M. Jean-Luc Mélenchon attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la situation à Haïti. Depuis plus de deux ans le peuple haïtien est en lutte pour ses droits.
Il s’agit d’une révolution citoyenne. La dérive autoritaire du président Jovenel Moïse est dénoncée par l’opposition politique, les syndicats, les mouvements de femmes, les organisations de droits humains, la conférence épiscopale et les organisations étudiantes et paysannes. Il est unanimement décrié comme corrompu, auteur avec d’autres dirigeants de détournements massifs de fonds publics ou d’emprunts internationaux, et allié aux gangs d’anciens policiers ou militaires se payant sur le dos du peuple et semant la terreur dans le pays. Les exécutions sommaires perpétrées par les gangs et autres massacres comme celui de 71 personnes en 2018 dans le quartier populaire de Saline, sont devenues la réponse habituelle du pouvoir à la colère populaire.
La situation s’est encore tendue le 7 février 2021, date d’échéance du mandat de Jovenel Moïse selon l’opposition. La cour suprême du pays lui a donné raison. Une grève générale massivement suivie a donc été organisée à cette date par une trentaine de syndicats. Les grévistes dénonçaient l’abus de pouvoir d’un président qui estime envers et contre tous dans son pays que son mandat n’est pas arrivé à échéance. Contrairement à ce que dit la constitution en vigueur, il estime que ce dernier a débuté le jour de son intronisation et non celui de son élection. Mais il a appliqué une règle différente à la durée du mandat des parlementaires et gouverne par décret depuis un an. Son acharnement à rester en place mène donc Haïti au bord de l’explosion. Au lieu de dialoguer, il prétend, sans convaincre personne, être victime d’une tentative de coup d’État. Il a donc fait arrêter un haut gradé de la police et un magistrat de la cour suprême et leurs « complices ».
L’opposition appelle elle à une présidence ce transition dévolue au juge de la cour de cassation Joseph Mécène Jean-Louis. Sa feuille de route serait l’organisation d’élections sérieuses et l’élaboration d’une nouvelle constitution dans un délai de deux ans. Moïse Jovenel promet de son côté de nouvelles élections présidentielles en octobre 2021 et une réforme constitutionnelle. Mais comment de telles consultations pourraient-elles être libres et démocratiques dans un climat de violence où les gangs sévissent et contrôlent nombre de quartiers de la capitale, et alors que la majorité de la population s’y oppose ? Ces élections sans possibilité pour les haïtiens d’exercer eu quotidien leurs droits civiques pourraient-elles être autre chose qu’un enregistrement formel de la préservation par Jovenel Moïse de son pouvoir ? Plus personne, hormis ses clientèles, ne croit le président à Haïti.
Aujourd’hui, la seule source de légitimité à laquelle s’accroche Jovenel Moïse est la « communauté internationale ». Du bout des lèvres les Nations unies semblent avoir validé le calendrier proposé par le pouvoir sous la pression des États-Unis, soutiens de longue date du président. Ce manque de prise en compte des réalités concrètes a été ressentie comme une claque. Il est pourtant crucial, en Haïti comme ailleurs, que les Nations unies ne soient pas décrédibilisées. Car, en dépit de tous ses défauts l’ONU est la seule organisation universelle garante de la sécurité collective de l’humanité. Sa crédibilité suppose ici de comprendre une situation locale décrite comme un cauchemar par la grande majorité des haïtiens. C’est ce qu’ont déjà fait plusieurs organisations internationales, comme Via Campesina, la Confédération syndicale internationale, et une centaine d’autres réunies dans la campagne Stop silence Haïti.
La France a une dette historique envers ce pays martyr et ce peuple frère. Malgré ses souffrances, le peuple haïtien a trouvé la force de fournir d’immenses intellectuels qui font honneur à la francophonie dans le monde entier. La France ne peut rester silencieuse face à une telle situation. Il lui demande de qu’il compte faire, au sein des Nations unies et dans le cadre de la relation bilatérale avec Haïti, pour aider à éviter l’explosion à laquelle ce pays est condamné si le président Moïse s’enferre dans son entêtement.
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