Le mois de février 2021 a vu l’arrivée de trois missions spatiales à destination de mars : Tianwen-1 (Chine) ; Al-Amal (Émirats arabes unis) ; Perseverance (États-Unis). Evidemment ce fut Perseverance le clou du spectacle pour les masses populaires sous domination de l’Empire US. Ces trois missions avaient été lancées au cours du mois de juillet 2020. C’était en effet cette fenêtre de tir qui se produit une fois tous les vingt-six mois, quand la Terre et Mars s’alignent favorablement. Jusqu’à présent seuls les États-Unis, l’Europe, l’Inde et la Russie/ex-URSS étaient parvenus à placer un appareil en orbite martienne. La Chine et les Émirats arabes unis viennent donc de les rejoindre.
Cependant la vraie novation c’est la mission chinoise. Elle marque une étape décisive dans l’histoire spatiale. Ce n’est pas le cas de la mission émiratie. En réalité la mission chinoise est beaucoup moins dépendante de technologies étrangères. Et si la pose sur Mars se passe sans encombre, alors la Chine rejoindra les États-Unis dans le club des pays ayant été capables de maintenir le contact avec un objet artificiel sur Mars. Ainsi s’impose le fait chinois dans le domaine spatial après les formidables réussites de la mission sur la face cachée de la lune et la mission de leur station spatiale permanente en orbite terrestre.
La Chine ne sera pas seulement la première puissance mondiale en termes de production et d’échanges, mais elle fait la course en tête de l’humanité dans tous les domaines du futur de notre espèce. Bien évidemment il ne faut pas le crier trop fort compte tenu du nombre et de la nervosité des chiens de garde de l’empire dès qu’il s’agit de la suprématie des cow-boys du monde « libre ». Et puis parce que le dire s’est s’exposer aux simplifications des répondeurs automatiques. Ceux qui se croyaient intelligents en ricanant sur le vaccin russe ou cubain en grelottant d’amour pour les trouvailles gelées de Pfizer. Mais pour les gens qui s’intéressent vraiment à l’espace et aux sciences, la situation commande le réalisme. La volonté de domination des USA rend service car elle oblige tout le monde a suivre l’élan. Après la chute de l’URSS qui avait réalisé tous les exploits initiaux de la conquête de l’espace, les USA avaient cessé de travailler sérieusement dans l’espace. Station internationale en ruine, navettes en rade, tout allait de travers. L’arrivée silencieuse mais efficace des Chinois a réveillé les morts d’hier.
Evidemment pour la France c’est à nouveau la honte. Notre pays fournit une partie non négligeable des matériels embarqués par les uns et les autres. Mais la dernière mission française a été tirée en 1993 sous Mitterrand. C’était la navette Rosetta. Depuis, Hollande et Macron ont autant d’ambition spatiale qu’un panier de bigorneaux. Nous croupissons. Il se trouvera toujours du monde pour trouver aimable cette inertie et dénoncer les dépenses occasionnées par ce type d’aventure humaine. Ce ne sera jamais mon cas. Si vous voulez faire des économies ou des transferts de dépenses, allez chercher dans la caisse des guerres. Dois-je rappeler qu’un seul jour de guerre en Afghanistan suffirait à assurer la scolarisation de tous les enfants de ce pays ? Et chaque jour de présence militaire au Mali coûte cent millions d’euros.
En mettant l’espace au programme l’Avenir en commun en 2017. Je disais ma confiance dans le fait que l’humanité se constitue comme telle dans des projets communs pacifiques. Aller sur mars et la terraformer est un objectif totalement typique de la déraison humaine dans ce qu’elle a de plus positif. Prométhéen. C’est pour cela qu’il faut continuer. Si nous dirigions la France nous mettrions en route une nouvelle mission interplanétaire, nous ouvririons l’université des sciences de l’espace à Toulouse et nous lancerions une campagne de recrutement des étudiants sur tous les continents où la France est présente. Nous y accrocherions un archipel de lycées professionnels et d’IUT, dans tout le pays, occupé a donner les formations à tous les métiers en amont de l’activité spatiale.
