métier peuvent-ils être aussi convenus ? Qu’est-ce que le « bon moment » en communication ? C’est évidemment celui qui fait parler. De ce point de vue ce fut une réussite pour moi. Et le bon moment c’est aussi celui qui permet d’atteindre ses objectifs. Ce fut mieux qu’une réussite de ce point de vue aussi puisque nous avons atteint en quatre jours le nombre de signataires attendus au bout de deux mois.
Dans cette réussite il est temps de reconnaitre la part qui reviens au renfort que m’a apporté monsieur Gabriel Attal et les perroquets médiatiques. Rien n’était mieux à même pour stimuler nos amis que cette hargne pleine de mauvaise foi de nos adversaires. Sans oublier la séquence où les mêmes ont répété partout et sur tous les tons que 150000 signatures ce serait « facile » pour quelqu’un qui a recueilli sept millions de voix. Car c’était la meilleure manière de remettre en scène ma légitimité à être candidat sans que j’ai besoin de passer pour un vantard rappelant son score.
Il est donc temps de l’avouer : nous étions certains que nos adversaires feraient tout cela et quelque autre chose que nous avions listé et qui se sont également produites comme prévu. Nous sommes donc ravis. C’était décidément « le bon moment ». Et ce n’est pas fini. Car lorsque ces messieurs dames ont par ailleurs mis en route leur grossière charge contre le droit à la retraite et pour l’impunité policière, chaque personne de bonne foi qui suit les affaires politiques a pu se convaincre de la mauvaise foi de mes détracteurs quant au « bon moment » pour faire de la politique. Mais en doutaient-ils ? En tous cas merci à mes honorables adversaires et rendez-vous sur le tatami pour la prochaine rencontre de judo politique. Sitôt que nous jugerons « le bon moment » revenu.
Vous avez été nombreux à apprécier ma participation à l’émission politique de BFM. Moi aussi j’ai été assez satisfait du moment passé là. Certes, il était sans concession et parfois même un tantinet âpre. Mais il a fonctionné sans traquenard, ce qui change tout et notamment l’ambiance en plateau. Je ne commente donc pas davantage. Qui le veut peut le retrouver en ligne. En visite cumulées il a été vu par 4,7 millions de personnes, 390 000 restants présents en permanence le temps des deux heures d’émission. Ce succès d’audimat montre qu’il y a un public pour les soirées politiques sans tentative de mise à mort du taureau politique.
Cette sorte d’anti-France 2 a quand même eu ses limites, d’ailleurs incompréhensibles, avec la participation d’un pseudo « petit patron » apolitique qui est en réalité un cacique du Medef lié à la bande à Macron en ligne directe. En l’écoutant réciter les mantras habituels j’ai fait le pari de ne tenir aucun compte de ce qu’il avait dit. J’ai eu le « nez creux » comme on dit. Du reste sur le plateau les journalistes non plus ne s’y intéressèrent pas. Je crois que c’est une forme de respect pour leur éthique professionnelle de ne pas participer à une usurpation d’identité de cette sorte.
Ce qui me parait important dans la façon de procéder de cette émission est la confrontation à des journalistes spécialistes du domaine traité dans l’entretien. On touche alors à la réalité de la structure politique de notre temps où les journalistes sont des protagonistes directs du débats public, souvent plus connus que les personnalités politiques qu’ils interrogent. Dès lors, l’exigence intellectuelle s’affiche sans que les journalistes se sentent obligés de se comporter comme des militants politiques. Ils vous cuisinent sans hargne mais méthodiquement. On ne peut pas s’en plaindre. On répond aussi bien qu’on peut et le téléspectateur reste le juge final. Cette exigence est l’enjeu de la politique à mes yeux. Et c’est en même temps la condamnation du système pitoyable de l’information spectacle dont l’info de divertissement est ailleurs la forme aboutie.
