Étrange séquence politique. Cette semaine l’affaire de l’appel des généraux à la sédition prenait un tour nouveau avec la décision du général Lecointre de prendre des sanctions. Mais la gauche traditionnelle absente de toute action sur le sujet se vautrait encore dans le premier mai. Elle fit étalage de son impuissance à se mobiliser. Et cela au moment même où la CGT se faisait agresser en cortège par des gens criant des slogans homophobes et racistes. Une fois de plus le préfet Lallement, l’ami d’Hidalgo, a fait merveille sans que la maire de Paris y trouve à redire. Et sans que l’officialité de la gauche traditionnelle change d’avis sur son boycott de la marche des libertés proposée par des dizaines de personnalités impliquées dans ce combat qui ont donc choisi de contourner l’obstacle des appareils de ces partis.
Présent à Lille j’y touchais du doigt toute la médiocrité et l’hypocrisie de la samba de l’Union telle que la pratique cette gauche traditionnelle à l’agonie. Pour diluer ma présence, un beau visuel avait été confectionné par les amis de l’Union ou s’étalaient tous les noms sauf le mien. Puis ils se disputèrent entre eux et le visuel disparut. Je pris contact pour une visite de courtoisie au maire comme je le fais partout où je passe. Ici c’est Martine Aubry : « On se verra à la manif, je ne peux pas après », « ça tombe bien, je propose la veille puisque je suis sur place », « je ne peux pas non plus ». Tant pis ! C’est la vie. Et si ça se trouve c’est vrai. Surprise : son commentaire dans la presse le lendemain tout en fiel : « Le premier mai ce n’est pas la fête à Mélenchon ! On vient en soutien des travailleurs. S’il veut me voir il sait où me trouver». Sans commentaire. Et le « soutien des travailleurs » s’achève dix minutes après le départ, par une rue adjacente. Il est vrai que la fédé PS avait appelé à se mobiliser et que seul dix militants étaient présents.
Tel est dorénavant le socialisme dans le berceau du mouvement ouvrier dans le nord ! J’ai dit sans façon ma façon de voir à la délégation venue faire des photos avec moi : « Vous êtes des faux jetons ! On vous donne la tête de liste aux régionales et vous nous virez de tout accord aux départementales ! » Ceux que cela amuse peuvent en savoir plus avec « Arrêt sur images ». C’est la même comédie en PACA. Après des mois de discussion en « collectif unitaire citoyens », arrive la décision des Verts : « on ne veut pas d’Insoumis avec nous ». Tous les autres regardent la pointe de leurs souliers, prennent la part que leur accordent leurs nouveaux maitres, les Verts, et rentrent à la maison le béret à la main. Même système aux départementales. Pourtant le « danger du RN » est ici à son comble. Et ainsi de suite. Voilà ce qu’est en réalité « l’Union » pour ces gens qui en parlent sans cesse.
La vérité tout le monde la connait. Mais tout le monde fait semblant. Et surtout les rubricards à qui la partition fournit de quoi faire vivre le feuilleton. Je résume : la gauche traditionnelle des gouvernements du passé voudrait bien se retrouver ensemble comme au bon vieux temps. Pour cela, il faut reconstruire le monopole d’hier donc éliminer les Insoumis sans se faire prendre. En fait, l’élimination des Insoumis est la base de l’accord. Donc, tous les moyens de restreindre le périmètre sont bons. Nous observons. Comme je n’ai proposé ma candidature qu’une fois certain qu’il n’existait aucune possibilité de convergence, j’observe ce qui se passe a présent. Les Hauts-de-France et PACA sont des signatures politiques. Comme le sectarisme absolu des Verts sur les têtes de liste régionale et les accords à tous prix du PCF avec les socialistes. Voyez : on jure de respecter un code de bonne conduite ? Aussitôt Valérie Rabault, présidente du groupe PS à l’Assemblée, dit qu’elle ne choisit pas entre Macron et moi. Je dirai le moment venu ce qu’est devenu ce PS là depuis le début de la législature Macron.
Bref tous ces gens se donnent bien du mal pour rien. Qu’est-ce qui peut bien leur faire croire que nous n’avons pas compris qu’on ne peut rien attendre d’eux ? Quel genre de programme est possible avec eux ? On perd notre temps et rien de plus. Par contre la rencontre à Lille avec Benoit Hamon et Sandrine Rousseau montre une tout autre possibilité tant humaine que programmatique. Un tout autre axe d’action. On y travaille.