Au lieu de quoi nous devons regarder tristement cette vieille chose sans goût qu’est l’Union européenne tout gâcher, tout rater une fois de plus, en nous empêchant d’aller de l’avant. La quatrième mission dont le lancement était programmé en 2020, l’européenne ExoMars, a dû être reportée du fait de « problèmes techniques ». Minable. On se console en attendant de faire mieux puisque l’ingénierie française contribue aux missions chinoise et états-unienne.
Devant l’échec complet de la politique face à la crise sanitaire, on avait d’abord cru à une diversion. La lutte contre « l’islamo-gauchisme » semblait plus accessible au gouvernement que celle contre la COVID 19. À mesure que la déroute de la campagne de vaccination s’accentuait, on voyait bien le ton islamophobe monter. Mais nous observons trop de situations dans le monde où se conjuguent des coups de forces politiques avec les restrictions des libertés publiques qui accompagnent les périodes de confinements, couvre-feux et autres. Au point que l’ONU s’en alarme avec des mots qui visent aussi à l’évidence la France de Macron. Et de fait, en quelques jours, notre pays semble avoir basculé dans un moment politique qu’on semble ne savoir nommer. L’accélérateur a été cette soirée de France 2 installant le débat entre l’extrême droite traditionnelle et l’extrême droite gouvernementale et faisant comme si la lutte contre l’islam était bien le sujet central en France. D’abord imaginée comme un moyen de faire de l’audience à bon compte pour une émission en pleine déroute d’audimat, la soirée a vite dégénéré en une escalade de névroses anti-musulmanes. Avant de sombrer dans le cirage de pompe pur et dur où la chef politique de l’information, madame Saint-Cricq, félicitait madame Le Pen pour sa présidentialisation. Depuis lors toutes digues ayant cédé dans la bonne société, un véritable tourbillon se déploie.
Selon le New York Times, Macron a fait le choix de la ligne politique pratiquée par Victor Orban en Hongrie. J’ai fait ici même ce rapprochement déjà, me souvenant de ce passé récent en Europe. Victor Orban avait commencé par y être élu Premier ministre libéral avant de perdre les élections sur cette ligne. Puis il était revenu en gagnant les suivantes après un intermède social-démocrate tout aussi libéral. Mais son retour à la tête de l’État s’est fait avec un discours et une pratique qui l’unissait de fait à l’extrême droite. C’est ce scénario qui semble l’emporter en France. Ici aussi il est devenu difficile de dire ce qui distingue le RN de Macron. On avait vu des députés hongrois venir en séance dans un uniforme des milices d’extrême droite. En France on voit monsieur Darmanin accuser madame Le Pen d’être trop molle contre l’islam et celle-ci dire qu’elle aurait pu signer le livre de Darmanin. Dans ce contexte, l’offensive contre « l’islamo-gauchisme » à l’université est à la fois un appel du pied marqué à l’extrême droite et une offensive contre un milieu attaché aux libertés publiques. Après la réplique de la conférence des présidents d’université et celle du CNRS, moqueurs mais sidérés, le régime n’a pas marqué une hésitation. Il est donc vain dorénavant d’attendre un retour en arrière.
Confirmés à leurs postes et poursuivant leur « kriegspiel » universitaire, Vidal et Blanquer complètent avec ardeur le travail de Darmanin. Au départ, si l’on en croit une étude du CNRS, le concept « islamo-gauchiste » est né dans la mouvance d’extrême droite et il est surtout destiné à flétrir les insoumis. Après l’assassinat de Samuel Patty, l’appétit venant en mangeant, l’extrême droite a accentué sa pression en étendant l’accusation à un large secteur de la gauche politique et associative traditionnelle. Cent cinquante universitaires liés à la nouvelle extrême droite se prononcèrent même pour l’organisation de la chasse aux sorcières à l’université. Celle-ci était prise à revers car elle avait volontiers laissé faire et même abondé pour accentuer la possibilité d’un isolement des insoumis. Elle fut donc incluse sans pouvoir se défendre dans un filet qu’elle avait elle-même contribué à tendre. Mais la situation devient réellement trop grave pour que nous en restions à nos amertumes même face à des partis qui ont cherché avec tant de grossièreté à se débarrasser de nous.