J’en suis la preuve si l’on se réfère à ce que France 2 avait tenté de m’infliger un mois auparavant. Peut-être vous souvenez vous de cette « Émission politique » à laquelle je devais participer à Marseille. Tout ce qui avait été prévu et négocié des jours durant auparavant ayant changé en dernière minute j’avais du décider de renoncer à ma participation. Bien sûr à 20h30 encore, l’organisateur du traquenard, sûr de lui et arrogant, étalait sa morgue à mon sujet « vous verrez, il a encore le temps de changer d’avis ». Stupeur quand il lui fallut bien constater que je ne viendrai pas. Installé dans un restau formidable du Vieux Port je fignolais la fin du script d’une vidéo pour TikTok « c’est Marseille bébé !». J’avais prévu en effet un tournage de nuit pour forcer l’effet sans recopier purement et simplement la scène des rappeurs marseillais que je parodiais. Sur le plateau de France 2 les présentateurs inventèrent que je refusais de venir car j’aurais exigé le départ d’olivier Véran qui s’y trouvait. La rédaction très sentencieuse déclara alors, à l’antenne, vouloir « garder le contrôle éditorial de l’émission ».
En fait la vérité est qu’il était prévu initialement que je sois l’invité de la soirée, que j’ouvrirai l’émission en réponse au discours de macron la veille. Je ne devais pas être en plateau avec Véran pour éviter le choc et la confiscation de parole des Marseillais invités à s’exprimer ce soir-là face au ministre. Pour finir rien ne se passait plus comme prévu. La « maîtrise éditoriale » ayant cédé à je ne sais quelle injonction je n’étais plus l’invité principal, je n’ouvrai plus l’émission pour répondre à Macron et je me retrouvais en face du ministre Véran pour le clash espéré par la rédaction politique en perdition. On connait le résultat : le pire audimat de cette émission avec à peine un million de téléspectateurs. De mon côté je savourais qu’au même moment ma vidéo Tiktok fit plus de deux millions de vues entre cette nuit là et le lendemain soir.
J’en étais resté là. Ni fleurs ni couronne et pas de polémique après avoir donné ma version des faits sur Facebook. Je suis bien décidé à en revenir à mon choix antérieur de me tenir à distance de ce genre de traquenard. J’ai eu tort de croire l’émissaire de France 2 venu dans mon bureau à l’Assemblée Nationale me proposer la fourbe « réconciliation » que je viens de décrire. J’optais pour l’émission politique de BFM puisque j’avais appelé de mes vœux que le secteur privé prenne l’initiative d’une séance dans la tradition des belles émissions, un peu solennelle, qui jalonnaient hier la vie du pays dans ce domaine.
Mais quelque temps plus tard, à l’occasion d’une interview dans Libération, une autre victime des coups tordus de France 2 prenait la parole pour révéler les mauvais traitements dont elle a fait l’objet ce même soir. C’est Michelle Rubirola, la maire de Marseille. Elle a raconté quel traquenard a été sa participation à cette même émission. Comme il est probable que beaucoup d’entre vous qui me lisez a présent n’avez pas vu ce récit, je me fais un devoir de le porter à votre connaissance. Ainsi pourrez-vous juger après coup, mais pour la suite de l’histoire de cette émission, ce que sont les méthodes politiques de ces gens qui veulent nuire à toute opposition au gouvernement. Mais surtout on découvre aussi l’incroyable amateurisme et manque de professionnalisme dans le travail sur lequel débouche l’arrogance et le mépris des autres. Depuis la publication de ce récit, la rédaction politique de France 2 n’a pas démenti. Voici donc le récit de Michele Rubirola.