Depuis maintenant plusieurs mois nous constatons toutes et tous que le climat politique et social en France, comme partout en Europe et dans le monde est de plus en plus imprégné́ par l’extrême droite et ses idées.
Face à̀ ce climat de haine, raciste et attentatoire aux libertés individuelles et collectives, nous appelons à une réaction forte, unitaire et rassembleuse, pour réaffirmer notre combat commun contre l’extrême droite, ses idées, et toutes celles et ceux qui participent à sa propagation.
De Bolsonaro à Trump en passant par Orban et Salvini, nous assistons à une offensive raciste et réactionnaire particulièrement inquiétante pour l’avenir de la planète. En France, cette offensive raciste a pour corollaire la multiplication des politiques sécuritaires, liberticides et anti-sociales.
Ce climat ne doit rien au hasard. Le gouvernement, et ses quatre vigies Darmanin, Vidal, Blanquer et Schiappa, se chargent de l’alimenter depuis des mois. De la loi sécurité́ globale à la loi sur le séparatisme en passant par la chasse à l’islamo-gauchisme et la suppression de l’Observatoire de la laïcité́, ce quinquennat accumule les gages à destination de l’extrême droite, en reprenant ses éléments de langage mais aussi certaines de ses propositions.
Quand on souffle sur des braises incandescentes et qu’on passe son temps à̀ attiser les haines, cela a des conséquences concrètes. Cela peut même conduire au pire comme nous l’avons vu récemment avec l’attentat contre la mosquée de Bayonne.
Après l’envahissement du Conseil régional d’Occitanie par l’Action Française, le saccage d’une librairie et l’attaque de la marche lesbienne à Lyon par des identitaires, les polémiques sur le prétendu islamo-gauchisme et le prétexte de groupes de parole entre personnes discriminées pour attaquer l’UNEF ou s’en prendre à Audrey Pulvar, un cap supplémentaire vient d’être franchi.
En moins de 72h un néo-nazi voulant mener un attentat contre la mosquée du Mans a été́ arrêté́, la mosquée de Nantes a été́, elle, incendiée, et le centre culturel islamique de Rennes a été́ recouvert de tags islamophobes.
Un appel de militaires factieux, s’appuyant sur la chasse aux sorcières lancée par des membres du gouvernement, est diffusé par l’hebdo d’extrême droite Valeurs Actuelles et est soutenu par Marine Le Pen sans réaction d’Emmanuel Macron ni que gouvernement ne porte plainte devant la justice.
Nous ne pouvons accepter que celles et ceux qui subissent haine, discrimination, et injustice soient aujourd’hui accuses de racisme et jetés en pâture par l’extrême droite.
Nous n’acceptons plus que la lutte contre les actes terroristes, que nous condamnons fermement, s’accompagne d’amalgames honteux
Nous ne pouvons accepter que nous militantes et militants politiques, syndicaux, associatifs soyons montrés du doigt alors que chaque jour ce gouvernement déroule un tapis rouge à l’extrême droite avec ses Lois réactionnaires et liberticides.
Nous ne pouvons plus accepter les menaces directes qui nous sont maintenant faites.
Nous, militant-e-s politiques, associatifs, syndicalistes et personnalités de la société́ civile appelons à une grande manifestation au printemps 2021 pour dire non à̀ l’extrême droite, à ses idées qui se propagent jusqu’au gouvernement et défendre nos libertés individuelles et collectives.
Nous nous adressons aux associations, syndicats, collectifs, partis qui partagent le fond de cet appel pour qu’ils se réunissent afin d’en construire les conditions.