Nous avons donc pris l’initiative de proposer une riposte commune. On peut lire sur ce blog notre lettre aux organisations politiques traditionnelles de la gauche. L’AFP en rend compte à sa façon en concluant par le « circulez, il n’y a rien à voir » du gouvernement. Comme si l’affaire était close et sans un mot sur l’ampleur des protestations qui se sont exprimées. Telle est l’information en France. Mais nous n’en sommes plus étonnés. Il faut d’ailleurs bien intégrer cette place que prend, en pleine conscience de ses actes, l’information officielle gouvernementale celle du « service public » dans la mise en place du nouveau régime. Elle complète celles des chaînes « d’information en continu » contrôlées par les amis du pouvoir. Un bloc médiatique est ainsi constitué où les respirations deviennent rares. Ce qui est certain c’est cette nouveauté advenue sous nos yeux : la confusion de la macronie et des lepénistes. Cela ne sera pas sans conséquence sur la macronie comme sur l’extrême droite. Mais les libertés et le pays vont subir une très rude épreuve. Cela va de soi.
Courrier de l’intergroupe parlementaire de La France insoumise adressé à plusieurs partis dont PS, PCF, EELV, Generation.s, GDS, GRS, NPA, POI, Lutte Ouvrière, Ensemble!…
Mesdames, Messieurs,
Comme vous, nous sommes témoins d’un évènement sans précédent dans notre pays : une ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation demande une enquête sur le contenu des recherches universitaires en sciences sociales ! La réplique de la conférence des présidents d’université, celle du CNRS, celle de centaines d’universitaires attestent l’ampleur de l’indignation !
Après tant d’autres, ce sont dorénavant les libertés académiques qui sont mises en cause. Nous avons tous compris ce que cela signifie. Avec sa campagne contre le prétendu « islamo-gauchisme », le pouvoir en place est entré dans une nouvelle phase de sa dérive autoritaire. Nos organisations l’ont toutes relevé à un moment ou à un autre, depuis les lois sur le Code du travail puis la série de celles sur la sécurité. Les libéraux qui gouvernent notre pays se placent ouvertement dans les pas du régime de Victor Orban en Hongrie. En France, les libertés publiques sont désormais en cause.
Il est indispensable de manifester une résistance déterminée à cette situation. Quelles que soient nos divergences, quand il est question de la liberté, il est possible de s’unir pour la défendre. Nos partis, comme les syndicats et les associations, toute notre histoire nous rattache à cette cause dans l’histoire et en toutes les circonstances.
C’est pour quoi nous vous proposons de nous rencontrer pour décider comment agir en commun dans le respect de chacun, mais dans la détermination à ne pas laisser aller plus loin. Évidemment, nous pourrions décider d’en confier la coordination à l’une des associations ou collectifs de défense des droits de l’homme et des libertés publiques qui accepterait de prendre la tête de cette initiative.
Nous croyons à l’urgence de cette réplique. Nous croyons à la force de son caractère collectif. Nous vous proposons de prendre contact avec Éric Coquerel, député de Seine Saint-Denis, pour établir le rendez-vous commun.
Bien à vous, avec nos salutations républicaines.
Jean-Luc Mélenchon
Président du Groupe La France insoumise à l’Assemblée
Mathilde Panot
Vice-Présidente du Groupe de La France insoumise à l’Assemblée
Manuel Bompard
Président de la Délégation insoumise au Parlement européen
Manon Aubry
Co-Présidente du groupe de la GUE au Parlement européen
La campagne présidentielle s’installe à bas bruit. Ces dernières semaines auront été pour nous l’occasion de replacer la question du programme au centre de la discussion. Nous avons édité notre première revue sur le contenu du programme au chapitre démocratie et les libertés. Puis, nous avons animé une émission en « réalité augmentée » de 3 heures entièrement occupée de débats sur des propositions concrètes. Là, c’était sur la question des institutions mais aussi de la police et de la justice. Du coup, cela a obligé d’autres candidats à sortir du bois. Tant mieux. Parler des programmes nous évitera peut-être les discussions à n’en plus finir sur l’union sans contenu et l’affrontement sur des préjugés ou des formules creuses. Je l’ai dit depuis mon lancement de campagne : je ne suis pas un candidat, je suis un programme. Et pour nous insoumis, si la dispersion est un handicap, la confusion le serait davantage encore. La clarté des positions est l’essentiel. Sinon nous ne réglerons pas le problème qui nous est posé avant tout : vaincre l’abstention. Redisons-le : la mobilisation populaire est la clef du scrutin. Elle dépend du programme.