« J’avais la rage, mais je l’ai gardé pour moi. Le gars de la technique, il me dit : “Vous avez vos écouteurs ?” Pourquoi j’aurais des écouteurs ? Il me répond : “Pour l’émission, il faut des écouteurs.” Je n’en ai pas, lui non plus. (…) Donc une collègue est partie chercher ses écouteurs J’aurais dû me mettre en colère sur les conditions de réalisation de l’émission. J’étais seule, là, avec une table minable, pas d’éclairage, pas de maquillage. Je n’ai pas de trousse de maquillage, c’est un défaut, voilà, j’ai jamais réussi en quarante ans de travail à avoir eu une trousse de maquillage sur moi »
« Qu’on le sache bien, je n’ai pas lu de notes. J’ai dit : “Où est-ce que je regarde ?” On m’a dit vous regardez là, l’écran de l’iPad, mais ce n’étaient pas des notes. Je pense que j’avais le regard trop baissé. Mais je ne me suis pas vue, je n’avais pas de retour. Il faut savoir tout ça ! Après, avec les écouteurs, je m’entendais en décalé. J’étais complètement perdue quand on me posait des questions, j’essayais de me concentrer en m’entendant encore parler. À tel point qu’on m’a dit après : “Tu aurais dû arracher les écouteurs, ce n’était pas possible de continuer comme ça.”»
« Un coup on m’a dit que je devais faire une vidéo, après on m’a dit c’est le plateau, après on m’a dit : “Non, parce qu’entre Véran et toi, ça ‘fighte’ tout le temps.” Finalement, c’est un duplex qui est décidé, dont l’installation technique a duré tout l’après-midi ! Benoît n’était pas là, il était en vacances. S’il avait vu, il m’aurait sans doute dit : “Tu es folle d’accepter ça !” Mais j’étais toute seule. » Telle est la rédaction de la chaine gouvernementale et soi-disant service public.
L’histoire du syndicat bidon de lycéens créé sous la houlette du ministre Jean-Michel Blanquer est une bonne illustration de ce qu’est ce personnage d’abord tellement surcôté. On connait bien Jean Michel Blanquer et depuis longtemps. À son arrivée rue de Grenelle, il était déjà lesté d’un lourd bilan. « Dgesco » de 2009 à 2012, c’est à dire numéro 2 du ministère de l’Éducation nationale, il avait personnellement piloté la suppression de 60 000 postes d’enseignants décidée par Nicolas Sarkozy.
Une saignée dont l’Éducation nationale ne s’est pas remise. Blanquer était allé jusqu’à supprimer de la formation des enseignants. Comme si le métier n’existait pas. Comme si l’on pouvait s’improviser enseignant, c’est-à-dire pas seulement sachant d’excellence mais passeur de savoir. Résultat de cette décision absurde et brutale : une grave crise de recrutement, depuis lors jamais résorbée.
M. Blanquer n’a jamais défendu le service public d’éducation. Il est avant tout l’homme des intérêts du privé. Ancien directeur de l’Essec, business school aux frais de scolarisation moyens de 13 500 euros, il oeuvre ainsi depuis des années en faveur du séparatisme scolaire. En 2019, sa loi pour une « école de la confiance » a représenté un jackpot financier pour l’enseignement privé. Plusieurs dizaines de millions d’euros d’argent public supplémentaire aux maternelles privées en contrepartie de l’allongement de l’obligation scolaire à 3 ans. Dans le même temps, le ministre a porté un coup sévère au caractère républicain, garant de l’égalité de traitement de tous les élèves, de l’École. Sa contre-réforme du lycée a introduit un enseignement à géométrie variable et mis fin au caractère national du baccalauréat. Sa valeur dépend désormais de la réputation du lycée dans lequel il est passé. Une logique de mise en concurrence prélude à la marchandisation de l’École.
Car pour Jean-Michel Blanquer, le modèle c’est le privé. Dans une vidéo diffusée en 2016, il s’enthousiasme pour les écoles « Espérance banlieues ». « Ce que fait Espérance banlieues aujourd’hui correspond aux types d’initiatives que nous devons prendre » déclare-t-il lors de l’introduction du colloque de ce réseau d’écoles privées hors contrat.