Les premiers soutiens
Arié Alimi, Avocat – Ariane Ascaride, Actrice – Manon Aubry, Députée Européenne (cop-présidente du groupe GUE/NGL) – Clémentine Autain, Députée (LFI) – Esther Benbassa, Sénatrice (EELV) – Ugo Bernalicis, Député (LFI) – Manu Bompard, député Européen (groupe GUE/NGL) – Taha Bouhafs, Journaliste (Le Média) – Julia Cagé, Économiste – Anthony Caillé, syndicaliste CGT-Police – Émilie Cariou, Députée (Nouveaux Démocrates) – Majdi Chaarana, Trésorier de l’UNEF – Éric Coquerel, Député (LFI) – Alexis Corbiere, Député (LFI) – Esther Cyna, Enseignante à l’Université Sorbonne-Nouvelle – Françoise Davisse, Réalisatrice – Pascal Debay, Responsable confédéral du collectif contre l’extrême droite pour la CGT – Laurence De Cock, Historienne – Joséphine Delpeyrat, Porte-parole de Génération.s – Jean-Marc Devauchelle, Secrétaire général fédération SUD Santé Sociaux – Alma Dufour, chargée de campagne aux amis de la terre – Mathieu Delvaminck, Président de l’UNL – Rokhaya Diallo, Journaliste et réalisatrice – David Dufresne, Cinéaste et écrivain – Jean-Baptiste Eyraud, Porte-parole du DAL – Éric Fassin, Sociologue et anthropologue – Elsa Faucillon, Députée (PCF) – Caroline Fiat, Députée (LFI) – Aurélie Filippetti, Autrice et ancienne Ministre de la Culture – Gérard Filoche, Porte-parole de GDS – Léa Filoche, Conseillère de Paris (Génération.s) – Bruno Gaccio, Journaliste – Khaled Gaiji, Président des Amis de la Terre France – Denis Gravouil, Secrétaire Général CGT spectacle – Benoit Hamon, Fondateur de Génération.s et ancien ministre – Cédric Herrou, Militant pour l’aide aux migrants – Julien Hezard, Secrétaire général de l’UD CGT Meurthe et Moselle – Pierre Jacquemain, Journaliste (Regards) – Eddie Jacquemart, Président national de la CNL – Bastien Lachaud, Député (LFI) – Aurore Lalucq, Députée européenne (Place Publique) – Mathilde Larrère, Historienne des Révolutions – Michel Larrive, Député (LFI) – Yvan Le Bolloc’h, Acteur – Claire Lejeune, co-fondatrice de Résilience Commune – Benjamin Lucas, coordinateur national de Génération.s – Mélanie Luce, Présidente de l’UNEF – Corinne Masiero, Comédienne – Caroline Mécary, avocate – Jean Luc Mélenchon, Député, Président du groupe LFI – Sébastien Menesplier, Secrétaire général de la FNME CGT – Bénédicte Monville, Co fondatrice de PEPS – Danièle Obono, Députée (LFI) – Younous Omarjee, Député européen (LFI) – Mathilde Panot, Députée, co-présidente du groupe LFI – Gilles Péret, Réalisateur – Éric Piolle, Maire de Grenoble (EELV) – Ugo Palheta, sociologue (Université de Lille) – Stéphane Peu, Député (PCF) – Jean Louis Peyren, syndicaliste CGT Sanofi – Jean-François Pellissier, Porte-parole d’Ensemble – Thomas Piketty, Économiste – Pablo Pillaud-Vivien, Journaliste (Regards) – Natacha Pommet, Secrétaire générale de la Fédération Cgt des Services publics – Thomas Portes, Porte-parole de Génération.s – Paul Poulain, Membre fondateur d’Emancipation Collective – Philippe Poutou, Porte-Parole du NPA, Loïc Prud’homme, Député (LFI) – Adrien Quatennens, Député (LFI) – Gaël Quirante, secrétaire départemental Sud PTT 92 – Raphaëlle Rémy-Leleu, Conseillère de Paris (EELV) – Ali Rabeh, Maire de Trappes (78) – Muriel Ressiguier, Députée (LFI) – Sandrine Rousseau, Économiste (EELV) – Sabine Rubin, Députée (LFI) – François Ruffin, Député (LFI) – Jean-Chrisophe Sellin, Conseiller régional Occitanie (coordinateur du PG) – Danielle Simonnet, conseillère de Paris (LFI) – Aïssata Seck, Présidente de l’association pour l’histoire des tirailleurs sénégalais – Anthony Smith, syndicaliste CGT inspection du travail – Mireille Stivala, Secrétaire générale de la Fédération Cgt de la Santé et de l’Action sociale – Aurélien Taché, Députée (Nouveaux Démocrates) – Azzedine Taibi Maire de stains (PCF) – Sophie Taillé-Polian, Sénatrice (Génération.s) – Baptiste Talbot, Coordinateur de la CGT Fonction publique – Fabien Villedieu, Syndicaliste SUD Rail – Emmanuel Vire, Secrétaire général du syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT)
Il s’en est fallu de peu que l’appel à la sédition des généraux à la retraite passe sans heurts ni commentaires. Sans doute leurs auteurs y comptaient-ils. Ils savaient bien quant à eux quel seuil ils franchissaient. Et quel signal ils envoyaient ainsi à ceux des militaires à la retraite ou d’active qui recevraient le spectacle de cette démonstration de force sans résistance. Alerté, je pris l’initiative d’un tweet bientôt suivi par quelques maigres mais courageux renforts. La gauche traditionnelle se taisait. En début de semaine suivante sont arrivés Fabien Roussel et la CGT. J’étais bien décidé à ne pas en rester là. Les deux groupes parlementaires insoumis demandaient un rebond vigoureux sur le sujet. J’ai donc tenu une conférence de presse le lundi lendemain de mon retour de Bolivie.