Pour cela, encore faut-il connaître les programmes. Yannick Jadot a publié le début du sien. C’est le seul candidat à la candidature qui a le courage de s’engager sur des idées concrètes et à s’exposer d’autant. Pour l’instant, il s’agit juste de 15 mesures. Cela n’a rien à voir avec le niveau de détail et la précision de « l’Avenir en Commun », de ses quarante livrets, et les propositions de loi qui vont avec. Mais au moins peut-on discuter. J’ai donc lu les premières propositions de Yannick Jadot. Elles confirment ce que nous avons déjà pu voir de son positionnement. Il joue la carte d’une gauche compatible avec le système. Il compte sur la réactivation d’un espace social-libéral, à la manière d’un nouveau François Hollande écolo, à la faveur de la déception des électeurs socialistes et verts hier ralliés à Macron et à présent dégoûtés par l’évolution ultra droitière du Président. Le raisonnement a du sens. Cet espace existe. Car l’apologie de Pétain et de Maurras, la chasse aux musulmans et la police des idées à l’université c’est trop pour beaucoup dans ces secteurs. Bien sûr, on ne doit pas sous-estimer l’adhésion de nombre de ces gens à l’idéologie libérale.
Mais on peut aussi constater qu’une partie résiste quand même à ce qui leur paraît un prix moral trop élevé. En ce sens, la candidature Jadot sert la reconfiguration du tableau dont nous avons besoin en affaiblissant la base électorale de la macronie. Naturellement cet effet ne peut suffire à construire le résultat dont nous avons besoin pour gagner : la remobilisation positive des milieux populaires. Mais c’est à nous de nous en charger. Jadot pour grignoter les files de la macronie, nous pour remplir celle de l’action populaire. Le résultat peut suivre. Mais si les deux démarches convergent quant au résultat, pour autant elles ne peuvent pas coïncider. En effet le programme de Yannick Jadot ne permet pas la mobilisation des classes laborieuses. Au contraire. Il fonctionne comme un repoussoir.
Je ne les commenterai pas toutes ses propositions. Le moment venu, cette analyse détaillée existera. Elle se trouvera dans « Nous Sommes Pour » où est logé notre « comparateur de programmes ». Cependant, je veux m’arrêter ici sur une de ses propositions. Elle mérite qu’on alerte. Yannick Jadot propose la création d’un « revenu citoyen ». Soit. C’est à la mode. Il précise son montant : 660 euros. Que veut dire ce chiffre ? C’est 100 euros de plus que le RSA actuel. Mais c’est encore 400 euros en dessous du seuil de pauvreté. Peut-être faut-il alors compter sur le reste des allocations sociales pour faire le complément. Non. Car Yannick Jadot précise ensuite dans sa phrase comment il compte s’y prendre : « par fusion et simplification des principaux minima sociaux ». Halte-là ! Il y a danger. Dans ces conditions que propose Yannick Jadot, un revenu minimum à 660 euros qui remplacerait les minima sociaux actuels est une idée qui pourrait coûter très cher… aux pauvres ! L’allocation aux adultes handicapés, considérée comme un minima social, est aujourd’hui fixée à 902 euros. Soit 242 euros de plus que « le revenu citoyen » de Yannick Jadot. De même pour le minimum vieillesse que touchent les retraités pauvres. Il est aujourd’hui à 906 euros. Le « revenu citoyen » de Yannick Jadot est donc une régression sociale pour ceux-là.
Peut-être y a-t-il eu une alerte dans le comité de campagne du leader de EELV. Celui-ci est donc revenu sur le sujet le 14 février. Le député européen était invité de BFMTV. La situation est alors devenue encore plus confuse. Sur le plateau, il semble perdu et bafouille. Il ne parle plus que des jeunes et des étudiants à propos de ce « revenu citoyen ». Il précise alors que les jeunes pourraient bénéficier de ce « revenu citoyen » s’ils respectent une condition qu’il n’avait jamais évoquée auparavant ni sur son site. La voici : « à condition évidemment qu’ils soient indépendants fiscalement ». Mais du reste de la population auparavant visée il n’est plus question dans cette intervention. Alors, le revenu citoyen ne concerne-t-il seulement que les jeunes ? Mystère. S’agit-il d’une maladresse ? D’un choix de mots malheureux ? Je ne le crois pas.