Cet engagement en faveur des intérêts privés à l’Ecole doit-il aux nombreuses proximités que Jean Michel Blanquer entretient avec les entreprises du CAC 40 ? Membre du comité directeur de l’association Agir pour l’école il a ainsi participé à la mise en place de programmes d’apprentissage à la lecture financés par Dassault, Bettencourt et Axa. Blanquer a également travaillé à la rédaction de plusieurs rapports de l’Institut Montaigne, think-tank financé par la BNP Paribas, Carrefour, Sanofi, Total, Uber ou Google… Christophe Kerrero, son directeur de cabinet de 2017 à 2020 est quand à lui membre du conseil scientifique de l’IFRAP, officine néolibérale bien connue pour sa propagande hostile au service public. Deux ennemis de l’école publique à la tête du ministère de l’Éducation nationale.
Le tartuffe aime à se présenter comme un laïque. Mais je n’ai pas oublié son engouement en faveur de ce réseau « Espérances banlieues ». Proche du milieu catholique traditionaliste il fut abrité, à sa création, par la Fondation pour l’Ecole dirigée par Anne Coffinier. Le journal Le Monde la décrit comme l’« égérie de la Manif pour tous ». Je n’ai pas oublié non plus sa complaisance envers un réseau intégriste cherchant à ouvrir en 2007, dans la banlieue lyonnaise, une école privée hors contrat. Directeur de cabinet adjoint du ministre de l’éducation, Jean Michel Blanquer intervient alors directement pour pousser à son ouverture. Il ira jusqu’à faire pression sur le Recteur Alain Morvan, opposé à ce projet susceptible de menacer la sécurité des futurs élèves. Il s’avérera quelques années plus tard que le fondateur de cette école privée hors contrat était en lien avec Al-Qaïda en Syrie.
Aussi fut-il stupéfiant d’entendre Jean Michel Blanquer, l’agent des intérêts privés, le lobbyiste de l’extrême droite catholique, éructer ses accusations en « islamo-gauchisme » contre les insoumis et l’université française, coupables de ne pas penser comme lui.
S’il reçu alors le soutien de Marion Maréchal, laquelle releva dans ses déclarations une « reprise de ses analyses », dans la surenchère du ministre contre la liberté de l’université. Aux questions précises posées par Alexis Corbière à l’Assemblée nationale et laissées sans réponses, j’ajoute ces deux interrogations.
Première question. Qu’en est-il de la réalité de l’épidémie de la Covid dans l’Éducation nationale ? Le journal Libération nous révèle comment Blanquer fabrique ses propres chiffres pour amoindrir la mesure de sa diffusion. Exemple : début novembre, le ministre annonce 3 528 cas de contaminations de la maternelle au lycée en quatre jours. Au même moment Santé publique France en recense 25 196 chez les jeunes de 0 à 19 ans en trois jours. Un gouffre inexplicable.
Pour démentir les données scientifiques officielles, Blanquer a manifestement contraint la haute administration de l’éducation nationale à participer à son opération de falsification de grande ampleur. En Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie les chiffres de contaminations des rectorats sont 11 fois inférieurs à ceux de Santé publique France. 12 fois en Île-de-France. 19 fois en Bourgogne-France-Comté. 24 fois en Auvergne-Rhône-Alpes. Et ainsi de suite !
Ce trucage monumental est destiné à tromper les familles, les élèves et les personnels de l’éducation nationale. L’inquiétude grandissante née de l’allègement du protocole sanitaire décidé le 21 septembre dernier. En dépit de l’accélération de la diffusion du virus, il faut en effet désormais trois cas positif dans une classe pour conduire à sa fermeture. Auparavant un seul suffisait.
Nous ignorons donc tout de la réalité de la situation sanitaire dans l’Éducation nationale. Très grave problème. Nous parlons de la santé de douze millions d’élèves, de celle du million de personnels. Nous parlons de la sécurité sanitaire du pays, impossible à rétablir sans information fiable, indispensable à une lutte efficace contre la propagation du virus.