Une autre dynamique s’est alors enclenchée. Les sanctions décidées par le général Lecointre, chef d’état-major des Armées fut un point d’orgue à l’honneur de l’Armée républicaine. Ni le président chef des armées ni le Garde des sceaux ne dirent mot. Pire : saisi par les chefs de délégations insoumises au Parlement européen et à l’Assemblée nationale, le procureur nommé par Macron, l’ex socialiste Remy Heitz refuse de poursuivre les auteurs de l’appel a l’insurrection. Rémi Heitz, procureur de la République, blanchit les généraux factieux de Valeurs Actuelles. Il leur donne un laisser-passer. Sa décision engage son supérieur hiérachique, le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti et celui qui l’a nommé à ce poste, Emmanuel Macron. Dans un courrier lapidaire, il répond par un classement sans suite au signalement que nous lui avions adressé avec ma vice-présidente Mathilde Panot, la co-présidente du groupe GUE au Parlement européen Manon Aubry et le président de la délégation insoumise au Parlement européen Manuel Bompard. Nous l’avions fait au nom de l’article 40 du code de procédure pénale. Il nous oblige en tant qu’autorité constituée à informer le procureur quand nous avons connaissance de la commission d’un crime ou d’un délit.
C’est bien le cas ici. La tribune dans laquelle des militaires appellent ouvertement à une action autonome de l’armée sur le sol national et contre des Français contient plusieurs délits. En effet, le code pénal constitue comme tel le fait de « provoquer à la désobéissance des militaires ou des assujettis affectés à toute forme du service national ». C’est son article 413-3. Il précise d’ailleurs que cette provocation peut bien être commise « par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ». Ce délit est puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende. Mais pour Rémi Heitz, procureur de Macron, il ne s’applique pas à la tribune des militaires.
Qu’importe que ceux-ci écrivent pourtant noir sur blanc qu’ils prédisent, « si rien n’est entrepris (…) l’intervention de (leurs) camarades d’active sur le territoire national ». Il y a bien là un appel à la désobéissance. En République, ce n’est pas à un quarteron de généraux à la retraite de donner des ordres d’intervention. Cette responsabilité revient toujours au pouvoir civil et démocratique. Les militaires doivent servir et obéir. Toute discussion publique par des militaires à propos d’une intervention de l’armée sans ordre du pouvoir civil est un acte de sédition. Qui plus est sur le sol national dans le cadre d’une « guerre civile » et avec à la clé des « milliers de morts ». C’est ce qu’annonce le texte que Rémi Heitz juge sans problème. Ces généraux d’extrême droite souhaitent ni plus ni moins que l’armée français tourne ses armes contre certains Français. Voilà ce que le procureur laisse passer.
D’un point de vue légal, il pouvait s’appuyer également sur le délit de provocation prévu dans la loi du 29 juillet 1881. Le texte des séditieux en est rempli. Il provoque à la haine et la violence contre des cibles nommément citées : les « hordes de banlieue », les musulmans, les militants anti-racistes. Il menace aussi clairement de porter atteinte à la forme républicaine de l’État, ce qui est interdit par la Constitution. Là aussi, Rémi Heitz ferme les yeux, n’y voyant ni provocation à commettre une infraction, ni appel à la haine, à la discrimination ou à la violence.