Yannick Jadot a lui-même expliqué être « très entouré » par toutes sortes d’experts dans tout ce qu’il fait. Le 7 février sur CNEWS il a même revendiqué « une centaine d’experts » derrière la plateforme sur laquelle on peut lire cette proposition. J’en déduis ceci : Yannick Jadot s’aligne en fait sur le projet des libéraux de tous poils : la fusion des minima sociaux et leur alignement sur un tarif unique moyen. Macron y avait pensé un temps sous le nom de « revenu universel d’activité ». Chez LR, Aurélien Pradié, jeune député a récemment proposé à son parti la création d’un tel revenu à un niveau un peu plus haut que celui de Jadot : 715 euros. La rumeur veut que l’entourage de Xavier Bertrand travaillerait aussi cette proposition. Dans le passé, elle a aussi été défendue par Manuel Valls, Nathalie Kosciuszko-Morizet ou Christine Boutin. On comprend en énumérant ces noms qu’il ne s’agit pas de partager les richesses, mais plutôt de baisser le niveau de la solidarité sociale.
Yannick Jadot ne peut pas l’ignorer. En mettant en avant cette proposition, il envoie un signal à un secteur du pays. Personnellement je ne le lui reproche pas. Les sociaux libéraux ont le droit d’avoir un candidat, et même deux. Mais je dois prévenir que je ne suis pas d’accord. Ma candidature plaide en sens inverse. Mon programme propose un « revenu de dignité ». Cela signifie hisser tout le monde au moins au niveau au-dessus du seuil de pauvreté. L’Avenir en commun l’assume : son ambition est l’éradication de la grande pauvreté dans notre pays. Bien sûr, pour faire celant il faudra partager, opérer une révolution fiscale, rétablir l’ISF, pourchasser les évadés fiscaux. Et donc assumer la rupture avec ce système. Voilà pourquoi quand Yannick Jadot affaiblit Macron en séduisant les milieux qui le soutenaient avec une forme de minima sociaux moins coûteuse il ne peut espérer mobiliser nos milieux populaires. Notre rôle est de le faire sur des propositions capables de les fédérer.
Mardi 16 février est votée à l’Assemblée nationale en première lecture le projet de loi sur le séparatisme. Les 17 députés insoumis ont voté contre, après avoir déjà présenté au début du texte une motion de rejet préalable, puis bataillé contre le gouvernement et la majorité pendant 15 jours. Le groupe parlementaire insoumis est le seul qui ai voté unanimement de la même manière. On mesurer l’ampleur de l’imposture intellectuelle contre nous qu’auront été les mois précédents. Nous étions censés être divisés sur le sujet de la laïcité. Et nous sommes le seul vote homogène de l’hémicycle.
Nous étions censés être « ambigus » d’après Olivier Faure et Anne Hidalgo. Mais nous avons été les seuls à porter la rupture avec le concordat d’Alsace Moselle après que le PS ait sombré sur le sujet. Olivier Faure avait pourtant annoncé à son de trompe que son parti défendrait l’abrogation… Les élus du coin ont mis fin à la tentative. Il est vrai que François Hollande avait prévu de placer le concordat dans la constitution. Retour à la case « capitulation sans condition » pour ce pauvre attelage. Bilan : la seule force politique clairement et ouvertement laïque, clairement opposée à l’obscurantisme macroniste, c’est « la France insoumise » et ses 17 parlementaires nationaux. Ce fut éclatant le soir de la pantomime du « service public » avec le duo Darmanin/ Le Pen. Les fauves une fois lâchés le gouvernement organisa la provocation de Trappes contre le maire Ali Rabbeh. Puis il franchit encore un seuil contre la liberté en réclamant du CNRS qu’il fasse la police politique à l’université. Stupeur ! Elle déclenche une offensive inouïe contre la liberté académique qui est une cause défendue depuis 1257 et la fondation du collège de Sorbonne. Au total, en quelques jours, ce qui a pris forme c’est un nouvel obscurantisme, organisant une police de la pensée et une chasse aux sorcières.