Seconde question. Blanquer a-t-il utilisé de l’argent public pour favoriser une organisation lycéenne proche de la majorité ?
Le syndicat lycéen UNL vient de déposer une plainte contre le ministère de l’Éducation nationale pour « inégalité de traitement ». La baisse considérable des subventions nécessaire à son activité a manifestement profité à une autre organisation, « Avenir Lycéen », créée et dirigée par des adhérents des « Jeunes avec Macron ».
« Avenir Lycéen » a en effet reçu en 2019 la somme de 40 000 euros, officiellement accordés pour financer l’organisation d’un congrès. Celui-ci ne s’est jamais tenu. A la place, l’argent aurait permis à certains de ces « Jeunes avec Macron » de payer des factures d’hôtels et de restaurants de luxe.
« Avenir Lycéen » est étroitement lié au gouvernement. Le délégué national à la vie lycéenne, fondateur en 2016 du groupe « Les profs en marche » et nommé à son poste par Blanquer en 2018, en relaie les contenus sur les réseaux sociaux. La pseudo organisation lycéenne diffuse quant à elle la propagande de Blanquer sur les siens. Bien des signes nous laissent penser que l’intrication entre cette toute jeune organisation lycéenne et LREM est plus consubstantielle encore.
En attendant, faut-il donc voir dans ce traitement de faveur, sonnant et trébuchant, une contrepartie à l’appui d’ « Avenir lycéen » à la politique de Jean Michel Blanquer ? Pendant ce temps, le syndicat UNL a lui tout pour déplaire au ministre. Il s’oppose à sa politique. Pour ce crime de lèse-majesté il a ainsi vu sa subvention divisée par 4 en deux ans. Blanquer est un ennemi juré de l’école publique, de l’université libre et des lycéens indépendants. Il prend sa place au Panthéon des ministres les plus detesté de la macronie après Beloubet et Castaner.
On peut dire que la cause de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles a eu chaud ce lundi là. En effet ce 9 novembre, Danielle Simonet, la conseillère de Paris insoumise a gagné le procès en diffamation que lui intentait Thomas Guénolé. Peut-être vous souvenez vous de ce personnage ? Il avait rejoint le mouvement Insoumis après l’élection présidentielle de 2017 en cachant son identité d’ancien salarié d’un parti de droite. Auto-proclamé responsable de la formation des Insoumis, il fut admis en bonne place sur la liste des élections européennes de 2019 par le comité électoral (tiré au sort). Mais elle n’était pas assez bonne à son goût sans doute. Le 18 avril 2019, il quittait campagne et mouvement avec fracas. Son prétexte : j’aurais, moi, imaginé un complot et un fomenté un procès (« stalinien », cela va de soi,) contre lui. La veille encore, il m’adressait pourtant des textos assez gênant de servilité. Que se passait-il ? Je n’en savais rien. On m’informa.
Une étudiante avait contacté une instance interne de la France insoumise à son sujet. Cette instance, c’est le « comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles ». Son but est de recueillir la parole des femmes qui s’estiment victimes de ces violences dans le cadre de notre mouvement. Une instance composée dans la foulée de l’impact du mouvement me too. Danielle Simonet en est responsable. La jeune fille en question, étudiante de Thomas Guénolé à Sciences Po, estimait qu’il avait eu un comportement « inapproprié » envers elle. Le comité de suivi avait recueilli son témoignage et demandé à Thomas Guénolé de donner sa version des faits. Tout cela se déroulait comme prévu par nos textes internes dans un stricte confidentialité. De tout cela je ne savais rien puisque précisément la règle voulait que le recueil de parole ne vaille pas procès et encore moins sentence. Personnellement, je ne l’ai appris qu’au moment où M. Guénolé a rendu public toute l’affaire en nous quittant avec fracas. Comme d’autres avant et après lui, le prétexte tout trouvé de me mettre en cause comme organisateur de « procès » lui assurait non seulement de la publicité mais une bienveillance médiatique instantanée.