On a connu le parquet de Paris moins clément. Par exemple quand il déclenchait des milliers de poursuites contre les gilets jaunes. 1000 d’entre eux ont été condamnés à de la prison ferme. Ce deux poids deux mesures est un signal. Rémi Heitz est procureur de Paris. Son rôle est de représenter les intérêts de la société. En refusant de poursuivre des militaires putschistes, il leur donne un incroyable encouragement. Sa responsabilité juridique et politique dans cette circonstance était de jouer son rôle de rempart contre les pires menaces contre la démocratie. Au lieu de cela, il s’en fait la couverture.
Nous n’allons pas en rester là. L’affaire est trop grave, trop dangereuse. Nous allons donc, comme la loi nous y autorise faire un recours contre cette décision injuste. Ce sera auprès du procureur général, Catherine Champrenault. Nous faisons donc appel de cette décision de classement sans suite sans trop d’espoir. En effet pas de chance, la procureure concernée par cet appel est madame Champrenault. Comme chacun sait, nous n’avons guère confiance dans ce personnage qui incarne à nos yeux mieux que personne l’instrumentalisation de la justice au profit du camp politique au pouvoir. Actuellement, elle est sous le coup d’une demande de mise en cause pour parjure, par le bureau de l’Assemblée nationale unanime. C’est elle aussi qui a envoyé le procureur Perruaux au Brésil pour une mission « d’échange des bonnes pratiques » auprès du juge fasciste Moro, depuis viré de sa fonction pour partialité dans la mise sous écrou de Lula à Curitiba… Bref. Même si c’est pour nous à l’évidence un personnage très typé politiquement on saisit de bonne foi. Notre devoir de citoyen et de parlementaire nous fait obligation de mettre de côté notre conviction que l’autorité judiciaire est à cet endroit fortement influencée par les anciens membres de la commission justice du PS sous Hollande. On verra la réponse qui nous sera faite. Quelqu’un capable de faire perquisionner de dangereux militants comme nous par cent policiers et dix substituts à 17 endroits différents doit être capable de ne pas avoir peur de militaires à la retraite.
En attendant je publie le texte intégral de la lettre de réponse du procureur Remy Heitz pour que vous puissiez vous faire vous même une idée du niveau de protection dont vous bénéficiez avec ceux qui sont chargés de vous l’assurer.
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Cour d’Appel de Paris
Parquet du Tribunal Judiciaire de Paris
Le procureur de la République
Paris, le 4 mai 2021
Messieurs les Présidents,
Madame la Vice-Présidente,
Madame la Co-Présidente,
Par lettre du 26 avril 2021, vous m’avez saisi, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure
pénale, de la publication par Valeurs Actuelles le 21 avril dernier d’une tribune signée par plusieurs généraux et militaires ayant pour titre « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants ».
J’ai fait procéder à une analyse de ce texte afin d’apprécier si les propos contenus par celui-ci étaient susceptibles de constituer une infraction pénale.
Aux termes de cet examen, il apparait qu’aucune infraction pénale n’est susceptible d’être caractérisée en l’espèce.
Ce texte ne recèle en effet pas en lui-même de provocations à commettre des infractions pas plus qu’il ne contient d’appel à la haine, à la discrimination ou à la violence. Le délit de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse que vous citez ne semble donc pas être constitué.
Le crime de provocation à des rassemblements d’insurgés et le délit de provocation à la désobéissance des militaires ou des assujettis à toute forme du service national, prévus par le code pénal, ne paraissent pas davantage pouvoir trouver à s’appliquer aux développements figurant dans cette tribune.
Si l’appréciation d’une éventuelle qualification disciplinaire des propos concernés, au regard du Code de la défense, relève des autorités compétentes, il doit être constaté qu’aucune suite judiciaire ou pénale ne peut en l’état être réservée à ceux-ci.
Je ne peux donc que procéder au classement sans suite de votre signalement.
Je vous prie d’agréer, Messieurs les présidents, Madame la présidente, madame la Vice-Présidente, l’expression de ma considération la plus distinguée.