Maints éléments de la gauche traditionnelle ont collaboré à la confusion générale en nous accablant pendant des mois sous l’accusation « d’islamo-gauchiste ». Ils pensaient trouver là une façon commode de se débarrasser de nous dans un front commun avec la bonne société, le parti macroniste et les médias bleu brun qui nous ont harcelé sans relâche. Ils ont ainsi une responsabilité directe dans la naissance du monstre Vidal-Macron. Désormais l’accusation d’islamo-gauchisme les vise autant que nous. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu. Mais certains stratèges en chambre, ignorants des expériences du passé, croient toujours que leurs ruses de petits malins sont plus fortes que la lourde pente de l’histoire qu’ils dévalent en roue libre. Plus dure sera la chute. Hélas elle n’entrainera pas qu’eux. Il est temps de se ressaisir.
Le lundi 22 février à 21 heures, j’ai participé à une conférence numérique publique ZOOM avec le président de l’Argentine, Alberto Fernandez, et le candidat à la présidentielle brésilienne Fernando Haddad. Il s’agissait de faire le point sur les opérations de guerres politiques judiciaires (« Lawfare ») dans le monde. On sait que nous avons été à l’initiative d’un premier forum mondial « contre le lawfare » aux Philippines en défense de la sénatrice De Almeida emprisonnée depuis quatre ans sur la base de ce type d’opération « judiciaire ». Les séances suivantes de ce forum mondial sont en cours d’organisation.
Cette première avait été organisée dans la foulée de nos condamnations au tribunal de Bobigny pour rébellion contre les perquisitions aux sièges de la France insoumise et du Parti de gauche où les fichiers d’adhérents ont été saisis. Ce matin-là, « comme dans une opération contre le grand banditisme » selon le mot du président du Sénat Gérard Larcher, cent policiers et dix substituts du procureur de Paris, surgissaient sans préavis chez 17 militants et 5 sièges pour des perquisitions dont nous ne savons toujours rien deux ans après qu’elles aient eu lieu. À nos yeux il s’agit d’une opération politique destinée à fournir des éléments contre nous pour la campagne présidentielle de 2022. Rien de plus. La suite montrera ce qu’il en est. Dans ce contexte nous avons beaucoup appris dans nos contacts avec les Argentins et les Brésiliens sur les méthodes de ripostes politiques. Nous sommes prêts. Mais ce n’est pas le sujet ici. En effet le contexte a tellement changé !
Justice et police ne sont plus perçues de la même manière depuis lors. Trente deux éborgnés, cinq mutilés et deux morts sans suite judiciaire, mais 800 peines de prison ferme pour les gilets jaunes ont construit une autre perception de la police et de la justice. Et notre niveau d’information sur nos persécuteurs s’est considérablement amélioré. Non, à cet instant, après la conférence avec les Brésiliens, il s’agit plutôt de faire le point sur ce qui est advenu de l’opération « Lava Jato » au Brésil. Il faut savoir comment « la mère des Lawfare” a tourné au déshonneur des procureurs qui ont accepté de la monter. Leurs commanditaires politiques, eux, continuent tranquillement leur carrière sans être inquiétés par qui que ce soit. Au contraire. Ils viennent d’élire à la tête de la chambre des députés un homme directement impliqué dans une affaire de corruption….
Faisons donc le point. Le groupe de travail chargé de l’opération soi-disant anti-corruption nommé « Lava Jato » a été dissous par le procureur général du Brésil. Ainsi prend fin l’opération de justice qui a servi de modèle pour impliquer la justice dans les règlements de compte politique. Ce qui était présenté comme un modèle de justice est devenu depuis le plus grand scandale judiciaire de l’histoire de la justice en Amérique latine. On se souvient de ce juge brésilien Moro. Nous répétons tous son nom pour que l’infamie le suive partout où il ira et que son nom sur Google reste accolé pendant des décennies a ce lamentable traquenard. C’est lui qui a créé et mené « l’enquête » conduisant à l’invalidation de la candidature de Lula puis à son incarcération à la prison fédérale de Curitiba. Je m’y étais rendu pour témoigner à Lula notre soutien.
