Cette interview a été publiée dans Sud Ouest le 22 janvier 2021 – Propos recueillis par Baptiste Becquart / AFP
Vous avez dit vos doutes sur le vaccin de Pfizer/BioNTech, est-ce à dire que vous n’attendez pas de sortie de crise avant l’arrivée des vaccins traditionnels ?
Jean-Luc Mélenchon. On ne sortira pas de la succession des pandémies avant des mois, peut-être des années. Le virus va muter plusieurs fois, on va devoir vivre avec les virus. Je critique le vaccin Pfizer non seulement parce qu’il repose sur une technologie absolument nouvelle dont personne ne connaît les conséquences à long terme mais aussi parce qu’il n’est pas possible de le produire en masse.
Vous estimez-vous pénalisé par une potentielle campagne sous bulle sanitaire, vous qui aimez convoquer des grands rassemblements, ou comptez-vous sur le numérique ?
Oui, il faut déployer un arsenal technologique dont on n’avait pas besoin auparavant. Mais l’espace des réseaux sociaux est loin de représenter toute la réalité. Nous avons besoin de la magie du rassemblement de masse ! Elle joue pour nous un rôle très important : permettre aux nôtres de constater tout d’un coup qu’ils sont bien plus nombreux qu’ils ne le pensaient, faire reculer la résignation qui est notre premier ennemi avec l’abstention.
Comment atteindre le second tour dans le contexte de trois candidatures à gauche ?
Quand j’ai été sûr qu’il y aurait deux candidats Vert et socialiste, j’ai compris qu’il n’y avait rien à espérer des appels à l’unité. Aujourd’hui, l’union c’est la confusion. De quel prix paierait-on de renoncer à tout pour m’entendre avec les autres ? Si on ne parle pas d’Europe, de planification, de VIe république, de défense nationale, on ne parle de rien. Les gens diront: « Méfions-nous : ils nous cachent ce qu’ils feront ». Supposez que je parvienne de nouveau à me regrouper avec les communistes, que des personnalités et des groupes décident de faire campagne avec nous: je peux réussir à faire l’union dans la clarté. Ma ligne c’est de construire une dynamique d’adhésion populaire à notre programme. C’est difficile. On peut douter. Mais on ne peut renoncer.
Quel équilibre comptez-vous trouver entre capitaliser sur le personnage politique que vous avez construit et la nécessité, après deux précédentes candidatures, d’apporter de la nouveauté ?
Il y a une grande différence avec mes deux autres candidatures, j’arrive cette fois-ci avec 23 parlementaires. Moi dont on avait dit que j’étais tout seul, je me retrouve à avoir l’équipe la plus connue et la plus nombreuse, garçons et filles, un ou deux dans chaque tranche de génération. Vous allez les voir s’affirmer pendant la campagne, la tête rousse de mon camarade Quatennens, les yeux bleus revolver de ma camarade Panot, la mine paisible de Younous Omarjee… Et le programme !
Nous pourrions gouverner demain matin. Jamais je ne me suis senti si prêt à gouverner que maintenant. Je sais qui pourrait faire quoi, aussi bien dans mes rangs que dans les rangs communistes, et aussi dans la galaxie de la désintégration du PS. C’est pour ça que je me sens fort. D’autant qu’il y a une radicalité du questionnement des gens. Elle oblige à des réponses non pas toujours plus radicales, mais toujours plus claires. Et la clarté n’est pas l’exercice favori d’un certain nombre de mes concurrents.
Et puis faire campagne est un art. Je me fais confiance pour l’art d’aller pondre des œufs dans le nid des autres, et pour créer moi-même les événements. Notre époque permet des choses fascinantes. Avez- vous vu mon meeting en réalité augmentée?
N’était-ce pas du gadget ?
Mais c’est toujours du gadget! L’hologramme, c’est un gadget du niveau de la lanterne magique…
Vous allez le refaire ?
Évidemment, l’hologramme c’est moi! La République aussi… Ils pensaient se moquer, ils m’ont donné un slogan. D’accord j’ai enduré et souffert. Mais quelle erreur ils ont faite!
Avec le recul « La République c’est moi », c’est un bon slogan ?
Sur le moment ce n’était pas un slogan mais un cri de colère. Mais finalement s’il faut m’identifier à quelque chose et que c’est à la République, que puis-je demander de plus: ma vie est faite. Je n’ai pas honte d’avoir dit ça, je me reproche une erreur tactique: m’être cru fort au moment où j’étais faible. La bêtise c’est de n’avoir pas vu la caméra. Quarante secondes m’ont bien amoché ! Mais dans la vie on fait avec ce qu’on a. Alors on en a fait des T-shirt, des sacs « La République c’est moi ».
Vous tentez d’en faire une force ?
Oui, un peu d’humour, on est en France ! Nous sommes un peuple moqueur. Et l’auto-dérision est une bonne médecine.