Rémi Heitz
Nous entrons dans une ère d’incertitude écologique. Cela ne vient pas d’une incapacité à savoir ce qui va se passer mais tient à une qualité des phénomènes naturels eux-mêmes. Non seulement leurs développements se font avec des trajectoires aléatoires, mais leurs combinaisons s’opèrent sur des modes totalement nouveaux. Cela est vrai en général mais aussi en particulier. Concrètement, la planète passe d’un état écologique et climatique relativement stabilisé à un autre dont on ne sait rien pour l’instant. Cet entre-deux instable est jalonné de multiples points de bascule. Il sera ponctué d’une série de changements brusques ou d’évènements inhabituels aux durées variables.
On vient de vivre un de ces états avec l’épisode du gel au mois d’avril. Ce mois-là, le gel a été dévastateur. La quasi-totalité de l’hexagone a été touchée. Cela concerne les vignobles, les arboriculteurs comme les champs de colza. L’état des lieux précis des dégâts viendra. Mais on peut d’ores et déjà affirmer que la production agricole française reçoit un rude coup de torchon.
Le gouvernement a débloqué un plan d’urgence d’un milliard d’euros. Mettre des pansements en urgence est indispensable quand rien d’autre n’a pu être mis en place pour éviter la catastrophe. Mais il faut désormais penser le changement car les aléas climatiques se multiplient. Le terme d’ « aléas » illustre à lui seul la notion d’incertitude.
Il faut d’abord comprendre comment c’est arrivé. Les savoirs anciens sont eux aussi affaiblis par les perturbations à l’œuvre car les points de repères basés sur les cycles naturels se détraquent. Certes le dicton nous informe : « En avril, ne te découvre pas d’un fil » Il exprime une réalité météorologique : en France, le gel n’est pas une anomalie. Alors ? Il n’est donc pas le problème en soi. Ce qui l’est c’est l’état de la nature qu’il mord.
De fait l’ampleur des dégâts est une conséquence du dérèglement climatique. Celui-ci accentue les effets du gel. En effet, le réchauffement climatique se traduit par des hivers plus doux. Ces températures plus clémentes ne sont pas une aubaine. Ces dernières semaines en France, il a fait particulièrement chaud. Malgré les apparences et quelques pics de froid polaire, l’hiver 2019-2020 a été le plus doux observé en France depuis… 120 ans ! 240 records ont été battus.
Or, ce réchauffement interfère avec le cycle de la végétation. L’hiver, pour résister aux aléas climatiques, une grande partie des plantes se plongent dans une forme de veille. Le terme exact est la « dormance ». La sortie de cette torpeur doit réunir deux conditions. Il faut d’abord plusieurs semaines de température assez froides. C’est l’hiver. Puis, quelques jours de températures nettement positives. C’est le retour du printemps.
Or, le réchauffement climatique agit sur deux plans. Des températures trop douces en hiver provoquent un réveil de la nature de plus en plus précoce. Les bourgeons une fois éclos sont ensuite particulièrement vulnérables aux températures négatives et au gel qui les accompagne. La catastrophe est là.
Cet épisode dévastateur est appelé à se répéter. Cela ne fait aucun doute. Notre capacité à nous nourrir est directement concernée. Une étude ayant comparé la période 1964-1990 et la période 1991-2015 en atteste. En effet, le rendement des cultures européennes a été certes été multiplié par 2,5 entre les deux périodes. Mais sur la même période, le nombre de vagues de froid en Europe a été multiplié par 14. Le nombre de sécheresses et de vagues de chaleur a été multiplié par 5. Au final, en 50 ans, les pertes de récoltes de céréales ont triplé à cause du réchauffement climatique.
À l’échelle mondiale, le changement climatique a déjà réduit de 21 % la production agricole par rapport à ce qu’elle aurait été sans réchauffement. Nous devons donc prendre le sujet au sérieux. Il s’agit de lutter sur deux plans. De manière évidente, chaque dixième de degré compte. Les scientifiques du GIEC en ont fait la démonstration. La bifurcation écologique de l’économie est donc nécessaire pour ne pas aggraver la situation. Une modification en profondeur du modèle agricole doit contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre dont il est responsable.