L’opération Moro contre Lula avait servi de modèle dans le monde pour la série des opérations d’implication de la justice contre les candidats de notre famille politique. Nous avions d’ailleurs révélé que le procureur adjoint impliqué dans les perquisitions rocambolesques à mon domicile et au siège du mouvement, Christophe Perruaux, s’était rendu au Brésil auprès du juge Moro pour une mission « d’échange des bonnes pratiques ». Le rapport de cette mission, s’il existe, n’est pas encore pas disponible quatre ans après. Comme tous les autres protagonistes de cette opération ce procureur a fait l’objet d’une promotion. Son amateurisme dans la conduite de l’affaire Tapie aurait dû l’obliger à davantage de travail de rattrapage professionnel. La conduite aberrante des perquisitions l’a prouvé et ce n’est pas moi mais ses confrères qui le disent en reconnaissant que le dossier est “vide”.
D’autant aussi que depuis lors son modèle en “bonnes pratiques” le juge Moro a été écrasé sous les preuves de ses malveillances et manipulations pour parvenir à emprisonner Lula. Mais la conséquence est que plus personne ne croit en personne au Brésil et surtout pas en la justice anti-corruption. De cette façon le juge Moro, contraint à la démission en raison de ses grossières manipulation a certes réussi à faire élire Jair Bolsonaro. Il en est même devenu aussitôt ministre « de la Justice et de la sécurité intérieure » dans le but de finir sa sale besogne. Mais il a été rattrapé par les révélations sur ses manœuvres. Et il est responsable du discrédit qui dorénavant frappe la justice brésilienne. Il faut dire qu’il y a été fort. L’inculpation de Lula s’est faites comme une grande première : pour « des actes indéterminés» et toutes sortes d’accusations qualifiées depuis de « douteuses » par les magistrats enquêteurs sur son travail.
Mais à présent la vérité est établie : Moro lui-même a organisé la construction de l’accusation contre l’ancien président. Il a organisé l’espionnage de ses avocats et donné des ordres précis pour obtenir la participation de ses collègues à la manœuvre. Ces procureurs ont été régulièrement informés par des agents de la police fédérale faisant des interceptions téléphoniques pour mettre au point les moyens de la condamnation de Lula. Ici, une chaine sans discontinuité a uni au Brésil, en seul complot de journalistes véreux, flics pourris et magistrats parjures. Tous ont menti et ourdi leur complot sciemment. Le temps qu’une autre partie des institutions judiciaires réagissent et incriminent tout ce petit monde, le mal était fait. Le mal contre Lula, contre la justice, contre le Brésil. Tout sent mauvais. Les mensonges séducteurs ne manquaient pas. Ainsi quand le juge Moro se targuait d’avoir récupéré des sommes importantes pour l’Etat. Mais il s’est bien gardé de dire que 50% des amendes qu’il décidait, notamment contre la compagnie pétrolière nationale allaient tout droit a une fondation privée dont les membres étaient les juges de cette soi-disant « opération mains propre » flanqué de plusieurs responsables d’associations non-gouvernementale bien pensantes. Cette fondation a été suspendue évidemment.
La suite des révélations sur cette maffia judiciaire et ses « bonnes pratiques » n’est pas finie. En effet les hackers s’y sont mis. Ils ont livré en 2019 des dizaines de giga octets d’informations qui ont alimenté des centaines d’articles sur cette opération de justice politique. Mais seule une très petite quantité a été exploitée. La suite arrive. Au Brésil, une partie des juges et des journalistes ainsi que diverses associations ont refusé de se joindre à l’opération. Ils ont maintenu une forme de résistance qui a permis ensuite à la vérité de faire son chemin et a Lula d’être libéré. Pour autant, toute la politique de ce pays a été profondément perturbée et le cours de son histoire a bifurqué. Les noms qui resteront sont ceux des juges politiciens comme Moro qui ont ridiculisé la justice de leur pays.
(La plupart des informations contenues sur ce sujet proviennent d’un article paru dans le New York Times sous la plume de Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire politique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (OPALC) à Sciences Po à Paris, traduit par Francis Gast)