Depuis, il a perdu un procès contre la France insoumise – pour lequel il a fait appel. Mais il avait aussi déclenché un autre contre Danielle Simonet en déposant contre elle une plainte. Cependant il avait attendu un an pour le faire en février 2020. Il l’accusait de diffamation pour avoir entendu cette étudiante dans le cadre d’une instance interne et pour avoir noté son témoignage. Elle ne l’avait pourtant ni diffusé, ni ne s’en était servi contre lui d’aucune manière puisque le départ de Guenolé hors de la Fi avait coupé court à la procédure interne. Étrange plainte. Thomas Guénolé aurait donc voulu que Danielle Simonet refuse d’entendre le témoignage de cette étudiante alors même qu’elle dirigeait une instance dont c’était le rôle ? Mais ce procès avait surtout un enjeu qui dépassait de très loin les mésaventures d’une organisation confrontée à un départ conflictuel et acrimonieux.
En effet, si le tribunal avait donné raison à M. Guénolé, les conséquences auraient été terribles pour les femmes victimes de harcèlement ou de violences. Concrètement, cela aurait été la fin des cellules d’écoute concernant les violences sexistes et sexuelles dans toutes les organisations. Il aurait suffi de dénoncer leur existence pour obtenir des condamnations. Pourtant ce sont ce type d’instances, acquis récents du mouvement féministe, qui ont brisé le mur du silence autour de ces violences. D’ailleurs, le 14 septembre 2020, plusieurs responsables politiques féminines, conscientes du risque disproportionné que cette plainte incluait, avaient publié une tribune de soutien à Danielle Simonet. Sa victoire judiciaire est donc un soulagement immense pour la suite de la défense de la cause des femmes.
Doit de réponse de Thomas Guénolé (version numéro 7 du 10 février 2021)
Vous écrivez que Danielle Simonnet aurait « gagné le procès en diffamation que lui intentait Thomas Guénolé ».
J’ai porté plainte, après que Mme Simonnet a rédigé un rapport interne à LFI affirmant que j’aurais commis des faits qui « peuvent être caractérisés (…) d’harcèlement sexuel ». Or, lors de son procès, Mme Simonnet a présenté son offre de preuves : le tribunal l’a rejetée. Le tribunal a également constaté que « les faits constituent la contravention de diffamation non publique ».
Je rappelle que je suis innocent de tout délit et que je n’ai fait l’objet d’aucune plainte ni enquête, ni de police ni de justice.
Le tribunal a cependant estimé que Mme Simonnet était de bonne foi. J’ai interjeté appel du jugement, n’étant pas d’accord avec le tribunal sur ce point.
Vous écrivez que j’aurais rejoint La France Insoumise « en cachant [mon] identité d’ancien salarié d’un parti de droite ».
Je n’ai jamais été salarié d’un parti de droite, ni d’aucun parti. J’ai été prestataire de conseil pour des partis et personnalités de tous bords sauf l’extrême droite. Cette information est publique depuis plusieurs années : je ne l’ai jamais cachée.
Vous écrivez que j’aurais été « auto-proclamé responsable de la formation des Insoumis ».
Je le devins sur proposition de Charlotte Girard, co-responsable du programme de La France insoumise à l’époque.
Vous écrivez que le « comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles » a simplement « recueilli » le « témoignage » d’une de mes anciennes étudiantes et m’a ensuite « demandé » de « donner [ma] version des faits ».
Mme Simonnet ne s’est pas contentée de recueillir la parole d’une étudiante. Dans son rapport, elle a écrit que les prétendus faits « peuvent être caractérisés par le pôle d’harcèlement sexuel », un délit passible de prison. Elle a également préconisé dans ce rapport que La France insoumise me sanctionne et publie le motif sur son site Internet. Je rappelle que je suis innocent.