Mais il faut aussi s’adapter à la part d’irréversible. La Science joue un rôle clé pour éclairer la décision politique. En effet, les conditions climatiques et écologiques évoluent. Les cultures doivent donc être adaptées à celles-ci. Nous avons besoin de tirer le meilleur parti des savoir-faire anciens et des connaissances scientifiques actuelles. Il faut identifier et planter des variétés plus résistantes aux variations de températures ou moins gourmandes en eau. Il faut aussi adapter au goût du jour des méthodes d’irrigation aussi traditionnelle que simple: l’irrigation gravitaire. Ce sont des composantes de l’agriculture écologique et paysanne.
Surtout, planifier signifie prévoir. Ces aléas climatiques peuvent l’être. Les anticiper doit permettre aux agriculteurs de faire face le moment venu. Là encore, la Science joue un rôle majeur. C’est le rôle de Météo France. Notre champion national dispose d’un pôle d’agrométéorologie pour cela. Mais il est maltraité depuis des années. La moitié des centres départementaux ont été fermés en 10 ans. Depuis 2012, 20% des effectifs (en équivalents temps plein) ont été supprimés. Tout le monde comprend comment cela nuit aux prévisions. Au bout du compte c’est la souveraineté alimentaire du pays qui est mise à mal.
Ces dernières semaines, notre fil conducteur a été la question écologique. Cela s’est entre autres choses concrétisé par la publication d’un cahier programmatique sur le concept clé de planification écologique. Ce numéro de notre revue du programme s’est bien vendu. Un bon signe après le succès de celui qui précédait sur les instituions. Le thème de l’eau a été mis en avant pour illustrer la centralité de la question sociale dans notre vision de l’écologie. Pour cela, nous avons réalisé pas moins de deux performances : une votation citoyenne pour l’inscription du droit à l’eau dans la Constitution et un meeting en réalité augmentée. Sans compter deux tribunes publiées pour accompagner mon déplacement en Bolivie. Je ne reviens pas dessus.
Nous entrons à présent dans une nouvelle séquence. Celle-ci sera construite autour du thème du progrès social et humain. La question de l’emploi y occupe une place centrale. Mais nous n’abandonnons pas la question écologique pour autant. Au contraire, les deux sont désormais bien liés dans notre discours et nos combats. En effet, pour opérer la modification en profondeur de nos façons de produire, d’échanger et de consommer, nous avons besoin de mettre en mouvement toutes les forces productives et leurs qualifications de haut niveau de notre pays.
Mais cette bifurcation écologique ne pourra se faire sans un appareil industriel puissant. Pourtant, face aux batailles à mener, le président Macron est l’organisateur de la défaite. Dans la loi Climat, il refuse obstinément la régulation par l’État. Au sommet Climat de Biden, il accorde sa préférence au verdissement de la finance. Sur le terrain il reste un homme de la finance aveuglé par la foi dans la main positive du marché et de ses appétits. Le résultat s’étale sous nos yeux : c’est le démantèlement à bas bruit de l’industrie française. La situation actuelle de deux entreprises illustre la nullité pour le pays d’une telle ligne de gouvernement. Celles-ci sont en péril. Que fait le gouvernement ? Rien. Pourtant, elles démontrent qu’Industrie et Écologie peuvent être tout à fait complémentaires.
La papeterie de la Chapelle-Darblay
La papeterie de la Chapelle-Darblay est la seule usine française à produire du papier journal 100 % recyclé. Ou plutôt était. Car elle est à vendre et elle sera démantelée le 15 juin si elle ne trouve pas de repreneur. Son propriétaire finlandais, le groupe UPM, l’a rachetée en 2019 mais veut déjà s’en débarrasser.
Depuis un an, les appels à sauver le site se multiplient. Nous avions déjà alerté sur le sort de cette usine en juillet 2020. Le plan de déconfinement économique produit par le groupe des députés insoumis à l’Assemblée nationale l’évoquait comme un incontournable pour planifier la relocalisation de la filière bois et papier.
Cette fois, c’est au collectif Plus jamais ça de tirer la sonnette d’alarme. Ce collectif regroupe Attac France, la CGT, la Confédération paysanne, Droit au logement, la FSU, Greenpeace France, Les Amis de la Terre, Oxfam France et l’Union syndicale Solidaires. Je me fais le relai des argumentaires de leur tribune publiée le 27 avril 2021 sur Reporterre.
