Le lundi 30 novembre, j’ai accepté un entretien de presse avec le journal L’Opinion sur des questions de défense et de politique internationale. J’y ai répondu aux questions du journaliste qui m’interrogeait. L’entretien aborde ma position sur la dissuasion nucléaire, sur la nécessité de sortir de l’OTAN pour rendre la France indépendante ou encore à propos de la militarisation de l’espace extra-terrestre. À vrai dire, l’entretien fonctionnait comme une revue de positions sur l’international. Du coup je n’ai pas eu l’occasion de développer mon programme sur d’autres sujets capitaux dans ma conception de la souveraineté militaire comme la cyber-défense ou le rôle de notre pays sur les mers. J’y reviendrai en détail plus tard dans la campagne à moins que je sois interrogé avant quelque part. En toute hypothèse une seule proposition a surtout retenu l’attention : la conscription citoyenne. Il me faut y revenir. En partie pour dissiper les malentendus mais surtout pour bien faire comprendre le fond.
Il y a eu des imprécisions dans la manière dont certains commentateurs et titres de presse la presse ont relayé mon propos. Si le terme de « service militaire » est bien présent dans la question du journaliste, ces mots sont en revanche totalement absents de ma réponse. J’ai même précisé qu’à mes yeux, « il n’y a pas de besoin militaire aujourd’hui qui nécessite la mobilisation permanente de 700 000 jeunes ». Ni un tweet de correction ni des coups de téléphone n’y ont rien changé. Certains s’en sont tenus à « service militaire ». Je ne crois pas que ce soit toujours de la malveillance politique. Je crois plutôt a une expression de cette sorte de laisser-aller que l’on constate partout dans les médias avec manque de professionnalisme et fainéantise à rectifier.
En fait, j’ai défendu la proposition d’un service citoyen telle qu’elle a été présenté dans L’Avenir en Commun. J’y reviens donc.
Il s’agit de proposer aux jeunes un service au service de tâches d’utilité publique. Il ne s’agit donc pas nécessairement de tâches militaires. Mais il peut l’être pour ceux qui auront choisi cette manière de l’effectuer ou si les besoins de l’armée le rendent nécessaire. Pour le reste, il s’agira de tâches civiles comme la sécurité civile, la protection et la réparation de l’environnement, l’appui à des associations labellisées d’intérêt général ou l’appui aux population en cas de crise sanitaire ou environnementale.
Dans mon esprit, le but n’est pas de forcer quoi que ce soit, de punir ou de dresser. C’est pourquoi j’envisage un système de type « volontaire inversé ». Tout le monde y va, sauf ceux qui expriment explicitement leur refus motivé. Évidemment, ceux qui y vont bénéficient de points dans les concours de recrutement de la fonction publique. Il pourra aussi servir à valider des stages obligatoires dans le cadre des études. Le service citoyen s’inscrit donc pleinement dans un parcours de formation.
Nous prévoyons par ailleurs que cette durée de 9 mois au service de la société soit effectué entre 18 et 25 ans. Nous avons choisi cette plage large pour permettre à chaque jeune d’effectuer son service au moment le plus pratique dans sa vie. Le but n’est évidemment pas d’obliger les jeunes gens à se retirer de leurs études ou de leur premier emploi à n’importe quel moment.
Chaque jeune adulte pourra prévoir, à ses 18 ans, l’année où il sera en service citoyen. Il n’est pas question non plus de donner une paye de misère en échange de ce temps donné. C’est le cas aujourd’hui avec le service civique facultatif. Les engagés, le plus souvent auprès d’association, reçoivent une indemnité comprise entre 580 et 688 euros. Soit très en dessous du seuil de pauvreté. Pour moi, les jeunes ne sont pas de la main d’oeuvre bon marché. Le service citoyen tel que je l’imagine implique de vrais travaux. Il doit donc être échangé contre un vrai salaire, c’est-à-dire le SMIC.
Mais ce n’est pas tout. Il ouvrira la possibilité pour ceux qui le souhaitent de passer gratuitement une partie ou tout du permis de conduire. Et un temps de vérification sanitaire et d’alphabétisation.
Mais bien sûr, tout cela n’est pas suffisant pour justifier de la création d’un service citoyen pour 700 000 jeunes chaque année. Ce qui est important, c’est que la patrie en a besoin. Ce n’est plus pour faire face à une menace militaire imminente comme ce fut le cas par le passé. Même si à l’évidence le contingent sera formé aux tâches de « défense passive » et pour une part aux tâches militarisables. Le fond cependant c’est le défi de notre siècle : le changement climatique. Nous savons d’ores et déjà qu’il va emporter des conséquences climatiques qui vont profondément perturber notre société. C’est déjà le cas.
Voyez les pluies diluviennes qui s’abattent régulièrement dans le sud du pays. C’est le résultat direct du réchauffement et donc de l’évaporation accélérée en Méditerranée. À chaque fois que cela se produit, il faut mettre les gens à l’abri, acheminer des vivres, rétablir le courant, réparer et nettoyer les bâtiments dévastés par les eaux. Dans chaque préfecture, il existe déjà un bureau de la sécurité civile. Il est chargé de coordonner les services publics concernés (pompiers, Samu, etc.) et le lien avec les associations comme la Croix Rouge tant pour la planification que la gestion de crise. Nous avons donc déjà l’armature dans l’État pour accueillir une partie des conscrits citoyens.
Dans L’Opinion, je propose aussi qu’une partie des conscrits aient la possibilité de servir dans la police. Cette possibilité existait à la fin du service militaire obligatoire. Un loi de 1987 l’avait créée : on appelait ça les policiers auxiliaires. Je le vois comme une possibilité de régler de manière positive les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. La conscription permettra de mettre du sang neuf dans les rangs de la police et d’éviter les effets de vase clos, d’omerta face au racisme et à la violence et de corporatisme qui gangrenent aujourd’hui ce corps. Les jeunes gens qui auront choisi cette voie pour leur service effectueront des tâches de lien avec la population. Il en résultera une amélioration de l’image de la police d’une part, et du temps pour les policiers professionnels pour se consacrer au travail de police judiciaire d’enquête et de démantèlement des réseaux criminels d’autre part.
J’ai pris ces deux exemples pour montrer l’intérêt du service citoyen à mes yeux. Il ne s’agit pas de discipliner la jeunesse et de lui apprendre l’autorité selon le fantasme réactionnaire. Les jeunes Français dont nous parlons sont des adultes. Ils n’ont nul besoin qu’on leur dise comment se comporter ou mener leur vie. L’essentiel est de répondre aux besoins du pays comme maintenir une réponse collective solide face aux conséquences du changement climatique ou renouveler en profondeur notre police. La mobilisation de la jeunesse du peuple est un moyen pour atteindre nos objectifs.