L’usine est à l’arrêt depuis un an. Sans intervention de l’État, c’est toujours la même logique à l’œuvre : les actionnaires préfèrent investir dans des usines à l’autre bout du monde afin d’abaisser les coûts. Cette fois, le groupe UPM veut délocaliser la production en Amérique latine pour réaliser plus de profits. Au lieu de recycler du papier usagé, il souhaiterait produire du papier à base d’eucalyptus.
C’est une catastrophe sur le plan social et sur le plan écologique. D’une part, cela aggraverait la déforestation par une pratique de monoculture intensive, et augmenterait les émissions de gaz à effet de serre. D’autre part, 215 emplois directs et 567 emplois indirects en France sont menacés par cette logique.
Pourtant, cette usine à tous les avantages. Ses salariés disposent d’un savoir-faire unique de production de papier recyclé. 350 000 tonnes de déchets de papier étaient récupérées chaque année. Cela représente l’équivalent du geste de tri de 24 millions de personnes. Le site dispose par ailleurs d’une station d’épuration pour traiter sur place les eaux usées. Elle dispose aussi d’un accès direct à la Seine et d’un raccordement au rail. Ce fleuron industriel dégageait encore 16 millions d’euros de bénéfices en 2019.
Cette entreprise est un atout majeur de la bifurcation écologique. Plusieurs repreneurs se seraient manifestés. Mais certains d’entre eux lorgnent sur une petite partie seulement de l’activité. Cela nuirait à la cohérence de l’ensemble. D’autres ne seraient pas des investisseurs aux plans de financement crédibles. Au contraire, l’intégralité des activités doit être maintenue sur le site et faire l’objet d’investissements adéquats. L’État dispose des moyens juridiques et financiers pour cela. Qu’attend le gouvernement ?
L’entreprise Photowatt
Photowatt est pionnière de la fabrication de cellules et modules pour panneaux solaires. Elle a été créée en 1979. Il s’agit aujourd’hui du dernier fabricant français de panneaux photovoltaïques. C’est aussi l’une des rares entreprises en Europe dans ce secteur. Elle emploie 215 salariés. Une cinquantaine d’emploi en sous-traitance en dépend également.
Depuis 2012, EDF est l’actionnaire majoritaire de Photowatt. Cette entreprise aurait dû être un atout majeur au service du plan solaire d’EDF lancé en 2017. Il s’agissait alors de faire d’EDF le leader du photovoltaïque en France avec 30% de parts de marché à l’horizon 2035 et l’un des leaders du solaire dans le monde.
Pourtant, EDF semble avoir progressivement réuni toutes les conditions de l’affaiblissement de sa filiale. En 2018, elle a décidé de ne plus maintenir en France que la production de plaques de silicium. L’assemblage des panneaux a été délocalisé en Chine. Mais cela ne s’arrête pas là. Depuis le mois d’avril 2020, EDF a gelé les investissements qui auraient permis le retour à l’équilibre de sa filiale.
Pour finir, en juillet 2020, EDF n’a pas inclus les panneaux Photowatt dans ses dossiers déposés lors de la dernière période des appels d’offre. Cela signifie qu’elle ne souhaite plus acheter les panneaux de sa propre filiale. Désormais, elle préfère passer commande auprès de fournisseurs étrangers. Pourtant, Photowatt est capable de produire des panneaux moins polluants.
EDF cherche aujourd’hui à céder sa filiale. Pourtant, la France n’atteint pas ses propres objectifs en matière d’énergies renouvelables. Cela apparaît donc totalement contradictoire avec les enjeux de bifurcation écologique et les objectifs français de transition énergétique. Par ailleurs, l’atteinte du 100% énergies renouvelables ne peut passer outre l’impératif de relocalisation et de souveraineté. Pour l’heure, l’essentiel de la production mondiale provient de Chine. L’abandon de Photowatt dessert clairement les intérêts français.
La défense d’un pôle public de l’énergie et de chacune de ses composantes s’impose. Au lieu de cela, le gouvernement participe du morcellement et de l’abandon de nos industries à la concurrence internationale la plus féroce. Il est urgent de défendre une véritable stratégie industrielle française au service d’une transition énergétique exigeante. Photowatt a conservé tout le savoir-faire pour produire des panneaux solaires de qualité. Des investissements et une intervention de l’État sont donc urgents.